C. DEUX AXES PRIORITAIRES
1. Encourager l'application des accords de Minsk
D'abord, dans la poursuite des efforts que la France mène, dans le cadre du format Normandie, faire appliquer les accords de Minsk et obtenir le règlement de la crise en Ukraine .
Ce n'est pas une chose aisée. Certes, depuis septembre dernier, la situation s'est améliorée sur le terrain et le cessez-le-feu est enfin respecté.
Mais l'accord est ressenti comme déséquilibré par les Ukrainiens qui, de ce fait, manifestent un empressement mesuré et se divisent sur la mise en oeuvre de son volet institutionnel, lequel suppose la reconnaissance d'un statut spécial pour le Donbass.
De l'autre côté, une partie des responsables du Donbass ne souhaite pas vraiment l'application des accords de Minsk.
La révision constitutionnelle est en cours, mais nécessite encore d'être votée en deuxième lecture à la majorité qualifiée, qui est loin d'être acquise.
Par ailleurs, le statut spécial ne peut entrer en vigueur qu'à l'issue du déroulement des élections dans les territoires contrôlées par les séparatistes, qui ont été reportées et n'interviendront donc pas le 25 octobre, date de les élections locales dans le reste de l'Ukraine, en raison de la nécessité d'élaborer préalablement une loi électorale spécifique pour les élections dans le Donbass.
La France doit continuer à faire pression pour que ce volet institutionnel soit mis en oeuvre afin que le cessez-le-feu ne vole pas en éclat.
Dans le suivi que nous exerçons, il importe de nous montrer objectifs et impartiaux et nous efforcer de mesurer les efforts accomplis par chacun. La France doit avoir une approche équilibrée et la manifester publiquement, afin de ne pas nourrir le ressentiment de l'une ou l'autre des parties.
Le calendrier des accords vient d'être prolongé lors du récent sommet du 2 octobre 2015 en format de Normandie.
Aussi la France devrait-elle faire savoir dès à présent qu'elle souhaite une levée graduelle des sanctions si le cessez-le-feu est respecté et si les élections se déroulent conformément aux engagements , à commencer par les sanctions diplomatiques et les sanctions visant des personnes non directement liées aux événements en Ukraine, qui sont ressenties comme les plus humiliantes.
2. Initier une conférence sur la sécurité et le développement économique en Europe
La France devrait également prendre l'initiative d'un dialogue renouvelé avec la Russie sur les questions de sécurité et de développement économique en Europe .
Il permettrait d'aborder un certain nombre de préoccupations communes et nous permettrait de renouer avec une approche pan-européenne que nous partageons de longue date avec la Russie.
Ce dialogue, qui pourrait prendre la forme d'une conférence internationale sur le modèle de celle qui avait débouché en 1975 sur la signature de l'Acte final d'Helsinki , serait une façon de nous redonner une perspective politique commune , à l'heure où le dialogue Russie-UE est difficile.
Dans ce cadre pourraient être abordés avec la Russie des sujets d'intérêt commun en Europe tels que le rétablissement du contrôle des armements et des mesures de confiance, les relations avec le voisinage partagé, les conflits gelés, les systèmes de défense anti-missiles, la situation des populations russophones.
La question de l'opportunité, pour l'Ukraine, de s'inspirer éventuellement d'un statut de neutralité à l'égard des organisations militaires , à l'image de celui qui a permis à l'Autriche de retrouver son indépendance en pleine Guerre froide ( cf. annexe 2 ), pourrait être discutée.
Les questions économiques , notamment le développement économique de l'Europe orientale et les questions énergétiques, devraient également être à l'ordre du jour de ce dialogue, sans oublier les échanges humains afin d'encourager les contacts entre sociétés civiles.
Cette conférence pourrait s'appuyer sur l'OSCE , instance paneuropéenne reconnue par la Russie et qui est revenue récemment au premier plan du fait de son implication dans la gestion du conflit ukrainien.
L'Allemagne et la France auraient, bien sûr, un rôle moteur dans ce dialogue, mais il importe aussi d'y impliquer dans la mesure du possible la Pologne, qui a un rôle essentiel à jouer pour désamorcer les tensions entre la Russie et les pays d'Europe orientale . Une détente russo-polonaise a été possible il y a quelques années, nous espérons qu'elle puisse reprendre, tout en en mesurant pleinement la difficulté.
Enfin, nous souhaitons que ce dialogue, qui durerait quelques années, puisse se traduire par un accord semblable à l'Acte final d'Helsinki permettant de sceller nos engagements mutuels et de réaffirmer notre attachement commun à la paix et à un certain nombre de grands principes indispensables à notre sécurité commune comme l'inviolabilité des frontières en Europe.