TRAVAUX DE LA COMMISSION : AUDITION POUR SUITE À DONNER
Réunie le mercredi 30 septembre 2015, sous la présidence de M. Charles Guené, vice-président, la commission des finances a procédé à une audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur l'autonomie financière des universités .
M. Charles Guené , président . - Je vous souhaite à toutes et tous la bienvenue dans la salle de la commission des finances. Après les enjeux et les leviers de la maîtrise de la masse salariale de l'État et les aides personnelles au logement, nous sommes, de nouveau, réunis pendant la session extraordinaire pour une audition organisée à la suite de la remise par la Cour des comptes d'une enquête que nous lui avions confiée, et qui concerne le bilan de l'autonomie financière des universités.
La commission des finances a demandé cette enquête en application du paragraphe 2 de l'article 58 de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), huit ans après l'adoption de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités.
La présente audition vise ainsi à restituer les résultats de cette enquête, en entendant la Cour des comptes sur ses observations et recommandations ainsi que les réactions des représentants du ministère chargé de l'enseignement supérieur et de la Conférence des présidents d'université.
Nous accueillons Jacques Grosperrin, en sa qualité de rapporteur pour avis de la mission « Recherche et enseignement supérieur », pour la partie enseignement supérieur, au nom de la commission de la culture.
Pour cette réunion ouverte à la presse, Philippe Adnot, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ouvrira la discussion, en rappelant les raisons ayant guidé la commande de cette enquête et en présentant ses premiers constats. La parole sera ensuite donnée à Sophie Moati, présidente de la troisième chambre de la Cour des comptes, qui nous développera les principaux enseignements de cette enquête et réagira peut-être aux remarques de Philippe Adnot. Puis, après que le rapporteur spécial aura posé ses questions, seront invités à s'exprimer à leur tour Simone Bonnafous, directrice générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle, et Brice Lannaud, chef du service des personnels enseignants de l'enseignement supérieur et de la recherche, adjoint à la directrice générale des ressources humaines, ainsi que Jean-Loup Salzmann, président de la Conférence des présidents d'université.
Bien entendu, la présidente Sophie Moati pourra également intervenir si elle le souhaite. Le débat s'ouvrira alors avec l'ensemble des commissaires. Enfin, à l'issue de l'audition, je demanderai aux membres de la commission des finances leur accord pour publier l'enquête remise par la Cour des comptes.
M. Philippe Adnot , rapporteur spécial . - En préambule, je souhaite souligner l'excellent travail réalisé par la Cour des comptes, le rapport regorgeant d'enseignements. Je regrette d'ailleurs les « fuites » dans la presse qui privent nos collègues d'une primauté de l'information qui leur était pourtant, en principe, réservée. Ceux qui ont choisi d'anticiper la publication de l'enquête se privent toutefois de l'intérêt de cette audition au cours de laquelle les différents points de vue auront l'occasion de s'exprimer.
Dans ce rapport de la Cour des comptes, chacun pourra trouver ce qu'il souhaite, soit pour se réjouir soit pour critiquer le passage à l'autonomie. À mon sens, cette réforme n'a pas été jusqu'au bout, comme nous le verrons dans les domaines des ressources humaines et dans l'affectation des moyens. Les universités n'ont actuellement que deux variables d'ajustement possibles : utiliser les emplois non pourvus pour équilibrer leurs budgets et réduire leurs moyens dans le domaine de l'investissement immobilier, au risque de créer des situations plus difficiles pour l'avenir.
Huit ans après l'adoption de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (loi « LRU »), toutes les universités sont désormais passées aux responsabilités et compétences élargies (RCE).
Entretemps, la loi du 22 juillet 2013 sur l'enseignement supérieur et la recherche a été adoptée et de nombreux travaux ont également été réalisés au sujet de l'autonomie des universités. Ainsi en est-il notamment de ceux que j'ai rédigés avec des collègues de la commission de la culture, Jean-Léonce Dupont, sur la dévolution du patrimoine immobilier et Dominique Gillot, sur les sources de financement des universités, ainsi que du rapport de mars 2013 sur la mise en oeuvre de la loi LRU de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.
L'objectif de cette commande de la commission des finances était d'obtenir une analyse complète des conséquences de la mise en oeuvre des nouvelles responsabilités et compétences financières dont disposent les universités. L'enquête réalisée par la Cour des comptes se situe dans la continuité des nombreux travaux qu'elle a déjà réalisés au cours des dernières années, en particulier dans le cadre de ses contrôles des comptes et de la gestion des universités. J'en tire pour ma part cinq constats principaux.
Premièrement, la situation financière des universités est « globalement satisfaisante ». Toutefois, de fortes disparités entre les établissements existent et « la question d'un bon niveau de financement de leurs investissement se trouve être posée ». La Cour des comptes révèle notamment qu'un « éventuel sous-investissement, notamment dans l'entretien du parc immobilier, ne peut [...] se résumer à celle du financement ».
Deuxièmement, les dépenses de personnel constituent une part toujours plus importante du budget des universités. Parallèlement, leur dépendance au financement public, et plus spécifiquement à la subvention pour charges de service public, reste très élevée. En conséquence, la marge de manoeuvre financière des universités paraît limitée.
Troisièmement, l'autonomie a permis de moderniser la gestion des universités mais elle reste imparfaite et mérite d'être renforcée, tant s'agissant des ressources humaines que de l'immobilier.
Quatrièmement, les méthodes d'allocation des moyens aux universités ne sont plus adaptées et les universités ne disposent pas d'une vision suffisante à moyen et long terme de leurs ressources et de leurs dépenses.
Enfin, l'État n'a que très tardivement pris la mesure du suivi du passage à l'autonomie des établissements et rénové ses méthodes de pilotage pour en tenir compte.
Pour cette enquête, la Cour des comptes a d'ailleurs réalisé un très important travail de collecte et de centralisation des données financières et comptables de l'ensemble des universités sur les sept dernières années. Je me félicite également des progrès du ministère chargé de l'enseignement supérieur qui est désormais capable de fournir des tableaux retraçant les versements de subventions pour charges de service public opérés pour chaque université. Toutefois, les modalités de financement des établissements restent complexes dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la recherche, comme nous avons pu le voir, juste avant cette audition, à l'occasion de l'examen du contrôle de Michel Berson sur le financement et le pilotage du projet de constitution d'un pôle scientifique et technologique « cluster » sur le plateau de Paris-Saclay.
Mme Sophie Moati, présidente de la troisième chambre de la Cour des comptes . - Je suis heureuse de venir vous présenter ce rapport et je voudrais remercier la commission des finances, et particulièrement le rapporteur spécial, Philippe Adnot, de nous avoir confié cette enquête. Il était important que nous puissions dresser un bilan de cette réforme, à l'issue du passage de l'ensemble des établissements à l'autonomie.
Lors du cadrage du périmètre des travaux, il a été convenu de ne pas établir un bilan exhaustif de l'ensemble des dispositions contenues dans la loi LRU mais de se concentrer sur l'analyse de la situation financière des universités et des mutations engendrées par leurs nouvelles responsabilités en termes de pilotage des établissements, de gestion des ressources humaines et du patrimoine immobilier.
Du point de vue de la méthode retenue pour réaliser cette enquête, la Cour des comptes a organisé une vaste remontée des données financières en interrogeant directement les comptables, les ministères de tutelle ne disposant pas d'informations fiables sur la situation des universités. Cet exercice a concerné plus de 80 établissements pour les années 2008 à 2014, correspondant à plus de 500 comptes financiers analysés. En parallèle, la Cour des comptes a mené une instruction spécifique auprès d'un échantillon de neuf universités, ainsi qu'auprès de trois universités ayant bénéficié de la dévolution du patrimoine immobilier. Nous avons également utilisé nos contrôles organiques et interrogé les administrations centrales.
Premier constat de la Cour des comptes, l'autonomie a été un facteur décisif de modernisation de la gestion des universités, dans tous les domaines : organisation du pilotage général de l'établissement, professionnalisation de la gestion des ressources humaines, meilleure connaissance du parc et prise de conscience des enjeux de gestion du patrimoine immobilier. Bien sûr, la situation n'est pas homogène entre établissements et certains ont encore devant eux d'importantes marges de progression. Sur ce sujet, la Cour des comptes formule plusieurs recommandations : l'amélioration du fonctionnement des conseils d'administration, notamment par l'institution de comités spécialisés d'audit créés en leur sein, la mise en place de contrats d'objectifs et de moyens entre les universités et chacune de leurs composantes, et l'érection en priorité de la mise à niveau des systèmes d'information. Ce sont les recommandations n° s 7, 8 et 12 de l'enquête.
Deuxième constat de la Cour des comptes, la situation financière des établissements apparaît globalement satisfaisante à l'issue de l'exercice 2014.
Je voudrais tout d'abord faire deux remarques. Premièrement, l'État a accompagné budgétairement cette réforme avec les crédits du programme 150 qui ont augmenté de 12,7 % entre 2008 et 2013, contre 7,3 % pour le budget général de l'État. Deuxièmement, l'analyse financière effectuée à partir des comptes des universités ne prend pas en compte l'ensemble des flux financiers du secteur, certains d'entre eux étant attribués à des structures périphériques des universités.
De façon générale, après une phase de dégradation des principaux indicateurs à partir de 2010, la situation financière du secteur s'est redressée depuis 2013. Les universités dégagent ensemble un excédent de l'ordre de 200 millions d'euros par an et disposent aujourd'hui de fonds de roulement (1,5 milliard d'euros) et de niveaux de trésorerie (2,2 milliards d'euros) qui excèdent les règles de prudence et les nécessités de la gestion. La Cour des comptes recommande donc de fixer des règles prudentielles de gestion adaptées aux contraintes réelles des universités (recommandation n° 11).
En outre, depuis 2008, les universités n'ont pas mobilisé significativement leurs fonds de roulement pour financer leurs dépenses d'investissement, la subvention et la capacité d'autofinancement (CAF), qui s'est reconstituée au cours de la période, ayant quasiment couvert la totalité de leurs besoins. Elles doivent donc encore améliorer leur gestion financière, afin de mieux identifier leurs marges de manoeuvre et bâtir de véritables plans de financements de leurs investissements (recommandation n° 6).
Il existe pour autant des disparités fortes entre les établissements. Certains d'entre eux présentent des fragilités structurelles, même si le nombre d'universités en difficulté financière a diminué car elles ont pris les mesures de redressement nécessaires, souvent par une rationalisation de l'organisation de la formation, la définition de seuils d'ouverture de groupe, un meilleur suivi du service des enseignants, une limitation des heures complémentaires... Pour autant, le poids des dépenses de personnel croît régulièrement et atteint un niveau élevé, correspondant à 83 % des charges, ce qui pose la question de sa soutenabilité à moyen terme.
Troisième constat de la Cour des comptes, l'autonomie des universités reste encore limitée.
Sur le plan de la gestion des ressources humaines, l'autonomie se heurtant à la gestion centrale et complexe de corps à statuts nationaux, la Cour des comptes appelle à la poursuite d'une simplification des cadres statutaires des personnels administratifs et techniques, et à l'harmonisation des modalités de gestion des différents corps (recommandation n° 3), à la clarification et la simplification des régimes indemnitaires (recommandation n° 4), ainsi qu'à la mise en oeuvre plus aisée des dispositifs d'intéressement (recommandation n° 5).
Les universités connaissent également d'autres difficultés en matière de ressources humaines. Tout d'abord, compte tenu de la priorité accordée à la gestion de la masse salariale, elles n'ont pas été en mesure de définir des politiques prévisionnelles de ressources humaines. Ensuite, en matière de régime indemnitaire, elles n'ont pas utilisé l'ensemble des nouveaux outils de la loi LRU. En revanche, paradoxalement, la Cour des comptes constate de nombreuses dérives en matière de rémunération.
Enfin, la modulation individuelle, qui ouvrait la possibilité d'augmenter le service d'enseignement des enseignants-chercheurs, n'a pas été mise en oeuvre. Le temps de travail des personnels administratifs et techniques est, par ailleurs, toujours inférieur à la durée légale de 1 607 heures. Ainsi, la recommandation n° 2 concerne la mise en conformité des obligations de service des personnels de bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniciens, de service et de santé (BIATSS) avec le décret relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail (ARTT) prévalant pour la fonction publique, et la recommandation n° 9, le contrôle par les universités du respect des obligations de service des enseignants chercheurs et la mise en oeuvre du suivi de carrière.
L'autonomie reste également limitée sur le plan de la gestion immobilière puisque l'expérience de dévolution du patrimoine n'a pas été étendue au-delà de trois universités. Cette expérience montre que des crédits immobiliers garantis sur plusieurs années fiabilisent la programmation des travaux et le bon entretien du parc immobilier.
Pour les établissements qui n'ont pas bénéficié de la dévolution, la définition d'une stratégie immobilière est restée un exercice largement virtuel, notamment en l'absence de maîtrise des conditions de financement à long terme. Cependant, le coût pour l'État d'une généralisation de la dévolution, dans les conditions de l'expérimentation actuelle, serait élevé. Dans ses recommandations n° s 10 et 13, la Cour des comptes préconise de renforcer la dimension stratégique de la politique immobilière et de la définir désormais dans le cadre de la politique de site.
Sur le plan financier, les marges de manoeuvre des universités apparaissent limitées. En effet, ces dernières sont soumises à l'obligation d'accueil et à l'objectif de réussite de tous les étudiants et n'ont donc pas la maîtrise complète de leur niveau d'activité.
En outre, les charges de personnel, en constante augmentation, représentent plus de 83 % des charges.
Enfin, la dépendance financière des universités à la subvention pour charges de service public reste très forte et leurs « ressources propres » ne dégagent pas de marges de manoeuvre significatives, les droits d'inscription représentant 2,4 % des recettes et la formation continue 2 %.
Dans ce contexte, la Cour des comptes considère, et c'est l'objet de sa première recommandation, que l'allocation des moyens aux universités doit se faire dans le cadre du contrat pluriannuel de site, appelé à devenir le cadre de référence des relations entre l'État, les regroupements et les universités. Le calcul de la dotation des établissements doit prendre en compte plusieurs éléments : l'activité et la performance en matière de formation, de recherche, d'insertion professionnelle et d'organisation, l'identification d'objectifs que le ministère souhaite soutenir et la situation financière de l'établissement.
Compte tenu de la situation des finances publiques, les universités ne peuvent pas compter uniquement sur une augmentation des dotations de l'État. Elles doivent donc utiliser l'ensemble de leurs marges de manoeuvre : amélioration de la gestion financière, mise en place de la comptabilité analytique pour améliorer la connaissance des coûts, rationalisation de l'offre de formation avec un bon formatage de leurs potentiels, et augmentation de leurs ressources propres, notamment en matière de recherche et de formation continue.
Une première étape de l'autonomie a donc été franchie. Mais elle pourrait encore être approfondie dans les domaines de la gestion des ressources humaines et du patrimoine immobilier, comme l'a déjà souligné le rapporteur spécial. À plus long terme, la dévolution des dotations des initiatives d'excellence, à l'issue des périodes probatoires, pourrait conforter les fonds propres des universités ou de leurs regroupements.
Pour conclure, concernant les « fuites » de l'enquête dans la presse, la Cour des comptes n'en est bien évidemment pas à l'origine et je crois me faire la fidèle interprète du Premier président en considérant qu'elles portent atteinte au débat public, surtout lorsqu'il s'agit des observations provisoires, et que nous les déplorons comme vous.
M. Philippe Adnot , rapporteur spécial . - Les universités connaissent des différences importantes en termes de situations financières et de contraintes budgétaires. Comment expliquer ces disparités ? Les raisons sont-elles historiques et les écarts n'ont pu être réduits au cours des années ? Les modalités d'allocation des moyens sont-elles en cause ? Le modèle de répartition des moyens, c'est-à-dire le Système de répartition des Moyens à la Performance et à l'Activité (dit « modèle SYMPA ») n'est pas appliqué et ne comprend qu'un faible montant de la subvention publique versée puisqu'il ne répartit que très peu de masse salariale.
La Cour des comptes a également souligné le montant important des fonds de roulement des universités. Il convient d'ailleurs de se réjouir du fait qu'en 2016, le Gouvernement ne devrait pas les ponctionner, une nouvelle fois, comme l'année dernière.
Selon la Cour des comptes, le rythme trimestriel de versement de la subvention pour charges de service public explique en partie les besoins en fonds de roulement négatifs. Je trouverais, pour ma part, intéressant de réfléchir dès lors à un autre rythme de versement, par exemple mensuel, les universités devant alors disposer, en échange, d'une bonne visibilité de leurs ressources à venir. Qu'en pensez-vous ? Cette suggestion vous paraît-elle pertinente ? Est-elle à l'étude ?
L'enquête de la Cour des comptes met également en évidence la faiblesse des ressources propres dont disposent les universités. Je suis, pour ma part, très favorable à leur développement alors qu'au contraire, s'agissant de la taxe d'apprentissage, elles risquent de se réduire en raison de la récente réforme opérée. En effet, Thierry Mandon lui-même, secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, a confirmé cette crainte il y a quelques jours, devant la Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (Cdefi), en indiquant, selon la presse, avoir été « surpris par la violence de l'impact de la réforme » de cette taxe. Pouvez-vous nous en dire davantage sur les conséquences de cette réforme pour les établissements d'enseignement supérieur ? À combien sont estimées les pertes de recettes pour les universités ? Des pistes sont-elles à l'étude pour « compenser » cette situation ?
Selon moi, il ne fait pas de doute, depuis longtemps, qu'il soit nécessaire de revoir notre mode d'allocation des moyens. Le récent travail de réforme de l'allocation des moyens mené par le Gouvernement a échoué. Comment sortir de cette impasse et permettre un rééquilibrage des dotations allouées ? L'augmentation de la subvention de l'État, qui permet de compenser, pour partie, les écarts par la répartition de crédits supplémentaires et sans que les dotations des universités manifestement sur-dotées soient réduites, n'est pas une solution éternelle. Que pensez-vous de la proposition de la Cour des comptes de fondre l'ensemble des dotations dans une allocation de moyens unique, le contrat pluriannuel de site étant alors retenu comme « cadre de référence » ?
En matière de gestion des ressources humaines, la Cour des comptes met en évidence un certain nombre de dérives et d'irrégularités constatées au cours de ses contrôles, notamment s'agissant du respect du temps de travail. Quelles sont vos réactions face à ces constats ? Les recommandations présentées par la Cour des comptes vous paraissent-elles aller dans le bon sens ?
S'agissant de la circulaire qui ne respecterait pas les dispositions applicables en termes de temps de travail pour les personnels non enseignants des universités, quelle est plus précisément votre analyse ? Quelles dispositions comptez-vous prendre ?
Pourquoi le dispositif d'intéressement ne fonctionne-t-il pas ? Ne constituerait-il pas un formidable outil d'attractivité pour les universités, fondé sur la performance ?
Enfin, dans le domaine immobilier, s'il convient de se réjouir pour les établissements qui disposent de la dévolution immobilière, sa généralisation aurait un coût de dotation annuelle estimé à 850 millions d'euros pour l'État. Comment avancer sur ce sujet et poursuivre ainsi l'autonomie des universités dans le domaine du patrimoine immobilier ?
Mme Simone Bonnafous, directrice générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle (DGESIP . - En propos liminaire, je tiens à souligner que je me réjouis de la publication de ce rapport. La formule du titre de l'enquête, « une réforme à poursuivre », me convient tout à fait. La réforme de l'autonomie des universités a été entamée il y a sept ans et a été approfondie par les ministres et secrétaires d'État successifs. Nous sommes d'accord avec l'idée selon laquelle le bilan de la réforme est globalement positif et qu'il convient désormais de l'approfondir et de l'améliorer.
Je confirme que la situation des établissements s'améliore. En 2008, l'État n'avait sans doute pas pris immédiatement la mesure de l'accompagnement nécessaire vers l'autonomie. Vous rendez justice à l'effort que nous fournissons depuis 2012 pour organiser un système d'accompagnement, de suivi et d'alerte, avec les recteurs. Ces derniers ne sont pas beaucoup cités dans le rapport. Or les recteurs et les contrôleurs budgétaires académiques sont des acteurs essentiels de cette amélioration.
L'État continue à accompagner les établissements. Dans cette période budgétaire difficile, l'enseignement supérieur figure parmi les secteurs préservés. Vous avez d'ailleurs mentionné, monsieur le sénateur, l'annonce par le Premier ministre de l'absence de mobilisation des fonds de roulement des établissements. Je rappelle que 800 millions d'euros ont été décaissés l'année dernière au titre du programme d'investissement d'avenir (PIA), qui ont abondé l'ensemble des sites. Environ 20 millions d'euros par an sont alloués dans les grands sites dans le cadre de l'opération « Campus ». Vous l'avez dit, madame la présidente, il y a d'un côté les moyens récurrents - qui, j'insiste, sont constants - accompagnés de 1 000 créations d'emplois par an, avec la masse salariale correspondante, et, d'un autre côté, tous les moyens apportés par le PIA et l'opération « Campus ». Cette dernière est un soutien important en matière d'immobilier.
Pour répondre au premier point sur lequel vous m'avez interrogée, la différence de moyens alloués entre établissements est d'abord une différence historique. Les plus anciens ont très souvent une dotation totale plus favorable que celle des établissements récemment créés. Vous avez également raison d'indiquer qu'il n'y a pas eu de redéploiement massif entre les établissements car le Gouvernement considère qu'il faut soutenir les universités intensives de recherche qui, certes, apparaissent mieux dotées que d'autres dans le modèle d'allocation des moyens mais qui, dans la compétition internationale, ont plutôt moins de moyens que les universités de même type. Le souci du Gouvernement est de ne pas pénaliser les universités qui sont en compétition avec les universités les mieux dotées au monde, tout en soutenant celles qui n'occupent pas la même place dans les classements mais qui, pour autant, ont besoin de moyens pour assurer leurs missions de service public. Cette question est posée depuis que le modèle d'allocation des moyens existe. Je souligne d'ailleurs que le modèle SYMPA a fonctionné : il a permis en particulier, entre 2008 et 2012, d'affecter les moyens de fonctionnement de façon très différenciée. L'augmentation des moyens de fonctionnement est allée de + 5 % à + 50 % selon les établissements. Depuis 2012, ce modèle sert essentiellement à distribuer les emplois selon les besoins des universités. Pour le reste, les dotations sont effectivement reconduites d'année en année, avec tout de même quelques augmentations tenant compte de certaines mesures liées au CAS « Pensions » ou d'autres mesures relatives aux ressources humaines. Je ne peux donc pas laisser dire qu'il n'y a absolument pas de différenciation selon les établissements.
Nous avons également regardé s'il y avait un lien entre la situation financière des établissements et leur place dans le modèle d'allocation des moyens. Il n'y a pas de corrélation. Il est possible d'être sous-doté dans le modèle tout en ayant une situation financière saine et inversement.
Concernant les versements, je souhaiterais rassurer la Cour des comptes sur la notification des moyens alloués, qui est aussi complète que possible. 97 % des moyens sont notifiés dès le début d'année. En revanche nous ne pouvons pas notifier une petite partie des moyens car ils sont attribués à la suite d'une enquête ou d'un appel d'offres, par exemple les contrats doctoraux spécifiques aux élèves des écoles normales supérieures et de l'école polytechnique. L'essentiel est de notifier les moyens le plus tôt possible et, ensuite, que le ministère des finances ne menace pas de remettre en cause les versements en fin d'exercice.
Actuellement, les versements sont effectués par trimestre. Serait-il préférable d'effectuer des versements mensuels ? Ce sera à la conférence des présidents d'université (CPU) de le dire. Je ne suis a priori pas convaincue de l'intérêt du versement mensuel car, outre la multiplicité des actes techniques pour le ministère, il n'y aurait plus de marge de trésorerie laissée aux universités. Il conviendrait d'examiner attentivement cette question avant de se lancer dans une opération qui pourrait être risquée.
S'agissant des ressources propres, on ne peut qu'être d'accord avec les constats dressés. Ces ressources ont tout de même augmenté sur la période 2012-2015. Effectivement, les recettes de taxe d'apprentissage ont baissé mais la formation continue a augmenté de 11 % sur cette période. Les contrats de recherche - en particulier de l'Agence nationale de la recherche (ANR) - ont explosé (+ 256 %) mais aussi les recettes liées à diverses prestations. Il y a des manifestations d'inquiétude très fortes s'agissant de la taxe d'apprentissage. La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale visait en effet à allouer une part plus importante de la taxe au financement de l'apprentissage lui-même par rapport à celui des équipements des formations professionnelles. Nous n'avons à ce jour que des remontées partielles : les écoles d'ingénieurs ont, pour certaines d'entre elles, fait état de chiffres très alarmants mais ce n'est pas le cas pour toutes. La notoriété de certaines grandes écoles les protège-t-elle mieux ? C'est possible mais encore trop tôt pour le dire. Le secrétaire d'État est convaincu qu'il faudra revoir ce sujet au niveau interministériel si le problème se confirme.
Pour les écoles d'ingénieurs, nous utilisons un nouveau modèle de répartition des moyens, qui remplace le modèle SYMPA, baptisé MODAL (modèle d'allocation des moyens). Nous sommes allés au bout de la réforme prônée notamment par le rapport sur le bilan consolidé des sources de financement des universités de Philippe Adnot et Dominique Gillot, au nom de la commission des finances et la commission de la culture, et par la Cour des comptes, en intégrant la masse salariale et en faisant évoluer les critères d'activité et de performance, en tenant notamment compte du fait que le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) ne note plus les équipes de recherche. Nous avons donc désormais l'expérience d'un modèle intégrant la masse salariale - ceci est techniquement faisable. Il s'agit ensuite d'un choix politique qui ne dépend pas de ma direction. Nous ne pensons pas qu'il faille absolument avoir le même modèle pour les écoles d'ingénieurs que pour les universités mais la question reste ouverte. Ensuite reste l'abondement en moyens du système pour qu'il tourne...
Faudrait-il envisager d'attribuer les moyens uniquement à travers le contrat ? Il s'agit sans doute de notre principal point de divergence avec la Cour des comptes. Je suis, à l'heure actuelle, assez réservée sur cette proposition, tout d'abord pour une raison purement technique. Cela supposerait de passer tous les contrats au même moment pour 25 sites et 240 établissements. La France est actuellement organisée en cinq vagues afin de suivre et de traiter l'ensemble des contrats. Cette réforme serait donc tout sauf simple.
Se poserait ensuite la question de notre capacité à nous engager pour allouer l'ensemble des moyens pour cinq ans alors même que le budget de l'enseignement supérieur connaît des « coups de rabot ». Aujourd'hui, les montants votés en loi de finances évoluent considérablement en cours d'année. Il s'agit d'une réalité.
Je souligne que les contrats servent aussi à beaucoup d'autres choses qu'à allouer des moyens financiers. Certains emplois sont, par exemple, alloués au titre du contrat. Le contrat est un outil politique bien autant que financier : il est utilisé par les établissements pour définir des stratégies communes mais aussi pour faire passer des messages en interne.
Hormis ce point relatif à l'allocation de moyens dans le cadre de contrats, je partage complètement les grandes lignes du rapport de la Cour des comptes.
M. Brice Lannaud, chef du service des personnels enseignants de l'enseignement supérieur et de la recherche, adjoint à la directrice générale des ressources humaines . - Vous nous interrogez sur les recommandations faites par la Cour des comptes en matière de gestion des ressources humaines. Une première recommandation nous encourage à poursuivre la simplification des cadres statutaires des personnels administratifs et techniques et des modalités de gestion de ces différents corps. Cette recommandation serait complexe à mettre en oeuvre. Les statuts des différents corps - techniques, administratifs, bibliothèques, médico-sociaux etc. - correspondent à des missions et à des métiers différents et les statuts reflètent les nécessités qui leur sont propres. De plus, plusieurs de ces corps sont interministériels, que nous partageons avec d'autres administrations : il s'agit là d'un facteur positif en termes de mobilité et de perspectives de carrière offertes aux agents, mais en contrepartie la gestion de ces corps et les modalités statutaires doivent tenir compte des besoins propres des autres administrations. C'est la difficulté sur laquelle on buterait pour aller plus loin dans l'harmonisation des cadres statutaires. Néanmoins, pour faciliter les choses pour les universités, il existe depuis deux ans une circulaire unique de gestion des ressources humaines qui s'est substituée à une dizaine de circulaires qui existaient auparavant.
En ce qui concerne la simplification des régimes indemnitaires, la mise en oeuvre du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP) va progressivement s'étendre à l'ensemble de ces corps. Les corps administratifs sont concernés depuis septembre 2015, les corps des ingénieurs et personnels techniques de recherche et de formation (ITRF) le seront au premier semestre 2016, et les personnels des bibliothèques en janvier 2017.
Vous évoquez également la recommandation relative au temps de travail des personnels BIATSS (bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniciens, de service et de santé). Il s'agit d'une question très sensible socialement. Il faut distinguer entre ce qui relève de la circulaire du ministère elle-même et de l'application qui en est faite dans les universités. Année après année, le ministère encourage les universités à relever le temps de travail des personnels BIATSS lorsque celui-ci est sensiblement inférieur à la norme réglementaire, notamment à l'occasion des discussions contractuelles. En ce qui concerne la circulaire du ministère, vous relevez qu'elle est effectivement en contradiction avec un décret et un arrêté : c'est donc naturellement ces deux derniers qui prévalent. La direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) va engager une expertise au niveau interministériel sur le sujet : nous serons donc probablement amenés à évoluer.
Vous évoquez enfin le régime de l'intéressement, aujourd'hui pratiqué par une vingtaine d'université. Le code de l'éducation prévoit que l'État a la possibilité, mais pas l'obligation, de prendre un décret pour encadrer ce régime. Depuis le début, l'État a fait le choix de ne pas prendre ce décret afin de laisser une liberté maximale aux universités. La Cour des comptes ne remet pas en cause ce choix, mais constate toutefois que paradoxalement, l'absence d'encadrement n'a pas facilité le recours à l'intéressement. Nous allons donc, en lien avec les établissements, proposer une circulaire pour faciliter son usage.
M. Jean-Loup Salzmann, président de la Conférence des présidents d'universités . - Le rapport de la Cour des comptes, très intéressant et riche, s'appuie sur des chiffres choc sur le financement des universités : 200 millions d'euros d'excédent annuel, 1,5 milliard d'euros de fonds de roulement, 2 milliards d'euros de trésorerie. Il faut d'emblée préciser deux choses. D'une part, la réglementation nous interdit d'être en déficit : chaque établissement est donc forcément en excédent. D'autre part, cette somme représente l'ensemble des capacités d'autofinancement des établissements ; elle sert à payer les investissements, surtout à un moment où l'État se désengage. Sur les huit dernières années, le montant global des fonds de roulement est resté globalement stable : ces sommes n'ont pas été accumulées mais ont servi à financer les investissements.
Les présidents des universités ont su se saisir des responsabilités et compétences élargies de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités. La Cour des comptes note bien que nous avons géré correctement nos établissements, que nous avons pris la mesure des responsabilités que l'État nous a confiées. Je pense que nous avons fait de notre mieux pour être à la hauteur. Il faut toutefois que nous allions plus loin dans l'autonomie, notamment en matière de ressources humaines, de simplification des procédures budgétaires et d'immobilier - ce dernier point est indispensable, et nous sommes extrêmement favorables à la généralisation de la dévolution du patrimoine immobilier, comme l'a prévu la loi. Il faut aussi aller plus loin dans la simplification de la masse réglementaire qui nous paralyse dans nos formations par rapport à d'autres établissements, pour lesquels les choses sont beaucoup plus simples.
Je suis en accord avec la nécessité de simplifier le système d'allocation des moyens et de lui donner des objectifs clairs. Depuis 2011-2012, ce système a été bloqué et n'a connu ni augmentation, ni diminution. Je me permets de remarquer que si le gouvernement avait pris ses responsabilités, c'est-à-dire s'il avait décidé de préserver le modèle par répartition même en l'absence de moyens supplémentaires, cela aurait été douloureux pour les établissements mais au moins le système ne serait-il pas bloqué aujourd'hui. Cette remarque nous concerne tous car nous aurions été les premiers à nous plaindre. Par ailleurs, le nombre d'étudiants ne cesse d'augmenter : 80 000 étudiants supplémentaires en 2013, 30 000 en 2014, et une prévision de 40 000 en 2015 hors doubles inscriptions. Selon le secrétaire d'État lui-même, cela fait « deux universités de plus chaque année sans financement supplémentaire ».
S'agissant de la gouvernance, celle-ci peut évidemment être améliorée. Une bonne gouvernance n'est pas une fin en soi mais c'est un bien précieux. Nous avons bien évidemment des commissions et comités spécialisés sur un certain nombre de sujets. Faut-il en faire des normes nationales ? Je n'en suis pas persuadé mais c'est à discuter.
S'agissant des contrats d'objectifs et de moyens (COM), ceux des universités comprennent parfois toutes les composantes, parfois seulement certaines. Ils sont très différents selon que les établissements sont organisés de manière « facultaire » ou centralisée.
Nous partageons bien sûr les remarques de la Cour des comptes quant à l'extrême complexité des systèmes d'information. Lorsque j'ai été nommé président d'université, l'une de mes principales frustrations fut de voir que les systèmes d'information ne pouvaient pas s'améliorer rapidement. Alors que les grandes entreprises d'Internet offrent des systèmes performants, faciles et agréables à utiliser, force est de constater que ceux proposés par l'État ne sont pas à la hauteur dans ce domaine.
En ce qui concerne les règles prudentielles et de gestion, nous pouvons certes mobiliser davantage sur nos fonds de roulement. Une récente étude de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) et de l'inspection générale des finances (IGF) a montré que globalement seuls 20 % de ces fonds de roulement étaient mobilisables. Ce montant pourrait être augmenté, ne serait-ce qu'en modifiant certaines règles comptables qui nous sont imposées et qui sont de notre point de vue absurdes - par exemple l'obligation de provisionner les congés des fonctionnaires. Un travail de simplification et d'harmonisation doit être mené avec l'État et les commissaires aux comptes au sujet de ces règles budgétaires extrêmement compliquées qui nous enserrent.
Sur la gestion financière, nous sommes bien sûr favorables à un plan d'investissement mais encore faudrait-il pouvoir compter sur les engagements de l'État. Les coups de rabot, les décisions unilatérales ou encore les nouvelles charges imposées mais non financées troublent notre vision pluriannuelle et nous obligent à aller chercher l'argent là où c'est le plus facile, c'est-à-dire dans les investissements.
Vous avez évoqué la possibilité de payer les universités en douze fois par an et non plus en quatre fois comme c'est le cas actuellement. Le paiement en quatre fois a toutefois l'avantage de sécuriser le dernier versement : plus le dernier versement est faible, plus la tentation de certains à Bercy de le faire disparaître est forte... Ce n'est pas une considération technique, mais plutôt un enseignement de l'expérience récente.
Avec 83 % des dépenses, oui, la masse salariale est importante. Il faut toutefois se rappeler que nous sommes une industrie de main d'oeuvre : nous n'avons pas de stocks, seulement de la matière grise pour enseigner à des étudiants désireux d'apprendre : c'est là notre raison d'être.
Sur la question des ressources humaines, je suis en désaccord avec Brice Lannaud : d'énormes marges de manoeuvre subsistent et il est possible de simplifier les choses. D'ailleurs nous l'avons fait pour les établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST), qui ont leur corps particulier. Et, oui, il est souhaitable de confier des compétences pleines et entières aux universités dans ce domaine. A l'heure actuelle, quand on veut donner un avertissement à un personnel BIATSS, il faut s'adresser, suivant son corps, soit au recteur, soit au ministre : vous voyez l'ampleur des simplifications qui peuvent être envisagées !
Je voudrais d'ailleurs rappeler qu'en matière de ressources humaines, nous ne sommes pas gérés par le ministère de l'enseignement supérieur mais par celui de l'éducation nationale. D'ailleurs, Brice Lannaud travaille dans un service interministériel qui dépend du ministère de l'éducation nationale.
Sur la question du patrimoine immobilier, la dévolution est prévue par la loi et je pense qu'il serait souhaitable qu'indépendamment des sommes importantes en jeu, nous puissions pleinement en disposer, pour développer une vision de long terme et en améliorer constamment la gestion.
L'accession aux responsabilités et compétences élargies dans un certain nombre de domaines nous a permis de gérer au plus près et de la meilleure façon possible l'adéquation de nos ressources et de nos besoins. La dévolution du patrimoine immobilier nous permettrait d'améliorer la fluidité de sa gestion. D'ailleurs, la CPU a fait un certain nombre de propositions à votre assemblée pour qu'en cas de vente du patrimoine immobilier des universités, la somme leur revienne au lieu d'être versée quasiment exclusivement à l'État, ce qui est totalement contreproductif. Nous disposons du troisième patrimoine immobilier de l'État et je crois que les sommes tirées des ventes de ce patrimoine depuis quatre ou cinq ans n'ont pas dépassé le million d'euros.
Concernant les méthodes d'allocation des moyens, le modèle « SYMPA » avait pour avantage d'être un système de répartition des ressources et non un système d'objectifs. Malheureusement, il est plus difficile de répartir la pénurie que des moyens supplémentaires, ce qui explique pourquoi il n'a fonctionné qu'un temps. Un bon système de répartition des moyens pourrait néanmoins être à la fois plus simple et plus incitatif. Le secrétaire d'État a annoncé qu'il n'évoluerait pas cette année : nous espérons donc que ce sera le cas l'an prochain.
Les disparités de moyens entre les universités proviennent en effet de l'histoire, du système d'allocation des moyens que je viens d'évoquer mais également de la qualité de la gestion pour chacune d'entre elles. Pour véritablement parvenir à plus d'équité dans l'allocation des ressources, il faudrait disposer d'un modèle qui s'appuie sur une connaissance précise des coûts. Nous y travaillons même si cela prend beaucoup de temps.
Quant au rôle central du contrat, je rappellerai juste que l'incitation financière des contrats de site et d'établissement ne représente que 0,2 % de nos moyens, il s'agit donc d'une incitation politique, d'une mobilisation de nos communautés, mais certainement pas d'un intéressement financier.
M. Jacques Grosperrin, rapporteur pour avis de la commission de la culture . - La Cour des comptes constate que le levier des différenciations de régimes indemnitaires n'a quasiment pas été utilisé par les universités. Pourquoi ce blocage et comment le lever ? La Cour des comptes considère également que le système actuel d'allocation des moyens aux universités n'est plus adapté au nouveau contexte. Quel serait selon vous le dispositif idéal et comment le ministère pourrait-il valoriser les gestionnaires rigoureux ? La Cour des comptes souligne les statuts des personnels encore trop nombreux, quels chantiers la direction générale des ressources humaines a-t-elle engagés pour améliorer cette situation et simplifier le dispositif actuel ? Selon quelles modalités une nouvelle étape de responsabilité en matière de ressources humaines, que la Cour des comptes appelle de ses voeux, pourrait-elle être organisée ? Enfin, quelles seraient l'ensemble des conditions nécessaires pour que les universités s'emparent pleinement de la gestion de leur patrimoine immobilier ?
M. Michel Bouvard . - Je tenais tout d'abord à rappeler que les informations qui ont été réunies pour rédiger le présent rapport n'auraient jamais pu l'être sans la réforme des juridictions financières conduite en son temps par Philippe Séguin.
Beaucoup de constats dressés par ce rapport sont connus de longue date et je les avais également relevés dans un rapport d'évaluation et de contrôle que j'avais écrit avec Alain Claeys par le passé : il y était déjà question du problème des systèmes d'information, de la faiblesse de la formation continue dans les ressources des universités... Beaucoup de ces points négatifs ont peu évolué, et c'est relativement accablant.
Se pose toujours également le problème de l'incapacité de reconstituer les financements consacrés à la recherche, et notamment la question des unités mixtes. C'est un sujet récurrent sur lequel le Parlement attire l'attention depuis des années et qui figure dans tous les questionnaires budgétaires sur l'enseignement supérieur depuis maintenant plus d'une décennie.
Je voudrais avoir des informations sur la réforme des dotations. Nous avons bien compris que l'histoire pèse, qu'il y a une nécessité d'équité mais il faut que nous arrivions à faire progresser la culture de la performance. Pour ma part, je souhaiterais faire deux propositions à la Cour des comptes et à la directrice générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle. Ne faut-il pas, dans une réforme des dotations, prendre en compte le fait qu'une université effectue des contrôles sur l'activité des enseignants-chercheurs ? Nous ne pouvons pas nous contenter de simples encouragements à atteindre le temps de travail réel, c'est insupportable pour le contribuable ! De même, lorsque les universités vont chercher des ressources propres, par exemple en développant la formation continue, qui représente seulement 2 % de leurs recettes, alors qu'elles pourraient bien davantage en bénéficier, il faut le prendre en compte dans les dotations pour inciter à la performance.
S'il est techniquement impossible de renouveler tous les contrats en même temps, ne peut-on au moins les faire converger avec un lissage dans le temps ?
Sur le patrimoine des universités, je suis partagé, en tant que rapporteur spécial sur l'immobilier de l'État, entre l'idée de faire un nouveau « trou dans la raquette », après celui consenti à la Défense, en favorisant un retour pour les universités des sommes issues des ventes de leur patrimoine immobilier et l'idée de conserver pour l'État les 50 % consacrés à son désendettement. Mais je fais le même constat que le président de la CPU. Aujourd'hui la situation est figée parce qu'il n'y pas de cessions ou très peu de cessions du patrimoine des universités par l'État. Il y a déjà un « trou dans la raquette » qui concerne Saclay : c'est moi qui ai porté l'amendement coupable, par lequel nous avons autorisé le retour des cessions immobilières aux universités concernées pour les opérations qui avaient lieu à Saclay. Désormais, je suis plutôt en faveur de ces retours immobiliers et désireux de sortir du moratoire sur la dévolution, cette sortie étant une obligation en termes de performances, même si l'on ne peut pas la donner à tout le monde.
Ultime question, Madame la directrice : en régime d'autonomie, quelle est l'utilité aujourd'hui des chancelleries des universités ?
M. Éric Doligé . - Le rapport de la Cour des comptes est très pédagogique et montre bien la direction qu'il faut emprunter. J'ai noté que Simone Bonnafous - qui m'a replongé dans la complexité du monde universitaire - évoquait régulièrement l'année 2012 comme une césure. Que s'est-il passé de spécial en 2012 pour qu'on puisse ainsi évoquer un avant et un après ?
Ma question porte sur les investissements. Vous êtes inquiets pour les investissements futurs des universités, compte tenu de la baisse à venir des dotations. Personne n'a évoqué jusqu'ici le rôle des collectivités territoriales dans le financement de certains investissements des universités. Pourtant, il est évident que les universités vont subir à la fois une baisse importante des dotations de l'État mais également des financements des collectivités territoriales. Ce sera un choc et j'ignore dans quelle mesure vous l'avez programmé.
Ma seconde question concerne la hausse du nombre des étudiants ces dernières années, hausse dont il est actuellement beaucoup question dans les médias. Là encore, qu'est-il prévu pour y faire face ? Notre système universitaire va-t-il continuer à se dégrader ?
M. Francis Delattre . - En dehors des questions de gestion des universités, je souhaiterais faire une remarque qui porte sur le Crédit impôt recherche (CIR), auquel une commission d'enquête que j'ai présidée a été récemment consacrée.
Les grands instituts publics - Centre national de la recherche scientifique (CNRS), Institut national de la recherche agronomique (INRA) par exemple - se sont engagés dans des partenariats avec les entreprises au titre du CIR et récupèrent de ce fait environ 500 millions d'euros à travers ces projets. Dans le cas des universités, les partenariats demeurent encore très insuffisants et, surtout, très disparates.
À Nice, par exemple, il n'existe quasiment pas de partenariats entre les universités et les entreprises, alors que la région compte pourtant deux grands pôles de recherche. Or, nous avons senti à travers nos échanges qu'il y avait un vrai blocage : pourquoi ? À Grenoble, c'est tout l'inverse, c'est très ouvert !
Lorsque l'on sait que le CIR représente presque 6 milliards d'euros, on ne peut que se dire que les instituts ont bien raison de s'engager dans des partenariats avec les entreprises et que les universités devraient faire la même chose, pour leur plus grand bien et pour le bien de notre économie. Pourquoi existe-t-il des blocages sur ce point ? Il faut vraiment les surmonter.
M. Maurice Vincent . - Il faut se féliciter du choix fait par la Nation depuis dix ans de faire de l'enseignement supérieur et de la recherche une priorité. Dans le contexte budgétaire compliqué que nous connaissons, l'effort réalisé en direction de l'enseignement supérieur et la recherche, que ce soit à travers les investissements immobiliers, le programme d'investissements d'avenir (PIA) ou les créations de postes supplémentaires, doit être souligné. L'objectif contenu dans le récent rapport de la stratégie nationale de l'enseignement supérieur (StraNES) de porter à 60 % d'une classe d'âge la proportion de diplômés de l'enseignement supérieur d'ici 2025 confirme cette orientation. Il est donc important d'utiliser au mieux les moyens en hausse dans ce secteur.
J'aimerais me concentrer sur quelques points saillants. Tout d'abord, l'administration doit avoir conscience du fait que des fonds de roulement excédentaires dans des universités ne sont pas comparables à des fonds de roulement excédentaires dans les chambres de commerce et d'industrie (CCI). Je prends cet exemple car les réserves des CCI ont été ponctionnées à plusieurs reprises du fait de leur hausse constante. Une telle mesure ne doit pas s'appliquer aux universités. À cet égard, la décision prise récemment de ne pas ponctionner à nouveau de 100 millions d'euros les fonds de roulement des universités va dans le bon sens. C'est une solution qu'il convient également d'éviter à l'avenir.
Il me paraît ensuite éminemment souhaitable de trouver de nouvelles ressources propres pour les universités. Cependant, je ne pense pas que la solution puisse venir du développement de la formation continue dans les universités, objectif qui est poursuivi depuis longtemps. La contribution de la formation continue au financement de l'enseignement supérieur et de la recherche est faible et devrait le rester, même si elle peut être améliorée. On ne peut pas demander aux universités d'être à la fois les « championnes d'Europe » de la recherche, d'accueillir chaque année un nombre croissant d'étudiants, de créer de nouvelles formations et de se rapprocher du monde économique, tout en développant la formation continue. De surcroît, la formation continue nécessite des investissements et des compétences particulières qui ne sont pas reconnues dans la carrière des universitaires. Je ne crois donc pas au financement massif des universités par la formation continue.
S'agissant de l'augmentation des droits d'inscription, les sénateurs socialistes de la commission des finances sont en désaccord avec la préconisation du rapporteur spécial, ce qui nous empêchera de souscrire à son rapport. Nous considérons en effet que l'effort financier réalisé par la puissance publique est inégal selon les filières d'enseignement supérieur, avec par exemple un fort soutien apporté aux classes préparatoires ou à certaines grandes écoles d'ingénieurs. Tant qu'une plus grande équité n'aura pas été trouvée en la matière, on ne peut pas demander aux étudiants des universités d'accroître leur contribution financière.
Enfin, la gestion du patrimoine constitue un enjeu considérable. Avant la réforme sur l'autonomie des universités, le budget de l'État n'était pas suffisamment abondé, et ce de manière considérable puisqu'il y avait dix fois moins de crédits que ce qui était nécessaire pour assurer une maintenance correcte du patrimoine universitaire. Avec l'autonomie, le problème financier pèse sur le budget des universités.
M. Antoine Lefèvre . - Je remercie le rapporteur spécial d'avoir sollicité la Cour des comptes pour réaliser un travail en profondeur sur l'autonomie financière des universités. Je retiens en particulier la première préconisation faite par le rapporteur spécial visant à établir des « règles prudentielles adaptées » et à ne pas pénaliser les établissements rigoureux. À ce titre, je souhaite revenir sur la ponction de 100 millions d'euros qui a été opérée en 2015 sur les réserves de certains établissements. Celle-ci a envoyé un très mauvais signal, en pénalisant les établissements les plus vertueux au profit des établissements les moins économes. La nouvelle région Nord--Pas-de-Calais-Picardie a payé le plus lourd tribut, puisque l'université d'Artois a fourni à elle seule un quart de la somme, soit 24 millions d'euros, et que l'université Lille 2 s'est vue amputée de 9 millions d'euros. En Picardie, l'université technologique de Compiègne (UTC) a également été concernée pour 2 millions d'euros. C'est un coup terrible qui a été porté à la formation des jeunes de cette région, dont le taux de chômage est particulièrement élevé. Cette ponction a été perçue comme un retour déguisé du pilotage par l'État du budget des universités. L'autonomie reste un exercice difficile, semble-t-il...
M. Marc Laménie . - J'aimerais revenir sur une critique faite par la Cour des comptes, qui appelle à mettre fin aux « multiples irrégularités » qu'elle a pu constater lors de ses contrôles dans l'usage des régimes indemnitaires. Alors que l'on prône la transparence à tous les niveaux, il s'agit d'une critique grave, car nous sommes en présence d'argent public. En outre, le recollement des données financières et comptables des universités n'a pas été aisé. Je m'interroge donc : comment a-t-on pu en arriver là ?
Mme Simone Bonnafous . - Concernant les systèmes d'information, c'est effectivement un des points qui avance le moins bien. Pour autant, on ne peut pas dire que nous sommes dans l'immobilité : des progrès ont été réalisés. Cela est notamment vrai pour ce qui est de l'articulation entre les organismes de recherche et les universités, à travers le suivi des budgets des unités mixtes de recherche (UMR).
Un travail commun est conduit par les universités, les organismes de recherche, le ministère et l'Agence de mutualisation des universités et établissements d'enseignement supérieur et de recherche (AMUE) afin d'améliorer les systèmes d'information. Récemment, un outil commun de gestion financière des UMR CNRS-Université, « GESLAB », ainsi qu'un logiciel « TEMPO » pour la gestion des feuilles de temps des personnels, essentiels pour les contrats de recherche européens, ont été mis au point. Désormais, les organismes de recherche sont également membres de l'AMUE. En tout état de cause, l'articulation entre la recherche et l'enseignement supérieur est fondamentale.
S'agissant de la performance, le modèle d'allocation des moyens MODAL a évolué afin d'intégrer la masse salariale, ce que préconisent la Cour des comptes et le Sénat depuis longtemps. MODAL contient des indicateurs de performance ; il existe par exemple un indicateur qui mesure l'évolution des ressources de formation continue et un autre indicateur qui tient compte de la façon dont les établissements participent aux programmes européens.
M. Michel Bouvard . - Ne pourrait-on pas y ajouter également un indicateur relatif au temps de travail ?
Mme Simone Bonnafous . - Sur le temps de travail, je crois qu'il existe une certaine hétérogénéité selon les universités. Je peux simplement dire que je m'étais efforcée de faire appliquer les 1 607 heures annuelles dans un établissement que j'ai dirigé.
La relation que le ministère entretient avec les établissements est une relation d'autonomie et de respect. L'État finance l'enseignement supérieur à plus de 90 % et a donc une responsabilité vis-à-vis des établissements. Nous les accompagnons notamment lorsqu'ils sont en situation difficile y compris au niveau des recteurs et des contrôleurs budgétaires. Je prends par exemple le cas de l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ), qui était en quasi cessation des paiements il y a quelques années. Nous n'avons pas pénalisé cette université, déjà en difficulté, en lui attribuant moins de dotations. Nous l'avons au contraire accompagnée dans sa restructuration administrative, et je suis assez fière du fait que l'UVSQ ait désormais un compte de résultat positif, qu'elle reconstitue son fonds de roulement et qu'elle soit en train de rembourser à l'État l'aide qui lui a été apportée.
En 2012, nous avons pris conscience du fait qu'un certain nombre d'établissements était en grande difficulté financière, et qu'il était nécessaire de les accompagner par la mise en oeuvre de plusieurs mesures. L'État a par exemple délégué des groupes d'inspecteurs généraux ainsi que des personnels du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche auprès des établissements, afin de réaliser des diagnostics flash ou encore des audits approfondis. Des progrès ont également été réalisés sur la remonté des données, s'agissant notamment des données financières des établissements, qui sont aujourd'hui régulièrement mises à jour.
Concernant la dévolution du patrimoine immobilier aux universités, le secrétaire d'État a estimé qu'il s'agissait d'un sujet majeur dès son arrivée et il a récemment indiqué qu'une hypothèse actuellement à l'étude était de réaliser, dans le cadre du troisième PIA annoncé, un appel à projets sur la dévolution afin qu'elle s'étende à d'autres établissements.
M. Jean-Loup Salzmann . - Je suis président d'université depuis huit ans et j'ai déjà vu passer trois régimes indemnitaires des personnels. Les irrégularités qui ont été mentionnées par la Cour des comptes sont notamment liées à la complexité de la réglementation.
Une piste d'économie envisageable pour l'État serait d'alléger l'obligation qui lui est faite de remettre en état les bâtiments avant de les transférer.
S'agissant de la formation continue, la récente réforme n'a pas facilité son développement car ce sont les partenaires sociaux qui décident qui est éligible. Ainsi, lors des réunions des comités régionaux, la plupart du temps les diplômes universitaires n'ont pas été retenus comme éligibles à la formation continue. De même, alors que les universités ont le monopole de la formation initiale des médecins, elles sont complètement exclues de leur formation continue.
Concernant le rôle des collectivités territoriales en termes d'investissement, les contrats de plan État-région (CPER) vont effectivement souffrir de la baisse des dotations de l'État. C'est un choc auquel il convient de se préparer.
Concernant le CIR, les universités réalisent beaucoup de recherches partenariales avec les entreprises. Nous avons proposé aux deux assemblées de modifier un certain nombre de règles du CIR, afin de favoriser l'embauche des jeunes chercheurs. L'emploi de docteurs dans les entreprises est extrêmement favorable à la quantité et à la qualité des recherches qui y sont effectuées. Je pense par exemple au dispositif de bourses CIFRE (conventions industrielles de formation par la recherche), qui encourage la présence de docteurs en entreprises. C'est une excellente chose que le secrétaire d'État veuille en augmenter le nombre comme je l'ai lu dans la presse.
M. Brice Lannaud . - Concernant les questions relatives à la gestion des ressources humaines, je tiens à rappeler que la priorité des prochains mois est la mise en place du RIFSEEP pour l'ensemble des corps administratifs, techniques, sociaux et de santé. Ce régime va se substituer à plusieurs régimes indemnitaires existants et apporter de la simplification.
Je retiens par ailleurs du rapport de la Cour des comptes le constat qu'il existe des marges d'autonomie qui ne sont pas utilisées en matière de la gestion des ressources humaines, par exemple s'agissant de l'intéressement, pour lequel il nous revient de mieux expliquer comment l'utiliser, ou de la modulation de service.
Pour finir, j'aimerais mentionner des avancées concernant les enseignants chercheurs dans les disciplines du droit et des sciences économiques et de gestion, avec la suppression du recrutement par jury national pour l'agrégation interne ou en décontingentant les obligations de recrutement pour le concours d'agrégation externe.
Mme Sophie Moati . - Je souhaiterais insister sur la première de nos recommandations, qui me paraît inclure l'ensemble des éléments permettant la poursuite de ce processus d'autonomie : il s'agit de fusionner les procédures d'allocation des moyens et de définition des objectifs des universités dans un cadre contractuel unique. Cela permettrait, avant chaque négociation de contrat, d'évaluer la situation financière de chacune des universités.
Pour la Cour des comptes, les fonds de roulement des universités ne doivent pas être sanctuarisés par principe. Il convient de disposer d'un audit financier université par université. Par ailleurs, je souhaiterais nuancer ce que Jean-Loup Salzmann a dit : les fonds de roulement ne constituent pas la source de l'investissement des universités. Notre étude a montré que celui-ci a pu se faire grâce à la subvention publique, et la capacité d'autofinancement sans qu'il y ait de prélèvement sur le fonds de roulement.
En outre, la Cour des comptes a eu plusieurs fois l'occasion d'exprimer son regret s'agissant de la disparition de la prise en compte des indicateurs de performance dans l'allocation des ressources, notamment en matière de recherche.
Afin d'utiliser au mieux l'ensemble des leviers financiers, il nous paraît essentiel de mettre en oeuvre cette procédure fusionnée d'allocation de moyens. Il est nécessaire de réaliser, dans le cadre du processus de contractualisation, des audits de la situation des universités, afin de connaître les moyens devant être mobilisés. J'entends bien les problèmes de faisabilité que cela peut poser, mais il n'est pas nécessaire de conclure l'ensemble des contrats au même moment, cela peut se faire par vagues. Les méthodes employées aujourd'hui ne sont pas complètement efficaces. L'évaluation de l'atteinte des objectifs à mi-parcours me paraît également fondamentale.
M. Philippe Adnot , rapporteur spécial . - Pour bien travailler, il faut partir d'un bon constat. Le rapport de la Cour des comptes permet de l'établir et de réfléchir en connaissance de cause.
Comme la Cour des comptes, je considère que l'on ne peut pas parler d'autonomie s'il n'y a pas de visibilité dans le temps. La contractualisation est donc nécessaire, même si elle ne concerne pas la totalité des moyens alloués - car l'État ne peut pas non plus totalement se lier les mains. Sinon, l'université peut voir chaque année remis en cause les engagements qu'elle a pris de manière pluriannuelle par ailleurs.
Si j'ai bien compris, afin de poursuivre la dévolution du patrimoine, vous envisagez une mobilisation du PIA ?
Mme Simone Bonnafous . - Oui, c'est le souhait que le secrétaire d'État a exprimé.
M. Philippe Adnot , rapporteur spécial . - La réunion se termine donc par une annonce concrète ! Cela montre bien que la dévolution ne peut pas se faire dans un cadre ordinaire, mais seulement extraordinaire, car il y a une impasse financière que nous connaissons alors que le coût s'élève à 850 millions d'euros par an.
Les universités devront également savoir se recentrer sur leur coeur de métier et s'adapter en ayant par exemple recours à la location avec d'autres partenaires.
J'aimerais également dire à Maurice Vincent qu'il serait dommage de ne pas soutenir le rapport à cause d'une recommandation qui ne constitue pas l'essentiel de celui-ci. J'aimerais insister sur un point : les boursiers ne paient pas de droits d'inscription, et il y a 30 % de boursiers environ. Le budget par étudiant correspond à un montant d'environ 10 000 euros. Si l'on augmente de 200 euros les droits d'inscription, on double la capacité pour les universités de prendre des initiatives qualitatives, afin que les étudiants travaillent dans de meilleures conditions. Aujourd'hui, les universités sont complètement bloquées car la quasi-totalité de leurs dépenses sont déjà affectées. Je vais d'ailleurs réaliser prochainement un rapport sur les bourses, qui sortira au début de l'année prochaine.
À terme, c'est l'orientation des étudiants qui devra être améliorée afin de mieux maîtriser leur nombre et que les moyens affectés soient adaptés aux besoins.
M. Charles Guené , président . - Je vous remercie.
La commission a autorisé la publication de l'enquête ainsi que du compte rendu de la présente réunion en annexe à un rapport d'information de M. Philippe Adnot.