N° 472

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 mai 2015

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation sénatoriale à la prospective (1) sur la prévention et la gestion des crises liées aux maladies infectieuses émergentes ,

Par M. Roger KAROUTCHI et Mme Fabienne KELLER,

Sénateurs.

(1) Cette délégation est composée de : M. Roger Karoutchi, président ; M. Gérard Bailly, Mme Corinne Bouchoux, M. Yvon Collin, Mme Annie David, MM. Alain Fouché, Philippe Kaltenbach, Mmes Fabienne Keller, Sylvie Robert, MM. Henri Tandonnet et Yannick Vaugrenard, vice - présidents ; MM. Jean-Jacques Lozach et Jean-François Mayet, secrétaires ; Mme Nicole Bonnefoy, MM. Pierre Charon, Alain Chatillon, Pierre-Yves Collombat, Jean-Patrick Courtois, Robert del Picchia, Francis Delattre, Mme Évelyne Didier, M. Louis Duvernois, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Bruno Gilles, Mmes Dominique Gillot, Pascale Gruny, MM. Loïc Hervé, Éric Jeansannetas, Philippe Leroy, Jean-Claude Luche, Franck Montaugé, Aymeri de Montesquiou, Robert Navarro, Yves Rome, Jean-Yves Roux et Jean-Pierre Sueur .

AVANT-PROPOS

Mesdames, messieurs,

En juillet 2012, la délégation à la prospective a publié un rapport d'information consacré aux nouvelles menaces des maladies infectieuses émergentes 1 ( * ) , dans le contexte tout juste finissant de l'épidémie de grippe H1N1 qui avait inquiété le monde, et la France en particulier, en 2009 et 2010, et qui avait mis en lumière les risques de pandémie et les difficultés pour y faire face.

Ce premier rapport, pour l'établissement duquel votre rapporteure s'était entourée de nombreux représentants du monde médical et scientifique, avait débouché sur la formulation de préconisations.

Dix leviers d'action avaient alors été identifiés pour tout à la fois prévenir la survenance de nouvelles maladies infectieuses et gérer les crises éventuelles 2 ( * ) :

1. mieux prendre conscience du phénomène et de l'importance des rapports Nord-Sud ;

2. agir sur tous les facteurs d'émergence et de propagation des maladies infectieuses ;

3. empêcher et réprimer les actes qui concourent à l'augmentation des menaces ;

4. mieux informer sur les pathologies, les vecteurs et les prophylaxies des maladies émergentes ;

5. inventer ou développer des méthodes de concertation pluridisciplinaires ;

6. réintroduire les protocoles classiques de lutte contre les pandémies, comme la mise en quarantaine ;

7. promouvoir de nouveaux outils d'intervention sur les maladies infectieuses émergentes ;

8. réguler les mouvements des professionnels de la santé entre le Nord et le Sud ;

9. soutenir la recherche sur les vaccins et les thérapeutiques par le rapprochement des politiques menées par les organisations internationales ou régionales sur les santés humaine et animale ;

10. mieux organiser la logistique de terrain.

Ce premier rapport avait été particulièrement bien accueilli par la communauté scientifique, par le monde médical et par les prospectivistes de la santé. En janvier 2013, il avait aussi donné lieu à un débat en séance publique , au cours duquel il avait été demandé à la ministre chargée de la santé, qui était déjà alors Marisol Touraine, l'organisation d'un exercice annuel pour anticiper l'échéance éventuelle d'une crise sanitaire majeure, à l'image de ce qui se pratique dans de nombreux pays étrangers.

C'est sur la base de ce premier rapport que la délégation a souhaité entreprendre une seconde étude qu'elle a inscrite à son programme de travail pour la session 2014-2015.

Une fois encore, le monde est confronté à d'importantes crises sanitaires. En Afrique de l'Ouest, l'épidémie Ebola a déjà causé, à ce jour, plus de 11 000 décès ; on impute à celle de la grippe hivernale en France la responsabilité d'une surmortalité des seniors.

Dans un monde globalisé, l'urbanisation anarchique, l'essor du transport notamment aérien, le réchauffement climatique, les nouvelles techniques d'agriculture constituent autant de facteurs dramatiquement favorables à la propagation de maladies infectieuses telles que la dengue, le chikungunya et bien d'autres.

Au vu de ce contexte particulièrement morose, la délégation a donc pris l'initiative d'organiser un second atelier sur ce thème sensible qui intéresse directement l'ensemble de nos concitoyens.

Cette fois, les débats ont été centrés sur deux des leviers d'actions précédemment identifiés, afin d'approfondir la réflexion et de faire le point sur les avancées réalisées.

Premièrement, celui des facteurs d'émergence des maladies infectieuses 3 ( * ) , qu'il faut aborder selon une approche pluridisciplinaire pour en avoir une vision d'ensemble.

Deuxièmement, à l'ère du numérique, celui des nouvelles technologies 4 ( * ) qui restent trop peu utilisées comme outil de lutte contre les maladies infectieuses. Or, le taux très élevé d'équipement mondial en téléphones portables et les progrès techniques permettent désormais d'établir en temps réel une cartographie de la propagation des virus, et donc de mieux préparer les interventions. De même, les Mooc, ces cours en ligne gratuits et ouverts à tous, pourraient être davantage utilisés comme moyen de formation et d'évaluation du personnel médical. Il est aussi concevable de développer des modèles mathématiques qui permettent d'établir les tendances des phénomènes épidémiques et de mieux comprendre les mécanismes de contagion.

Deux tables rondes ont donc été respectivement dédiées à chacun de ces deux sujets, rassemblant un grand nombre de spécialistes.

Pour la première, relative aux facteurs d'émergence, ont été réunis des chercheurs et des médecins, bien sûr, mais aussi des vétérinaires, des historiens de la santé, des sociologues ou bien encore un spécialiste des rites funéraires en Afrique.

Pour la seconde, sur « l'espoir numérique », qui reste un sujet neuf encore trop peu exploré, ont été mobilisés notamment des journalistes, des spécialistes du numérique et de la communication.

Cet atelier de prospective s'est tenu au Sénat le 9 avril 2015, avec pour originalité sa démarche prospective, c'est-à-dire son positionnement dans une perspective de moyen-long terme pour anticiper efficacement les futures crises sanitaires et éviter la survenance de scénarios catastrophe.

Cent vingt-cinq personnes étaient présentes dans la salle et les débats y ont été longs, animés et riches. Il est à noter que des professionnels de terrain ont pris l'initiative personnelle de s'inscrire et de participer aux échanges, qu'il s'agisse, par exemple, de personnels infirmiers ou d'associations de malades. Le présent rapport, qui en est issu, retrace fidèlement les discussions qui s'y sont déroulées. Outre le fait que celles-ci ont permis des contacts entre professionnels de filières différentes, ce qui est toujours utile pour faire progresser la réflexion, il en est ressorti un certain nombre d'idées porteuses d'amélioration pour le dispositif français de réaction en cas de crise sanitaire majeure.

Il faut insister tout particulièrement sur le fait que l'utilisation des outils numériques doit impérativement être développée et valorisée . Il n'est qu'à voir, pour s'en convaincre, l'apport de la télé-épidémiologie, qui permet, en s'appuyant sur les données d'observation de la Terre par satellite, de mettre en lumière les liens entre les facteurs environnementaux ou climatiques et l'émergence et la propagation des maladies infectieuses. On peut encore citer les progrès réalisés en matière de cartographie, notamment grâce aux réseaux sociaux et aux outils collaboratifs.

Non seulement le numérique facilite le traçage des épidémies et la gestion des crises, mais il permet également de lutter contre les rumeurs et les fausses informations qui circulent dans ce genre de situation alors qu'on a besoin, au contraire, d'informations fiables et complètes. Le recours aux réseaux sociaux et aux nouvelles techniques de communication constitue également le bon moyen, le seul probablement de toucher les jeunes , qui sont souvent réfractaires aux messages sanitaires de prévention.

Pour terminer, il faut rappeler qu'en application de la mission dévolue à la délégation d'informer le Sénat des grandes évolutions sociales, sociétales et économiques, son président, Roger Karoutchi, a fait valoir que toute démarche prospective reste vaine si elle n'est pas suivie d'effets. Au travers des sujets dont elle se saisit, la délégation à la prospective s'attache ainsi à faire évoluer la législation et influer sur l'attitude et le comportement des pouvoirs publics.

Dans ce sens, deux propositions d'amendement s, suggérées par les intervenants à l'atelier, pourraient utilement trouver leur place dans le cadre du projet de loi Santé dont l'examen par le Sénat est attendu pour le mois de septembre prochain ou dans la loi de finances pour 2016. Il s'agirait, d'une part, de flécher vers les pays du Sud les appels à projet dans le domaine de la recherche, d'autre part, d'affecter une petite part de tout projet bénéficiant de l'aide publique au développement à un programme d'évaluation, de recherche ou d'appui scientifique.

Source : direction de la communication du Sénat


* 1 Rapport d'information n° 638 (2011-2012) de Fabienne Keller, fait au nom de la délégation à la prospective du Sénat, déposé le 5 juillet 2012.

* 2 Le document présentant le détail de ces préconisations figure en annexe.

* 3 Préconisation n° 2.

* 4 Préconisation n° 7.

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