II. ANALYSE DÉTAILLÉE DES OUVERTURES DE CRÉDITS

A. LA DÉFENSE : LE FINANCEMENT DES OPEX ET DES DYSFONCTIONNEMENTS DU SYSTÈME DE PAIE « LOUVOIS »

Les crédits ouverts sur la mission « Défense » s'expliquent principalement par les surcoûts des opérations extérieures (environ 600 millions d'euros) ainsi que par les dysfonctionnements du calculateur « Louvois » (environ 160 millions d'euros).

1. Les opérations extérieures : un surcoût d'environ 600 millions d'euros dont 150 millions d'euros de dépenses de personnel

Le montant total des crédits ouverts au titre des opérations extérieures (OPEX) de la Défense s'élève à 601 millions d'euros , qui se répartissent entre 149 millions d'euros de dépenses de personnel et 452 millions d'euros de surcoûts hors dépenses de personnel.

Les OPEX sont l'objet de dépassements récurrents , comme le met en évident le graphique ci-après.

Provisions et surcoûts OPEX depuis 2003

(en millions d'euros)

Note de lecture : l'usage est de réserver le terme « surcoût », dans le cas des OPEX, au surcoût par rapport à une situation où il n'y aurait pas d'OPEX, c'est-à-dire au coût net des OPEX. Il ne s'agit donc pas du surcoût par rapport à la loi de finances initiale.

Source : commission des finances du Sénat (d'après les données du ministère de la Défense)

Le montant des surcoûts OPEX pour l'année 2014 est estimé à 1 127 millions d'euros, alors que la provision inscrite en loi de finances initiale s'élevait à 450 millions d'euros.

La provision pour surcoûts OPEX est dépassée presque chaque année, même si des efforts ont été faits pour une meilleure budgétisation. Ainsi, en 2013, la provision prévue en loi de finances initiale aurait couvert le surcoût OPEX si la France n'avait pas été conduite à intervenir au Mali dans le cadre de l'opération Serval, déclenchée après l'adoption de la loi de finances initiale pour 2013.

En revanche, l'insuffisance de la provision OPEX pour 2014 était prévisible au moment de l'adoption de la loi de finances initiale pour 2014, compte tenu de la forte probabilité que l'intervention de l'armée française dans la bande sahélo-saharienne se prolonge tout au long de cet exercice budgétaire.

La provision prévue dans le projet de loi de finances pour 2015, fixée à 450 millions d'euros, conformément à la loi de programmation militaire 2014-2019, alors même que plusieurs opérations ont été déclenchées depuis l'adoption de ce texte, sera de toute évidence insuffisante : l'opération Barkhane se prolongera probablement en 2015 et les opérations en République centrafricaine et en Irak se poursuivent.

Certes l'article 4 de la loi de programmation militaire 2014-2019 dispose, comme la loi de programmation militaire 2009-2014, qu' « en gestion, les surcoûts nets, hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales, non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures font l'objet d'un financement interministériel », mais ce mécanisme de solidarité interministérielle, qui finance également les besoins d'autres missions, met à contribution la mission « Défense » à travers des annulations portant sur ses crédits d'équipement.

Cela revient en réalité à mettre une partie du surcoût OPEX en auto-assurance et crée une situation paradoxale : plus la France s'engage dans des opérations extérieures, plus les moyens matériels et financiers de ses armées sont diminués.

La répétition de ces dépassements d'année en année appelle donc à une prise en compte, dans la budgétisation initiale, des tendances observées en exécution afin d'éviter que le décret d'avance ne devienne un instrument récurrent d'ajustement des crédits destinés aux opérations extérieures, nuisant ainsi à la bonne information du Parlement ainsi qu'à la soutenabilité de la budgétisation de la Défense.

2. Le calculateur « Louvois »
a) Des problèmes qui perdurent depuis trois ans

Trois systèmes d'information de gestion des ressources humaines (SIRH) sont raccordés au calculateur de solde Louvois . Il s'agit des systèmes du service de santé des armées (Arhmonie, raccordé en avril 2011), de l'armée de terre et du service des essences des armées (Concerto, raccordé en octobre 2011) et de la marine nationale (Rhapsodie, raccordé en avril 2012).

Les dysfonctionnements observés depuis trois ans perdurent . Le processus de gestion de la solde présente en effet des anomalies affectant les montants versés et les imputations budgétaires de la masse salariale. En 2013, des difficultés dans le traitement des erreurs de calcul sont apparues. Des pertes d'historiques de dossiers ont par ailleurs été constatées au quatrième trimestre 2013.

Sont ainsi versées des soldes trop importantes par rapport au montant réellement dû par l'administration , ce qui pose le problème de la détection et du traitement de ces erreurs , ainsi que du recouvrement des sommes considérées.

Les conditions de recouvrement des trop-versés de solde

« Pour les militaires en activité, le recouvrement se fait par remise de chèques au trésorier militaire (« rétablissement de crédits »). Cette procédure de recettes au comptant présente en effet l'avantage pour l'administré de pouvoir éteindre la dette rapidement. L'autre procédure (« précompte ») consiste à précompter les sommes dues sur la solde des administrés suivant un échéancier enregistré dans le SIRH.

« Pour les personnels rayés des contrôles, les dossiers, après analyse, sont confiés au réseau DGFiP (comptable public) qui émet un titre de perception qui conduit à rétablissement de crédits à l'issue du recouvrement des trop-versés.

« Les indus récupérés viennent en gestion abonder les dépenses du titre 2 et couvrir, même partiellement, les indus versés au titre de l'exercice en cours : concrètement, les indus, nets des campagnes 2012 et 2013, récupérés en 2014, viennent couvrir partiellement les nouveaux indus nets versés en 2014.

« Enfin, au titre des inhibitions 7 ( * ) , le ministère reprend par ailleurs certaines sommes par rétablissement de crédit. Ces reprises d'inhibitions permettent une récupération du flux des indus 2014 détectés et inhibés.

« A ce stade, les récupérations des indus sont estimés à environ 30 millions d'euros (avec une marge d'erreur de plus ou moins 5 millions d'euros) au titre de l'exercice budgétaire 2014 . »

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur général

b) 160 millions d'euros supplémentaires nécessaires en 2014

Le présent projet de décret d'avance procède à l'ouverture de 160 millions d'euros liés aux dysfonctionnements du système « Louvois » qui, d'après les informations transmises à votre rapporteur général, se répartissent comme indiqué dans l'encadré ci-après.

La répartition des surcoûts constatés au titre du moteur de paie « Louvois »

« Au niveau ministériel, l'insuffisance prévisionnelle de titre 2 de 160 millions d'euros hors CAS pensions et hors OPEX est engendrée par les dysfonctionnements Louvois suivants :

- 40 millions d'euros d'avances OPEX dont les reprises sont gelées dans le calculateur de solde ;

- 25 millions d'euros au titre de l'écart de rapprochement comptable (écart décaissé/mandaté) ;

- 45 millions d'euros au titre d'« historisations » abusives (dysfonctionnements liés à des rappels négatifs non justifiés générés par la reconstitution d'historiques de paiements) ;

- 7 millions d'euros au titre du plan d'urgence ministériel ;

- 13 millions d'euros de risque de décalage (2014/2015) d'« inhibitions » (risque suite à la montée de version de novembre sur la solde de décembre qui fera l'objet de reprise les mois suivants) ;

- 30 millions d'euros de nouveaux versements d'indus sur les derniers mois de la fin de l'année 2014. »

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur général


* 7 La procédure d'inhibition des paiements détectés comme anormalement élevés sur la bande de virement est mise en oeuvre pour éviter le paiement d'un trop-versé à un individu. Elle consiste à créditer le compte du CIAS (trésorier), au lieu de celui du militaire. Les soldes recalculées sont versées au militaire et mandatées. La « reprise » d'inhibitions consiste à rétablir les crédits transmis automatiquement par FEN59 dans Chorus et correspondant à la solde inhibée.

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