ANALYSE DES OUVERTURES ET ANNULATIONS DE CRÉDITS
Le présent projet de décret d'avance prévoit des ouvertures et annulations de crédits pour un montant total de 1 734 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 1 269 millions d'euros en crédits de paiement (CP).
Soumis pour avis à votre commission des finances, il lui a été notifié le 18 novembre 2014. Conformément à l'article 13 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), « la commission chargée des finances de chaque assemblée fait connaître son avis au Premier ministre dans un délai de sept jours à compter de la notification qui lui a été faite du projet de décret ».
I. SYNTHÈSE DES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES
A. LA RÉGULARITÉ DU PROJET DE DÉCRET AU REGARD DE LA LOI ORGANIQUE DU 1ER AOÛT 2001 RELATIVE AUX LOIS DE FINANCES
1. Le décret d'avance : un dispositif complémentaire à la loi de finances rectificative de fin de gestion, permettant d'ouvrir des crédits en cas d'urgence
Les décrets d'avance permettent de procéder à des ouvertures de crédits en cas d'urgence , dans la limite de 1 % des crédits ouverts en loi de finances initiale, gagées par des annulations de crédits ou la constatation de recettes supplémentaires - bien que, dans la pratique, ce dernier cas soit très rare.
Les ouvertures auxquelles procède le décret d'avance sont liées, de même que celles prévues en loi de finances rectificative, au constat de besoins excédant les prévisions des lois de finances afférentes à l'année considérée. Elles sont cependant concentrées sur les besoins les plus urgents , pour lesquels les délais associés au vote d'une loi de finances poseraient des problèmes au regard de la continuité de l'action de l'État. Les crédits de personnel et d'intervention en forment la plus large part , dans la mesure où le Gouvernement ne peut différer le paiement du traitement des fonctionnaires ou de certaines allocations.
Les crédits ouverts par le présent projet de décret d'avance doivent ainsi être analysés en tenant compte du projet de loi de finances rectificative en cours d'examen au Parlement. L'ensemble des ouvertures sont, pour mémoire, récapitulées dans le tableau ci-après.
Les ouvertures de crédits du budget général prévues par le présent projet de décret d'avance et par le projet de loi de finances rectificative pour 2014
(en millions d'euros)
DA |
PLFR 2 |
Total des ouvertures de fin de gestion |
|
OPEX |
601 |
0 |
601 |
Dont titre 2 |
149 |
0 |
149 |
Masse salariale (hors OPEX) |
540 |
0 |
540 |
Total masse salariale |
689 |
0 |
689 |
Dispositifs de solidarité |
54 |
501 |
555 |
Refus d'apurements communautaires (PAC) |
0 |
352 |
352 |
Culture et communication |
21 |
0 |
21 |
Politique de l'emploi |
20 |
0 |
20 |
Justice |
16 |
0 |
16 |
Autres |
12 |
10 |
22 |
Total |
2 101 |
863 |
2 964 |
Source : commission des finances du Sénat (d'après le présent projet de décret d'avance et le projet de loi de finances rectificative pour 2014)
2. Le respect de l'équilibre budgétaire : des ouvertures intégralement gagées par des annulations de crédits
Les ouvertures de crédits, aussi bien en autorisations d'engagement qu'en crédits de paiement, doivent s'accompagner d'annulations de même montant, conformément à l'article 13 de la LOLF qui dispose que les décrets d'avance ne doivent pas porter atteinte à l'équilibre budgétaire défini par la dernière loi de finances de l'année en cours.
Le présent projet de décret d'avance ne déroge pas à cette règle : les ouvertures de crédits demandées sont compensées par des annulations à due concurrence.
3. Des ouvertures de crédits supplémentaires s'élevant à moins de 1 % des crédits prévus en loi de finances pour 2014
L'article 13 de la LOLF dispose que « le montant cumulé des crédits (...) ouverts (par décret d'avance) ne peut excéder 1 % des crédits ouverts par la loi de finances de l'année », et l'article 14 que « le montant cumulé des crédits annulés par décret en vertu du présent article et de l'article 13 ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l'année en cours » .
Ces dispositions sont respectées ; il s'agit du second décret d'avance de l'année et la somme des crédits ouverts par les deux décrets d'avance ne représente que 0,33 % des crédits de paiement 1 ( * ) et 0,44 % des autorisations d'engagement 2 ( * ) ouverts en loi de finances pour 2014 .
Les annulations représentent 0,33 % des crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2014 et la loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014 : elles respectent également le plafond fixé par la LOLF.
4. Une urgence avérée pour des dépenses imprévues
L'article 13 de la LOLF dispose que les décrets d'avance sont pris « en cas d'urgence » .
Dans le cas du présent projet de décret d'avance, l'urgence des dépenses à couvrir est avérée : 689 millions d'euros recouvrent des dépenses de personnel dont le traitement ne peut être différé. En outre, plus de 450 millions d'euros - hors dépenses de personnel - sont liés aux surcoûts induits par les opérations extérieures (OPEX) de l'armée française : de façon similaire, la nécessité de permettre aux personnels engagés à l'étranger de ne pas voir leurs opérations retardées exige un décaissement rapide de crédits.
Les ouvertures et annulations de crédits respectent donc, tout du moins formellement, le critère de l'équilibre budgétaire prévu par la LOLF .
5. Un recours systématique et croissant aux décrets d'avance pour couvrir des dépenses imprévues, mais pas imprévisibles
Il faut cependant noter que si l'urgence des dépenses à couvrir est avérée, l'analyse détaillée des ouvertures de crédits 3 ( * ) atteste en revanche que les besoins ne résultent pas toujours de cas de force majeure ou d'aléas de gestion, mais bel et bien de sous-budgétisations en loi de finances initiale : les dépenses d'intervention sont particulièrement concernées, l'aide juridictionnelle et le logement d'urgence faisant par exemple systématiquement l'objet d'une sur-exécution par rapport aux prévisions. Force est de constater que les dérapages sont nombreux et tendent à augmenter , comme le met en évidence la figure ci-dessous.
Évolution en autorisations d'engagement et en crédits de paiement des montants des crédits ouverts par décret d'avance depuis 2011
(en milliards d'euros)
Note de lecture : les montants considérés sont égaux à la somme des montants ouverts par l'ensemble des décrets d'avance pour l'année considérée.
Source : commission des finances du Sénat (d'après le présent projet de décret d'avance et les décrets d'avance depuis 2011)
Dans la pratique, le recours au décret d'avance de fin de gestion est désormais banal et semble appartenir à la panoplie des instruments d'organisation de la « fin de gestion » 4 ( * ) . Ces deux dernières années, ont également été pris des décrets d'avance en septembre, ce qui laisse à penser que l'exécution budgétaire est mise sous tension de façon accrue.
Ce recours fréquent aux décrets d'avance est lié pour une large part à des sur-exécution récurrentes de certaines dépenses d'intervention ainsi qu'à un calibrage serré des crédits de titre 2 . Il convient d'ailleurs de noter que, si le principe de fongibilité asymétrique aurait dû permettre de dégager des marges de manoeuvre en gestion au profit des dépenses autres que de personnel, ce sont au contraire les dérapages sur les crédits de personnel d'un certain nombre de ministères qui pèsent sur les autres types de dépenses en exécution .
Comme votre rapporteur général a déjà eu l'occasion de le souligner à l'occasion de son analyse du projet de loi de finances pour 2015, ces difficultés récurrentes en exécution invitent à mener de réelles réformes de structure afin de redonner de la visibilité et des marges de manoeuvre aux gestionnaires publics.
* 1 1 325 millions d'euros ouverts en décret d'avance contre 407 368 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale pour 2014.
* 2 1 790 millions d'euros ouverts en décret d'avance contre 410 417 millions d'euros ouverts en loi de finances initiale pour 2014.
* 3 Cf. seconde partie du présent rapport.
* 4 Depuis 2006, un décret d'avance a été pris chaque année au mois de novembre.