CONCLUSION
Le statut de réfugié n'est pas un sésame . Il clôt un premier parcours du combattant (la demande d'asile) pour en ouvrir un second, plus ardu encore, plus long et plus déstabilisant : l'intégration à la société française.
Les CPH se sont vu historiquement confier pour mission d'accompagner les réfugiés dans ce parcours et de jouer le rôle de « sas » entre la situation précaire du demandeur et celle de membre à part entière de la société française . Toutefois, ce « sas » est depuis plusieurs années mis à mal, à la fois par la faiblesse du nombre de places, la durée de certaines démarches administratives et de l'accès à un logement autonome, et par l'abandon, par l'État, d'une politique volontariste d'accompagnement et d'intégration des réfugiés, dans le contexte de la gestion de masse de la demande d'asile.
Ainsi, le présent rapport vise d'abord à remettre la politique d'intégration et d'accompagnement des réfugiés au coeur de la politique d'asile . Pour ce faire, il préconise trois principales orientations : d'une part, une centralisation par l'État, via son bras armé qu'est l'OFII, de la collecte d'informations sur les réfugiés, du suivi de ces derniers et de leur orientation dans les centres provisoires d'hébergement ; d'autre part, une remise à plat des prestations de ces centres, qui devraient être des centres collectifs, organisés autour d'un objectif d'insertion dans les dispositifs de droit commun ; enfin, un financement spécifique pour l'intégration des réfugiés quel que soit leur mode d'hébergement, concentré sur la formation linguistique complémentaire à l'OFII et des programmes d'accompagnement vers le logement et l'emploi.
Au total, il s'agit à la fois d' améliorer le pilotage et l'égalité de traitement des réfugiés en CPH, mais aussi d'assurer un accompagnement adéquat pour la grande majorité des réfugiés, qui ne sont pas hébergés en CPH .
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 12 novembre 2014, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, sur la mission « Immigration, asile et intégration » et a entendu une communication sur son contrôle budgétaire relatif aux centres provisoires d'hébergement (CPH) des réfugiés.
M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - J'annonce d'emblée que je demanderai à la commission de réserver sa position sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », car je ne suis pas convaincu de la sincérité du budget qui nous est présenté et j'attends des éclairages complémentaires du Gouvernement. On peut avoir des visions différentes sur le droit d'asile ; il n'est pas possible de continuer à sous-évaluer les budgets pour constater en fin d'année qu'il manque 30 % de crédits. Certains responsables reconnaissent ce manque de sincérité, le mettant sur le compte d'une politique d'affichage destinée à faire taire les critiques. Je souhaite que le Gouvernement modifie son budget sur le droit d'asile, et je présenterai en séance un amendement sur les crédits d'intégration. Toute politique d'immigration est vouée à l'échec, à partir du moment où l'on ne consacre pas suffisamment de moyens à l'intégration.
Mme Michèle André , présidente. - Nous reverrons donc ces crédits mardi.
M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - Malgré un budget modeste (666 millions en 2015), la mission « Immigration, asile et intégration » occupe un rôle majeur dans nos débats politiques et sociaux. L'année prochaine, avec un an de retard, le Sénat devrait être saisi de deux réformes en cours d'examen à l'Assemblée nationale : la réforme de l'asile et celle du droit des étrangers. L'objectif de la réforme de l'asile est double et en partie contradictoire : accélérer la procédure de demande d'asile et, en même temps, donner plus de garanties procédurales aux demandeurs. La mise en place de ces réformes devrait marquer toute la période du budget triennal 2015-2017. La prévision d'évolution des dépenses n'est pas réaliste au regard des derniers exercices. C'est pourquoi, le budget ne me paraît pas sincère.
Le programme 303, dans son volet consacré à la demande d'asile représente plus de 75 % des dépenses de la mission. Ces dépenses ont connu une explosion depuis 2008. En 2013, 67 000 personnes ont demandé l'asile en France. C'est un chiffre historiquement très élevé. Au premier semestre de 2014, ce nombre reflue légèrement. Le reclassement du Kosovo sur la liste des pays d'origine pourrait cependant relancer les demandes d'asile en provenance de ce pays vers la France.
Les moyens de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) - bras armé de l'État en matière de droit d'asile - sont augmentés en crédits (- 7 millions d'euros) et en effectifs (+ 55 équivalents temps pleins (ETP)). Cela pourrait réduire le délai de la demande, qui est encore de 205 jours au 1 er juillet 2014 contre un objectif affiché de 90 jours. Je doute toutefois que nous l'atteindrons, malgré les effectifs supplémentaires. Quant aux centres d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), les 4 000 places prévues y ont été créées en 2013 et 2014 et la subvention est portée à plus de 220 millions d'euros.
Les quelque 40 000 demandeurs d'asile qui ne peuvent pas être accueillis en CADA ont droit à l'hébergement d'urgence - notamment des nuitées d'hôtel - et à l'allocation temporaire d'attente (ATA). Sur ces deux dispositifs, l'exécution budgétaire 2014 est explosive. Des besoins complémentaires de 40 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence, et de près de 100 millions d'euros pour l'ATA sont attendus. Pourquoi le Gouvernement ne prend-il pas en compte le nombre des demandeurs d'asile ? Une erreur de 100 millions d'euros n'est pas possible. Il s'agit d'un effet d'affichage. On nous annonce le remplacement de l'ATA par un dispositif plus familial, l'allocation de demande d'asile (ADA), mais cette évolution ne devrait pas faire baisser la dépense. Or, le Gouvernement prévoit que la dépense diminue de 227 millions d'euros en 2014 à 110 millions d'euros en 2015. Diviser par deux les dépenses d'allocation, en un an, avec autant de demandeurs d'asile et pas plus de places en CADA tiendrait du miracle !
Les crédits de lutte contre l'immigration irrégulière restent stables à 73 millions d'euros. Je m'étonne que seulement un million d'euros soit prévu pour l'assignation à résidence, pourtant présentée comme l'alpha et l'oméga de la future politique. Sur près de 70 000 demandeurs d'asile, plus de 50 000 essuient un refus, dont une grande majorité reste en France, en situation irrégulière. On ne peut pas développer l'assignation à résidence avec un million d'euros. La faiblesse de cette ligne budgétaire montre que le Gouvernement ne se donne pas les moyens financiers de ses choix politiques.
Je ne suis pas opposé à une politique migratoire raisonnable. Mais, que dire du financement du programme 104 relatif à l'intégration des étrangers ? Il faudrait donner à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) les moyens d'accomplir sa mission - formation linguistique et civique et accompagnement des étrangers en situation régulière. Or, après des baisses de plafond de taxes affectées en 2013, en 2014, la loi de finances rectificative a supprimé la subvention de 10 millions d'euros que l'État versait à l'OFII, qui doit gérer l'ATA à la place de Pôle emploi. La réforme du droit des étrangers en France conditionne la délivrance du titre de séjour à la connaissance de la langue française au niveau A2. Mais jusqu'alors, l'assiduité suffisait. Sera-t-elle désormais vérifiée par un examen ? Par manque de moyens l'on se contentera sans doute de valider la présence à des cours obligatoires... Je présenterai à titre personnel un amendement pour transférer 10 millions du programme 303 vers le programme 104, afin de renforcer les moyens de l'OFII en matière de formation linguistique, pierre angulaire d'une intégration réussie. Certes, le budget du programme 303 est déjà insuffisant. Un peu plus, un peu moins, le Gouvernement devra abonder le programme en cours d'année et prendra ses responsabilités... La loi de finances ne doit pas masquer les réalités.
Enfin, la dernière ligne du budget est consacrée aux centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH). J'appelle votre attention sur le faible montant de la dotation, de 16 millions d'euros, soit 3 % du total de la mission. C'est peu pour des gens qui ont obtenu le statut de réfugiés et qui obtiendront vraisemblablement la naturalisation. Drôle de manière de les faire entrer dans la nation française ! Un vrai droit d'asile ne repose pas sur un traitement quantitatif, mais qualitatif. Sans moyens, on n'intègre pas bien, d'où ma proposition de réserver la position de la commission sur ces crédits, dans l'attente d'explications supplémentaires du Gouvernement.
Mon contrôle budgétaire a porté sur les CPH. On en dénombre vingt-huit sur le territoire national, soit 1 083 places. Chaque année, environ 10 000 personnes obtiennent le statut de réfugié en France. La durée moyenne de séjour dans un CPH étant de dix mois, 80 à 85 % des réfugiés n'ont pas d'hébergement en CPH. Pour la plupart, après les CADA ou l'hébergement d'urgence, ils trouvent un logement de droit commun. La majorité du public en CPH (88 %) est constituée de familles. Les nationalités les plus représentées sont les Russes (essentiellement des Tchétchènes), les Syriens, les Afghans, les Sri Lankais et les Kosovars. Tout comme les CADA, les CPH sont gérées par des associations, à une exception près, un CPH de 40 places géré par la mairie de Nantes. Ces centres peuvent être des structures collectives ou diffuses, avec des appartements, individuels ou partagés, pris à bail par les associations. En 2015, 16 millions d'euros leur sont consacrés au sein du programme 104. En comparaison, 220 millions d'euros sont budgétés pour les CADA. L'effort financier est clairement réalisé en priorité sur les demandeurs d'asile, et non sur les réfugiés.
Au cours de mes auditions à Paris, et des deux visites de CPH effectuées, j'ai constaté cinq problèmes dans la gestion des CPH. Le premier constat, c'est l'absence d'évolution depuis quinze ans. Le nombre de places est stable, autour de 1 000 places, alors qu'il a quadruplé dans les CADA. Les règles qui régissent les CPH sont inadaptées, figurant dans une circulaire ministérielle obsolète, datant de 1996...
Deuxième constat : la disparité des prestations fournies par les différents CPH. Laissé à lui-même, chacun a développé ses propres activités depuis vingt ans, sans homogénéisation par l'État. Ainsi, alors que certains CPH offrent un simple hébergement avec accompagnement ponctuel, d'autres prévoient un accompagnement social fort, d'autres encore un soutien psychologique ou des formations linguistiques ; celui de Massy que j'ai visité, dispose même d'un terrain de sport...
Troisième constat : les coûts varient d'un centre à l'autre. Ils s'échelonnent de 24 à 39 euros par jour et par place, sans aucune justification d'un tel écart. Quatrième constat : des dispositifs, également financés par l'État, concurrencent les CPH dans leur mission, sans en avoir le statut, ainsi le « Dispositif provisoire d'hébergement des réfugiés statutaires » (DPHRS) en Île-de-France, géré par France Terre d'Asile, et le CADA-IR, géré par Forum Réfugié, en Rhône-Alpes. Certaines associations favorisent également l'intégration des réfugiés par l'accès au logement et à l'emploi, comme le dispositif ACCELAIRE en Rhône-Alpes. Cinquième et dernier constat : l'attribution des places dans les CPH est erratique et s'effectue sur la base de critères non harmonisés. Le processus reste opaque.
Dans son ensemble, le dispositif donne l'impression d'une nébuleuse CPH, plus ou moins autogérée par les associations. L'État s'est contenté de fournir des subventions, sans pilotage stratégique, sans harmonisation des prestations, sans orientation des réfugiés. Le ministère est conscient de l'insuffisance de pilotage et demandeur de propositions de réforme.
Il importe de recentrer les crédits et les dispositifs sur l'objectif d'intégration des réfugiés, qui ont vocation à rester longtemps sur le territoire national. Il serait également utile de définir, au sein de l'OFII, un parcours d'intégration des personnes réfugiées, adaptant le parcours d'intégration des étrangers en situation régulière.
Trois conditions sont essentielles pour réussir la première phase d'intégration : l'hébergement, la langue et l'emploi. En conséquence, je préconise de conserver le statut de CPH en le réservant aux seules structures collectives. À terme, seuls les réfugiés les plus vulnérables y seraient orientés. Pour favoriser l'intégration des autres réfugiés, il faudrait les autoriser, comme c'est le cas en Belgique et aux Pays-Bas notamment, à rester dans les CADA jusqu'à quatre ou cinq mois après la décision de l'OFPRA, puis les insérer dans le droit commun.
Les associations ont un rôle à jouer, moins comme gestionnaires de structures que dans le cadre de l'accompagnement et du suivi des réfugiés. Elles n'applaudissent pas à ces propositions. Cependant, malgré le travail humain essentiel qu'elles fournissent, elles ne peuvent pas compenser le terrible désengagement de l'État : je recommande une vraie réflexion sur les CPH.
M. Philippe Dallier . - Est-il vraiment justifié de différencier les CADA et les CPH ? Après tout, ce sont des locaux qui ont une fonction d'accueil et que gèrent des associations. Du temps où les accords collectifs entre l'État et les bailleurs sociaux fonctionnaient, un pourcentage d'appartements était réservé aux réfugiés. Ces appartements existent-ils toujours ou le droit au logement opposable (DALO) a-t-il tout phagocyté ?
M. Maurice Vincent . - L'approche financière doit coller à la réalité sur ce sujet qui va prendre de plus en plus d'ampleur, au regard de l'évolution du monde. Le rapport signale une progression considérable du nombre des demandeurs d'asile dans l'Union européenne - 435 000 en 2013. La France n'est pas le premier pays d'accueil ; elle est devancée par l'Allemagne.
Mon expérience passée de maire m'a montré combien le problème était difficile à résoudre sur le terrain. La saturation est incontestable dans certains territoires, les villes, notamment. Les difficultés ne sont pas seulement budgétaires. Dans la Loire, où Saint-Etienne est saturée, nous nous sommes heurtés au refus des collectivités locales, toutes orientations politiques confondues. J'ai cru comprendre que la réforme de l'OFPRA raccourcirait la durée d'examen des dossiers, allégeant ainsi la pression sur les CADA. Vous ne semblez pas y croire. Est-ce parce que les effets ne se feront sentir que dans quelques années ? Il est peu probable que le nombre de demandeurs d'asile diminue dans les années à venir. Comment résoudre le problème de l'inégalité de leur répartition sur notre territoire ? Peut-on envisager des moyens plus coercitifs pour que les collectivités locales accueillent ces demandeurs d'asile et désengorger les villes ? Vous avez parlé d'un million d'euros au sujet de l'OFII...
M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - Dix millions d'euros de subventions ont été supprimés.
M. Maurice Vincent . - La situation ne s'améliorera pas sans un effort de coordination des politiques au niveau européen. Nous allons devoir faire face à des flux importants de réfugiés. Le problème des réfugiés syriens, par exemple, ne sera pas réglé avant longtemps. Nous sommes d'accord pour réserver à ce stade notre position sur les crédits de la mission. Au-delà de ce rapport, des solutions restent à trouver pour éviter d'aggraver le problème.
M. Michel Canevet . - Je salue l'excellente manière que vous avez eue d'aborder le dossier et l'orientation dynamique que vous avez su lui donner. La répartition territoriale est un enjeu à ne pas négliger. Dans le Finistère, nous accueillons des mineurs étrangers, isolés de leurs familles. Cinquante places ont été créées l'an dernier, cinquante autres durant le premier semestre 2014, et trente autres sont prévues en 2015. Pour 130 places, nous aurons une dépense de quatre millions d'euros en un an et demi, que je ne suis pas sûr de pouvoir assumer. Des crédits ont été prévus pour accompagner l'effort des départements. Au total, c'est un budget considérable qui est consacré à l'accueil des étrangers.
M. Richard Yung . - Où est la coopération européenne ? On laisse l'Espagne se débrouiller à Ceuta et Melilla, les Italiens régler la situation à Lampedusa. Il n'y a ni convergence, ni solidarité européennes. Quant à la Grèce, elle supprime tout simplement les centres de rétention, et repousse les demandeurs d'asile vers d'autres pays. Ce sont des politiques de Gribouille !
La réforme du droit d'asile raccourcira le délai d'examen des demandes de dix-huit à neuf mois, et sera plus dirigiste pour l'hébergement. Certes il y faut des moyens, mais cela me semble raisonnable. Quelle est l'origine de votre scepticisme, que je suppose fondé ? Cinquante ou soixante postes en plus à l'OFPRA et autant à l'OFII, c'est déjà bien par les temps qui courent !
M. Jean-Claude Boulard . - La raison du scepticisme du rapporteur, c'est qu'il connaît bien le dossier ! Afficher un délai de six mois au pays des droits de la défense n'est pas raisonnable. Il n'est pas vrai que cela coûtera moins cher. La preuve en est l'écart actuel entre prévision et réalisation. De temps en temps, il faut se dire la vérité, la réforme se mettra en place très progressivement : la lucidité mène à la prudence...
M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - J'aurais préféré, tout en étant en désaccord avec une politique, pouvoir reconnaître que les moyens lui correspondent. Or l'on suit une politique sans s'en donner les moyens. Cela ne peut que susciter le scepticisme et l'amertume dans les collectivités et l'opinion publique.
Je suis d'accord avec Philippe Dallier : favoriser les CADA au détriment des CPH, sans argent, ce serait mettre un cautère sur une jambe de bois, ou presque. Les CADA sont malgré tout plus encadrés et les 4 000 places annoncées sont là. L'État ne sait pas gérer les CPH. Je me suis rendu dans un centre d'Île-de-France, car la direction ministérielle ne sait pas ce qui s'y passe. Je m'en suis étonné : ce n'est qu'à quelques kilomètres de Paris, et pourtant la direction n'a aucun retour. Les responsables du CPH ont un contact avec tel service de la préfecture, telle direction, reçoit des noms, demande des subventions... Mais il n'y a aucune remontée centralisée d'information, aucun suivi national. Comment cela est-il possible ?
Même s'il n'y en a pas assez, les CADA sont plus contrôlés, plus accompagnés, tandis que les CPH ont été laissés en déshérence : il n'y a pas de critères, pas de liste de réfugiés prioritaires parce que plus fragiles. Si nous maintenons les CPH, il faudra résoudre le problème du financement de l'intégration et les encadrer davantage.
La convention qui prévoit un pourcentage de logements réservés aux réfugiés existe toujours, mais elle n'est plus appliquée. L'État ne l'impose plus : les associations se débrouillent pour sortir les réfugiés des CADA et des hébergements hôteliers.
Ai-je une approche financière d'un problème qui n'est pas que financier, monsieur Vincent ? S'il est bon de formuler un objectif, encore faut-il qu'il soit réaliste. Or, dans le même texte qui prévoit 55 postes supplémentaires à l'OFPRA et des délais de trois mois pour ce dernier et six mois pour la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), le Gouvernement augmente les garanties, autorise l'intervention plus régulière des avocats, organise des recours, etc. Si à droit constant, nous pouvions espérer qu'un personnel plus nombreux pouvait réduire les délais, ce n'est plus le cas quand le système devient plus complexe. Tant qu'il y aura 65 000 à 70 000 demandeurs d'asile et si nous n'évitons pas cette complexification, le délai ne sera pas réduit.
Cette prétention est d'autant plus ridicule que le texte arrivera au Sénat en début d'année : la réforme ne sera appliquée au mieux qu'au 1 er janvier 2016. La plupart des réfugiés sont hébergés en Île-de-France et en Rhône-Alpes, faute de places d'hébergement suffisantes dans les autres régions, sans compter, il est vrai, les réticences de certaines collectivités.
Chacun réclame une politique coordonnée au niveau européen ou mondial, mais en réalité, les pays moins concernés essaient d'éviter une action qui les contraindrait. Cela reste donc l'affaire du Royaume-Uni, de l'Allemagne, de la France, de l'Italie et de l'Espagne. Les autres nous laissent nous débrouiller. La Grèce a vidé ses centres de rétention ? Oui : les États en difficulté financière profitent du désordre en Europe pour laisser filer les demandeurs d'asile dans l'espace Schengen et laisser les autres États en assumer les conséquences.
Il est difficile de forcer la répartition territoriale : souvent, les demandeurs ont des réseaux, de la famille. L'Allemagne a ainsi reçu de très nombreuses demandes de Syriens, bien plus que nous - moins que les 5 000 dont parlait le Président de la République. C'est sans doute que lors de leur passage en Turquie, ils sont pris en charge par des réseaux kurdes qui les envoient en Allemagne. La France reçoit des Tchétchènes, des Albanais, des Kosovars. Ce dernier pays avait été ajouté à la liste des pays d'origine sûrs, mais il en a été retiré à la suite d'un recours. Le Gouvernement y a ajouté des pays comme l'Albanie. Il est normal que des pays qui ont un régime démocratique y figurent.
Il faut dire la vérité sur ce que cela coûte. Il n'y a rien de pire que d'afficher des chiffres faux. L'ATA - ou l'ADA, quel que soit son nom - ne sera pas divisée par deux en 2015 ; en fin d'année prochaine, vous verrez fleurir les articles de presse disant que les coûts ont explosé... Cela ne me paraît pas de bonne politique.
Mme Michèle André , présidente . - Nous donnons acte de la communication du rapporteur spécial et, conformément à sa préconisation, nous réservons les crédits de la mission.
À l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver sa position sur les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».
Elle a donné acte à M. Roger Karoutchi, rapporteur, de sa communication sur les centres provisoires d'hébergement des réfugiés (CPH) .