N° 700
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 8 juillet 2014 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) relatif aux collectivités territoriales et à la petite enfance ,
Par Mme Patricia SCHILLINGER,
Sénateur.
La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation est composée de : Mme Jacqueline Gourault, présidente ; MM. Claude Belot, Christian Favier, Yves Krattinger, Antoine Lefèvre, Hervé Maurey, Jean-Claude Peyronnet, Rémy Pointereau et Mme Patricia Schillinger, v ice-présidents ; MM. Philippe Dallier et Claude Haut, secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Yannick Botrel, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. François-Noël Buffet, Raymond Couderc, Jean-Patrick Courtois, Michel Delebarre, Éric Doligé, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Jean-Luc Fichet, François Grosdidier, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Georges Labazée, Joël Labbé, Gérard Le Cam, Jean Louis Masson, Rachel Mazuir, Jacques Mézard, Mme Renée Nicoux, MM. André Reichardt, Bruno Retailleau, Alain Richard et Jean-Pierre Vial. |
INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
La Cour des comptes a publié, en novembre 2013, un rapport public thématique consacré à « l'accueil des enfants de moins de 3 ans ».
Bien qu'aucune collectivité territoriale n'ait de compétence explicite en ce domaine, il a semblé opportun à la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de faire le point sur les responsabilités qu'elles assument néanmoins pour soutenir les familles souhaitant faire garder leurs enfants en bas âge.
Dans cette perspective, les représentants des principales associations d'élus (Assemblée des départements de France, Association des maires ruraux de France, Association des maires de France), des familles (Union nationale des associations familiales - UNAF), des assistantes maternelles, ainsi que le directeur de la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) ont été consultés.
Quelques chiffres permettant de mesurer l'ampleur de la tâche : au 1 er janvier 2012 (derniers chiffres disponibles), il y avait en France 2,5 millions d'enfants de moins de trois ans, dont 1,27 million étaient gardés par d'autres personnes que leurs parents.
Le coût global de cet accueil s'élevait, en 2011, à la somme considérable de 14 milliards d'euros , qui représente 0,7 % du PIB de cette année . 73 % du total était à la charge de la branche famille de la Sécurité sociale, 17 % à la charge des collectivités territoriales et 10 % à celle de l'Etat.
Cet important effort vise un triple objectif :
- familial, de soutien à la natalité ;
- socio-économique, d'encouragement au travail des femmes ;
- socio-éducatif, de développement de l'enfant.
Si l'Etat en fixe les orientations générales, le financement de cette politique est en grande partie assuré par la branche famille de la Sécurité sociale, et sa mise en oeuvre relève principalement des collectivités territoriales .
Or il apparaît clairement - et cela a également été souligné par la Cour des comptes - que ces dernières n'ont qu'un rôle marginal dans la prise de décision, qui est essentiellement assurée par l'Etat et la Sécurité sociale.
Le présent rapport vise donc d'abord à dresser un tableau synthétique des différents modes d'accueil des jeunes enfants, et de leur répartition sur le territoire métropolitain. Puis il expose les positions des différents acteurs de terrain sur les atouts et les points faibles de chacun des modes de garde, avant de développer la vision des élus sur les évolutions souhaitables en ce domaine.
I. UNE OFFRE TERRITORIALE TRÈS DISPARATE, ASSURÉE PAR DES MODES DE GARDE DIVERSIFIÉS
La France dispose d'une offre importante en matière d'accueil de jeunes enfants, pour la période précédant l'entrée en école maternelle (en majorité, jusqu'à 3 ans). Il s'agit là d'un atout propre à notre pays , qui le distingue de la plupart de ses voisins européens.
Cependant, cette offre est marquée par une inégale répartition sur le territoire : les zones urbaines les plus denses sont mieux dotées que les zones rurales peu peuplées.
A. UNE OFFRE D'ACCUEIL MARQUÉE PAR UNE GRANDE DISPARITÉ TERRITORIALE
En moyenne nationale, il existait en 2011 (derniers chiffres disponibles) un potentiel de 52 places de garde pour 100 enfants de moins de 3 ans . Cette moyenne recouvre de fortes disparités, car les capacités d'accueil varient, selon les départements de France métropolitaine, de 1 à 3 .
Les départements les mieux dotés se situent dans l'ouest de la France et dans les zones urbaines disposant d'un fort potentiel fiscal (Paris, Hauts-de-Seine,...). À l'inverse, ce sont dans les départements ruraux situés sur un axe allant de l'Eure aux Ardennes, et les zones urbaines défavorisées (Seine-Saint-Denis, Val-d'Oise,...) qu'on constate les offres les plus réduites.
Ces inégalités sont le résultat de facteurs multiples et complexes : difficultés pour les familles démunies socialement et financièrement de recourir à un mode de garde extérieur, dispersion de l'habitat dans les zones rurales, manque de personnels qualifiés,...
Selon la Cour des comptes, « l'accès des familles à un mode de garde reste largement dépendant du niveau de leurs revenus. Ainsi, 64 % des ménages les plus aisés font garder leur enfant, contre 8 % pour les familles les plus modestes ».
La carte ci-après retrace le taux d'accueil par département.
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L'inégalité se constate, quel que soit le mode de garde.
Les établissements d'accueil des jeunes enfants (EAJE), c'est-à-dire les crèches, offraient, en 2011, 13 places en moyenne nationale pour 100 enfants de moins de 3 ans. Ce taux varie, selon les départements, de 4 à 34 places.
Ce sont les départements les plus urbains (Paris et sa petite couronne, sud de la France) qui sont les mieux dotés. Cependant, si la région parisienne bénéficie d'une forte densité en accueil collectif, avec 37 places pour 100 enfants, elle est déficitaire en assistantes maternelles, dont le taux varie entre 5 et 20 pour 100 enfants .
L'offre d'accueil était estimée, en 2011, dans l'ensemble de la France métropolitaine, à :
- 362 000 places en accueil collectif ;
- 300 000 assistantes maternelles, pouvant accueillir jusqu'à 855 000 enfants ;
- 109 000 enfants de 2 ans accueillis en école maternelle (- 10 % par rapport à 2009).
Une enquête, réalisée en 2012 par la CNAF, souligne que les parents gardant leur enfant sont deux fois plus nombreux que ceux à l'avoir expressément souhaité . La CNAF a donc intégré, dans la convention d'objectifs et de gestion (COG) qu'elle a conclue avec l'Etat pour la période 2013-2017, la nécessité de « cibler les dépenses sur les territoires prioritaires au sein des bassins de vie 1 ( * ) ». L'INSEE définit le « bassin de vie » comme : « le plus petit territoire sur lequel les habitants ont accès aux équipements et services les plus courants ». 120 millions d'euros seront ainsi affectés aux crèches situées dans les territoires prioritaires.
Par ailleurs, les trois-quarts des 100 000 nouvelles solutions d'accueil prévues par la CNAF seront créés dans les territoires où la tension entre l'offre et la demande est forte.
Il faut relever que la capacité d'accueil des jeunes enfants, même si elle reste insuffisante, a été notablement renforcée de 2006 à 2011, avec une offre supplémentaire de 132 000 places . Ainsi, les enfants de moins de 3 ans bénéficiant d'une place d'accueil sont passés, durant cette période, de 48 % à 52 %. Cette croissance de l'offre est prioritairement passée par l'accroissement des assistantes maternelles (+ 160 000) et des crèches (+ 53 000). En revanche, la préscolarisation en école maternelle des enfants de deux ans a régressé.
* 1 Voir annexe n° 3.