II. LA NÉCESSAIRE DIVERSIFICATION DES SOURCES DE FINANCEMENT DE LA POLITIQUE DE PROTECTION DU MILIEU MARIN
A. L'ABSENCE D'UNE FISCALITÉ INTERNALISANT LES COÛTS LIÉS À LA DÉGRADATION DE LA BIODIVERSITÉ MARINE ET LES CONSÉQUENCES DU MANQUE DE MOYENS DE L'AAMP
1. L'absence d'une fiscalité internalisant les coûts liés à la dégradation de la biodiversité marine
Comme le relèvent le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et l'Agence des aires marines protégées, « l'analyse de la fiscalité existante montre qu'il n'existe pas aujourd'hui de dispositif fiscal ayant explicitement pour objectif d'internaliser les coûts environnementaux liés à la destruction de la biodiversité en mer » 20 ( * ) .
Ils soulignent également que de nombreuses activités utilisent les ressources littorales et marines sans compensation financière , et que les taxes et redevances perçues sur les activités marines et maritimes demeurent faibles au regard des bénéfices qu'en tirent les secteurs économiques concernés (pêche, navigation de plaisance, plongée subaquatique notamment).
Or, de nombreux usages commerciaux trouvent leur support dans l'existence d'un milieu naturel de qualité . Le milieu marin est particulièrement concerné à cet égard 21 ( * ) . Pour autant, ces activités ne sont pas limitées, et ne participent en rien à la préservation du milieu.
Des réflexions sont en cours chez certains de nos voisins européens pour identifier une ressource dédiée à la protection du milieu marin . Par exemple, en Allemagne, l'Agence fédérale de l'environnement a communiqué en juillet 2012 les résultats d'une étude qui témoigne d'un large soutien du public aux mesures visant à améliorer l'état de la mer Baltique . Ainsi, les habitants des pays baltes seraient disposés à débourser un total cumulé de 4 milliards d'euros par an pour améliorer l'état écologique de leur mer. Pour leur part, les Allemands se disent prêt à payer un supplément de 27,40 euros par personne et par an .
À titre de comparaison, d'après les informations communiquées par le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, le coût de 500 millions d'euros par an à l'horizon 2020 représenterait une somme de l'ordre de 10 euros par Français et par an pour disposer d'un environnement marin préservé, restauré et surveillé.
2. Les conséquences du manque de moyens de l'AAMP
L'action de l'Agence des aires marines protégées se heurte aujourd'hui à un décalage entre des moyens contraints dans le cadre de la politique de réduction des dépenses publiques et des missions de plus en plus nombreuses , liées en particulier à la mise en oeuvre des directives communautaires dans le domaine de la protection de l'eau et du milieu marin.
Interrogée par votre rapporteur spécial, Brigitte Klein, contrôleur général économique et financier, estime que « que les moyens financiers sont très en décalage par rapport aux ambitions annoncées dans les différents documents et engagements de la France en matière de protection de l'environnement maritime. L'agence porte de grandes ambitions, mais elle est limitée par les moyens financiers » 22 ( * ) .
En raison de cette situation, l'AAMP a dû arbitrer entre ses différentes activités : elle a choisi de privilégier le fonctionnement et les parcs naturels marins au détriment de son activité de collecte de données, ce qui se traduit, pour le moment, par l'arrêt du financement des campagnes de données . Ce recentrage lui a permis de poursuivre sa croissance dans les autres domaines.
En ce qui concerne les parcs naturels marins, le manque de moyens actuel a pour conséquence de retarder la création de certains parcs , de peur de ne pouvoir assurer leur fonctionnement. Cette situation pourrait aussi aboutir à affaiblir la crédibilité de l'agence auprès des différents acteurs impliqués et à lui faire perdre leur confiance. En outre, elle fait courir le risque d'une péremption des études préparatoires réalisées .
Par ailleurs, les contraintes budgétaires n'ont pas permis de doter les parcs existants , à l'exception de celui d'Iroise, des moyens humains adéquats .
Le projet annuel de performances de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » annexé au projet de loi de finances pour 2014 indique que, dans le cadre de ses différentes missions et pour répondre à la contrainte budgétaire , l'agence met en place « une stratégie d'internalisation maximale (l'externalisation coûtant deux fois plus cher), grâce à une hausse du plafond d'emplois ».
En conclusion, la multiplication et l'alourdissement des missions confiées à l'agence, conséquence de la croissance du coût de la politique de protection du milieu marin appellent donc, en ce qui concerne son financement, un changement d'échelle budgétaire et une réflexion nécessaire sur le financement de cette politique. Comme le souligne l'Agence des aires marines protégées, les ressources supplémentaires « ne peuvent être recherchées, compte tenu du contexte économique et de la contrainte budgétaire, qu'auprès des usagers qui y contribuent à l'heure actuelle de manière marginale ou pas du tout » 23 ( * ) .
De façon plus générale, il apparaît urgent d'anticiper la montée en charge du coût financier de la politique de protection du milieu marin .
* 20 Source : réponse du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie au questionnaire de votre rapporteur spécial.
* 21 Par exemple, visite des calanques, randonnées subaquatiques, découverte de mammifères marins...
* 22 Source : réponse de Mme Brigitte Klein au questionnaire de votre rapporteur spécial.
* 23 Source : réponse de l'Agence des aires marines protégées au questionnaire de votre rapporteur spécial.