IV. UNE PRIORITÉ : MIEUX FORMER LES RÉDACTEURS DES TEXTES D'APPLICATION DES LOIS
En dépit de leur bonne volonté, les quelque 6 000 agents publics en charge de l'élaboration des textes d'application dans les différents ministères et bureaux des administrations centrales ne maîtrisent pas toujours suffisamment les techniques de rédaction juridique et, surtout, les instruments d'une bonne communication juridique à travers un texte à vocation normative.
Il en résulte parfois des normes à la rédaction rébarbative, faisant appel à des notions trop complexes pour les usagers auxquels elles sont destinées, comportant des termes juridiques abscons, etc... Dans l'autre sens, certaines réglementations apparaissent trop peu claires pour être juridiquement opératoires, les rédacteurs peinant à trouver leurs marques entre le trop juridique et le pas assez...
Pour tenter de sortir de ces contradictions, plusieurs pistes de réflexions ont été évoquées, la plupart portant sur le contenu-même de la formation des agents de catégorie A, d'où sont issus la majorité des rédacteurs de textes.
Une intéressante proposition a été formulée dans le cadre du rapport de la mission de lutte contre l'inflation normative présenté par Alain Lambert et Jean Claude Boulard. Ses auteurs ont ainsi préconisé le « renforcement de la formation des cadres de la fonction publique à la légistique et aux enjeux (démocratiques, économiques et sociaux) du droit ». Ce rapport recommande que la formation à la légistique -c'est-à-dire à la technique de rédaction de textes de bonne qualité normative, sur le fond comme sur la forme- soit significativement renforcée dans l'ensemble des écoles et centres de formation de la fonction publique, ainsi que dans les cycles de formation au droit proposés par les plans de formation continue des ministères.
Cette action en direction des futurs cadres administratifs gagnerait à être conduite dans la durée (à titre d'exemple, la formation à la légistique n'est dispensée à l'ENA qu'au cours du troisième module de scolarité, alors qu'il serait pertinent de l'étaler sur l'ensemble du cursus), et devrait être axée plus sur l'accessibilité des textes pour les usagers du droit que sur la transcription, en termes purement techniques des objectifs à atteindre. Il serait également souhaitable que les futurs rédacteurs de textes intègrent plus profondément le sens de la hiérarchie des normes, et le rôle de régulateur des rapports sociaux qu'exerce l'État à travers la production normative. Le rapport Lambert/Boulard insiste aussi sur l'utilité de « marteler le message que le recours à la norme doit être modéré et que la norme obligatoire ne peut intervenir que par exception ».
Une autre piste concrète a été tracée par Serge Lasvignes, lors de son audition par votre commission en décembre 2012, également sur la rénovation de la formation des cadres fonctionnaires. Constatant que « dans notre système, tout fonctionnaire peut rédiger un décret [...] Or, le niveau de formation de ces fonctionnaires est inégal », le Secrétaire général du Gouvernement a ainsi évoqué la mise en place d'une « formation initiale en coopération avec l'École nationale de l'administration (ENA) et les instituts régionaux d'administration (IRA), et une formation continue, avec des modules d'initiation puis d'approfondissement ».