B. L'EXPLOITATION DES INFRASTRUCTURES EST AU CoeUR D'UNE NORMALISATION DES MODÈLES ÉCONOMIQUES
La dépendance d'une entreprise à une ressource particulière, qu'il s'agisse de subventions publiques ou de droits audiovisuels, peut s'avérer risquée. Dans les disciplines à fort potentiel économique, le renouvellement des enceintes sportives constitue une opportunité pour asseoir des recettes nouvelles et pérennes.
Les modèles économiques des clubs sportifs sont, en effet, désormais comparables à ceux d'une entreprise commerciale classique . La tendance actuelle consiste à bâtir une marque autour de vedettes sportives et d'un équipement. Il s'agit ensuite d'exploiter cette notoriété pour développer l'activité économique du club, notamment à travers la gestion de son infrastructure.
Cette stratégie requiert cependant un investissement initial important , d'où les levées de capitaux propres précédemment évoquées, et nécessite de sécuriser l'exploitation des enceintes sportives.
1. Un retard à rattraper en matière d'infrastructures à destination du sport professionnel
L'une des raisons les plus fréquemment évoquées au cours des auditions pour expliquer la fragilité des recettes des clubs professionnels français tient aux installations (stades ou salles) dans lesquelles ils évoluent . La prise de conscience du rôle essentiel que jouent désormais les enceintes sportives dans l'économie du sport est récente.
À l'instar de nos collègues Jean-Marc Todeschini et Dominique Bailly 50 ( * ) , plusieurs rapports ont évoqué, au cours des dernières années, la question des installations utilisées notamment par le sport professionnel : « Grands stades - Euro 2016 » (rapport Séguin) 51 ( * ) , « Accroître la compétitivité des clubs de football professionnel français » (rapport Besson) 52 ( * ) , « Aréna 2015 » (rapport Costantini) 53 ( * ) , « L'attractivité de la France pour l'organisation de grands événements sportifs » (rapport Douillet) 54 ( * ) . Les insuffisances du parc français y sont largement détaillées :
- au plan quantitatif, l' absence ou l'insuffisance de certains équipements est particulièrement déplorée, à l'instar d'une grande piste de patinage de vitesse, d'un centre aquatique permettant d'accueillir des championnats de natation en plein air, ou encore de grandes salles de plus de 5 000 places dont la France est particulièrement sous-dotée ;
- au plan qualitatif, les installations françaises sont vieillissantes , ne répondent parfois plus aux cahiers des charges des fédérations internationales pour l'accueil de grandes compétitions, n'offrent pas de prestations de qualité pour l'accueil des spectateurs (proximité, vision du spectacle sportif, nombre de places « à prestation ») et la valorisation des partenariats économiques, ni ne disposent d'équipements techniques adaptés aux nouveaux standards de la diffusion audiovisuelle.
À l'heure où les compétitions phares deviennent des « grands-messes » planétaires, les clubs d'élite souffrent de ce défaut d'infrastructures, alors qu'ils sont placés en situation de concurrence avec des rivaux européens en règle générale mieux lotis qu'eux.
De fait, la France fait pâle figure à côté de certains de ses voisins en matière d'équipements sportifs. Notre pays accuse un retard particulièrement important dans deux domaines , que les travaux réalisés en prévision de l'Euro 2016 et ceux à venir pour la Coupe du monde de handball en 2017 ambitionnent de combler en partie : la construction de salles de taille intermédiaire et d'arénas, et la montée en gamme des stades.
a) Une pénurie d'arénas et de salles de taille intermédiaire
Le constat dressé par le rapport Aréna 2015 est alarmant : « En matière de grandes salles, la France s'est endormie ». En trente ans, seulement deux salles de plus de 10 000 places ont été construites : le Palais omnisports de Paris-Bercy (POPB) d'une capacité de 14 500 places en configuration sport (1983) et le Park&Suites Arena de Montpellier d'une capacité de 14 000 places en configuration sport (2010).
Dans l'intervalle, la plupart des pays d'Europe se sont dotés d'arénas et l'on y dénombre au total 90 salles de plus de 10 000 places, dont 18 en Allemagne, 12 en Espagne, 6 en Italie ou encore 5 au Royaume-Uni. L'Allemagne, pays le mieux doté d'Europe, ne compte pas moins de 51 structures de plus de 5 000 places, dont 14 de plus de 10 000 places et 4 de plus de 15 000 places.
Au final, la France se situe au huitième rang européen pour les salles de sport de plus de 5 000 places , un déficit que les 17 zéniths (salles de spectacle modulables) ne permettent pas de combler, seul celui d'Orléans permettant d'accueillir les matchs européens de son équipe de basketball.
Le déficit de grandes salles dessert les clubs professionnels qui manquent de visibilité médiatique et éprouvent des difficultés à mettre en place un modèle économique indépendant des subventions . La capacité jugée normale pour les compétitions est d'environ 5 000 places, alors que le parc actuel de salles oscille généralement entre 3 000 et 3 500 places, avec à la clé moins de recettes de billetterie . Au cours de son audition, Florent Houzot, directeur de la rédaction de beIN SPORTS, signalait ainsi que « le PSG Handball, qui n'a pas de salle pour accueillir des clubs qui viennent jouer la ligue des champions de handball, est obligé d'annexer la Halle Carpentier et il doit harmoniser son calendrier avec l'équipe de basketball de Nanterre qui joue dans cette même salle, d'où des problèmes de programmation ».
En outre, alors que la rentabilité de l'exploitation d'une salle repose en général sur sa multifonctionnalité, les installations actuelles ne séduisent guère les artistes étrangers susceptibles de s'y produire . Hormis quelques dates à Bercy, les tourneurs européens et américains privilégient en effet l'Allemagne, la Belgique ou l'Angleterre, où la capacité des salles offre davantage de perspectives de recettes.
Pour ces raisons, la première recommandation du rapport Arénas 2015 était de « permettre à la France d'accueillir des compétitions européennes ou mondiales et de s'inscrire dans le marché de l'événementiel européen en construisant ou rénovant une enceinte de plus de 20 000 places, une enceinte de 15 000 places et cinq enceintes de 10 000 places (en configuration sport) sur le modèle Aréna ».
b) Un parc de stades vieillissant, insuffisamment équipé et mal calibré
« Trop de villes moyennes évoluent dans des stades municipaux peu attrayants, parfois vétustes » déploraient les inspecteurs de la mission d'évaluation de la politique de soutien au sport professionnel et des solidarités avec le sport amateur lors de leur audition par votre mission. L'âge des stades français s'élève en moyenne à 66 ans , contre 50 ans en Allemagne, 34 au Portugal et 28 en Suisse. L'effort de renouvellement nécessiterait un investissement de l'ordre de 12 à 13 milliards d'euros selon les projections. Il s'agit là d'un enjeu majeur, comme le soulignait Jean-Michel Aulas, président de l'OL devant votre mission : « Contrairement à 1998, il ne faut pas rater l'opportunité de 2016, ou alors nous resterons avec des sous-équipements sportifs. »
Le vieillissement des installations explique en grande parte l'échec répété des candidatures de la France à l'organisation des Jeux olympiques sur la période récente . Il impose également une pratique sportive contrainte, et alimente la fragilité des clubs professionnels . Nos voisins l'ont bien compris, à l'instar du club londonien d'Arsenal qui a abandonné le stade historique d'Highbury à l'été 2006 pour s'installer dans le nouvel Emirates Stadium, une enceinte moderne aux capacités d'accueil plus importantes : depuis, son résultat net a fortement progressé, de 65 millions d'euros à près de 140 millions d'euros, notamment à la faveur d'un quasi-doublement des recettes de billetterie .
Souvent anciens, peu adaptés, mal équipés, nos équipements ne sont pas à la hauteur des événements qu'ils hébergent . Ni l'offre d'hospitalité (espaces pour les réceptions, loges et places VIP), ni les locaux annexes (vestiaires, terrain d'échauffement, parking) ne permettent d'accueillir le public et les sportifs à des standards proches de nos voisins européens. L'affluence dans les stades et les recettes de billetterie en pâtissent.
En outre, seules des installations modernes offrent un support technique (local régie, équipements numériques, éclairages) satisfaisant aux équipes de télévision, ce qui permet l'attribution des droits de retransmission dans les conditions les plus favorables. Florent Houzot, directeur de la rédaction de beIN SPORTS, rappelait ainsi, lors de son audition, que lorsque les diffuseurs ont « des difficultés à produire, les coûts s'envolent, ce qui implique que les droits diminuent ». De fait, la France est l'un des pays qui collecte le moins de droits audiovisuels en raison de l'insuffisance des infrastructures techniques .
Daniel Bilalian, directeur-général adjoint de France Télévisions en charge des sports, a estimé devant votre mission : « Les installations des clubs de deuxième ou de troisième division anglaise valent largement celles du Parc des Princes ». Il a indiqué, par exemple, que : « le football britannique est mieux filmé que chez nous car dans leurs stades, les caméras sont placées plus bas sur les gradins, même si cela doit supprimer des places. En France, les caméras sont placées en haut, ce qui libère des places, mais la qualité de retransmission s'en ressent. Lors de la construction du stade de Lille, on ne nous a rien demandé : il est flambant neuf, mais inadapté. »
En effet, le financement public des stades n'incite pas à optimiser la coordination . François Pellissier, directeur délégué de TF1 Production en charge des sports, déplorait ainsi lors de son audition : « dans certains stades, impossible de faire entrer un semi-remorque ou encore des emplacements des caméras qui laissent à désirer. Beaucoup de paramètres, qui devraient être pris en compte en amont, ne le sont pas suffisamment. La fédération de rugby nous a demandé quels seraient nos besoins pour le futur stade, mais c'est rarement le cas. » De fait, lorsque l'infrastructure est financée sur fonds privés, la rentabilité de l'investissement impose de négliger aucun élément de la chaîne de valeur , à commencer par les diffuseurs audiovisuels qui sont plus facilement associés à la conception du stade comme aux décisions de report des matchs.
La nécessité de revoir l'offre de stades ne doit pas pour autant aboutir à une course au gigantisme . Pour des raisons plus sociologiques et politiques qu'économiques, le financement public de certaines infrastructures a parfois conduit à l'apparition d' « éléphants blancs ». Jean-Michel Aulas plaidait ainsi devant votre mission pour le bon sens, que l'investisseur privé est souvent contraint de suivre : « La taille des stades doit être en rapport avec celle des agglomérations. On ne peut construire le même stade au Havre et à Lyon. Il faut être raisonnable ». De fait, le risque financier associé à un projet démesuré s'accorde mal avec l'aléa sportif . Le succès du club de basketball de Nanterre, champion de Pro A en 2013 avec des moyens limités, n'empêche pas ses responsables de faire preuve de réalisme : ils ont ainsi décidé de limiter les investissements ainsi que la capacité de l'enceinte à 3 000 places afin d'éviter de futures désillusions.
Aujourd'hui, la France souffre d'un déficit en petits stades modernes de 10 000 à 15 000 places. À l'exception des têtes d'affiche, la plupart des matchs de Ligue 1 ou du Top 14 (et a fortiori de Ligue 2 et de Pro D2) ne permettent pas de remplir les plus grands stades. L'UEFA évalue ainsi à 68 % le taux moyen de remplissage des tribunes françaises, contre 90 % pour les stades allemands et anglais. Or, l'impression de vide que suscite un public clairsemé nuit au spectacle sportif . Vincent Chaudel, expert sport du cabinet Kurt Salmon, expliquait ainsi à la mission d'information qu'« aux États Unis, le soccer a été présenté dans un premier temps dans les stades immenses du football américain, ce qui le desservait. Désormais, les matchs ont lieu dans des stades à taille pertinente et le soccer se développe ».
Autrement dit, un petit stade bien rempli est préférable à un grand stade à moitié vide, tant pour la rentabilité de la billetterie que pour l'ensemble de l'économie d'une manifestation, à commencer par les diffuseurs TV. Daniel Bilalian présentait ainsi à votre mission la « règle d'or » de l'audiovisuel sportif : « un stade plein est synonyme d'événement, alors qu'un stade vide, c'est un non-événement ». Un équipement surdimensionné est donc synonyme de double-peine : il génère moins de recettes et engendre mécaniquement un surcroît de dépenses, à la fois pour l'entretien et le fonctionnement courant, mais également pour offrir une prestation à la hauteur de l'investissement consenti. Étienne Tête, conseiller de la région Rhône-Alpes et conseiller municipal de Lyon, résumait ainsi cette dynamique inflationniste lors de son audition : « remplir un stade plus grand suppose d'offrir un plus beau spectacle et, pour cela, d'aligner des joueurs qui attirent du public par leurs résultats, ce qui a un coût ».
2. Les leviers de création de valeur d'un équipement sportif professionnel
Face aux coûts d'investissement qu'il nécessite, le modèle économique des enceintes sportives nécessite une réflexion qui dépasse le strict cadre de la mission sportive ou de spectacle qui leur est confiée et implique souvent des montages complexes pour garantir une faisabilité financière et économique.
Damien Rajot, directeur opérationnel de Vinci Stadium, soulignait lors de son audition qu'« il faut considérer l'écosystème complet pour refonder le modèle économique global du sport ». De plus en plus, les infrastructures sportives doivent être conçues comme des lieux de vie , d'attraction des touristes urbains et des entreprises et devenir modulables . Les stades sont considérés comme de véritables actifs, générant des recettes « dans le cadre de leur utilisation par des entreprises, ce que l'on appelle le B to B, ou des particuliers, le B to C » expliquait Jean-Michel Aulas, président de l'OL à votre mission.
a) Le développement d'une politique du spectateur
(1) Des recettes de billetterie en berne en raison d'une offre insuffisamment qualitative
Le sport professionnel français pâtit de l'insuffisance de ses recettes de billetterie et de la faible affluence dans les stades . Les comparaisons internationales le soulignent. Avec près de 44 300 spectateurs en moyenne par match au cours de la saison 2011-2012 55 ( * ) , la Bundesliga allemande enregistre le taux d'affluence le plus élevé (en hausse de 5 %), devant la Premier League anglaise (34 0600), la Liga espagnole (26 000) et la Serie A italienne (22 000 environ). La Ligue 1 française attire quant à elle environ 18 900 spectateurs en moyenne, en baisse de 4 % sur la saison 2011-2012. En conséquence, pour la saison 2011-2012, les recettes d'exploitation des stades étaient de 676 millions d'euros pour la Premier League , de 441 millions d'euros pour la Bundesliga et de 433 millions d'euros pour la Liga contre 124 millions d'euros pour la Ligue 1. Plus généralement, à l'exception du Top 14, la billetterie représente souvent moins de 15 % des recettes des clubs professionnels français.
Le problème n'est pas quantitatif : le nombre de places offertes est généralement suffisant. Étienne Tête, conseiller de la région Rhône-Alpes et conseiller municipal de Lyon, soulignait ainsi lors de son audition : « La croissance de la taille des stades dégage-t-elle de plus grandes recettes de billetterie, susceptibles de financer ceux-ci ? Le vecteur de recette principal des clubs sont les droits de retransmission télé, apparus en 2000 et 2004, qui s'élèvent à 700 millions et constituent 50 % du budget de beaucoup de clubs. La billetterie en représente 10 à 20 %. Même en l'augmentant, on ne peut espérer qu'elle finance des équipements de 300 millions ou 400 millions ». Autrement dit, il ne s'agit pas d'augmenter outre mesure la taille des infrastructures.
D'ailleurs, l'indicateur de l'affluence ne détermine pas, à lui seul, le niveau global des rentrées financières les jours de match. Le prix des places est évidemment un élément déterminant, qui peut constituer un frein pour le public familial. Au-delà de l'achat de leur billet, les spectateurs sont également des consommateurs de boissons, de nourriture et de produits dérivés, un point sur lequel la France se distingue également par son retard : le rapport Besson de 2008 56 ( * ) évalue ainsi à 17,3 euros la recette moyenne par spectateur dans les stades français, contre plus de 32 euros dans les championnats anglais, allemand, espagnol et italien.
Plusieurs explications d'ordre essentiellement qualitatif ont été signalées, au cours des visites et des auditions, pour expliquer la singularité française : moindre qualité de l'accueil, choix des horaires en fonction des impératifs de retransmission télévisuelle, grilles tarifaires inadaptées, sécurité insuffisante dans et autour des stades, faiblesse du sentiment d'appartenance au club ou encore vétusté des infrastructures. En effet, l'abondance des droits TV et des subventions publiques n'ont pas incité les gestionnaires d'infrastructures à revoir leur offre commerciale pour attirer un nouveau public, notamment familial dans les stades. Notre collègue Pierre Martin soulignait ainsi auprès de votre mission la nécessité de revoir radicalement l'approche française en la matière : « Nous avons le droit de faire preuve d'imagination. Il faut de nouveaux lieux, de nouveaux centres de vie où les gens puissent continuer à passer des moments de bonheur et de plaisir. Le peuple de Lens va au stade avec des sandwichs et des frites pour y être heureux. »
(2) S'ouvrir à un large public suppose de proposer une expérience exceptionnelle dans un environnement repensé pour le spectateur
L' inspiration des modèles étrangers conduit désormais à repenser le modèle économique des stades autour d'une véritable politique du spectateur . Rémi Duchêne, inspecteur général de l'administration et co-auteur du rapport de la mission d'évaluation de la politique de soutien au sport professionnel et des solidarités avec le sport amateur, plaidait ainsi lors de son audition « pour que les spectateurs n'aient plus l'impression de venir dans un univers carcéral de grillages et de barrières, où les supporteurs invités doivent marcher entre deux rangées de CRS. Les stades pourraient alors accueillir femmes, enfants et vieillards ».
Le succès du modèle allemand réside en partie dans cette modification de la sociologie du spectateur . Tout l'enjeu consiste aujourd'hui à faire venir un large public dans les stades, ce que confirmait Alain Caldarella, directeur-général de l'Océane Stadium du Havre, à votre mission : « En Allemagne ce ne sont pas les premier et deuxième clubs qui remplissent les stades, mais l'ensemble des clubs, car tout y a été conçu pour le confort du spectateur. L'objectif des nouveaux stades doit être de faire venir les spectateurs en multipliant les activités. Il faut assurer le spectacle, l'accueil et la sécurité. Nous pouvons nous inspirer des méthodes allemandes et anglaises en les adaptant. Nous pouvons dégager un revenu complémentaire par des activités annexes. Nous avons ainsi fait venir un petit groupe de musique, Maître Gims ; les 400 places, vendues en amont, couvraient les cachets et la fréquentation du stade a augmenté. Les stades doivent travailler ensemble pour créer une programmation intelligente qui satisfasse le public. »
Le succès populaire d'un stade moderne repose ainsi sur deux éléments-clés : un contenu de qualité et une enceinte repensée comme un lieu de vie. En effet, pour inciter le spectateur à se déplacer, il faut lui donner le sentiment d'être privilégié et d'assister à un spectacle exceptionnel. Les spectateurs veulent des exclusivités que ne propose pas la télévision. Damien Rajot, directeur opérationnel de Vinci Stadium, soulignait cette demande lors de son audition : « Surtout, créer du contenu exige de s'interroger sur les attentes des spectateurs au lieu de laisser le diffuseur dicter ses règles. Que les gens se tiennent à l'écart des stades n'est pas une fatalité. L'Allianz Riviera à Nice a développé une vraie politique du spectateur pour fidéliser le public. L'on prend souvent pour exemple la pratique américaine : shows avant et après le match, explications sur le spectacle. Un téléspectateur a aujourd'hui plus d'informations qu'un spectateur qui a payé sa place. Le travail n'est pas fait dans ce domaine ». On retrouve ici la problématique du « stade connecté » largement évoquée au cours des auditions de la mission 57 ( * ) .
Le second point concerne la création d'espaces de convivialité. La réhabilitation des enceintes est l'occasion de penser ces équipements comme des lieux de vie visant à sédentariser le « public consommateur ». En améliorant la qualité de l'accueil, les supporters viennent plus tôt et consomment plus longtemps. Jean-Michel Aulas confirmait ainsi à votre mission : « L'exemple du stade de Nice, régulièrement plein, en est une bonne illustration tout comme celui du stade de Lille. L'ancien stade comptait 13 000 spectateurs en moyenne annuelle, mais 40 000 depuis sa rénovation, parce que les gens ne viennent plus au stade juste pour supporter leur équipe ; ils viennent s'y divertir de diverses manières. »
Une réflexion mérite également d'être menée sur les horaires des matchs , qui ne permettent pas toujours aux familles d'y assister. Ceux-ci sont principalement dictés par des impératifs de retransmission télévisée, comme l'illustrait Jean-Pascal Gayant, économiste du sport et professeur à l'université du Maine, devant votre mission : « En 2012, pour ne pas concurrencer la retransmission d'un match de ligue 1 le vendredi soir, ceux de ligue 2 avaient été décalés à 18 heures puis à 18 h 45, d'où une chute de fréquentation de 10 à 20 % ». À l'heure actuelle, les ligues privilégient la contrainte audiovisuelle, en raison du niveau élevé des recettes qui en découlent. Cet équilibre pourrait néanmoins être revu, si les clubs devaient à l'avenir être capables de s'autofinancer sans intervention publique. La question du remplissage des stades pèserait davantage dans la réflexion et servirait probablement de prétexte à une nouvelle répartition des droits TV.
(3) Le tourisme sportif est une niche en pleine expansion
Les grands équipements sont souvent considérés comme les cathédrales du XXI e siècle. En raison de leur architecture originale et de l' aura mythique qui les entoure, les grands stades participent souvent à l'attractivité de certaines destinations, qu'il s'agisse de Camp Nou à Barcelone, de Twickenham à Londres, de l'Allianz Arena de Munich, du Stade de France ou de Roland-Garros à Paris.
Ainsi, les profits tirés des équipements sportifs peuvent être améliorés par leur attractivité touristique. L'étude d'Atout France publiée en mai 2013 58 ( * ) rappelle que « les grands équipements sportifs sont des lieux exceptionnels et différenciants pour l'accueil de touristes et de manifestations d'affaires, en particulier si des offres groupées sont proposées, incluses avec l'entrée à un événement sportif ou non et la participation à des animations organisées dans l'équipement ».
Toutefois, l'attrait touristique tient davantage au couple formé par le club résident et le stade qu'au seul élément architectural. Ainsi, un million de supporters du FC Barcelone visitent chaque année l'enceinte Camp Nou, le plus grand stade d'Europe (99 353 places) qui abrite le club à la renommée internationale. Les touristes dépensent 25 euros pour entrer dans les coulisses de l'installation, interdites d'accès pendant les matchs.
En France, certaines sociétés profitent de cette tendance. L'agence Cultival propose ainsi aux fans de l'OM de visiter le Stade Vélodrome à quelques heures d'un match, lorsque l'établissement fourmille de techniciens affairés à préparer la rencontre. Le Stade de France arrive quant à lui en tête des infrastructures les plus visitées avec 200 000 entrées par an. La visite coûte 15 euros et propose l'accès aux vestiaires (ceux de l'équipe de France en 1998), l'entrée sur la pelouse (ou ses abords) et l'accès à un espace muséographique de quatre salles. Près de 26 % des visiteurs sont étrangers et cette part tend à augmenter de 1 % à 2 % par an.
b) Des prestations à destination des entreprises privées
L'équipement sportif peut également servir de support à un dialogue renforcé avec le monde de l'entreprise. Votre mission a pu observer qu' à l'étranger, les gestionnaires d'infrastructures misent sur les prestations d'hospitalité et les partenariats pour accroître leur chiffre d'affaires.
La Rugby Football Union (RFU) britannique vient ainsi de rénover totalement l'aile sud du stade de Twickenham pour un coût total de 120 millions de livres. Cette dernière est conçue pour être utilisée 365 jours par an et intègre désormais un hôtel Marriott de 150 lits, dont 6 suites avec vue sur le terrain transformées en loges à l'occasion des matches ; des espaces pour héberger des conférences et salons professionnels transformés en salles de réception le jour des matches ; un club de sport Virgin de 1 500 membres ainsi que le siège de la fédération.
De même, l' exploitation de luxueuses loges VIP destinées notamment aux grandes entreprises allemandes, est au coeur du modèle économique du nouveau stade du Bayern Munich. Les responsables du club, propriétaire de son infrastructure, insistent sur l'importance du partenariat à long terme avec Allianz : outre le nommage, l'entreprise possède l'exclusivité de la publicité dans le stade en dehors des jours de match jusqu'en 2031 (les espaces publicitaires sont partagés les jours de match).
Le « tourisme d'affaires » et le nommage commencent à apparaître dans les stades français. Par exemple, à Marseille, 8 500 mètres carrés de salons privatifs seront proposés aux entreprises à l'issue de la rénovation du stade Vélodrome.
L'essor du nommage des stades Le nommage consiste à donner le nom d'une entreprise à une infrastructure en contrepartie d'un partenariat financier de dix à quinze ans en moyenne. Cette pratique venue des États-Unis génère des contrats de plusieurs millions d'euros par an et séduit de plus en plus les gestionnaires d'infrastructures. Le premier cas de nommage en Europe est apparu avec la construction du Philips Stadion (1913) à Eindhoven (Pays-Bas). Entièrement financé par l'ancien leader de l'électronique, ce stade compte aujourd'hui un peu plus de 35 000 places. En France, la pratique existe depuis la construction du circuit Paul-Ricard dans le Var (1970). Sur la période récente, plusieurs projets ont abouti dont le Park&Suites Arena de Montpellier (2011), le MMArena au Mans (2011) ou l'Allianz Riviera de Nice (2013). D'autres sont actuellement en cours de négociation, à Marseille ou à Bordeaux par exemple. Les entreprises sont attirées par l'idée de faire vivre et d'exploiter leur marque de façon dynamique, à travers un grand stade qui jouit d'un fort rayonnement national et international Comme le soulignait Damien Rajot, directeur opérationnel de Vinci Stadium, devant votre mission, « donner son nom à un stade, comme Allianz à Nice, est très important pour cette marque. » En effet, la répétition du nom de l'infrastructure au fil des événements permet d'ancrer la marque dans les esprits . Cette technique marketing est d'autant plus efficace que la charge émotionnelle est forte , comme durant un match ou un concert.
Source : Mission commune d'information sur le sport
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c) Une diversification des recettes grâce à la multifonctionnalité
À l'exception de quelques têtes d'affiche, comme le Parc des Princes ou Roland-Garros , rares sont les infrastructures rentabilisées grâce à la seule prestation du club ou de la compétition résidente . En ôtant toute subvention extérieure, l'équilibre financier des stades de Ligue 1 est rarement atteint grâce aux dix-neuf matchs de championnat.
Pour augmenter leurs recettes, les gestionnaires développent une vision globale du potentiel d'utilisation de leur équipement , en calibrant l'aménagement et l'accessibilité de l'infrastructure pour y permettre l'accueil d'événements différents (autres manifestations sportives, concerts, événements culturels, galas). Ainsi, le Staples Center , une aréna de 20 000 places à Los Angeles, accueille cinq clubs résidents (dont les LA Lakers , une des plus célèbres équipes de la NBA) et 250 événements par an.
Cette multifonctionnalité , poussée à l'extrême dans le cas des arénas 59 ( * ) , permet d' amortir plus rapidement les investissements et d'être moins tributaire de l'aléa sportif . Alain Caldarella, directeur-général de l'Océane Stadium du Havre, vantait ainsi à votre mission les mérites de ce modèle : « Notre objectif au Havre est d'être moins dépendant des aléas sportifs, avec un stade pour tous, qui soit un centre de vie accueillant d'autres manifestations : nous avons donné un concert et la fédération française de rugby est venue jouer chez nous. Le club résident a été intégré au projet. L'investissement judicieux est celui qui sert 24 heures sur 24 et 365 jours par an. Sur les 26 manifestations organisées l'année dernière 19 sont des matchs de football, et des séminaires ont lieu tous les jours. »
La multifonctionnalité implique la modularité , au prix de performances techniques parfois onéreuses : elle peut nécessiter la couverture amovible du stade, pour permettre l'ensoleillement de la pelouse ; cette dernière gagne à être rétractable et l'équipement doit proposer plusieurs types de configurations permettant de fermer une partie plus ou moins importante des tribunes, selon qu'il accueille un concert, un match ou un spectacle culturel. La modularité a un coût : alors que l'investissement par siège dans un stade varie en moyenne de 3 000 à 4 000 euros, ce montant s'élève à près de 5 000 euros dans le cas d'une aréna.
La rentabilité de l'opération repose alors sur une exploitation intensive , qui se heurte à l'existence de contraintes de calendrier dont la gestion peut s'avérer délicate, ainsi qu'à la capacité à produire un contenu de qualité de façon régulière . Étienne Tête, conseiller de la région Rhône-Alpes et conseiller municipal de Lyon, résumait ainsi ces difficultés lors de son audition : « La louable ambition d'utiliser des stades pour des spectacles variés se heurte à deux contraintes : une contrainte de calendrier tout d'abord. Plus le stade est grand, plus les tournées se préparent à l'avance, ce qui complique le calage des dates. Quand Johnny Hallyday est venu à Gerland, il a fallu décaler la date et indemniser le tourneur. La seconde contrainte est liée à la difficulté de trouver des spectacles de qualité. Dans les faits, à Lyon, qui a décidé de gérer en direct tous les spectacles montés à Gerland, comme à Marseille, qui a fait le choix inverse et délègue cette gestion à l'OM, peu d'événements non sportifs ont été organisés. Pour remplir une salle avec un toit, il faudrait des tournées d'hiver. Or, nous ne disposons pas d'un réseau suffisant de salles de ce niveau. »
Quant à une utilisation multisports de l'infrastructure , la polyvalence est plus appropriée pour les sports de salle qui ont la possibilité de s'entendre sur le calendrier, que pour les sports d'enceinte. L'articulation entre le football et le rugby est complexe, à commencer par la compatibilité entre l'état de la pelouse et la pratique sportive, qui rend délicate la cohabitation entre deux clubs professionnels. Autre exemple, le Stade de France est peu apprécié par les supporters de football, en raison de la piste d'athlétisme qui éloigne les tribunes du terrain et nuit à la perception du match par le spectateur.
d) La place du stade dans la cité
Les enceintes sportives ont longtemps été reléguées en périphérie, mal-aimées des centres-villes en raison de leur volume et de leur esthétique particulière. Pourtant, leur implantation géographique constitue un enjeu majeur et force est de constater qu'en la matière, aucun modèle ne s'impose .
Certains sont des tenants d'une infrastructure proche du coeur urbain , permettant au public de s'y rendre facilement. Lors de leur audition, les dirigeants de la fédération française de tennis (FFT) ont insisté sur l'histoire du site de Roland-Garros et l'identité du tournoi, très liés à la Porte d'Auteuil. À leurs yeux, « une délocalisation en banlieue aurait dévalorisé le tournoi ». Jean-Claude Blanc, directeur général délégué du PSG, a tenu le même discours à votre mission : « Pour avoir de l'émotion collective, il faut être proche ». Ainsi, le club n'a jamais sérieusement envisagé de déménager au Stade de France, trop impersonnel. Le Parc des Princes est aujourd'hui plein à chaque match.
D'autres avancent l'argument d'un stade créateur de tissu urbain , qui peut justifier sa construction en périphérie. Le stade de Twickenham a été construit au départ en rase campagne ; il est désormais intégré à un large ensemble urbain. Le succès de ce modèle repose sur l'existence d'infrastructures de transport suffisamment développées pour permettre une desserte optimale. Pascal Simonin, co-fondateur et président de Stadôme (société chargée de l'exploitation de l'Aréna 92), justifiait ainsi à votre mission la pertinence du projet d'Aréna 92 à Nanterre, derrière l'Arche de la Défense, au carrefour de grands réseaux de transport (RER, métro, autoroute) permettant de drainer le public du quartier d'affaires.
La table ronde organisée sur le thème « la place du stade dans la cité », a permis à votre mission de réaliser à quel point l'insertion de l'équipement dans son environnement immédiat était essentielle . Les nouveaux modes de vie offrent en effet des possibilités de rentabiliser les stades en créant des synergies. Borina Andrieu, directrice générale en charge du développement et la communication du cabinet d'architectes Wilmotte et associés, insistait auprès de votre mission sur les éco-quartiers développés autour du stade de Nice : « Ces derniers mêlent centre commercial, bureaux et logements ainsi qu'un musée du sport rattaché à l'enceinte. Ikea s'est battu pour être présent dans cette zone qui constitue une locomotive bénéfique au développement de l'ensemble du périmètre ».
Le développement commercial autour du stade constitue donc un enjeu majeur. Il peut être judicieux d'y adjoindre un palais des congrès, un centre commercial, un musée ou un hôtel ou encore de proposer des services comme la garde d'enfants pendant le match. Un parallèle intéressant a été évoqué à plusieurs reprises au cours des auditions, que Jean-Michel Aulas résume ainsi : « L'évolution est comparable à celles qu'ont connues les salles de cinéma. Les salles unitaires ont été remplacées par des multiplexes. La fréquentation totale a augmenté sans que cela puisse s'expliquer par un engouement pour le septième art ; en réalité, le multiplexe répond aux nouveaux intérêts et habitudes du public. Ne pas tenir compte des évolutions sociologiques constitue une erreur ». La réalisation de tels projets suppose préalablement une bonne connaissance des publics accueillis, et nécessite, en tout état de cause, de s'inscrire dans la durée. « Or, l'exigence de performance des organisations sportives à court terme est en décalage avec le temps long des stades » tempérait Damien Rajot, directeur opérationnel de Vinci Stadium lors de son audition.
3. La gestion privée de l'infrastructure facilite l'émancipation financière des clubs professionnels
a) Les bénéfices d'une appropriation de l'équipement par le club résident
À l'occasion de ses déplacements en Allemagne et au Royaume-Uni, la mission a pu mesurer l' influence des conditions d'exploitation de l'infrastructure sportive par les clubs sur leurs résultats financiers.
Lorsque la propriété, la gestion et l'utilisation d'une enceinte sportive sont confiées à une unique entité, le club résident, il lui est mécaniquement plus facile d'en optimiser l'exploitation et d'en tirer des bénéfices économiques à travers :
- une diversification des recettes qui contribue à réduire sa dépendance aux ressources volatiles (droits TV, transferts) au profit de ressources plus pérennes (billetterie, restauration, vente de produits dérivés, prestations d'hospitalité) ;
- une augmentation de l'actif corporel immobilisé , qui permet d'asseoir la solidité de son bilan financier.
Cette solution présente le mérite de la cohérence : il est légitime que les sociétés qui perçoivent les recettes commerciales des infrastructures soient également celles qui supportent le coût de leur construction .
En outre, la privatisation de l'infrastructure enclenche un cercle vertueux : le coût du stade devient une préoccupation et le club résident doit trouver des recettes pour l'amortir ; la négociation des droits TV se fait alors sur la base d'actifs économiques réels au lieu d'alimenter l'inflation salariale . À l'heure actuelle, cette nécessité est masquée par le bas niveau du loyer acquitté par les clubs.
Michael Gerligner, directeur des affaires juridiques du Bayern Munich, exprimait cette conviction forte auprès de votre mission : « le stade privé est la base de l'avenir du sport », car il permet au club de « disposer d'une infrastructure générant de l'argent, ce qui permet ensuite de se payer des joueurs de renommée mondiale et donc d'offrir du grand spectacle au public » .
b) Des exemples concluants à l'étranger
L'émergence du sport business s'est accompagnée d'une privatisation de la gestion des infrastructures à l'étranger, au fur et à mesure de leur renouvellement .
L'Allemagne a ainsi profité de l' organisation de la Coupe du monde de 2006 et de la construction de dix nouveaux stades pour développer des structures privées. Sur les dix-huit équipes évoluant en Bundesliga en 2013-2014, huit sont pleinement propriétaires de leur stade , six jouent dans une infrastructure appartenant à une personne publique, tandis que les quatre dernières évoluent dans des stades appartenant à des gérants indépendants (ces sociétés de gestion associent en général le club et la ville où le stade est implanté).
À titre d'exemple, l'Allianz Arena de Munich, inauguré en 2005, appartient à la société par actions Bayern München AG, composée de quatre associés : le FC Bayern München, Allianz, Audi et Adidas. La construction de ce stade, dont le coût s'est élevé à 340 millions d'euros, a été financée à hauteur de 300 millions par un emprunt contracté auprès de fonds privés (EuroHypo AG, Dresdner Bank AG et ALCAS GmbH) ainsi que, pour les 40 millions restants, par un emprunt auprès d'une banque publique de financement (LfA Förderbank Bayern). Par ailleurs, le Borussia Dortmund est propriétaire de son stade par l'intermédiaire d'une société à responsabilité limitée (BVB Stadion). Ce club, également côté en bourse, fait appel au marché pour lever des fonds, par le biais d'augmentations de capital, lorsque des dépenses sont nécessaires, notamment en matière d'infrastructures.
La privatisation des infrastructures et leur optimisation commerciale ont connu un franc succès outre-Rhin, qui s'est directement traduit par une nette amélioration de la fréquentation des stades : le remplissage moyen est passé de 24 000 spectateurs à 48 000. Le Bayern de Munich ou Dortmund réalisent aujourd'hui un excédent brut d'exploitation (EBE) de 50 à 100 millions d'euros.
On retrouve une évolution similaire au Royaume-Uni. Le nouveau stade d'Arsenal a, par exemple, été construit en 2004 à partir de fonds exclusivement privés. Sur les 357 millions de livres du projet, 260 millions ont été financés par un prêt auprès d'une structure spécialisée composée de plusieurs banques ( stadium facilities banking group) tandis que 97 millions étaient apportés par le club lui-même via des sponsors privés ( Nike , Granada ) et la vente du surplus de biens fonciers du site retenu. Le groupe Arsenal, qui possède plusieurs sociétés, est propriétaire du stade par l'intermédiaire de l'une d'elles, Arsenal (Emirates Stadium) Limited . Aujourd'hui, l'Emirates Stadium affiche des taux de remplissage records et le club d'Arsenal évolue en tête de championnat.
c) Des clubs français peu incités à s'engager spontanément dans cette voie
Rares sont les clubs français qui ont entrepris d'être propriétaires de leurs installations . Seuls 5 % des stades de football sont détenus par leur club résident, le plus souvent en raison d'un héritage historique, à l'instar de l'AJ Auxerre ou des deux clubs d'Ajaccio. En comparaison, cette proportion s'élève à 24 % à l'échelle européenne et atteint même 33,8 % pour les quatre-vingts clubs qualifiés pour les phases de groupes des compétitions interclubs de l'UEFA. Parmi les vingt meilleurs clubs au classement de l'UEFA, dix-huit sont propriétaires de leur stade . Le rugby français est également en marge de ce mouvement, puisque seuls l'ASM Clermont-Auvergne et le Stade Toulousain sont propriétaires de leur stade.
Notre pays hérite du modèle économique retenu pour la Coupe du monde de 1998 , qui repose largement sur les collectivités territoriales. Or la détention des stades par les collectivités territoriales ne constitue pas seulement un frein au développement économique des clubs, mais également une immobilisation inutile d'argent public , puisque ces enceintes sont en pratique exclusivement réservées à l'usage des sociétés sportives.
Jean-Michel Aulas, président de l'OL, affirmait ainsi, lors de son audition, qu'il « importe de trouver, comme les autres Européens, le modèle qui substituera à l'investissement public un investissement privé. » Dans les faits, plusieurs difficultés doivent être résolues pour faciliter le développement de ce modèle économique dans notre pays :
- souvent, la santé financière des clubs ne leur permet pas de procéder à l'acquisition, à la construction ou à la gestion d'une infrastructure, dont la rentabilité est de surcroît conditionnée par un important aléa sportif : les déboires récents du Mans FC, par exemple, ne sont pas de nature à inciter les autres clubs à suivre ce modèle ;
- le parc existant de stades , dont la construction a généralement été financée par la collectivité, place les clubs face à un dilemme : soit ils rachètent l'infrastructure, qui n'a pas toujours été conçue pour une exploitation économique optimale à la fois en termes de localisation et d'aménagement et qu'il est difficile voire impossible de rénover ; soit ils construisent d'emblée un nouveau stade, mais le coût de cette option est souvent excessif au regard de la rentabilité projetée sur la base de performances sportives réalistes ;
- les autorités locales s'opposent souvent à la privatisation d'équipements structurants pour la vie locale : d'une part, les élus souhaitent généralement rester associés au rayonnement de leur club, et d'autre part, la collectivité reste de facto l'ultime recours en cas de difficultés financières ; il est en effet difficile d'envisager qu'un stade soit laissé à l'abandon parce que son club gestionnaire est en faillite.
Pour ces raisons, bien que tout club ait intérêt à devenir propriétaire de son équipement, cette évolution ne concerne aujourd'hui qu'un nombre limité d'acteurs d'envergure suffisante . C'est notamment le cas de l'OL, qui s'est engagé dans cette voie en dépit de moins bonnes performances sportives depuis le début des années 2010.
La question de la propriété est également au coeur des débats qui entourent le projet d'agrandissement du Parc des Princes . Qatari Sports Investment (QSI) a d'abord envisagé de détruire le stade actuel pour reconstruire une nouvelle enceinte de 60 000 places (au lieu des 45 000 actuels) sur le même site. Ce projet, de l'ordre de 350 à 400 millions d'euros (hors frais de démolition) avait pour objectif d'élever le stade parisien au même rang que les enceintes modernes d'Europe, comme l'Emirates Stadium d'Arsenal (60 361 sièges). Devant l'opposition de la ville de Paris, qui en est propriétaire, QSI a cependant dû se résoudre à privilégier une rénovation assortie d'une augmentation de la capacité d'accueil, les travaux devant débuter après l'Euro 2016.
La fédération française de rugby (FFR) envisage, pour sa part, de se doter de sa propre infrastructure. Ce projet repose au départ sur un conflit d'usage : la majorité des stades de province sont dédiés au football et les matchs de rugby n'y sont pas toujours bienvenus car ils dégradent la pelouse. Or, les installations des clubs de rugby sont souvent trop exiguës et les matchs importants doivent fréquemment être délocalisés. Il arrive ainsi que le Stade Toulousain joue au Stadium municipal, le Stade français au Stade de France voire que Bayonne ou Biarritz se délocalisent à San Sebastián en Espagne. En outre, des problèmes de calendrier se posent, notamment pour la finale du Top 14 en 2016 qui entre en conflit avec l'Euro 2016.
Le projet de « grand stade » de la FFR La fédération française de rugby ambitionne de faire construire un stade de 82 000 places doté d'un toit rétractable et d'une pelouse amovible, qui serait situé à Ris-Orangis (Essonne). Le coût de l'équipement devrait s'élever à environ 600 millions d'euros, que la FFR souhaite obtenir de sources uniquement privées. Le plan de financement reste à définir précisément. Par rapport aux projets de clubs, la FFR ne subit pas l'aléa sportif. Néanmoins, le nombre d'événements qu'elle pourra assurer elle-même est moins élevé que celui de clubs engagés dans des championnats réguliers. La FFR indique ainsi faire reposer l'équilibre financier de son ouvrage sur une hypothèse de 17 à 20 événements par an, dont 5 à 6 rencontres du XV de France. Mais ce stade ne serait pas uniquement réservé au rugby, la fédération souhaitant, au contraire, un équipement multimodal, capable d'accueillir d'autres sports mais également des concerts.
Source : Mission commune d'information sur le sport
professionnel
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* 50 Grands stades et arénas : pour un financement public les yeux ouverts , rapport d'information n° 86 (2013-2014).
* 51 Grands Stades , rapport de la commission Euro 2016 présidée par Philippe Séguin (novembre 2008).
* 52 Accroître la compétitivité des clubs de football professionnel français , rapport d'Éric Besson, secrétaire d'État chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique (novembre 2008).
* 53 Arénas 2015 , rapport de la Commission Grandes Salles présidée par Daniel Costantini (mars 2010).
* 54 L'attractivité de la France pour l'organisation de grands événements sportifs , rapport de David Douillet, député, au Président de la République (juillet 2010).
* 55 Source : Deloitte - Annual review of football finance 2013 .
* 56 Accroître la compétitivité des clubs de football professionnel français , rapport d'Éric Besson, secrétaire d'État chargé de la prospective, de l'évaluation des politiques publiques et du développement de l'économie numérique (novembre 2008).
* 57 Un faux paradoxe a ainsi été levé : les diffuseurs audiovisuels auraient intérêt à attirer les spectateurs dans leur salon, et les ligues auraient intérêt à les faire se déplacer dans le stade. En réalité, ces deux objectifs ne sont contradictoires qu'en apparence : les 40 000 spectateurs d'un stade n'affectent pas les parts de marché d'une diffusion à 4,5 millions de téléspectateurs.
* 58 La valorisation touristique des grands équipements sportifs - Atout France (mai 2013).
* 59 Les arénas sont des équipements multifonctionnels construits sur le modèle de l'arène antique - le public encerclant la piste - et qui permettent d'organiser des manifestations aussi bien sportives qu'événementielles.