C. UNE APPLICATION LIMITÉE ET PEU CONCLUANTE
La loi du 10 mai 1969 a été mise en oeuvre par le ministère de l'intérieur avec l'agrément de trois modèles de machines issus d'un concours et l'acquisition de plus de six cents machines, toutes mécaniques.
Conformément à l'article 6 de la loi du 10 mai 1969 relatif à l'équipement des bureaux de vote, un décret du 27 décembre 1972 dressa une liste de 27 communes autorisées à utiliser ces machines. Ces villes étaient pour l'essentiel situées en Île-de-France (Paris, Bondy, Fontenay-sous-Bois, Bagneux, Sarcelles, Savigny-sur-Orge, Mantes-la-Jolie), à l'exception d'Ajaccio et de Bastia.
La première expérience intervint lors des élections législatives des 4 et 11 mars 1973. Elle donna lieu à de nombreux incidents : « un des modèles agréés ne présentait pas de garanties suffisantes de fiabilité 9 ( * ) ». Après son retrait, les deux autres modèles furent à nouveau utilisés pour les scrutins suivants (élections cantonales de 1973 et 1976, municipales de 1977, législatives de 1978 et diverses élections partielles) sans que leur mise en service soit très concluante : « les défaillances, les pannes subies par ces matériels de même que le coût très élevé de leur maintenance, ont conduit à les retirer peu à peu du service 10 ( * ) ».
420 machines étaient en service en 1977. Elles furent supprimées dans la région parisienne à compter de 1984 après les conclusions d'un nouveau bilan. En 1988, elles ne subsistaient que dans les communes de Bastia et d'Ajaccio.
Au-delà des aléas techniques, l'expérience démontrait que l'objectif assigné à l'introduction des machines n'avait pas été atteint : « [ces matériels] n'ont pas empêché, par exemple, les fraudes qui se sont déroulées à Bastia, en mars 1986, et qui ont conduit à l'annulation des élections législatives et régionales dans le département de la Haute-Corse 3 ».
D. UN ATTACHEMENT PERSISTANT AU SYSTÈME
En dépit de la mise en oeuvre décevante des dispositions de la loi du 10 mai 1969, les machines à voter ont conservé leurs partisans.
1. La relance du processus
Les différentes déconvenues résultant de l'utilisation des machines n'ont pas conduit à l'abandon du dispositif initié en 1969.
Lors de l'examen de la loi n° 88-1262 du 30 décembre 1988 modifiant diverses dispositions du code électoral et du code des communes relatives aux procédures de vote et au fonctionnement des conseils municipaux, notre collègue Ladislas Poniatowski, alors député, rappelait qu'il croyait « à l'efficacité du vote électronique pour lutter contre la fraude 11 ( * ) ». Il déposait trois amendements à l'Assemblée nationale pour relancer le processus en l'élargissant à l'ensemble des communes régies par le scrutin municipal de liste, alors applicables aux communes de 3 500 habitants et plus 12 ( * ) .
Suivant son rapporteur, M. Michel Sapin, qui, cependant, insistait sur la nécessité de disposer de « machines efficaces, fiables, solides », l'Assemblée nationale modifiait en conséquence le code électoral. Le Sénat, à son tour, votait la modification. Parallèlement, le Parlement prévoyait l'obligation, pour ces équipements, de permettre l'organisation simultanée de plusieurs scrutins dans l'hypothèse du regroupement, le même jour, de plusieurs élections.
Toutefois, cette intervention législative est restée lettre morte jusqu'aux élections locales de 2004.
* 9 Réponse à une question écrite de M. Bruno Bourg-Broc (Journal officiel Questions Assemblée nationale du 13 janvier 1986, p. 145).
* 10 Réponse à une question écrite de M. Pierre-Christian Taittinger (Journal officiel Sénat du 8 décembre 1988, p. 1398).
* 11 Débats Assemblée nationale, 2 ème séance du 24 novembre 1988.
* 12 Le seuil était alors fixé à 3 500 habitants.