2. Une attente déçue en matière de hausse de la participation électorale
L'introduction du « vote par internet » a été justifiée, dès l'origine, par le souhait d'encourager la participation électorale des Français établis hors de France. En effet, la participation de nos compatriotes expatriés est généralement faible et bien inférieure à la moyenne nationale.
Relevant la faible participation des électeurs à l'élection des membres du Conseil supérieur des Français de l'étranger, notre collègue Christian Cointat, alors rapporteur de votre commission en mars 2003, relevait que « la participation des électeurs est fragilisée par la grande difficulté de déplacement pour de nombreux électeurs dans des circonscriptions étendues » et que « nombre de nos compatriotes installés à l'étranger résidant très loin du bureau de vote renoncent en effet à voter car ils n'ont ni les moyens financiers, ni la possibilité matérielle, ni le temps d'effectuer les déplacements nécessaires ».
Pour voter à l'urne, des électeurs doivent parcourir plusieurs centaines de kilomètres, impliquant parfois un déplacement par avion ou par bateau. Pour nos compatriotes expatriés, le coût pour l'électeur d'un tel trajet constitue un frein évident à exercer leur droit de vote.
Lors de leur audition, les représentants des associations représentatives des Français de l'étranger remarquaient que la transposition en France de la situation des électeurs français à l'étranger conduirait à n'ouvrir, pour l'ensemble des électeurs, qu'un bureau de vote à Paris, Lyon et Marseille.
a) Un bilan très mitigé au regard de l'objectif de hausse de la participation électorale
Lors de l'examen de la loi du 28 mars 2003 qui autorisait pour la première fois le « vote par internet », notre collègue Christian Cointat espérait même que « le dispositif proposé constitue[rait] une piste prometteuse dans le cadre de la réflexion sur la lutte contre l'abstention électorale » et envisageait même que « si l'expérimentation était satisfaisante, la question de son extension et de son adaptation à d'autres scrutins pourrait être posée. »
Au terme d'une décennie de mise en oeuvre, force est de constater que l'introduction du « vote par internet » n'a pas permis d'élever notablement le taux de participation aux élections organisées hors de France. À l'exception de l'élection présidentielle, le taux de participation à l'étranger avoisine traditionnellement les 20 % d'électeurs inscrits voire chute en dessous de 15 % lors des élections partielles.
Alors que les électeurs établis hors de France ne peuvent voter qu'à l'urne pour l'élection présidentielle, le taux de participation y est globalement le double par rapport aux élections autorisant le vote par correspondance. Lors de son audition, M. François Saint-Paul, directeur des Français de l'étranger et de l'administration consulaire, en concluait que « la multiplication des modalités de vote ne garantit pas en soi la participation électorale ». L'expérience montre ainsi que, contrairement à l'objectif initial, le « vote par internet » n'a pas favorisé par lui-même la participation électorale pour un scrutin donné. À la suite de l'introduction de cette nouvelle modalité de vote, le nombre de votants n'a ainsi pas évolué en termes relatifs.
Dans son rapport de septembre 2013, la Cour des comptes, se fondant sur le même constat, concluait que « la diversification des modalités de vote aux élections législatives [à l'étranger] n'a qu'en partie atteint son objectif d'accroissement du taux de participation ». La Cour jugeait même que « ces différentes modalités de votes, peu lisibles, sont source d'incompréhension pour les Français de l'étranger », invitant à une simplification et à une uniformisation.
b) Un recours au « vote par internet » en progression
En revanche, lorsque le « vote par internet » est possible, sa part parmi les votes émis n'a cessé de croître par rapport aux autres modalités de vote. Lors des élections législatives de 2012 et 2013, il a même été choisi par plus de la moitié des votants. Pour ces mêmes élections, le vote par correspondance sous forme papier s'effondrait à moins de 2 % des votants alors qu'il représentait pour les élections des conseillers à l'AFE en 2006 et 2009 plus de la moitié des votes émis.
Le vote par correspondance électronique semble donc prendre le relais du vote par correspondance papier même si cet effet d'éviction connaît de fortes disparités selon les zones géographiques. Par exemple, à la suite de l'annulation de l'élection de deux députés, les électeurs établis hors de France étaient convoqués en juin 2013 pour élire deux nouveaux députés dans les circonscriptions n° 1 (Canada et États-Unis) et n° 8 (Chypre, Grèce, Israël, Italie, Malte, Saint-Marin, Saint-Siège, Turquie). À cette occasion, le « vote par internet » a été utilisé par 10,17 % des électeurs en Amérique du Nord contre seulement 4,66 % dans le bassin méditerranéen, ce qui dénote encore des pratiques variables liées à l'accès et aux usages des nouvelles technologies par les électeurs.
En revanche, la possibilité du « vote par internet » présente des effets sur le nombre de votes blancs. Ainsi, le vote par correspondance - électronique ou papier - connaît en proportion davantage de bulletins blancs que la somme des bulletins blancs et nuls lors du vote à l'urne 38 ( * ) . Dans sa réponse au questionnaire adressé par vos rapporteurs, le ministère des affaires étrangères estime « probable que les électeurs votant par internet et compte tenu de la facilité d'accès de cette modalité, soient plus tentés d'exprimer un vote blanc que les électeurs qui ont fait le choix de se déplacer au bureau de vote, avec toutes les contraintes que cela suppose (déplacement, attente) ».
* 38 Jusqu'à la récente modification de l'article L. 65 du code électoral opérée par la loi n° 2014-172 du 21 février 2014, les bulletins blancs étaient décomptés avec les bulletins nuls tandis que le vote par correspondance électronique permet un vote blanc distinct et exclut, par principe, tout vote nul.