(Mercredi 16 Janvier 2013)
Présentation par MM. Jean-Etienne Antoinette et Georges Patient, sénateurs de la Guyane, d'une étude de législation comparée sur les régimes applicables en matière d'exploration et d'exploitation pétrolières offshore
M. Georges Patient, président
Dans le cadre de notre réflexion sur les enjeux des Zones économiques exclusives (ZEE), nous avons demandé aux services du Sénat de réaliser une étude de législation comparée sur le régime applicable à l'extraction des produits minéraux tirés des fonds marins.
Je vais vous présenter aujourd'hui, en compagnie de mon collègue Jean-Étienne Antoinette, le résultat de la première partie de cette étude, qui concerne le régime juridique de l'exploration et de l'exploitation pétrolières dans la ZEE et sur le plateau continental.
Cette étude tend à nous donner, vous l'aurez compris, des éléments de comparaison utiles dans le contexte des recherches qui ont lieu au large de la Guyane et dans la perspective de la réforme du code minier que M. Tuot a d'ores et déjà évoquée devant la commission du développement durable en décembre dernier.
Une seconde partie de l'étude, présentée sous la forme d'une autre note, nous sera remise courant février. Elle concernera les évolutions du régime de recherche et d'exploitation des ressources minérales sous-marines : nodules, encroûtements et sulfures hydrothermaux. Elle intéressera donc plus directement des territoires français situés dans le Pacifique.
Afin de clarifier le propos, nous vous proposons un exposé à deux voix. Dans la première partie, je vous présenterai le cadre général et les principes qui déterminent le régime de la recherche et de la production pétrolières dans la ZEE et sur le plateau continental. Puis, dans un second temps, notre collègue Jean-Étienne Antoinette insistera sur les principales conclusions que la comparaison qui nous est proposée permet de tirer de l'étude des législations de l'Australie, du Brésil, du Mexique, du Royaume-Uni et de la Norvège.
Commençons par le cadre général et la définition de la ZEE, du plateau continental et du régime français qui y est applicable
En vertu de la convention de Montego Bay sur le droit de la mer de 1982, la ZEE s'étend au-delà de la mer territoriale jusqu'à 200 milles marins, soit 370 kilomètres des lignes de base. Ce chiffre est important car il suggère l'immensité du domaine couvert par ces zones pour la France.
La première carte qui vous est présentée montre l'extension des ZEE de l'ensemble des États du monde et celle de la France. À cette zone il convient d'ajouter le plateau continental qui s'étend jusqu'au rebord externe de la marge continentale. Il peut aussi être revendiqué par les États riverains. Sur ces deux aires, les États côtiers exercent des droits exclusifs : même s'ils n'exploitent pas eux-mêmes le tréfonds de la mer, nul ne peut en entreprendre l'exploitation sans leur autorisation. La loi n° 68-1181 du 30 décembre 1968 dispose d'ailleurs, pour la France, que toute activité entreprise sur ce plateau est subordonnée à la délivrance préalable d'une autorisation.
Ceci me conduit à vous rappeler les grands types de titres miniers qui sont délivrés dans notre pays en vertu du code minier. La législation de la recherche et de la production pétrolières françaises est incorporée - parfois plus mal que bien, j'y reviendrai - dans ce code minier, qui a été modifié à de nombreuses reprises et qui se trouve en cours de réforme.
Avant d'en venir aux titres miniers eux-mêmes, je souhaite vous rappeler l'existence de deux grands types d'activités dans les activités pétrolières :
- tout d'abord, l'exploration « préalable », qui est comme une première approche destinée à connaître les caractéristiques géologiques générales d'une zone ;
- puis l'exploration-production, qui est menée à bien dans une zone - on parle de « blocs à explorer et exploiter » - où existe une forte présomption de trouver du pétrole.
J'insiste sur la nécessité de lever toute équivoque sur la notion polysémique d'» exploration ». Selon les diverses législations étudiées, elle peut viser aussi bien des investigations « préalables » ou « superficielles » dont je viens de parler, que des recherches approfondies débouchant sur la production de pétrole, son « exploitation » qui viennent ensuite.
La France attribue, quant à elle, trois types principaux d'autorisations : l'autorisation de prospection préalable, le permis exclusif de recherche et la concession. Je les examinerai successivement.
L'autorisation de prospection préalable est accordée par l'autorité administrative sans mise en concurrence ni enquête publique et sans concertation locale, pour une durée qui ne peut excéder deux ans. Elle donne le droit non exclusif d'exécuter des travaux de recherches, à l'exception des sondages dépassant une profondeur de 300 mètres à partir du fond de la mer, mais ne permet pas de disposer du produit des recherches mis à part des échantillons ou des prélèvements. Elle permet d'effectuer une première approche du plateau continental pour savoir s'il serait intéressant d'effectuer des prospections plus approfondies. Elle permet d'accumuler des connaissances, des données qui pourront, du reste, être vendues à des explorateurs.
Le permis exclusif de recherche est accordé, après mise en concurrence, par l'autorité administrative compétente (le ministre au nom de l'État dans le cas général, et le président de la région en Guadeloupe, Guyane, Martinique, à La Réunion et à Mayotte) pour une durée maximale de cinq ans, sans enquête publique. Il est prorogeable deux fois de cinq ans sans nouvelle mise en concurrence.
Nous passons à la phase de production avec un dernier titre, la concession, qui est accordée après enquête publique réalisée conformément au chapitre III du code de l'environnement et mise en concurrence, sauf dans le cas où elle est consécutive à l'obtention d'un permis exclusif de recherche. Seul le titulaire d'un tel permis a le droit, s'il le demande avant l'expiration de ce titre, à l'octroi d'une concession sur les gisements exploitables découverts à l'intérieur du périmètre du permis. La concession est accordée soit par le Premier ministre par décret en Conseil d'État, soit par le président de la région en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion et à Mayotte.
D'une durée maximale initiale de cinquante ans, la concession peut être prorogée sans que chaque prorogation puisse dépasser vingt-cinq ans.
J'ajoute qu'en vertu d'une disposition adoptée à mon initiative dans la loi de finances rectificative pour 2011, à compter du 1 er janvier 2014, pour les gisements en mer situés dans les limites du plateau continental, les titulaires de concessions de mines d'hydrocarbures liquides ou gazeux seront tenus de payer une redevance annuelle calculée sur la production. Elle sera déterminée en appliquant un taux progressif à chaque tranche de production annuelle. Ce taux sera fixé en fonction de divers paramètres : nature des produits, continent au large duquel est situé le gisement, profondeur d'eau, distance du gisement par rapport à la côte et montant des dépenses consenties pendant la période d'exploration et de développement, dans la limite de 12 %. Le produit de la taxe sera affecté pour 50 % à l'État et pour 50 % à la région dont le point du territoire est le plus proche du gisement.
Telles sont les principales caractéristiques du système français d'attribution des titres.
J'en viens à des considérations de nature plus « économique ».
En effet, en étudiant certaines des législations étrangères qui ont été votées au cours des dernières années, on constate que les pouvoirs publics de ces autres pays ont envisagé les diverses options qui s'offraient à eux pour l'établissement du cadre juridique, le plus souvent contractuel, des relations entre la puissance publique et les exploitants de champs pétrolifères.
Je m'inspirerai de plusieurs documents publiés par le Sénat du Brésil pour vous présenter les grands types de modes de gestion du pétrole.
Il existe dans le monde plusieurs grands « modèles » de gestion de la production pétrolière : le monopole, la concession et le contrat de partage de la production pour n'évoquer qu'eux. Je mentionnerai pour mémoire les contrats de service en vertu desquels une entreprise publique nationale rémunère une entreprise pétrolière pour une prestation donnée, et le contrat d'association ou joint-venture par lequel une entreprise nationale crée un consortium avec d'autres entreprises.
Le monopole confié à une entreprise d'État correspond à une gestion directe par les pouvoirs publics.
La concession a, quant à elle, les caractéristiques suivantes :
- pendant une période donnée, tout le pétrole extrait appartient au concessionnaire ;
- en échange, le concessionnaire peut payer un « versement à la signature » (ce qui favorise les entreprises qui sont déjà des opérateurs du secteur, seules capables de verser celui-ci) ou chaque année des royalties en numéraire (et pas en pétrole) qui garantissent un revenu minimum à l'État calculé en fonction de la valeur du pétrole ;
En vertu d'un contrat de partage de la production :
- la propriété du pétrole extrait appartient à l'État ;
- l'exploitant perce les puits à ses frais et risques ;
- l'entreprise qui perce les puits est assurée, pendant une période donnée, de recevoir, en cas de succès, d'une part le remboursement en pétrole des coûts qu'elle a engagés et, d'autre part, une fraction de la production à titre de rémunération, l'État recevant l'autre fraction de la production.
La carte qui vous est présentée provient d'une étude récente réalisée au Brésil à l'occasion de la discussion de la loi sur les contrats de partage de production.
Elle montre les pays qui recourent à des systèmes qui s'inspirent du régime de la concession, ceux qui recourent à des contrats de partage de la production et, enfin, ceux qui recourent aux deux dispositifs.
Pour la réalisation de l'étude qui nous est soumise, on a choisi d'étudier cinq États divers, compte tenu des compétences linguistiques dont dispose le Sénat - l'étude repose sur des documents en langue originale, hormis pour la Norvège où l'on s'est fondé sur le texte en anglais publié par les autorités d'Oslo. Ont été retenus le Brésil, du fait de sa proximité avec la Guyane et du caractère innovant de sa législation ; le Mexique parce qu'il présente le cas original de maintien d'un monopole historique ; et enfin l'Australie, la Norvège et le Royaume-Uni, qui s'avèrent particulièrement actifs en matière d'exploitation pétrolière.
Je vous propose, avant de conclure mon propos, de souligner les grands thèmes qui me paraissent devoir être pris en compte dans la réflexion relative à l'évolution de la législation française sur la recherche et l'exploitation pétrolières.
La question primordiale est la suivante : existe-t-il un intérêt à disposer d'une législation pétrolière spécifique ? Ceux d'entre nous qui ont lu le code minier savent que les développements qu'il consacre au pétrole sont « noyés » parmi ceux relatifs au sable, à la marne et aux granulats...
Bref, que l'on s'interroge sur la façon dont il est lu par les professionnels... Il serait légitime de clarifier cette législation pour que les opérateurs, mais aussi les citoyens et les défenseurs de l'environnement sachent « sur quel pied danser ».
La seconde question qui saute aux yeux lorsque l'on étudie les législations étrangères est de savoir si les procédures de gestion du domaine minier qui peut contenir du pétrole sont assez incitatives : la loi facilite-t-elle la connaissance des ressources ? Encourage-t-elle leur exploitation ? Ou permet-elle le « gel » des zones accordées et la perpétuation de situations acquises ?
Corollaire de ces questions : de qui doit relever l'initiative de l'exploration pétrolière ? De l'État ou des entreprises ? Le sujet est loin d'être anodin puisqu'il traduit l'existence - ou l'absence - de politique en la matière.
Troisième grand « point de passage obligé », la nécessité de protéger l'environnement, qui constitue une préoccupation de base, unanimement partagée : il convient d'optimiser les conditions dans lesquelles les consultations relatives à l'autorisation de l'exploitation pétrolière sont menées.
Je vous rappelle que nous raisonnons ici sur des zones qui, si elles sont inhabitées et situées jusqu'à 370 kilomètres des côtes, peuvent avoir une grande importance pour la pêche, pour les activités côtières mais aussi pour la biodiversité et la vie des mammifères marins. À l'ère de la transparence, les modalités d'information, de consultation et de contribution du public aux procédures d'autorisation sont donc essentielles.
Le quatrième volet qui m'apparaît incontournable concerne le degré de concurrence qu'il convient d'instituer entre les opérateurs. Nous verrons qu'il s'agit d'une préoccupation d'intensité variable selon les pays. Sur ce point, le législateur doit arbitrer entre la volonté de préserver les intérêts de l'État et celle de développer l'activité économique. L'expérience prouve en effet que les États ne peuvent se désintéresser de la gestion du « cycle de vie » des champs pétroliers, des sondages « d'exploration » au démantèlement des plates-formes. Il est par conséquent nécessaire de prévoir les conditions dans lesquelles, sans se substituer à l'initiative privée, l'État peut « réguler » l'exploitation pétrolière et les modalités concrètes des opérations sur le terrain.
Enfin, la dernière préoccupation qui m'apparaît incontournable est celle qui concerne les retombées de la « rente » pétrolière sur les collectivités et sur les populations des régions côtières. Je sais, du reste, que cette préoccupation est partagée par plusieurs de nos collègues, dont mon ami Jean-Étienne Antoinette à qui je cède la parole afin qu'il nous présente de façon détaillée les conclusions de l'étude des législations des cinq États qui ont été analysées.
Comme l'a rappelé Georges Patient, la note qui nous a été remise présente le régime de l'exploration et celui de l'exploitation dans la ZEE et sur le plateau continental dans cinq États : deux situés en Europe (la Norvège et le Royaume-Uni), deux en Amérique (le Mexique où prévaut un monopole public et le Brésil), ainsi qu'un dans le Pacifique (l'Australie).
Les préoccupations qui inspirent le législateur varient, selon les pays, compte tenu de l'état des connaissances sur les ressources pétrolières et leur niveau d'exploitation, c'est-à-dire la « maturité » du domaine minier.
Cette note n'aborde pas certains sujets tels que le transport ou le stockage des hydrocarbures et les régimes de l'extraction du gaz. Elle n'évoque pas non plus la législation applicable aux activités d'exploration ou d'exploitation elles-mêmes (mesures de sécurité et de prévention des risques de pollution ou autorisations de travaux...), celle qui concerne le démantèlement des installations de production ni même le régime de responsabilité en cas d'accident ou de dommage à l'environnement. On peut regretter enfin qu'elle n'étudie pas le régime fiscal du secteur pétrolier (régime des investissements, des provisions...) sur lequel il semble que les études fassent défaut. Il s'agit d'un sujet important car il faut mettre en place un régime fiscal sérieux.
L'étude se focalise donc sur la législation applicable aux procédures d'autorisation de l'exploration et de l'exploitation, qui relève, dans les cinq pays choisis, de textes spécifiques.
Dans ces cinq cas, les relations contractuelles entre l'État et les exploitants sont régies par des contrats de concession, en vertu desquels l'exploitant reçoit la propriété de la production (les licences accordées en Australie, au Brésil hors de la zone du Pré-Sal, en Norvège et au Royaume-Uni peuvent se rattacher à la catégorie des concessions) et de partage de production entre l'exploitant et l'État (Brésil dans la zone du Pré-Sal). Le Mexique fait figure de cas particulier puisqu'il exerce un monopole par l'intermédiaire de son opérateur public, PEMEX ( Petróleos Mexicanos ), qui peut tout au plus conclure des contrats de prestation de services avec des tiers.
L'Australie est le seul des cinq pays où les titres pétroliers sont délivrés par une « instance commune » composée du ministre fédéral chargé de l'Énergie et de celui de l'État fédéré concerné, qui statue sur la base d'un avis rendu par un service technique national. Dans les quatre autres États, les titres sont délivrés au niveau fédéral (Brésil et Mexique) ou national (Norvège et Royaume-Uni).
L'analyse des cinq cas étudiés montre notamment que le recours à une législation spécifique claire est un indice de l'importance assignée à la production du pétrole par la politique énergétique.
Quelles que soient leurs différences de contenu, ces cinq législations ont en commun de recourir à une ou des loi(s) pétrolière(s) spécifique(s) traitant de l'exploration et de l'exploitation, depuis la prospection préalable jusqu'à la restitution des gisements. Tous les États n'ont pas choisi ce système : la France et les Pays-Bas, pour ne prendre que leur exemple, ont inséré le régime pétrolier au sein d'un code minier « généraliste ».
Quoi qu'il en soit, les cinq textes étudiés évitent les équivoques et déjouent les confusions entre les hydrocarbures et les autres substances minières, permettant une lisibilité effective, y compris pour les non-spécialistes du droit minier.
C'est ainsi que le contenu des obligations de l'exploitant figure dans un document type prévu par la loi ou le règlement en Australie, en Norvège et au Royaume-Uni, dans la loi et le projet de contrat de partage de la production au Brésil. En d'autres termes, l'opérateur peut aisément savoir, dans ces États, ce à quoi il s'engage...
La volonté d'écrire une loi claire - même si elle est très volumineuse comme en Australie - montre que, loin d'être seulement technique, la législation pétrolière semble traduire dans les cinq cas étudiés la volonté politique de développer le secteur pétrolier.
Il existe donc une relation entre la « substance » de la loi et la volonté des pouvoirs publics de développer le secteur de l'extraction pétrolière.
Ce constat est également illustré par l'observation que la gestion des gisements pétroliers passe par l'incitation à l'exploration.
La délimitation de l'ampleur du domaine maritime exploitable repose notamment sur la transparence de la procédure d'ouverture des « blocs », dans le cadre de mises aux enchères à échéances régulières, le plus souvent annuelles, comme en Australie, ou encore la mise en oeuvre d'une politique définie par des instances chargées de la politique énergétique nationale comme au Brésil ou encore par l'administration nationale. C'est ainsi qu'en Norvège les nouveaux « blocs » ne sont ouverts à l'exploration-production qu'après consultation du Parlement.
De la même façon, le paiement de droits superficiaires qui incitent les exploitants à ne conserver que le minimum de zones utiles évite le « gel » de ces superficies. Le cas est illustré en Australie, au Brésil et au Royaume-Uni.
Si l'initiative de l'exploration peut relever des entreprises, celle de l'attribution de « blocs » pour la production pétrolière relève de l'État dans les cinq cas considérés.
Dans le système français, ce sont les opérateurs qui demandent des permis pétroliers. De même, l'initiative relève du secteur privé pour la phase d'exploration préalable en Norvège et au Royaume-Uni. En revanche, c'est la puissance publique qui décide du lancement d'une procédure de mise en concurrence pour le choix d'un explorateur en Australie. S'agissant du choix d'un exploitant, c'est également la puissance publique qui le désigne en Norvège et au Royaume-Uni, tout comme au Brésil et au Mexique, dans ce dernier cas par l'intermédiaire d'une société nationale, PEMEX.
On constate également que le souci de protéger l'environnement en assurant l'information et la participation du public est unanimement partagé, encore qu'à des stades divers des procédures.
Commençons par ce qui concerne la protection en matière d'environnement. Quel que soit le régime juridique d'exploitation retenu, les cinq législations étudiées mettent l'accent sur la protection de l'environnement. Cependant, la prise en compte des questions environnementales survient à des stades divers au cours du long processus qui va de l'exploration préalable jusqu'à la production de pétrole brut et même jusqu'au démantèlement après épuisement du gisement.
Les procédures environnementales peuvent se dérouler :
- lors de la détermination des zones dans lesquelles l'exploitation pétrolière est soit interdite, soit soumise à restrictions comme au Brésil et au Mexique ou encore avant la publication de la liste des « blocs » susceptibles de faire l'objet d'une exploration, comme en Australie et en Norvège, ou d'une exploration-exploitation, comme au Royaume-Uni ;
- avant la délivrance d'une autorisation d'exploration en Australie ;
- avant l'octroi de l'autorisation d'exploitation : en Norvège, au Royaume-Uni et au Mexique (où les demandes d'autorisation sont publiées sur le site du ministère de l'Environnement) et en Australie ;
- et, enfin, à l'occasion de la délivrance de trois autorisations environnementales successives (préalable, d'installation et opérationnelle) au Brésil.
S'agissant de l'information et de la participation du public, les cinq cas étudiés ménagent des procédures de consultation du public :
- soit lors de la préparation de l'étude environnementale préalable à l'ouverture des « blocs », comme en Norvège et au Royaume-Uni ;
- soit avant la rédaction de la version définitive des études de zone sédimentaire qui déterminent les secteurs où l'exploitation pétrolière est possible, comme au Brésil ;
- avant la préparation par l'exploitant du « plan environnemental » qui précède l'attribution d'un titre en Australie ;
- après la publication de la demande et avant l'octroi d'une autorisation, à la demande de quiconque au Mexique ;
- et, enfin, avant l'octroi de l'autorisation d'exploitation en Norvège et au Royaume-Uni.
Ces procédures utilisent les moyens traditionnels de publicité comme la presse, mais aussi les nouvelles technologies de l'information et Internet.
La mise en concurrence pour le choix des opérateurs est, en revanche, une préoccupation d'intensité variable.
Hormis au Mexique, où l'État, on l'a déjà dit, est dans une situation monopolistique, on recourt à la mise en concurrence pour l'attribution des concessions des licences, en Australie, en Norvège et au Royaume-Uni et pour celle des contrats de partage de la production au Brésil.
Je souhaiterais, à ce stade, insister sur la situation très particulière du Brésil où, par dérogation à la loi pétrolière qui prévoit le recours à des concessions, une loi de 2010 a prévu que l'on pourrait, dans la zone du Pré-Sal, signer des contrats de partage de la production.
En effet, le Brésil a fait d'importantes découvertes pétrolifères en haute mer, dans la zone dite du « Pré-Sal ». Comme vous le montre la carte qui vous est présentée, cette zone se trouve face à Rio de Janeiro et São Paulo. Les champs pétrolifères sont situés jusqu'à 340 kilomètres de la côte (300 kilomètres précisément pour le puits de Tupi, l'un des premiers en service). Comme vous le montre un autre schéma, les hydrocarbures se trouvent sous une profondeur d'eau de 2 200 mètres, protégés par une couche de sel dont l'épaisseur peut atteindre 2 200 mètres, entre 3 et 5 kilomètres du fond.
L'exploitation de tels gisements relève donc de l'exploit technologique et nécessite une forte incitation. C'est pourquoi le législateur brésilien a permis le recours aux contrats de partage de production pour cette seule zone. Pour le moment aucun contrat n'a été passé, mais on pense qu'un premier appel d'offres pourrait être lancé en 2013.
Précisément, des procédures de mise en concurrence sont prévues avant l'exploration-recherche en Australie et avant l'exploitation-production au Brésil, lors de la publication du projet de contrat de partage de production et avant l'attribution des licences dites de production en Norvège et au Royaume-Uni.
Norvège et Royaume-Uni ne prévoient du reste cependant pas de mise en concurrence pour la délivrance des autorisations (non exclusives) d'exploration préalable.
Les cinq États considérés contrôlent les modalités de recherche, de développement et de production des gisements.
L'intervention de l'État passe en premier lieu par le contrôle de la gestion des gisements. C'est à ce titre que les États se réservent le droit d'intervenir afin d'assurer la gestion optimale des ressources :
- soit en confiant celle-ci à leur opérateur national (Mexique) ;
- soit en astreignant les entreprises signataires des contrats de partage de production à constituer des consortiums avec leur opérateur historique dans le cas du Brésil ;
- soit en exerçant un contrôle approfondi sur les plans d'exploration, de développement et d'exploitation des gisements et les investissements en Australie, au Royaume-Uni et en Norvège ;
- soit en fixant le programme de travail minimum et les investissements estimés correspondants au Brésil ;
- soit encore en prévoyant des délais maximum de déroulement de l'exploration préalable à la production, assortis d'obligations de restitution des zones momentanément dévolues aux opérateurs comme en Australie, au Brésil et au Royaume-Uni.
L'Australie prévoit même de retirer la licence en cas de non exploitation pendant une période continue d'au moins cinq ans.
En ce qui concerne l'exclusivité des permis, un sujet dont nous avons parlé à plusieurs reprises, il faut distinguer :
- le niveau de l'« exploration préalable » où l'Australie garantit une exclusivité à l'explorateur sur une zone ;
- et le niveau de l'« exploration-production » au stade duquel les cinq États considérés garantissent l'exclusivité des droits de l'explorateur en liant, dans un seul contrat, l'exploration et l'exploitation.
Les États se livrent de surcroît à une gestion « fine » du cycle de vie des titres miniers et manifestent la volonté d'adapter la législation aux différentes phases de l'exploitation pétrolière.
La loi britannique, qui s'en tient à l'attribution d'une seule licence, dite de production, pour effectuer toutes les opérations nécessaires sur un champ pétrolier, décline cette licence en quatre grandes « sous-catégories », dotées de phases et de durées variables adaptées à la vie des différents types de champs pétroliers.
En Norvège et au Royaume-Uni, la licence confère un droit exclusif d'exploitation du pétrole mais n'interdit pas l'attribution à un tiers de droits d'exploration ou de production d'autres substances, si cela n'occasionne pas de préjudice déraisonnable au titulaire initial dans le premier cas et avec son accord dans le second.
Pour éviter toute rupture entre les phases de recherche et de production, l'Australie reconnaît à l'explorateur un titre transitoire, la « déclaration de localisation », qui permet à son titulaire, une fois que l'administration l'a acceptée et l'a publiée, de passer d'un permis d'exploration à une licence de production sans nouvelle mise en concurrence.
Sans prétendre à l'exhaustivité, on observe aussi des dispositions qui permettent la modification des titres miniers avec :
- la possibilité d'amodier un programme de travail d'exploration au-delà des trois premières années avec l'accord de l'administration en Australie ;
- le droit d'obtenir un « bail de conservation » d'un « bloc » dans lequel du pétrole a été trouvé et dont l'extraction n'est pas commercialement viable mais qui pourrait le devenir dans un délai de 15 ans en Australie ;
- la division de la licence de production britannique en phases dont les objectifs doivent être successivement atteints ;
- et la faculté d'opérer la cession d'une licence de production sous réserve de l'autorisation des services compétents en Australie, au Brésil, en Norvège et au Royaume-Uni.
Le partage de la « rente » pétrolière concerne aussi bien l'État que les collectivités territoriales.
Parmi les cinq législations pétrolières étudiées - qui n'excluent nullement l'existence d'un régime fiscal spécifique des activités de production-commercialisation d'hydrocarbures -, seule la législation brésilienne prévoit des dispositions financières détaillées et le versement aux collectivités territoriales d'une fraction des recettes issues des concessions, une partie de celles consécutives aux contrats de partage de la production étant versée à un fonds de développement social et régional.
Il serait aussi intéressant d'identifier le rapport entre le partage de la rente ou celui de la compétence pour délivrer les titres miniers et les obligations des collectivités concernées. On peut se demander si celui qui délivre le titre contrôle l'activité d'exploitation, touche une rente pétrolière et se voit imputer la responsabilité en cas de dommage d'un exploitant défaillant.
Les lois d'Australie, de Norvège et du Royaume-Uni prévoient, quant à elles, le versement de redevances superficiaires à l'État.
Telles sont, mes chers collègues, les conclusions que nous pouvons tirer de l'étude de ces législations étrangères. Je crois que la principale leçon qui saute aux yeux est que, dans la réforme du code minier qui est en préparation, une attention majeure doit être apportée à la recherche et à l'exploitation des ressources pétrolières de notre territoire.