E. INTENSIFIER LES EFFORTS DE LUTTE CONTRE LES INÉGALITÉS AU NIVEAU MONDIAL : LA CONTRIBUTION DE L'EUROPE AU PROCESSUS DES OBJECTIFS DU MILLÉNAIRE POUR LE DÉVELOPPEMENT (OMD)
Les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) ont été adoptés en 2000 à New York par 193 États membres de l' ONU , et au moins 23 organisations internationales. Les huit objectifs retenus devaient être atteints d'ici 2015 . Il s'agissait de grands enjeux humanitaires : réduire l'extrême pauvreté et la faim ; assurer à tous l'éducation primaire ; promouvoir l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes ; réduire la mortalité infantile ; améliorer la santé maternelle ; combattre le VIH/SIDA, le paludisme et les autres maladies ; assurer un environnement humain durable ; construire un partenariat mondial pour le développement .
Moins de deux ans avant la date butoir pour la réalisation des OMD, il apparaît clairement que certains objectifs ne seront pas atteints. L'Europe est partie prenante des succès et échecs des OMD. L'Assemblée appelle donc les États membres à redoubler d'efforts en garantissant aux femmes et aux filles en particulier, aux jeunes plus généralement, l'égalité des chances et des droits, et une même protection. Il s'agit aussi de participer activement au processus de développement mondial, en élaborant notamment la prochaine série d'objectifs mondiaux après 2015.
M. Jean-Marie Bockel (Haut-Rhin - UDI-UC), s'exprimant au nom du groupe PPE/DC , a rappelé le rôle de l'Europe dans la réalisation des OMD et a souhaité que l'après-2015 soit réalisé en partenariat :
« M. Meale l'explique très bien : en dépit de progrès indéniables, les avancées sont insuffisantes et il est fort probable, hélas, que les huit objectifs de développement fixés en 2000 ne seront pas atteints en 2015. Le Secrétaire Général de l'ONU lui-même l'a reconnu.
Notre rapporteur attend beaucoup de l'Europe. Il a raison. Je rappelle qu'elle est déjà fortement engagée dans la réalisation des Objectifs, et cela dès le début du processus. L'Union européenne est le premier bailleur mondial et fournit plus de la moitié de l'aide publique au développement au niveau international. En outre, depuis 2010, en raison du bilan contrasté des Objectifs, elle a pris un certain nombre de mesures pour accélérer leur réalisation. Il est possible de citer l'initiative des OMD qui consiste à concentrer l'aide sur les objectifs les moins avancés à partir du 10 e Fonds européen de développement, ainsi que le plan d'action OMD qui vise à améliorer l'efficacité de l'aide versée, ou encore le Programme pour le changement qui cherche à adapter les objectifs et les moyens de l'aide européenne aux nouvelles données du contexte international, y compris les conséquences de la crise économique.
Ne perdons pas de vue, en effet, que si la contribution de l'Europe aux Objectifs du millénaire pour le développement peut paraître décevante, le Vieux continent a été confronté à la crise. La stratégie de Lisbonne a été un échec et des interrogations existent sur la capacité à atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020 qui lui a succédé. Il en est de même pour la stratégie européenne énergie-climat. Bref, nous sommes également confrontés à ces difficultés et pour autant, vous avez eu raison de le souligner, il en va aussi de notre responsabilité, car ces pays sont nos partenaires. Parce qu'il y a là un intérêt partagé, au meilleur sens du terme, à ce que ce développement soit une réussite. Et c'est, en temps de crise, un message que l'on peut passer. Nous devons être de plus en plus dans une démarche d'égal à égal, nous ne sommes pas des donneurs de leçons, même si on insiste sur la bonne gouvernance - et on a raison -, nous devons le faire dans cet état d'esprit d'un partenariat.
Dans la perspective de 2015, il me paraît essentiel que l'Europe arrête une position forte lorsque sera défini l'Agenda international du développement qui succédera aux OMD. Les progrès constatés sont compromis par des défis mondiaux exacerbés par la croissance démographique, l'accroissement des inégalités, la détérioration des écosystèmes, la diminution des ressources naturelles limitées ou encore le changement climatique. Dans tous ces domaines, nous devons nous retrouver pour faire des propositions.
Mais surtout, il est important, au-delà de la culpabilisation, parfois nécessaire, mais surtout en évitant le misérabilisme, parce que des progrès existent aussi, que dans la stratégie européenne, et ici, au Conseil de l'Europe, les maîtres mots soient partenariat et responsabilisation partagée. »
Mme Marietta Karamanli (Sarthe - SOC) a, quant à elle, insisté sur les réponses à apporter aux inégalités économiques :
« Je souhaite remercier Sir Alan Meale, qui nous livre dans son rapport des chiffres qui peuvent paraître arides, mais qui nous aident à comprendre les trop grandes différences qui minent notre monde.
Aujourd'hui, les 85 personnes les plus riches du monde possèdent autant que les 3,5 milliards d'êtres humains les plus pauvres. Manger à sa faim, bénéficier des soins que justifie son état de santé, aller à l'école, accéder à des conditions de travail et à un salaire décents, ne plus avoir peur des hommes quand on est une femme, sont autant de droits qui paraissent à bon nombre d'entre nous vivant dans cette partie du monde comme acquis, ou du moins largement partagés. Ils ne le sont pourtant pas pour la majorité des femmes et des hommes de ce monde.
L'Europe est triplement concernée par l'insuffisante réalisation des Objectifs du millénaire. Tout d'abord, elle doit rester exemplaire. Dans bon nombre de nos pays, les objectifs d'un développement humain de base sont pour une large part atteints, et ce même si les problèmes les plus cruciaux n'ont pas tous été résolus. La crise et les tensions nées d'un partage des richesses qui n'augmente plus, laissent le champ à des mouvements politiques populistes, qui contestent l'idée même que la pauvreté puisse être limitée ou éradiquée.
Des réponses économiques adaptées aux besoins des populations qui souffrent de la crise doivent être envisagées au bon endroit, à savoir au niveau du continent européen. En sauvant le modèle social européen, nous sauverons aussi l'aide aux pays en voie de développement. Dans les pays de l'OCDE, l'aide au développement a reculé de 4 % en valeur réelle en 2012, après avoir baissé de 2 % en 2011. Certains en Europe réclament la fin de cette aide au motif de sa prétendue inefficacité. Nous ne pouvons et nous ne devons pas laisser passer cette affirmation qui mélange la mesure principale et des inconvénients qui sont minoritaires.
Enfin, l'Europe doit être plus visible et plus lisible. Je ferai trois suggestions pour retrouver une dynamique forte de lutte contre les inégalités extrêmes. Nos États doivent réexaminer comment l'idée, chère au grand économiste Paul Davidson et inspirée de John Maynard Keynes, d'une chambre de compensation internationale, peut progresser. Un tel mécanisme a pour objectif d'utiliser les excédents financiers d'une partie du monde au financement du développement de l'autre partie. Nos États doivent aussi envisager de lutter plus efficacement contre les pratiques qui visent à faire échapper les activités économiques internationalisées à l'impôt. Enfin, nos États doivent donner l'exemple : quand tous les membres d'une collectivité peuvent se réaliser et réussir, c'est toute la collectivité qui se réalise et réussit.
Pour paraphraser le Président Obama, quand les femmes et tous ceux qui sont habituellement loin du pouvoir réussissent, c'est toute une communauté qui réussit. Et comme l'a noté le rapporteur, notre Assemblée, par sa diversité et ses valeurs, peut et doit contribuer au processus international de négociation et de coopération visant à améliorer l'efficacité des politiques publiques mises en oeuvre pour atteindre les Objectifs du millénaire. Une action sur le partage de la richesse et garantissant l'efficacité de l'impôt et le respect dû à chacun, serait de nature à soutenir avec efficacité la réalisation des Objectifs du millénaire. »