II. DES IDÉES REÇUES À BALAYER

Sur ce sujet, on se référera avec intérêt à l'ouvrage d'ATD Quart Monde, En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la pauvreté 84 ( * ) , que Jean-Christophe Sarrot, l'un des co-auteurs, est venu présenter à la délégation à l'occasion de l'atelier de prospective qui s'est tenu le 19 février 2014.

A. LA VÉRITÉ SUR LA FRAUDE SOCIALE

1. Fraude aux prestations et fraude aux prélèvements

Il convient tout d'abord de préciser que nul n'est besoin de pousser des cris d'orfraie à l'évocation de la « fraude sociale ». Oui, ce type de fraude existe : quelles raisons justifieraient que ceux qui perçoivent des prestations soient les seuls à être épargnés par l'erreur, le manque de jugement ou l'envie de frauder ?

Selon la Cour des comptes 85 ( * ) , la fraude aux prestations représenterait entre 2 milliards et 3 milliards d'euros pour le régime général. Un rapport parlementaire paru en 2011 l'évalue plutôt à 4 milliards d'euros 86 ( * ) . Ce montant appelle deux remarques.

D'une part, il s'agit bien de la fraude aux prestations. Pour ce qui est de la fraude aux prélèvements, c'est-à-dire principalement les cotisations Urssaf qui ne sont pas versées, notamment du fait du travail au noir, le montant global du manque à gagner se situe entre 13,5 milliards et 15,5 milliards d'euros, à en croire le Conseil des prélèvements obligatoires et l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

D'autre part, la fraude sociale est sans commune mesure avec la fraude fiscale .

2. Fraude sociale et fraude fiscale

La fraude fiscale est le fait des contribuables qui contournent volontairement la loi pour éviter le paiement d'une imposition obligatoire. Il s'agit là d'un comportement délictuel délibéré qui présente un caractère pénal. Ce phénomène, très circonscrit juridiquement, est par nature difficile à évaluer.

En 2012, le Sénat a créé une commission d'enquête, dont votre rapporteur a été membre, sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales.

Selon les informations qu'elle a pu collecter 87 ( * ) , la fraude, à l'échelle de l'Union européenne, représente entre 2 % et 5 % du Pib, soit environ 40 milliards d'euros pour la France. Dans un rapport de 2007 88 ( * ) , le Conseil des prélèvements obligatoires situait la fraude fiscale dans une fourchette comprise entre 29 milliards et 40 milliards d'euros chaque année. Le syndicat national unifié des impôts estime quant à lui que la fraude fiscale oscille entre 42 milliards et 51 milliards d'euros. D'autres sources avancent même 60 milliards d'euros, ce qui correspond peu ou prou à l'ensemble des dépenses que l'État consacre au paiement des intérêts de sa dette. Voilà qui est d'une tout autre ampleur que le niveau estimé de la fraude sociale.


* 84 Les Éditions de l'Atelier - Éditions Quart Monde - 2013.

* 85 Rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale - 2010.

* 86 Rapport annuel d'information (AN ; 2010-2011) n° 3603 présenté par Dominique Tian, au nom de la commission des affaires sociales, en conclusion des travaux de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la lutte contre la fraude sociale.

* 87 Rapport n° 673 (2011-2012) d'Éric Bocquet, fait au nom de la commission d'enquête, déposé le 17 juillet 2012.

* 88 La fraude aux prélèvements obligatoires et son contrôle - Conseil des prélèvements obligatoires - mars 2007.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page