III. LES COÛTS ET BÉNÉFICES DU TOURNANT ÉNERGÉTIQUE ALLEMAND
A. LE COÛT DU RETRAIT DU NUCLÉAIRE
1. La question de l'indemnisation des exploitants
Un premier facteur de coût est lié au retrait du nucléaire. En effet, l'abandon de cette énergie de manière prématurée peut être assimilé à une destruction de valeur. La question se pose d'ailleurs de l'indemnisation des exploitants de centrales nucléaires. EOn et RWE ont déposé une plainte devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe ; Vattenfall a saisi un tribunal d'arbitrage à Washington. Les montants demandés en réparation pourraient dépasser 15 milliards d'euros.
2. La charge du démantèlement et de la gestion des déchets
Par ailleurs, l'Allemagne doit faire face aux coûts du démantèlement des centrales nucléaires, l'option d'un démantèlement immédiat après leur arrêt étant généralement privilégiée. Elle dispose d'une grande expérience, après la fermeture des centrales de l'Allemagne de l'Est, mais son potentiel humain risque de se trouver saturé par la mise à l'arrêt en très peu de temps de l'ensemble du parc nucléaire. Financièrement, les fonds nécessaires se trouvent dans les comptes des exploitants, qui ont provisionné plus de 30 milliards d'euros pour le démantèlement des installations et la gestion des déchets. Mais la question se pose de la disponibilité effective de ces provisions.
B. L'IMPORTANCE DES NOUVEAUX INVESTISSEMENTS NÉCESSAIRES
1. Le programme de renforcement du réseau
Un autre poste de coûts est celui des nouveaux investissements nécessaires pour le renforcement des réseaux électriques et pour le développement des énergies renouvelables. L'Allemagne s'est dotée en 2012 d'un outil fédéral de planification pluriannuel des réseaux de transport et de distribution d'électricité.
2. Le dispositif public de soutien aux énergies renouvelables
Dans le même temps, la loi du 29 mars 2000 sur les énergies renouvelables, dite « loi EEG », a été révisée au début de 2012 pour instaurer certains garde-fous : incitation à la vente directe de l'électricité produite sur les marchés, lorsque les prix y sont supérieurs au tarif garanti ; dégressivité des tarifs d'achat ; obligation de pilotage à distance pour les installations d'une puissance supérieure à 100 KW ; encouragement au stockage et à l'autoconsommation. Mais le dispositif public de soutien aux énergies renouvelables reste globalement très favorable.
3. Un total de 352 à 416 milliards d'euros à l'horizon 2020
La banque d'État KfW a publié en septembre 2011, en compilant différentes sources, une estimation du coût des investissements nécessaires au tournant énergétique d'ici 2020 : 145 milliards d'euros pour le développement des énergies renouvelables électriques ; 62 milliards pour la chaleur renouvelable ; 130 à 170 milliards pour l'amélioration de l'efficacité énergétique ; 10 à 29 milliards pour le développement des réseaux ; 5 à 10 milliards pour les centrales thermiques à construire. Au total, ces investissements sont évalués entre 352 et 416 milliards d'euros.