C. RENFORCER L'EFFET INCITATIF DES MODULATIONS D'ÉCO-CONTRIBUTION

Au vu de ces éléments, vos rapporteures ont la conviction que les modulations d'éco-contributions en fonction de critères environnementaux sont un outil utile pour encourager l'écoconception des produits et le recyclage matière.

Les REP ont eu dès l'origine deux facettes : un volet curatif , l'objectif étant de gérer des flux de déchets jusqu'alors peu ou mal captés, et de les valoriser en responsabilisant les metteurs sur le marché, et un volet préventif . Il s'agit alors de favoriser la réduction à la source des déchets, et l'écoconception.

Malgré des difficultés de mise en oeuvre, et des résultats inégaux en fonction des filières, le dispositif de modulation des contributions doit être étendu à toutes les REP, et les critères redéfinis à intervalles réguliers par concertation au sein des éco-organismes .

Plusieurs points peuvent être améliorés.

1. Augmenter l'ampleur des modulations

Les modulations prévues dans les différents barèmes des filières REP sont aujourd'hui insuffisantes. Les montants en cause ne représentent qu'une fraction de la contribution, elle-même généralement minime par rapport au prix du produit. Si l'on souhaite que la contribution, assortie d'un éventuel bonus ou malus en fonction des caractéristiques d'écoconception du produit, ait un effet suffisamment incitatif pour que le fabricant modifie ses pratiques, il faut en faire augmenter progressivement l'ampleur.

Recommandation n° 3 : augmenter progressivement l'ampleur des modulations des éco-contributions pour accroître leur effet incitatif en matière d'écoconception.

2. Élargir les possibilités de modulation des barèmes à l'ensemble du cycle de vie du produit

Vos rapporteures ont constaté au cours de leurs travaux que les objectifs en matière d'écoconception pouvaient fréquemment entrer en contradiction. Un produit écoconçu en vue de sa fin de vie ne sera pas nécessairement un produit qui consomme peu d'énergie, ou fabriqué dans des conditions limitant l'émission de gaz à effet de serre.

Au cours des auditions ont notamment été cités les exemples des lampes à mercure ou des automobiles. Une lampe contenant du mercure dure plus longtemps et consomme moins d'énergie. Le mercure est cependant une substance particulièrement dangereuse dont le traitement en fin de vie est coûteux et présente des risques. De la même manière, une automobile incorporant plus de métaux dans sa carrosserie sera plus facilement valorisable en fin de vie. Elle consommera cependant beaucoup plus de carburant qu'un véhicule conçu à partir de quantités plus importantes de plastiques, matière moins facilement recyclable.

Dès lors, afin de mieux prendre en compte les éventuelles contradictions existant dans les objectifs d'écoconception des produits, vos rapporteures préconisent d'élargir la possibilité de modulation des contributions à l'ensemble du cycle de vie du produit.

L'article L. 541-10 du code de l'environnement prévoit à l'heure actuelle que « les contributions financières visées aux articles L. 541-10-1 à L. 541-10-8 sont modulées en fonction de la prise en compte, lors de la conception du produit, de son impact sur l'environnement en fin de vie, et notamment de sa valorisation matière » . Il s'agirait de le modifier pour faire disparaître le critère limitatif de la fin de vie.

Les modulations pourraient alors, par exemple, prendre en compte la durabilité des biens. Les contributions pourraient, dans ce but, différencier entre les durées de garanties commerciales proposées par le metteur sur le marché.

Recommandation n° 4 : compléter l'article L. 541-10 du code de l'environnement afin d'élargir la possibilité de moduler les contributions en fonction de l'impact environnemental du produit tout au long de son cycle de vie.

3. Développer la recherche pour créer de nouveaux outils en faveur de l'écoconception

Pour favoriser l'écoconception tout au long du cycle de vie des produits, des outils existent aujourd'hui. L'écoconception passe en effet par une bonne connaissance des impacts environnementaux du produit sur l'ensemble de son cycle, de sa fabrication à sa fin de vie.

On parle d' analyse du cycle de vie , ou ACV.

Les flux de matières et d'énergies entrants et sortants sont inventoriés pour chaque étape du cycle de vie. On procède ensuite à une évaluation des impacts environnementaux du produit à partir de ces données, en appliquant des coefficients préétablis pour calculer la contribution de chaque flux à divers impacts environnementaux : effet de serre, acidification, épuisement des ressources naturelles, quantité d'énergie utilisée, quantité de déchets produits, etc.

La motivation pour l'entreprise est bien sûr économique ; une telle approche permet en effet d'optimiser et réduire les coûts. Mais elle permet aussi de faire progresser l'écoconception.

Il ressort des auditions effectuées par vos rapporteures que si l'ACV est un outil aujourd'hui assez largement utilisé par les grandes entreprises, cela reste un instrument coûteux et peu généralisé. Il est nécessaire que cette démarche s'étende progressivement aux petites et moyennes entreprises.

Les éco-organismes ont un rôle à jouer au niveau de la prévention et de la recherche et développement en matière d'écoconception. Vos rapporteures préconisent que des cibles minimales d'investissement en matière de recherche et développement sur l'écoconception soient fixées aux éco-organismes, au moment de la détermination des cahiers des charges.

L'écoconception fait d'ores et déjà l'objet d'échanges sur les bonnes pratiques entre les professionnels. C'est notamment le cas dans la filière des déchets d'équipements électriques et électroniques, avec le WEEE Forum, ou waste electrical and electronic equipment Forum . C'est une association regroupant, au niveau européen, les filières REP pour les DEEE. L'objectif est de proposer une plateforme pour échanger sur les pratiques en matière de fin de vie des produits, et améliorer les performances environnementales dans ce secteur.

Ces initiatives en faveur de la prévention des déchets doivent être encouragées.

Recommandation n° 5 : fixer des cibles d'investissement pour la recherche en matière d'écoconception, en amont avec les industriels, dans les cahiers des charges des éco-organismes de chaque filière.

Recommandation n° 6 : encourager la prévention et les échanges d'expériences sur l'écoconception entre producteurs, sur le modèle de ce qui existe en Europe pour les DEEE.

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