C. ÉNERGIE : UN POTENTIEL CONSIDÉRABLE
Outre ses réserves en énergies fossiles (hydrocarbures), 4% des réserves mondiales 189 ( * ) , qui ont été évoquées pour l'essentiel en Algérie et en Libye, (voir supra p. 36), le Maghreb dispose d'atouts considérables en matière d'énergies renouvelables par son ensoleillement et par son exposition aux vents.
• Le solaire
Grâce à l'ensoleillement exceptionnel de l'Afrique du nord, le rendement de l'énergie solaire est deux fois supérieur à celui obtenu en Europe.
L'irradiation solaire dans les déserts en Afrique du Nord permet d'atteindre jusqu'à 3 000 kWh/m²/an (mesurée en 2002 à 23° de latitude), contre moins de 2 000 kWh/m²/an pour les pays méditerranéens, et 700kWh/m²/an pour les pays de l'Europe centrale). Selon les études menées par la T ransmediterranean R enewable E nergy C ooperation (TREC) en occupant moins de 0,3% de la surface entière désertique de la région Moyen-Orient - Afrique du Nord, des centrales thermiques solaires pourront produire assez d'électricité pour satisfaire aux demandes actuelles de l'Europe et de la région, et aux augmentations des demandes que l'on attend dans le futur. |
• L'éolien
Le Maroc, grâce à sa situation géographique (3 500 km de côtes), dispose de nombreux sites où les conditions de vent sont très favorables :
- Essaouira, Tanger, Tétouan et avec des vitesses moyennes annuelles entre 9,5 et 11 m/s à 40 mètres ;
- Tarfaya, Taza et Dakhla avec des vitesses moyennes annuelles entre 7,5 m/s et 9,5 m/s à 40 mètres (pour partie dans le Sahara occidental).
Dans le cadre de sa stratégie énergétique, le Maroc s'est engagé dans un vaste programme éolien, pour accompagner le développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique dans le pays. Le Projet Marocain Intégré de l'Energie Eolienne, s'étalant sur une période de 10 ans pour un investissement total estimé à 31,5 milliards de dirhams, permettra au pays de porter la puissance électrique installée, d'origine éolienne, de 280 MW en 2010 à 2000 MW à l'horizon 2020.
Le développement de 1720 MW de nouveaux parcs éoliens à l'horizon 2020 est prévu dans le cadre du projet éolien : 720 MW en cours de développement à Tarfaya (300 MW), Akhfenir (200 MW), Bab El Oued (50 MW), Haouma (50 MW) et Jbel Khalladi (120 MW) 1 000 MW prévus sur 5 nouveaux sites choisis pour leur grand potentiel: Tanger 2 (150 MW), Koudia El Baida à Tétouan (300 MW), Taza (150 MW), Tiskrad à Laayoune (300 MW) et Boujdour (100 MW). Les objectifs du programme éolien sont : Augmenter la part de l'énergie éolienne dans la capacité électrique totale à 14% à l'horizon 2020 Atteindre une capacité de production à partir de l'énergie éolienne de 2 GW et une capacité de production annuelle de 6600 GWh, correspondant à 26% de la production électrique actuelle Economiser en combustibles 1,5 million de tonnes équivalent pétrole annuellement, soit 750 millions de dollars US, et éviter l'émission de 5,6 millions de tonnes de CO2 par an. |
1. Des objectifs de production ambitieux
Le plan solaire méditerranéen lancé en 2008 dans le cadre de l'Union pour la Méditerranée prévoit la construction de 20 GW de capacités supplémentaires en solaire ou en éolien, et le développement de lignes d'interconnexion permettant l'exportation d'une partie de cette électricité vers l'Union européenne.
Plus ambitieuse, l'initiative de la Fondation Desertec connaît toutefois quelques turbulences dans ces orientations stratégiques portant sur les besoins d'importation d'électricité des pays de l'Europe du Nord qui pourraient s'avérer moins importants que prévu initialement.
Le plan solaire méditerranéen Pour amplifier la croissance de cette part des énergies renouvelables - aujourd'hui moins de 1% de la consommation en électricité des pays du Sud et de l'Est de la Méditerranée provient de sources ENR hors hydroélectricité, le pourtour méditerranéen devrait connaître, d'ici à 2020, une évolution profonde de son mix énergétique : la demande d'électricité au Sud devrait doubler, alors que la progression ne serait que de 30% au Nord ; la part des énergies renouvelables dans la consommation totale atteindrait 5,3% au Nord, contre 3,3% au Sud. Le montant des investissements nécessaires est estimé de 38 à 46 milliards d'euros, interconnexions comprises. La réussite du PSM est soumise à une double condition : l'appropriation par les pays du Sud de ses objectifs, et donc la nécessité de se doter des outils réglementaires permettant le développement effectif des énergies renouvelables ; un partage équilibré entre le Nord et le Sud de la charge de la création de capacités additionnelles de production d'électricité verte, en utilisant l'ensemble des instruments financiers disponibles à cette fin. |
Carte n° 65 : L'initiative de la fondation Desertec
Cartographie sommaire permettant de visualiser la structure
et les noeuds du réseau électrique
du projet Desertec
Le but poursuivi est le suivant : créer un nouveau marché des énergies renouvelables dans le bassin méditerranéen et un partenariat énergétique entre l'Europe, l'Afrique du nord et le Moyen-Orient. D'ici 2050, Desertec Industrial Initiative (consortium réunissant des groupes industriels et financiers soutenant le projet) s'est fixée comme objectif d'installer des capacités de production d'électricité à partir des énergies renouvelables de 100 GW, construire un réseau haute tension (MedRing) sur tout le pourtour méditerranéen et étudier la possibilité de deux connexions entre l'Afrique du nord et l'Europe. D'ici à 2030, les énergies renouvelables devraient fournir plus de 50% de la production d'électricité en Afrique du nord et au Moyen-Orient. |
Chacun des pays conduit un programme d'investissement important en matière d'énergie renouvelable.
Photo n° 66 : Centrale solaire de Ouarzazate
Le Maroc est le pays le plus avancé dans cet effort d'équipement. Il a commencé la construction à Ouarzazate d'une centrale solaire thermique à concentration d'une puissance de 160 MW qui sera opérationnelle en 2015. Une deuxième tranche de 300 MW est prévue. Le Maroc espère avoir installé 2000 MW en solaire et autant en éolien à l'horizon 2020, soit 42% de la capacité électrique installée. 190 ( * ) . En Algérie , le Programme des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique prévoit d'installer une puissance d'origine renouvelable de près de 22 000 MW d'ici à 2030 dont 12 000 MW destinés à couvrir la demande nationale en électricité et 10 000 MW à l'exportation. D'ici 2030, environ 40% de la production d'électricité destinée à la consommation nationale sera d'origine renouvelable 191 ( * ) . 60 projets ont été identifiés qui devraient permettre de produire entre 2 500 et 3 000 MW d'électricité à partir du solaire et de l'éolien. En Tunisie, le Plan Solaire (PST) avec 40 projets a été lancé en décembre 2009. Son objectif est de doter la Tunisie d'une capacité de production en énergies renouvelables de près de 1 000 MW en 2016 et de 4 700 MW en 2030. Ceci ferait passer la part d'électricité verte dans la capacité nationale de production électrique à 16% en 2016 et 40% en 2030. |
2. Une capacité d'exportation et de distribution en Europe
Les puissances solaire et éolienne pourront être distribuées dans ces pays et être transportées par des lignes de courant continu de haute tension (CCHT) vers l'Europe en subissant des pertes de transmission totales qui n'excéderait pas les 10-15%.
Le développement des énergies nouvelles devrait ainsi s'élargir à l'ensemble du bassin méditerranéen. Une clé en est aussi l'unification du réseau électrique, par l'établissement d'un anneau autour de la Méditerranée 192 ( * ) et, par ailleurs, de liaisons entre l'Afrique et l'Europe. L'objectif à terme est la création d'un grand marché de l'électricité . Si des interconnections existent entre les pays du Maghreb depuis de nombreuses années, il s'agit essentiellement d'échanges de secours, il n'y a pas d'échanges commerciaux véritables.
Carte n° 67 : Schéma de principe pour les lignes électriques transméditerranéennes 2020-2030
Source : Medgrid
L'organisation MedGrid , créée en 2011 par des compagnies d'électricité des deux côtés de la mer, en est un agent essentiel. Elle a pour but d'élaborer un schéma directeur du réseau électrique entre l'Europe et le sud de la Méditerranée, à l'horizon 2020-2030. La question des interconnexions électriques est en effet consubstantielle au PSM . Des trois grands « blocs électriques » constituant le réseau au Sud et à l'Est de la Méditerranée, seul le bloc Maghreb, via le Maroc, et le bloc Turquie, sont aujourd'hui reliés au réseau européen , permettant de disposer en théorie des capacités d'échange nécessaires aux premiers projets du PSM. En 2015, entre 1,5 et 2 GW de capacités d'exportation d'électricité seraient disponibles. L'obtention, à horizon 2020, des 5 GW envisagés par le plan supposera la mise en place de nouvelles interconnexions, en renforçant pour une part les lignes existantes à l'Est et à l'Ouest, mais surtout en créant des liaisons directes du Sud (Algérie, Tunisie, Libye) vers le Nord (Espagne et Italie). Pour la réalisation de ces interconnexions, des moyens financiers seront nécessaires. La Commission européenne considère l'achèvement de la « boucle énergétique méditerranéenne » comme une priorité stratégique. |
* 189 Selon le Comité professionnel du pétrole, le montant des réserves prouvées au 1 er janvier 2012 était évalué à 1 664 millions de tonnes (soit 0,8% des réserves mondiales) et 6 426 millions de tonnes pour la Libye (3,1%)
* 190 Le rapport du groupe interparlementaire France-Maroc publié en juin 2013 présente une synthèse du plan solaire du Maroc : http://www.senat.fr/ga/ga107/ga1077.html#toc90
* 191 le Programme des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique mars 2011 http://cemagas.org/wp-content/uploads/2012/12/Programme_ENR_et_efficacite_energetique_fr.pdf
* 192 Abdenour Keramane « la boucle électrique et le marché euro-méditerranéen de l'électricité » Cahiers de l'IPEMED - septembre 2010.
http://www.ipemed.coop/adminIpemed/media/fich_article/1315774972_LesNotesIPEMED_11_BoucleElectrique_sept2010.pdf