B. MONDIALISATION ET MODERNITÉ
Les pays du Maghreb n'ont pas connu un développement autarcique . Le développement des technologies de l'information et de la communication, le développement du tourisme, des relations d'affaires, des voyages et de l'immigration de certains de leurs ressortissants, donnent à voir à une part croissante de ces sociétés un modèle qui leur paraît enviable à maints égards, une société de consommation, une société de liberté.
Une partie de la population considère que les modèles de développement libéral et les valeurs qui les fondent sont sources de prospérité, mais aussi de liberté. Elle aspire à la transformation des sociétés vers plus de démocratie, plus de justice, plus de sécurité. Une grande partie des revendications exprimées lors des révolutions arabes relèvent de ces aspirations et apparaissent très modernes dans leurs modalités d'expression.
Comme le note Beligh Nabli 165 ( * ) , les insurrections populaires visent à abattre tout à la fois un système répressif, de captation du pouvoir politique et économique par une minorité, voire par des clans familiaux. Elles se développent sans assise idéologique, ni leader charismatique. Les aspirations initiales sont à la fois d'ordre social (répartition plus juste des richesses) et politique (appel à la liberté et à la dignité). Elles conjuguent des formes de mobilisation classiques (manifestations de masse, grèves générales) et modernes (médias de masse, internet et réseaux sociaux). Ainsi que le fait remarquer le professeur Olivier Roy « si l'on regarde ceux qui ont lancé le mouvement, il est évident qu'il s'agit d'une génération post-islamiste. Cette nouvelle génération ne s'intéresse pas à l'idéologie : les slogans sont tous pragmatiques et concrets » ; ils ne font pas appel à l'islam comme leurs prédécesseurs le faisaient en Algérie à la fin des années 1980. Ils expriment avant tout un rejet des dictatures corrompues et une demande de démocratie. Cela ne veut évidemment pas dire que les manifestants sont laïcs, mais simplement qu'ils ne voient pas dans l'islam une idéologie politique à même de créer un ordre meilleur : ils sont bien dans un espace politique séculier ». Avec des fortunes diverses selon les pays, « l'expression des peuples (...) depuis 2011 a clairement manifesté dans les urnes sa défiance vis-à-vis des élites qui n'ont pas engagé depuis les indépendances leur société dans la voie du développement. L'éducation de masse(...), malgré des lacunes, ainsi que les nouveaux moyens de communication produisent leurs effets : la jeunesse ne s'accommode plus d'une société verrouillée par la culture du monolithisme autoritaire, par la prédation rentière et l'humiliation 166 ( * ) ». |
* 165 Beligh Nabli - directeur de recherche à l'IRIS - Actuelles de l'IFRI 2012.
* 166 Abderrahmane Hadj Nacer et Carmen Romero « L'Europe et la Méditerranée - Propositions pour construire une grande région d'influence mondiale » Rapport au président du parlement européen. IPEMED avril 2013.