F. LUTTER CONTRE LA DISCRIMINATION FONDÉE SUR L'ORIENTATION SEXUELLE ET SUR L'IDENTITÉ DE GENRE

La lutte contre la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre a donné lieu, au sein de l'Assemblée parlementaire, à l'adoption en 2010 d'une résolution sur ce sujet. La commission sur l'égalité et la non-discrimination a souhaité évaluer l'évolution des législations depuis le vote de ce texte, relevant notamment l'introduction par différents États membres de mesures législatives, de plans d'action et de stratégies spécifiques visant à promouvoir l'égalité et à lutter contre les discriminations visant les personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transgenres (LGBT).

Cette contribution du Conseil de l'Europe a été saluée par la ministre française des droits des femmes, Mme Najat Vallaud-Belkacem, invitée à intervenir au cours du débat dans l'hémicycle. Une réunion sur ce sujet des représentants des gouvernements des États membres et de la société civile s'est en effet tenue à Paris le 26 mars dernier. Trois priorités ont alors été identifiées en vue de faire progresser les droits des personnes LGBT. La première porte sur les actions transversales à mettre en oeuvre par les gouvernements en vue de lutter contre l'homophobie. La deuxième tient à une meilleure implication sur ce thème du Conseil de l'Europe mais aussi de l'Union européenne. La troisième vise à donner une dimension universelle à ce combat en oeuvrant pour l'adoption d'une convention internationale.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) a souhaité insister dans son intervention sur le rôle pilote que pouvait avoir en la matière le Conseil de l'Europe :

« Permettez-moi de saluer en préambule l'excellent rapport de notre collègue Hakon Haugli. Sa description précise des préjugés, mais aussi des violences dont sont encore victimes les personnes LGBT en Europe, vient nous rappeler combien le respect des droits de l'Homme peut être à géométrie variable sur notre continent dès lors que les choix de vie s'écartent d'une tradition ou d'un dogme.

Les valeurs fondamentales que nous défendons ne peuvent pas, pourtant, être amendées par des principes relevant de la spiritualité ou d'une loi jugée naturelle. La défense des droits de l'Homme doit aussi garantir la sécurité de celles et ceux qui ont souhaité donner une nouvelle orientation à leur vie intime.

La situation des personnes LGBT est d'ailleurs l'une des plus complexes à traiter tant nous nous apercevons que nos sociétés, même les plus libérales d'entre elles, ont du mal à intégrer pleinement, par le droit, cette catégorie de la population. Ces personnes sont encore trop souvent victimes d'intolérances et de violences multiples du simple fait de leur orientation sexuelle, plongeant beaucoup d'entre elles, les jeunes en particulier, dans une grande souffrance et les exposant à un risque accru de suicides ou de meurtres.

Il est indispensable de développer l'éducation à la sexualité, à l'égalité et au respect dans le milieu scolaire pour mieux protéger nos enfants.

Comme l'a rappelé M me Najat Vallaud-Belkacem, le 26 mars dernier, la France a invité les représentants de chacun des États du continent européen ainsi que 200 membres de la société civile à traiter de cette problématique. L'un des principaux enseignements de cette rencontre est la nécessité de renforcer le rôle d'organisations comme la nôtre sur ces dossiers.

L'approche que nous devons retenir est simple : il n'y a pas de distinctions à opérer dans la lutte contre les discriminations. Nous devons à ce titre prendre fermement position pour une dépénalisation universelle de l'homosexualité.

L'adoption d'une convention sur ce sujet par le Conseil de l'Europe constituerait d'ailleurs, à n'en pas douter, un signal important. Le débat d'aujourd'hui doit, à ce titre, être le point de départ d'une vaste réflexion paneuropéenne sur un nouvel instrument juridique destiné à témoigner de l'attachement de notre Organisation à suivre au plus près les mutations de nos sociétés.

Aucun État membre du Conseil de l'Europe ne devrait tolérer ou encourager les actes homophobes ou transphobes. Il en va de la crédibilité même de notre Organisation et du message et des valeurs que nous voulons transmettre. »

M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC), président de la délégation française, a souligné dans son intervention qu'il appartenait aux États de prendre des mesures destinées à lutter contre ce type de discriminations :

« Monsieur Haugli, je voudrais d'abord vous remercier et vous féliciter pour votre rapport qui marque une nouvelle étape importante dans la lutte contre les discriminations à raison de l'orientation sexuelle.

Madame Hillary Clinton, alors secrétaire d'État des États-Unis, rappelait avec raison en 2011 que, « tout comme le fait d'être une femme ou d'appartenir à une minorité raciale, religieuse, tribale ou ethnique, le fait d'être LGBT ne vous rend pas moins humain. Voilà pourquoi les droits des homosexuels sont des droits de l'Homme, et les droits de l'Homme ceux des homosexuels ».

Pourtant, la marche vers l'égalité des droits ne va pas de soi dans beaucoup de pays représentés dans notre Assemblée. Le droit à l'indifférence réclamé par les personnes LGBT se heurte parfois à des préjugés, des traditions, la religion, voire une homophobie affichée par une partie de la société. Mais la grandeur d'un État démocratique, c'est de montrer l'exemple et d'avoir le courage d'adopter des lois, de prendre des mesures efficaces, d'oeuvrer pour changer les mentalités et lutter ainsi contre les discriminations !

C'est le choix qu'a fait mon pays, la France, depuis 1982, en dépénalisant l'homosexualité, en interdisant la discrimination homophobe et en reconnaissant juridiquement les couples homosexuels avec la création d'un pacte civil de solidarité. Il y a quelques semaines, mon pays a encore franchi un pas, en accordant, comme dans bien d'autres pays, le droit au mariage et à l'adoption aux homosexuels. Certes ce combat pour l'égalité des droits n'est pas toujours facile mais comme pour l'abolition de la peine de mort, il est nécessaire.

Le plan d'action interministériel mis en place par la France en 2012 a accordé une place significative aux actions de prévention et d'information, notamment en direction de la jeunesse. Je pense que c'est un élément essentiel de la lutte contre les discriminations à l'encontre des LGBT. La tolérance et le dialogue sont la clé d'une démocratie où chacun aura sa place.

Face à cela, nous devons condamner avec force les lois interdisant la « propagande homosexuelle » ! En effet, ces lois restreignent la liberté d'expression sur les questions d'orientation sexuelle ou d'identité de genre et elles inquiètent à juste titre les représentants de la société civile des pays qui les adoptent. Non seulement ces lois portent atteinte aux libertés fondamentales des personnes LGBT mais elles créent un climat propice à la violence, la haine, à la peur. Elles ouvrent aussi la voie à d'autres lois liberticides, pour d'autres minorités, pour chaque individu !

Pour toutes ces raisons, je soutiens les propositions de résolution et de recommandation. »

En dépit de ce qu'il considère comme des avancées, le rapport de la commission relève la prégnance de préjugés et de violences à l'égard d'une dizaine de millions d'Européens, en raison de leur orientation sexuelle. Le document relève également des atteintes répétées au droit de réunion pacifique des personnes LGBT, en Géorgie, en Moldavie, en Serbie ou en Russie. De tels comportements ont déjà été sanctionnés par la Cour européenne des droits de l'Homme. La jurisprudence constante dans la Cour a été mise en avant par M. Jean-Pierre Michel (Haute-Saône - SOC) , intervenant au nom du groupe socialiste :

« Je tiens à féliciter M. Haugli pour son rapport, malheureusement si actuel, que le groupe socialiste votera en l'état. De nombreux amendements ont en effet été déposés, qui tentent de le dénaturer, ce qui démontre que les principes de la Convention européenne des droits de l'Homme et la jurisprudence de la Cour ne font plus ici consensus. Nous avons pu le vérifier tout au long de cette session, qui sera de triste mémoire : si les choses devaient continuer en ce sens, voire s'aggraver, notre existence même serait remise en cause, je n'hésite pas à le dire.

Pourtant notre Assemblée a été la première au monde à condamner toutes les discriminations, quelles qu'elles soient, notamment celles fondées sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre - vous avez rappelé la résolution de 2010 particulièrement progressiste en la matière.

L'homophobie et la transphobie progressent dans tous les pays membres, y compris dans le mien qui a vu surgir des réactions homophobes particulièrement violentes contre une loi visant à établir l'égalité des droits de tous les citoyens en matière de mariage.

La dépénalisation des relations homosexuelles entre adultes consentants n'est pas effective partout. Quant aux projets de loi qui interdisent la propagande homosexuelle, ils constituent une pénalisation contraire à nos principes, même s'ils sont justifiés par les convictions religieuses d'une partie de la population. Plus graves encore, l'interdiction de plusieurs manifestations LGBT dans plusieurs États membres et leur répression lorsqu'elles ont quand même eu lieu sont contraires à nos principes et à la jurisprudence constante de la Cour. Le harcèlement sur la base de l'identité de genre et de l'orientation sexuelle constitue un grave problème, car cette violence entraîne des suicides plus nombreux au sein des LGBT que dans le reste de la population. Aussi cette violence doit-elle être combattue, y compris par les pouvoirs publics qui sont trop souvent muets, voire consentants.

Enfin, le droit de fonder une famille a été reconnu par plusieurs pays sous la forme d'un partenariat ou de l'ouverture du mariage : c'est le cas des Pays-Bas, du Danemark, de la Belgique, du Portugal, de l'Espagne, du Royaume-Uni et, récemment, de la France. D'autres pays se préparent à le reconnaître, comme la Croatie ou l'Irlande.

J'ai entendu nos collègues russes se féliciter au cours de nos débats d'une loi récemment adoptée par la Douma qui interdit l'adoption aux couples homosexuels. Je veux leur rappeler l'arrêt du 19 février 2013 de la Cour, dont la Grande chambre, par 10 voix contre 7, a condamné l'Autriche pour avoir réservé l'adoption aux couples hétérosexuels. La Cour considère que cette restriction est contraire aux articles 8 et 14 de la Convention, car fondée sur l'orientation sexuelle des intéressés. Voilà qui est clair, mais peut-être la Russie ne prête-t-elle pas attention aux arrêts de la Cour qui sont pourtant applicables à tous les États membres.

Je tiens enfin à saluer le courage des militants LGBT de tous les pays, y compris dans ceux où ils sont le plus combattus et exposés, ainsi que le courage de tous ceux qui les soutiennent et qui se battent pour que la dignité des LGBT soit reconnue. Je ne peux que rappeler la totale adhésion de mon groupe aux projets de résolution et de recommandation contenus dans le rapport de M. Haugli, que je félicite encore pour son courage et sa clairvoyance. »

La commission sur l'égalité et la non-discrimination regrette en outre l'adoption en Lituanie d'une disposition sur la « protection des valeurs morales constitutionnelles » dans le Code administratif qui pourrait ériger en infraction des activités destinées à prévenir les discriminations en fonction de l'orientation sexuelle. Le terme de « propagande » est quant à lui utilisé dans un projet de loi russe en cours d'examen pour qualifier ce type de campagnes ou les marches des fiertés.

La résolution adoptée par l'Assemblée invite les États membres à adapter leurs législations en vue de garantir la non-discrimination à l'égard des personnes LGBT. Elle insiste notamment sur les mesures pénales à mettre en oeuvre en vue d'intégrer l'orientation sexuelle et l'identité de genre dans la liste des motifs pour les crimes de haine. Le texte insiste, en outre, sur la nécessaire exécution, par les États membres concernés, des arrêts de la Cour visant les atteintes aux droits des personnes LGBT.

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