AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Au mois de février 2013, les commissions de la culture et des affaires économiques du Sénat ont décidé d'inscrire les jeux vidéo à leur programme de contrôle et, à cette fin, ont créé un groupe de travail conjoint confié à André Gattolin (Ecolo - Hauts-de-Seine) pour la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et à Bruno Retailleau (UMP - Vendée) pour la commission des affaires économiques.

Les jeux vidéo ont en effet la particularité de pouvoir être définis tant comme un objet culturel et artistique que comme un produit technologique . « Personne ne doute que ce soit une industrie, mais on oublie souvent qu'il s'agit d'un art » dit d'eux Olivier Séguret, chroniqueur et critique de cinéma et de jeux vidéo à Libération.

André Malraux, dans son « Esquisse d'une psychologie du cinéma » , donnait la même signification duale au septième art, longtemps considéré comme une prouesse technologique avant de conquérir ses lettres de noblesse dans le milieu culturel.

Si tel n'est pas le cas, à ce jour, des jeux vidéo, malgré la qualité et la créativité du scénario et du graphisme de certaines productions , c'est qu'ils souffrent en réalité d' une image encore peu flatteuse , associée à un risque addictif et à des comportements asociaux et agressifs.

Certes, la généralisation des pratiques entraîne indéniablement une évolution des mentalités en faveur du jeu , mais le changement est craintif à l'heure où l'industrie française du jeu vidéo, concurrencée à l'extrême, et notamment par le Canada, a plus que jamais besoin de considération institutionnelle pour se développer et attirer les investisseurs . Fragilisés et bien que loués pour la qualité de leurs jeux, les studios français, qui emploient 5 000 personnes, ne doivent pas être laissés au bord du chemin.

La France, qui comptait dans les années 1990 jusqu'à 15 000 emplois directs dans le jeu vidéo et qui forme toujours des professionnels mondialement reconnus et recherchés, n'a que trop tardé à soutenir cette industrie et à freiner sa délocalisation.

Le jeu vidéo constitue en effet un moteur de croissance qu'il serait imprudent de ne pas considérer, notamment en raison de l' interaction de ce secteur avec celui des nouvelles technologies , comme le rappelait la revue Hermès en introduction de son numéro spécial sur le jeu 1 ( * ) : « Les jeux vidéo, informatisés depuis près de quarante ans, [dépendent des nouvelles technologies] pour leur développement et leur diffusion. Cette dépendance [...] est caractérisée par une suite de cycles : intégration d'une technologie innovante, développement de nouveaux contenus, mutation du processus de production, enfin conquête d'un nouveau marché jusqu'à saturation et démarrage d'un nouveau cycle. Mais l'attractivité du jeu vidéo a, à son tour, largement contribué à populariser les nouvelles technologies, l'Internet et les réseaux sociaux. Aujourd'hui, on se connecte autant, voire davantage, pour jouer que pour s'informer. »

Aujourd'hui, le jeu vidéo comme les nouvelles technologies, sont ancrés dans nos vies quotidiennes : le temps de jeu s'allonge sans cesse, tandis que les techniques et technologies du jeu sont utilisées pour un nombre croissant d'usages. Qu'on s'en réjouisse ou qu'on la déplore, la « gamification » de la société constitue un enjeu économique de premier ordre pour l'industrie française du jeu vidéo , enjeu que pouvoirs publics, studios et investisseurs privés se doivent de relever.

Le présent rapport, après avoir rappelé les grands débats qui existent autour du jeu vidéo et tenté de tracer les frontières de cette industrie à plusieurs visages, dresse un bilan de la politique économique de la France en faveur de ce secteur, avant de proposer des pistes de travail qui permettront de « jouer français » demain.


* 1 Hermès n° 62 (2012) « Quand jouer, c'est communiquer ».

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