B. L'ÉNERGIE ET LE TRANSPORT : DEUX SECTEURS QUI CONCENTRENT UNE PART TRÈS SIGNIFICATIVE DE L'APD FRANÇAISE
1. Une part significative et croissante des engagements de l'AFD dans les secteurs de l'énergie et des transports
a) Dans le secteur de l'énergie : la prépondérance des investissements dans les énergies renouvelables et le renforcement des réseaux
(1) Une croissance importante des engagements de l'AFD dans ces secteurs depuis 2006
Les engagements de l'AFD dans le secteur de l'énergie ont considérablement augmenté au cours des dernières années. En 2006, avant l'adoption du cadre d'intervention sectoriel (CIS) « Énergie », ils s'élevaient à 360 millions d'euros. Suite à son adoption, ils ont sensiblement augmenté jusqu'à atteindre plus de 2 milliards d'euros en 2009, soit six fois plus. Le montant des engagements annuels s'est ensuite stabilisé autour de 2 milliards d'euros par an, avant de baisser en 2012.
Montant des engagements du groupe AFD dans le secteur de l'énergie (2006-2012)
(en millions d'euros)
Entrée en vigueur du CIS « énergie »
Source : graphique commission des finances, données AFD
Engagements du groupe AFD dans le secteur de l'énergie par outil (2007-2011)
Source : graphique commission des finances, données AFD |
Au total, sur la période 2007-2012, correspondant au CIS adopté en 2007, près de 8,9 milliards d'euros ont été engagés par le groupe AFD dans ce secteur. Sur l'ensemble de la période, il représente plus du quart des engagements de l'AFD, hors Outre-mer. S'agissant des outils employés par le groupe AFD, on observe que les prêts souverains sont majoritaires, avec près de la moitié des engagements, tandis que les prêts non-souverains en représentent un bon tiers. |
(2) L'évolution des trois piliers
Les trois piliers définis par le CIS pour les interventions de l'AFD dans le secteur de l'énergie ont connu des évolutions décorrélées mais surtout ont concerné des montants très différents, puisque le premier pilier (l'énergie durable) représente à lui seul près de 75 % des engagements sur la période contre un petit quart pour le deuxième (l'énergie sécurisée) et à peine quelques pourcents pour le dernier (l'énergie accessible).
(a) Le pilier « Énergie durable »
Ce premier pilier regroupe les engagements en matière d'énergies renouvelables, d'efficacité énergétique et d'aide-climat. C'est le volet qui a connu la plus forte croissance ces dernières années, comme le montre le graphique ci-dessous.
Engagements du groupe AFD dans le secteur de
l'énergie (2007-2012)
« Énergie durable et
énergie-climat »
(en millions d'euros)
Source : graphique commission des finances, données AFD
Il représente plus de 6,5 milliards d'euros entre 2007 et 2012.
En matière d' énergie renouvelable , les projets financés par l'AFD portent sur les différentes filières : l'hydroélectricité, l'éolien, la géothermie, les bioénergies, ainsi que le solaire. Le total des engagements du groupe sur les six dernières années dans ce domaine s'élève à près de 2,9 milliards d'euros, dont 702 millions d'euros pour la seule année 2012.
En matière d' efficacité énergétique , l'essentiel des concours a porté sur l'industrie, avec notamment des interventions de Proparco. On compte également quelques projets dans le secteur du bâtiment. Le montant des engagements sur cet axe a représenté, entre 2007 et 2012, plus de 1,5 milliard d'euros.
Enfin, les engagements en soutien aux politiques « Énergie-climat » dans plusieurs pays (notamment en Indonésie, au Mexique, au Vietnam, en Turquie et à l'Île Maurice) ont représenté plus de 2 milliards d'euros sur les six dernières années.
(b) Le pilier « Énergie accessible »
Le pilier « énergie accessible » requiert une part plus importante de subvention ou de concessionnalité, dans la mesure où il concerne des opérations qui ne sont pas rentables financièrement. Le montant des engagements est donc beaucoup plus faible, avec un total de 213 millions d'euros entre 2007 et 2012, soit une moyenne annuelle de 36 millions d'euros par an.
Engagements du groupe AFD dans le secteur de
l'énergie (2007-2012)
« Énergie
accessible »
(en millions d'euros)
Source : graphique commission des finances, données AFD
Le niveau plus faible de ces engagements reflète aussi un intérêt moindre des pays en développement pour la problématique de l'accès à l'énergie. Peu de pays se sont dotés de politiques structurées d'aménagement et d'équipement énergétique de leurs zones rurales ou suburbaines 6 ( * ) .
(c) Le pilier « Énergie sécurisée »
Enfin, le pilier « Énergie sécurisée » représente un montant important d'engagements, avec plus de 2,1 milliards d'euros sur la période. Il s'est développé en particulier sur les infrastructures de réseaux électriques et en soutien à une logique d'intégration régionale des systèmes électriques.
Les concours pour sécuriser les systèmes énergétiques reposent principalement sur des prêts souverains, tandis que les appuis à la planification du secteur électrique reposent plus généralement sur des subventions.
Engagements du groupe AFD dans le secteur de
l'énergie (2007-2012)
« Énergie
sécurisée »
(en millions d'euros)
Source : graphique commission des finances, données AFD
(3) Les déclinaisons géographiques
La répartition des engagements par zone géographique montre des situations assez contrastées.
Engagements par zone du groupe AFD dans le secteur de l'énergie (2007-2011)
(en millions d'euros)
Source : AFD
La prépondérance de l'Asie s'explique par l'importance des investissements qui y sont menés dans le secteur énergétique. On observe par ailleurs que l'Afrique se distingue par la part importante qu'y constituent les investissements dans l'énergie sécurisée, à savoir dans le renforcement des réseaux.
(4) Des résultats significatifs sur la période 2007-2012
D'après les informations recueillies auprès de l'AFD, qui a procédé à l'agrégation des différents indicateurs, on peut estimer, hors lignes de crédit et Proparco, que les engagements du groupe AFD dans le secteur de l'énergie ont permis :
- de raccorder 1,82 million de personnes au réseau électrique, principalement au Kenya, au Burkina Faso, au Rwanda, au Mozambique, au Maroc, au Sénégal et au Pakistan ;
- d'améliorer l'accès à l'électricité de 2,8 millions de personnes ;
- d'installer 2 400 MW de puissance énergétique renouvelable ; il s'agit notamment du financement de projets hydroélectriques au Vietnam et en Ouganda, de géothermie au Kenya, et d'éolien en Éthiopie, Afrique du Sud et Chine ;
- d'économiser 26 000 GWh d'énergie (ce chiffre relativement modeste ne comporte pas les financements réalisés au moyen de lignes de crédits, pour des raisons techniques, par lesquels sont pourtant financés la plupart de ces projets) ;
- d'éviter l'émission de 9 millions de tonnes de CO 2 par an.
Dans le secteur des transports : une multiplication par huit en sept ans
Les engagements du groupe AFD dans le secteur des transports ont également connu une hausse importante ces dernières années , à l'exception de l'année 2007 où leur niveau a été particulièrement bas ( cf. graphique ci-dessous).
Les engagements sur la période se sont ainsi élevés à plus de 4 milliards d'euros sur les neuf années considérées 7 ( * ) . Le niveau annuel des engagements est passé de 105 millions d'euros en 2003 à 815,9 millions d'euros en 2010. En moyenne, entre 2008 et 2011, il a atteint près de 700 millions d'euros. En 2012, le niveau record de 1 261 millions d'euros 1 a même été atteint.
Le transport ferroviaire, qui nous intéresse ici particulièrement, a représenté sur cette période environ un tiers des engagements du secteur transport, soit environ 1,3 milliard d'euros. Son montant annuel est relativement stable dans le temps, autour de 200 millions d'euros par an, en dehors de l'année 2007.
Engagements du groupe AFD dans le secteur du transport (2003-2011)
(en millions d'euros)
Source : graphique commission des finances, données AFD
2. Un secteur des transports qui représente les deux tiers de la « Réserve pays émergents »
Le secteur des transports bénéficie historiquement de la majeure partie de la « réserve pays émergents » (RPE). Sur la période 2010-2013, il en a ainsi représenté près des deux tiers (658 millions d'euros sur 995).
La Réserve Pays Émergents La Réserve Pays Émergents (RPE) est un des principaux outils de la politique d'aide publique au développement de la France, avec 3,5 milliards d'euros de prêts depuis 2000. Elle est mise en oeuvre par la direction générale du Trésor. Peuvent bénéficier de la RPE les entités publiques (gouvernement central, provincial, agences, ...) des pays éligibles (la vingtaine de « pays RPE »). Les projets doivent ne pas être viables économiquement s'ils étaient financés aux conditions de marché et répondre aux besoins de développement économique durable des pays récipiendaires (critères OCDE). Il s'agit d'une aide liée, c'est-à-dire que ces projets doivent également contribuer au développement international des entreprises françaises : 70 % au moins des contrats financés doivent correspondre à des achats de biens et services fournis par des entreprises françaises (critère français). Source : ministère de l'économie et des finances |
L'année 2013 illustre cette prépondérance du secteur des transports, avec la fourniture du matériel roulant du réseau ferroviaire rapide de Tunis pour 160 millions d'euros, la modernisation du corridor ferroviaires de Bandung pour 80 millions d'euros et la rénovation de voie ferrée entre Sfax, Gafsa et Gabès, en Tunisie, pour 43 millions d'euros.
Répartition sectorielle des financements
accordés par la RPE et le FASEP
(2010-2013)
Source : ministère de l'économie et des finances
La faiblesse des engagements dans le secteur de l'énergie au titre de la RPE tient au fait que les critères de cette dernière s'y prêtent souvent plus difficilement : ces projets sont plus facilement viables économiquement, ce qui méconnaît les critères OCDE, et il est plus difficile pour les entreprises françaises de représenter 70 % des contrats (critère français).
On peut néanmoins noter que l'autre outil d'aide liée qu'est le FASEP bénéficie, lui, plus facilement au secteur de l'énergie, du fait de l'absence de critère de rentabilité sur le projet et de la plus grande facilité à respecter le critère de part française, puisqu'il porte uniquement sur l'étude elle-même.
Le Fonds d'Études et d'Aide au Secteur Privé Le Fonds d'Études et d'Aide au Secteur Privé (FASEP) permet de financer des études, notamment de faisabilité ou d'assistance technique. Depuis 2000, il a représenté 260 millions d'euros de dons, soutenant les prestations de 150 entreprises françaises. Il peut bénéficier aux entités publiques des pays s'inscrivant dans les cibles prioritaires de l'APD française (une soixantaine de pays) pour des projets répondant aux besoins de développement du pays récipiendaire. Il s'agit d'une aidée liée, c'est-à-dire que seuls des prestataires français sont éligibles à ces financements. Source : ministère de l'économie et des finances |
Vos rapporteurs spéciaux se félicitent que les secteurs de l'énergie et des transports occupent une place prépondérante dans les financements relevant de la politique française d'aide publique au développement. Ils proposent cependant que la question de l'accès à l'énergie y occupe une place plus importante. |
* 6 À l'exception notable du Maroc ( cf. infra ), où le taux d'électrification rurale est passé de 18 % à 98 % en douze ans.
* 7 Desquels il faut déduire les engagements outre-mer (171 millions d'euros entre 2003 et 2011).