LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- M. Dominique BAUDIS, Défenseur des droits
- Mme Rachida DATI, maire du VII e arrondissement de Paris
- M. Olivier DEBAINS, président directeur général de la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM)
- Mme Isabelle FALQUE-PIERROTIN, présidente de la CNIL
- M. Jean-Pascal LANUIT, directeur régional adjoint des affaires culturelles d'Ile-de-France
- M. Serge LASVIGNES, Secrétaire général du Gouvernement
- Mme Bénédicte LORENZETTO, architecte des Bâtiments de France
- Mme Nathalie MORIN, cheffe du service France Domaine
- Mme Isabelle SAURAT, directrice de la Direction des services administratifs et financiers (DSAF)
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 17 juillet 2013, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a entendu une communication de M. Philippe Dominati, rapporteur spécial, sur le pilotage du projet de « Centre de Gouvernement ».
M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Je vais vous rendre compte de la mission que la commission des finances m'a confiée concernant le pilotage du projet de « Centre de Gouvernement ». Il s'agit d'un ensemble immobilier qui est situé dans le VII e arrondissement de Paris, avenue de Ségur et place de Fontenoy, et composé de deux bâtiments. Dans le budget de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », les loyers représentent des dépenses relativement importantes : ce projet, par son ampleur et par sa nature financière, aura donc un impact durable sur le budget de cette mission.
Cet ensemble immobilier d'environ 55 000 mètres carrés est situé à proximité de Matignon et il est composé de deux bâtiments, dont l'un est l'ancien Hôtel de la Marine dans lequel on peut observer des fresques intéressantes.
Depuis une trentaine d'années, ces bâtiments ont eu des destinations diverses et plusieurs ministères y ont été installés. A partir de 2004, les services de l'Etat ont étudié un projet d'installation de la Maison de la Francophonie. Finalement, la Maison de la Francophonie a été installée avenue Bosquet et l'Etat a conservé ces deux immeubles qui n'ont pas été rénovés et se sont dégradés.
Après cet échec, il a été envisagé, en février 2009, de vendre le bien, notamment pour pouvoir en affecter son produit à quatre ministères, dont les ministères financiers, comme l'indique une décision de Christine Lagarde et d'Eric Woerth, à l'époque respectivement ministre de l'économie et des comptes publics. Le service France Domaine a alors été chargé d'évaluer le bien : en avril 2009, il retient une valeur pivot de 300 millions d'euros. Parallèlement, il a été demandé au cabinet privé Jones Lang Lasalle (JLL) de produire une autre évaluation. Celle-ci, qui date de juin 2009, conclut à une valeur de 195 millions d'euros.
En l'espace de quelques mois, ce même bien est estimé à 300 millions d'euros par France Domaine - dont le rapport, avant de retenir la valeur pivot de 300 millions d'euros, déterminait une fourchette plus large - et à une valeur inférieure d'un tiers par le cabinet privé. J'estime que l'évaluation de France Domaine pose question et elle me semble peu crédible : comment justifier un différentiel de plus de 30 % à quelques mois d'intervalle ? C'est inquiétant pour toutes les autres évaluations de France Domaine !
Dans ce rapport, France Domaine conclut à la nécessité de céder ce bien pour réaffecter le produit aux quatre ministères et notamment le ministère des affaires étrangères.
En raison de ces évaluations « différenciées », et alors que dans le cadre du débat sur la Maison de la Francophonie, Roger Romani et Catherine Tasca, membres de la commission des affaires étrangères du Sénat, s'étaient étonnés que l'Etat veuille vendre ce patrimoine, il a finalement été décidé, en novembre 2009, de le conserver.
Cette décision est prise alors que le Secrétaire général du Gouvernement a besoin de rationaliser le parc immobilier des services et des autorités indépendantes qui relèvent du Premier ministre. En effet, il gère des sites qui sont dispersés, des locaux parfois vétustes, peu adaptés ou trop grands. Le Secrétaire général du Gouvernement voit donc l'occasion, si ce site est rénové et restructuré, de réduire de trente-huit à dix-huit le nombre d'implantations et de faire passer la surface utile de ses services de 122 000 mètres carrés à 113 000 mètres carrés. Une telle opération aurait pour effet de ramener le ratio par agent de 17,11 mètres à 11,43 mètres carrés et donc de se conformer à la norme de 12 mètres carrés par agent définie par France Domaine. Par ailleurs, des mutualisations sont prévues et divers besoins identifiés pour les services utilisateurs.
Je souscris au souhait du Secrétaire général du Gouvernement qui permet au Premier ministre de disposer, dans un lieu peu éloigné de Matignon, d'une grande partie des services qui sont éparpillés sur trente-huit sites.
Je vous ai présenté le site, les errements quant à la valorisation du site, et l'impulsion donnée par le Secrétaire général du Gouvernement. Il me reste à vous indiquer le montage juridique et financier un peu atypique qui a été choisi pour cette opération.
L'Etat avait la possibilité de vendre à un propriétaire privé et de relouer les locaux, dans le cadre d'un partenariat public-privé. Il a choisi, en 2011, de nouer un partenariat public-privé avec une société qui est une société de l'Etat.
M. Philippe Marini , président . - C'est un partenariat public-privé avec une société publique !
M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Oui, le schéma est celui d'un partenariat public-privé mais l'Etat ne prend pas de risque. Il a trouvé une petite société publique dont, monsieur le président, le rapporteur général de la commission des finances que vous étiez a permis qu'elle prospère.
M. Philippe Marini , président . - Absolument. J'ai contribué à étendre ses missions.
M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Cette société, totalement contrôlée par l'Etat, s'appelle la SOVAFIM. Elle avait été créée pour mettre en valeur le patrimoine de Réseau ferré de France, mais devant l'absence d'activité liée à cette mission, le rapporteur général de la commission des finances a permis, en 2006, à cette société d'étendre ses missions à d'autres domaines.
M. Philippe Marini , président . - Votre mémoire est très exacte !
M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - C'est d'ailleurs cette société qui a réalisé, pour le compte de l'Etat, la Maison de la Francophonie, avenue Bosquet. Cette opération a apparemment donné satisfaction à tous les acteurs concernés. Mais il s'agissait d'une petite opération.
Là, heureusement ou curieusement, l'Etat a trouvé une solution adaptée au devenir de la SOVAFIM. En 2009, au moment où France Domaine évaluait le patrimoine, la SOVAFIM proposait d'acquérir le bien pour 350 millions d'euros. Il faut dire qu'au Conseil d'administration de la SOVAFIM, il y a deux administrateurs qui sont des représentants de France Domaine. C'est pour cela que je parle d'une opération très « consanguine », c'est la main droite qui parle à la main gauche ! Mais la SOVAFIM, pour continuer d'avoir une activité, avait un objectif : dégager un taux de rendement de 6 %.
L'étude de JLL en 2009 tombe à point car elle justifie de ne pas vendre et le Secrétaire général du Gouvernement souhaite regrouper ses services : chaque partie est donc en mesure de remplir ses objectifs. Mais il apparaît alors que l'Etat ne dispose pas des moyens nécessaires. En 2011, est fixé le principe de ne pas de céder le bien à la SOVAFIM, mais de lui transférer des droits de superficie pour une période déterminée (trente ans finalement), et l'Etat s'engage à payer un loyer : cet engagement se traduit juridiquement en 2013. Ce loyer sera, à la fin de l'opération, un peu supérieur à ce que paient ces mêmes administrations à l'heure actuelle. Mais cela permet quand même, monsieur le président de la commission des finances, d'être hors budget de l'Etat puisqu'on fait une opération avec une société privée ; et d'autre part, cela permet de lisser cette opération : la valeur du bien est estimée entre 200 et 300 millions d'euros et les travaux de l'ordre de 200 millions d'euros. C'est donc une opération globale de l'ordre de 500 millions d'euros et l'Etat conserve ce patrimoine, puisqu'à l'issue de cette période de trente ans, les bâtiments rénovés lui reviendront. La SOVAFIM se sera rémunérée grâce à un taux de rendement qui devrait s'établir à 6 %. Donc, alors que sa dissolution aurait pu être discutée, l'opération « tombe bien » pour cette société.
Par conséquent, même si je considère que le regroupement des services du Premier ministre est pertinent, j'ai qualifié la solution choisie d'un petit peu « acrobatique », sur le plan juridique et financier. En effet, il est difficile de distinguer la réalité des coûts : les loyers sont fixés non en fonction de la valeur du marché mais en fonction de l'équilibre de cette opération et il est impossible de savoir si les coûts de cette opération vont déraper. Comme vous le savez, il est très important de tenir un calendrier pour une opération de cette nature.
Or, le calendrier a pris du retard parce que cette opération dépend des services du Premier ministre et il y a eu, l'an dernier, un changement de majorité et de Premier ministre. La dernière lettre adressée à la SOVAFIM avant le changement de Gouvernement, signée par Valérie Pécresse, ministre du budget, a ainsi été signée deux jours avant l'élection présidentielle. Certes, je ne pense pas que ce dossier soit prioritaire pour le nouveau Premier ministre, mais à ce jour, le projet a déjà pris un an et demi de retard. Cela pose des problèmes, notamment pour certaines autorités indépendantes, et en particulier par exemple pour le Défenseur des droits, qui a essayé de regrouper ses équipes sur deux sites au lieu de quatre ; ses baux arrivant à échéance fin 2014, il souhaitait ardemment s'installer à Fontenoy, où devraient être regroupées les autorités indépendantes. En raison du retard pris, le Défenseur des droits ne pourra s'installer dans les locaux à l'expiration de ses baux.
Par ailleurs, j'estime que ce projet est conduit a minima . En plus de ce montage financier astucieux mais acrobatique, on a essayé de faire des économies. Par exemple, alors que 2 300 à 2 500 agents travailleront sur ce site, seules trente-huit places de parking ont été prévues parce que l'Etat a décidé, à quelques mois des élections présidentielles, de supprimer le parking pour des raisons financières. Or on sait qu'il y aura des usagers qui viendront rencontrer les agents de l'Etat et qu'il s'agit d'un lieu où des problèmes avec les riverains existent, notamment avenue de Ségur. Que l'Etat fasse une opération aussi importante, dans le VII e arrondissement et sacrifie, pour une économie de 10 millions d'euros, cinq étages de parking parce qu'il a un an et demi de retard, illustre l'absence, à ce jour, de pilotage réel. Ce n'est évidemment pas le Premier ministre qui a vocation à tenir ce rôle. J'ai interrogé l'ancien Premier ministre qui, aujourd'hui, est le député de la circonscription : au temps où il était Premier ministre, il n'a pas été mis au courant de ces modalités pratiques et j'imagine évidemment bien volontiers que c'est également le cas de l'actuel Premier ministre.
La solution financière choisie est atypique et onéreuse : on estime son surcoût à près de 30 %, mais elle a le mérite de tenir compte des contraintes budgétaires et peut-être de ne pas trop attirer l'attention d'un certain nombre d'acteurs, je dirais même peut-être du Parlement, sur ce sujet. A ce jour, ce projet suscite une certaine insatisfaction et on peut se demander si la SOVAFIM, qui est une petite structure, est suffisamment armée pour piloter un tel projet ; il n'y pas, à ce jour, d'architecte, puisque la SOVAFIM, qui a signé l'arrêté de transfert et le protocole locatif avec l'Etat il y a quelques semaines, va maintenant mettre en concurrence des promoteurs, et chacun des promoteurs choisira un architecte. Je trouve dommage, pour un projet immobilier de cette nature, de ne pas en avoir fait un enjeu architectural.
J'ai interrogé la Mairie de Paris, qui est d'ailleurs la seule institution n'a pas donné suite à mes demandes d'auditions. J'ai interrogé le maire du VII e arrondissement, à qui j'ai fait connaître l'opération. L'architecte des bâtiments de France rencontré m'a expliqué que le site était sous surveillance du ministère de la culture, mais que pour autant, l'architecte n'était pas associé au projet.
Nous faisons donc face au panorama suivant : France Domaine a répondu à la demande des services de l'Etat, l'opération permet à la SOVAFIM de bénéficier de 6 % de rendement et le Secrétaire général du Gouvernement a résolu ses problèmes immobiliers - heureusement pour l'Etat, d'ailleurs !
Mais désormais, maintenant que les droits ont été transférés à la SOVAFIM, se pose la question de la communication et du pilotage du projet : la SOVAFIM peut-elle véritablement représenter l'Etat, dans la conduite d'un tel projet et alors qu'il s'agit des services du Premier ministre ? Je ne le pense pas, et il me semble que l'on pourrait préconiser au Premier ministre de désigner quelqu'un dans son cabinet ou dans ses services, pour assurer une communication intelligente de l'Etat sur ce projet vis-à-vis de l'extérieur, et notamment des riverains.
M. Philippe Marini , président . - C'est un sujet tout à fait passionnant, monsieur le rapporteur spécial.
Je salue la présence parmi nous de notre collègue Sophie Joissains qui est rapporteur pour avis du programme « Coordination du travail gouvernemental » à la commission des lois.
J'aurais simplement une question supplémentaire : vous nous dites, qu'à terme, en fonction du devis réel, de la date réelle de l'achèvement, le loyer annuel s'élèvera à 20 millions d'euros. Comment ce chiffre se compare-t-il par rapport aux loyers actuellement versés par les différents services qui vont être regroupés ? Ce serait intéressant pour savoir si ce sera supportable par le budget de fonctionnement des services du Premier ministre.
En outre la SOVAFIM est certes une structure légère, mais elle peut se doter de moyens, d'études, de conseils très performants. Ce n'est pas parce que ses salariés ne sont pas des fonctionnaires qu'ils sont moins compétents.
M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Actuellement les loyers s'élèvent à environ 24 millions d'euros. A la fin de l'opération cependant, en 2029, les loyers versés seraient de l'ordre de 3 millions d'euros supérieurs aux loyers actuellement versés, mais cette différence est difficile à estimer dans la mesure où on ne sait pas, pour les loyers actuels, s'ils n'auraient pas également été indexés. De plus, les locaux qui, à terme, reviendront à l'Etat, seront rénovés et, enfin, vous avez bien compris que cette somme englobe les loyers et le financement de l'opération. S'agissant des loyers, je pense qu'à terme le calcul économique est bon. La réduction du nombre d'implantations, de trente-huit à dix-huit sites pourrait permettre de dégager 165 millions d'euros de produits de cession ; j'espère que la valorisation de ces sites sera effectuée d'une autre manière que pour ce bien.
S'agissant de votre appréciation sur la SOVAFIM, monsieur le président, je la partage totalement : c'est une petite structure, j'ai rencontré ses dirigeants. Incontestablement, sa légèreté peut être un signe de compétitivité et de compétences. Je signale simplement à la commission que c'est une petite entreprise et qu'un certain nombre d'interlocuteurs de l'Etat ont été satisfaits de la réalisation de la mission qui lui avait été confiée s'agissant de la Maison de la Francophonie. Pour autant, elle a fait l'objet d'une critique de la Cour des comptes, qui ne porte pas sur son action mais sur l'utilité pour l'Etat d'être propriétaire d'une société comme celle-là, dont on peut se demander s'il n'aurait pas fallu la dissoudre. Cette opération, qui est beaucoup plus importante que celle de l'avenue Bosquet, procure une activité pour trente ans à la SOVAFIM. Pour autant, je partage votre appréciation : c'est une structure légère, et a priori compétitive.
M. Vincent Delahaye . - C'est un dossier qui montre les carences dans la gestion immobilière de l'Etat. Je suis assez effaré de voir un projet dont l'enjeu global est de l'ordre de 500 millions d'euros et dont le précédent Premier ministre n'était pas courant. L'actuel n'a pas l'air non plus d'en prendre le pilotage.
Vous parlez d'un site d'exception, mais à Paris il n'y a que cela ! Il faut donc faire attention avec l'expression « site d'exception » : j'ai eu l'occasion de visiter les bâtiments à plusieurs reprises, ils n'ont rien d'exceptionnel, mais sont bien situés dans Paris...
Ensuite, passer de trente-huit à dix-huit implantations me semble aller dans le sens de la rationalisation. On passe de 17 à 11 mètres carrés par agent, mais par rapport aux 55 000 mètres carrés, si je fais le rapport, j'économise normalement 27 000 mètres carrés, mais il est prévu seulement une diminution de 9 000 mètres carrés ? L'économie de 17 à 11 mètres carrés par agent devrait être beaucoup plus importante. Le ratio de 11 ou 12 mètres carrés par agent est un bon ratio, qui est utilisé par les entreprises. Dès lors, je ne vois pas pourquoi les services de l'Etat ne s'appliqueraient pas.
De plus, je pense qu'on peut trouver des loyers nettement inférieurs à 400 euros par mètres carrés en région parisienne, voire dans certains quartiers de Paris. Aujourd'hui, malgré notre déficit budgétaire colossal, investit 20 millions d'euros par an sur trente ans. Et d'ailleurs, pourquoi 370 millions d'euros d'ouvertures d'autorisations d'engagement ? Ils ne correspondent pas aux loyers pendant trente ans.
M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Le calcul est effectué sur douze ans, et le loyer est indexé chaque année.
M. Vincent Delahaye . - En tout cas, cette somme me paraît très importante.
Je suis aussi surpris que des procédures d'exception soient permises : il y a beaucoup de règles et de procédures que les collectivités territoriales doivent appliquer et dont les services de l'Etat s'affranchissent.
J'ai donc beaucoup d'interrogations. Je ne mésestime pas les travaux du rapporteur spécial, mais je trouve que sur un projet comme celui-ci, il faudrait disposer d'un pilotage beaucoup plus fin du projet, et notamment quels biens pourront être vendus du fait de sa réalisation.
Ne pourrait-on pas aller ailleurs : à Massy, je connais des bâtiments à 200 euros le mètre carré ! Le Défenseur des droits par exemple, qui nous interpelle souvent, pourrait venir à Massy.
M. Philippe Marini , président . - Il y a quand même une différence entre payer aujourd'hui environ 23 millions d'euros de loyers à des propriétaires privés et, à terme, 20 millions d'euros à une entreprise détenue à 100 % par l'Etat, tout en gardant la propriété du bien. En termes patrimoniaux, ce n'est pas du tout le même équilibre.
M. Jean Germain . - Une première observation, qui revient souvent finalement, sur l'importance des différences d'évaluation entre France Domaine et la vérité du prix du marché. Est-ce que cela peut durer ? Soit on a une structure d'Etat qui évalue correctement les choses, soit on ne peut plus avoir confiance dans cette structure. Pour les collectivités territoriales, une telle appréciation peut interdire tout projet sur un site, tout peut être bloqué et c'est gênant. On me dit que, maintenant, la valeur du terrain sera évaluée lorsque le projet implanté sur ce terrain sera achevé
Qu'un ancien Premier ministre ou un nouveau ne soit pas au courant de ces questions, personnellement, cela ne me choque pas trop car je pense que c'est le Secrétaire général du Gouvernement qui doit suivre ce genre de sujet.
En revanche, le montage est un peu curieux.
M. Philippe Marini , président . - Il est innovant.
M. Jean Germain . - Tout à fait. Mais, comme en matière d'opération chirurgicale, on aime que ce qui est innovant soit également sérieux.
Quant aux compétences de la SOVAFIM, je ne suis pas assez instruit pour répondre à cette question. Je rappelle simplement que la Cour des comptes a demandé la dissolution de cette société, en considérant qu'elle avait été créée pour gérer des friches de Réseau ferré de France et qu'elle n'a pas le volume financier suffisant pour réaliser de grosses opérations. Effectivement, quand on regarde ce qu'a fait la SOVAFIM en dehors de la Maison de la Francophonie, elle a réhabilité d'anciennes maisons d'arrêt et des gendarmeries. Cela lui donne-t-il la compétence pour un tel projet ? Dans un contexte où nous devons être vigilants vis-à-vis des finances publiques, peut-on se lancer dans une telle opération avec tant d'incertitudes ? Poser la question est un peu y répondre.
M. Philippe Marini , président . - Je me permets de rappeler que, s'agissant des finances publiques et du patrimoine public, on reste quand même dans un « univers Etat ». C'est un montage entre l'Etat et lui-même.
M. Jean Germain . - Oui, un montage entre l'Etat et lui-même, par lequel il considère qu'il est nécessaire de faire un partenariat public-privé avec une société publique de droit privé, qui sont des choses qu'on interdirait aux collectivités territoriales.
M. Philippe Marini , président . - Ce n'est pas autre chose qu'une société d'économie mixte et de multiples opérations sont faites par de nombreuses collectivités territoriales avec de telles sociétés d'économie mixte.
M. Jean Germain . - Je ne parlais pas de cela : faire appel à ce genre de société, pour intervenir dans le VII e arrondissement, lieu où se concentrent d'illustres services de l'Etat, et alors qu'il y a déjà eu par exemple l'histoire de l'auditorium de Paris, me paraît un peu curieux. Personnellement, je suis assez réservé.
M. Roger Karoutchi . - Je remercie le rapporteur spécial de sa présentation, car je me demandais ce que devenait ce bâtiment, que j'ai également bien connu, puisque le ministère de Fadela Amara y avait ses bureaux à un étage.
Nous faisons face, je crois, à un manque de volonté, et que ce soit de la part de la gauche ou de la droite. L'Etat a décidé de vendre des ministères, des bâtiments publics. L'hôtel de Clermont a été estimé par France Domaine à un prix tel que, par définition, il n'y avait aucun client. Les services de France Domaine considèrent qu'il ne faut pas brader les intérêts de l'Etat, mais l'estimation de n'importe quel cabinet privé est inférieure de 20 à 25 % à celle de France Domaine. Après réflexion et face à l'absence de client, l'Hôtel de Clermont a été retiré de la vente. En réalité, très peu d'immeubles d'Etat ayant été des ministères ont été vendus. Je ne dis pas que France Domaine surévalue, mais France Domaine ne veut pas être accusé d'avoir sous-évalué.
Je ne suis pas sûr qu'il faille mettre en cause l'ancien Premier ministre. Le ministre, même dans un petit ministère, n'est pas toujours très informé de ce type de projet.
Dans l'Hôtel de Clermont, un service dépendait directement du Premier ministre, qui était la direction de la communication et devait partir en banlieue. Elle ne l'a jamais fait, et la direction, dans la pratique, n'avait qu'assez peu de liens avec Matignon, situé à 200 mètres. A part la directrice, qui allait à Matignon une fois par semaine, les autres agents ne bougeaient pas.
Aujourd'hui, malheureusement, personne ne porte la responsabilité globale de la vente des bâtiments publics prestigieux.
Sur les 2 300 personnes que l'on va mettre dans ce centre, sincèrement, il y en a quelques-uns seulement qui auront des réunions à Matignon et les autres travailleront sur place mais n'auront pas de lien réel, physique, avec Matignon.
J'ai protesté contre un projet de recentralisation de services de la région, car c'est trop cher et je m'oppose systématiquement à toutes les locations ou achats dans le VII e arrondissement. Il faut certes que les ministres et les cabinets ministériels soient au coeur de Paris, mais que tous les services rattachés se situent dans l'un des quartiers les plus chers de Paris n'est pas utile. Cette opération est coûteuse, et je ne suis pas convaincu de son intérêt.
M. Philippe Marini , président . - En réalité, sur un plan patrimonial, on pourrait se dire : en 2017 et après rénovation, est-ce que l'Etat pourrait revendre cet immeuble à son prix de revient, rénovation comprise ? Si oui, bonne opération. Si non, risque.
M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Pour répondre à Vincent Delahaye, je n'ai pas dit que le Premier ministre, l'ancien ou le nouveau, se désintéressait de ce projet : mais ce sont en effet les services qui gèrent ce dossier. Ils ont été informés de l'existence de ce dossier et, une fois le feu vert donné, celui-ci relève de la logistique.
S'agissant de la qualification de « site d'exception », les bâtiments en eux-mêmes ne le sont peut-être pas, mais il s'agit des services du Premier ministre. Et cela me permet de répondre à Roger Karoutchi : si l'on souhaite que les services du Premier ministre soient situés à proximité de Matignon, il y a peu d'endroit où 55 000 mètres carrés sont disponibles. Le meilleur moyen de diminuer le loyer serait encore de déménager Matignon !
Sur le passage de 17 à 11 mètres carrés par agent : 55 000 mètres carrés sur les 122 000 mètres carrés des services du Premier ministre seront occupés par le Centre du Gouvernement, le ratio indiqué et qui diminue grâce au projet concerne les seuls services concernés par le déménagement. Grâce au projet, le ratio diminue donc, pour les services concernés par le déménagement, mais les architectes feront face à des difficultés car les couloirs sont particulièrement larges et il sera difficile de faire des plateaux comme dans les bureaux modernes. Les services du Premier ministre entrent en conformité avec la norme de 12 mètres carrés par agent grâce à cette rénovation immobilière.
Concernant l'évaluation de France Domaine, je partage les observations de nos collègues Jean Germain et Roger Karoutchi : les services ne veulent pas brader, mais le résultat est dramatique pour le décideur, quel qu'il soit, puisqu'on aboutit à un écart de 33 % pour des évaluations réalisées à trois mois d'intervalle.
Le montage est curieux. En cas de dérapage, le taux de rentabilité de la SOVAFIM ne serait plus de 6 %. Il s'agit de l'argent de l'Etat et c'est peut-être cela qui a conduit à s'affranchir de la rigueur que vous souhaitez. C'est pour cette raison que je m'interroge sur le devenir de la SOVAFIM, qui s'est vue confier ce projet à point nommé.
Enfin, le manque de volonté évoqué par Roger Karoutchi risque de perdurer avec le pilotage assuré à partir de maintenant par la SOVAFIM. C'est pourquoi je suggère que l'Etat assure le suivi de l'opération, voire la pilote. Car je suis persuadé que la SOVAFIM ne peut assurer le pilotage compte tenu de sa nature : elle a une technicité mais elle n'a pas la compétence pour représenter l'Etat dans le devenir de cette opération.
A l'issue de ce débat, la commission a donné acte de sa communication à M. Philippe Dominati, rapporteur spécial et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.