Rapport d'information n° 774 (2012-2013) de M. Philippe DOMINATI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 juillet 2013

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N° 774

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 juillet 2013

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le pilotage du projet de Centre de Gouvernement ,

Par M. Philippe DOMINATI,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Marc Massion, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung .

AVANT PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Au sein de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » sont regroupés, notamment au titre des programmes 308 « Protection des droits et libertés » et 120 « Coordination du travail gouvernemental », les crédits attribués à des services et autorités indépendantes multiples, rattachés au Premier ministre.

Aussi, le projet de « Centre de Gouvernement » revêt une importance particulière dans la mesure où il prévoit de regrouper, sur un même site à réhabiliter, douze de ces services et sept de ces autorités indépendantes. Outre la volonté de mutualiser les moyens, il s'agit de créer des synergies et de faciliter la coordination du travail gouvernemental.

Dans la mesure où le poids des loyers dans les crédits ouverts au titre de la mission est important, et alors que les seuls travaux de réhabilitation du site choisi sont estimés à environ 200 millions d'euros - le budget de cette mission s'élevant à environ un milliard d'euros - votre rapporteur spécial a choisi de mener une mission de contrôle portant sur le pilotage du projet de « Centre de Gouvernement » , en application des dispositions de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

A ce titre, votre rapporteur spécial a été amené à s'intéresser aux décisions qui ont conduit à l'élaboration de ce projet immobilier, mais aussi au montage, juridique et financier, retenu. Celui-ci s'avère en effet atypique, comme le projet.

Il est aujourd'hui encore trop tôt pour apprécier la réussite du regroupement des services, mais votre rapporteur spécial a souhaité donner de la visibilité à cette opération emblématique pour l'Etat et a formulé plusieurs recommandations s'agissant de la poursuite de ce projet.

SYNTHÈSE DES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

S'agissant de la politique immobilière de l'Etat, votre rapporteur spécial s'interroge sur la qualité des évaluations de France Domaine. En effet, dans le cadre de ce projet, l'estimation des immeubles concernés, situés avenue de Ségur et place de Fontenoy, certes atypiques, a varié de plus d'un tiers entre l'évaluation initiale de France Domaine et celle d'un cabinet privé. La surévaluation du bien par France Domaine a conduit l'Etat à envisager la cession de ces bâtiments, dont votre rapporteur spécial se félicite qu'ils demeurent finalement dans le patrimoine de l'Etat.

Le montage juridique et financier retenu suscite également des interrogations, dans la mesure où le recours à un partenaire - en l'occurrence, la SOVAFIM - engendre un surcoût de l'ordre de 30 % par rapport à une maîtrise d'ouvrage publique.

C'est dans ce contexte que votre rapporteur spécial a été amené à formuler plusieurs préconisations :

Recommandation n° 1 : engager dès à présent une réflexion sur l'utilisation future des bâtiments libérés par les services ainsi regroupés.

Recommandation n° 2 : mettre en place un pilotage mieux assumé pour une opération prestigieuse car concernant les services du Premier ministre, et veiller à ce que l'Etat reste attentif au déroulement du projet, bien qu'il soit désormais piloté par la SOVAFIM.

Recommandation n° 3 : inciter la SOVAFIM à mettre en place un plan de communication à destination des riverains pour compenser l'absence de dialogue, à ce stade, avec les autorités locales et architecturales.

Recommandation n° 4 : construire un parking, la décision de le supprimer étant faussement économe.

Recommandation n° 5 : chiffrer et documenter les économies permises par la mutualisation des services concernés.

I. LA PERTINENCE DU PROJET DE REGROUPER, AU SEIN D'UN SITE EXCEPTIONNEL, DES SERVICES AUJOURD'HUI DISSÉMINÉS

A. UN SITE EXCEPTIONNEL AU DEVENIR INCERTAIN

1. Une politique d'occupation peu cohérente pour un bien exceptionnel
a) Le caractère exceptionnel du site

L'ensemble immobilier dit « Ségur-Fontenoy » est constitué de deux immeubles communicants, situés respectivement au 20 avenue de Ségur et 1-3 place de Fontenoy, dans le VII e arrondissement de Paris. Cet ensemble constitue un îlot complet, compris entre l'avenue de Ségur, la place de Fontenoy, l'avenue de Saxe et la rue d'Estrées.

Source : Google Maps

Outre cet emplacement rare, la taille de l'ensemble immobilier est particulièrement importante.

Ainsi, la superficie des parcelles sur lesquelles se situe l'ensemble « Ségur-Fontenoy » est de 10 203 m 2 et l'ensemble immobilier « développe une surface totale de planchers de 55 475 m 2 (...) » 1 ( * ) .

L'immeuble situé 20 avenue de Ségur offre 44 688 m 2 de planchers - anciennement surface hors oeuvre brute (SHOB), répartis sur sept niveaux et deux sous-sols. Le second immeuble, dont l'entrée principale est située 3 place de Fontenoy, est beaucoup plus petit : 10 787 m 2 de surface de planchers.

Surface de l'ensemble immobilier « Ségur-Fontenoy »

(en m 2 )

SUB

Surface de plancher

Ségur

43 476

44 688

Fontenoy

10 083

10 787

Total

53 559

55 475

Source : France Domaine

Surface de plancher, SUB, SUN : quelques rappels

Il existe trois mesures essentielles de la superficie d'un bâtiment, qui peuvent être représentées sous la forme de cercles concentriques.

La surface de plancher, qui correspond à la notion la plus large, est définie par l'article R* 112-2 du code de l'urbanisme comme « la somme des surfaces de plancher de chaque niveau clos et couvert » (nouvelle définition en vigueur depuis le 1 er mars 2012).

La surface utile brute (SUB) est égale à la surface, moins les surfaces qui ne sont pas utilisables, pour des raisons tenant à la structure de l'immeuble (poteaux, murs extérieurs, circulations verticales, locaux techniques...).

La surface utile nette (SUN) correspond à la SUB effectivement réservée aux espaces de travail (bureaux, ateliers, laboratoires, salles de réunion, etc.). Elle ne comprend donc pas les parties communes, couloirs, locaux sociaux, sanitaires... C'est elle qui est utilisée pour l'application de la norme interministérielle de 12 m² par agent.

Par ailleurs, l'immeuble situé rue de Fontenoy, qui correspond à l'un des deux anciens Hôtels de la Marine situés à Paris, et qui date de 1932, contient des décors peints particulièrement riches, et une architecture intérieure de type « arts décoratifs ».

Aucun des deux bâtiments n'est protégé au titre des monuments historiques, mais l'ancien Hôtel de la Marine est, selon l'architecte des bâtiments de France responsable du secteur, protégé de fait, notamment par les riverains qui y sont particulièrement attachés.

Entrée du site côté place de Fontenoy

Source : services du Premier ministre

Côté avenue de Ségur

Source : services du Premier ministre

b) L'échec du projet d'implantation de la Maison de la Francophonie

En 2006, il a été envisagé d'installer la Maison de la Francophonie dans le bâtiment situé avenue de Ségur, dont une partie était alors occupée par le ministère de l'écologie.

Selon le rapport de notre collègue, Catherine Tasca 2 ( * ) « dès 2004, ce site s'est imposé, avec l'avis favorable de l'Inspection générale de l'Administration, comme l'option la plus intéressante, compte tenu de son emplacement à proximité immédiate de l'UNESCO et de la disponibilité des locaux. (...) Le Gouvernement a donc signé, le 28 septembre 2006, une convention avec l'Organisation internationale de la Francophonie, prévoyant la mise à disposition à titre gratuit et pour une durée de trente ans renouvelable, après achèvement des travaux d'aménagement, de locaux dans ce bâtiment destinés à l'installation de la Maison de la Francophonie (...).

« Le coût de la rénovation de l'ensemble de ce bâtiment a d'abord été évalué à 35 millions d'euros, mais il a ensuite été porté, en juillet 2006, à 60 millions d'euros, à la suite de la découverte d'amiante dans les sols.

« Puis, en janvier 2007, ce montant est passé à 85 millions d'euros, en raison d'un besoin de financement supplémentaire de 25 millions d'euros, pour la mise aux normes thermiques de l'immeuble, demandée par le Ministère de l'écologie et du développement durable.

« (...) De 25 millions d'euros on était donc passé à 125 millions d'euros ».

Notre collègue Adrien Gouteyron, alors rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'Etat », a mis en évidence, en 2007, le coût du projet, les risques de dérapage budgétaire et ainsi remis en question la pertinence même de l'installation de la Maison de la Francophonie dans ce bâtiment 3 ( * ) . Aussi, le Gouvernement a abandonné ce projet , et proposé, en 2008, que la Maison de la Francophonie soit installée dans un immeuble de l'avenue Bosquet.

c) La succession de services divers

Aussi, à partir de 2006, le site « Ségur-Fontenoy » a été occupé successivement par divers services ; la multiplicité des occupants peut se justifier par la taille de l'ensemble, mais la fréquence des rotations incite à s'interroger sur la cohérence des décisions d'occupation du site.

Dans une étude de 2009 ( cf . infra ), France Domaine rappelle les décisions les plus récentes concernant l'occupation du site. Ainsi, s'agissant de l'immeuble situé avenue de Ségur, sont recensés :

- le départ des ministères financiers ;

- la non implantation de la Maison de la Francophonie ( cf . supra ) ;

- le départ du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (MEEDDAT) pour un regroupement des services dans le quartier de la Défense ;

- l'installation provisoire d'un service de cinquante personnes du ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE).

L'immeuble situé place de Fontenoy a quant à lui été occupé par l'établissement national des invalides de la marine (ENIM) et la direction des affaires maritimes, qui ont quitté les lieux entre 2008 et 2010 ; la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture et le cabinet de Fadela Amara étaient encore présents en 2009.

Aussi, moins de 1 400 personnes occupaient l'ensemble immobilier en février 2009 4 ( * ) .

C'est dans ce contexte et après l'échec du projet de Maison de la Francophonie, qu'a été clairement posée la question du devenir de cet ensemble immobilier d'ampleur : en février 2009, l'impulsion est donnée pour expertiser les options envisageables. En effet, le cabinet du Premier ministre a demandé à France Domaine, lors d'une réunion interministérielle du 5 février 2009, de fournir une étude sur le devenir du site. Cette étude vise à analyser la possibilité d'une cession des bâtiments ou d'une occupation de ceux-ci par des services de l'Etat .

Quelques mois plus tard, le 8 juillet 2009, notre ancien collègue Roger Romani, à l'occasion de l'examen en commission des affaires étrangères du projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale de la Francophonie relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la Francophonie à Paris, avait à juste titre « fait part de son étonnement au sujet de la vente éventuelle par l'Etat du bâtiment de l'avenue de Ségur, compte tenu de sa valeur architecturale et de son emplacement prestigieux ».

2. L'étude de France Domaine d'avril 2009 : une cession nécessaire pour un produit estimé à 300 millions d'euros
a) La nécessité de céder le bien pour des motifs financiers

L'étude de France Domaine conclut en faveur d'une vente, si possible à un opérateur public, en raison de la nécessité de financer des opérations immobilières envisagées par quatre ministères ayant occupé le site - il s'agit du ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE), du ministère de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (MEEDDAT), du ministère de l'économie, de l'industrie et de l'emploi et du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique.

En effet, selon l'étude, l'Etat se serait préalablement engagé à attribuer une partie du produit de la cession immobilière du site « Ségur-Fontenoy » à ces ministères l'ayant occupé afin de pouvoir financer leurs propres opérations immobilières.

Opérations immobilières des anciens occupants

Ministères

Opérations

MAEE / MEEDDAT

Regroupement sur deux sites (Quai d'Orsay et Convention) et libération du 244 boulevard Saint Germain au profit du MEEDDAT, avec versement d'une indemnité du MEEDDAT au MAEE (69 millions d'euros)

MEEDDAT

Perspective d'installation des services à La Défense

Ministères financiers

Installation de plusieurs services à Ivry

Source : rapport 2009 de France Domaine

Ainsi, le versement de l'indemnité de 69 millions d'euros du MEEDDAT au MAEE est « subordonné à la cession de l'immeuble de Ségur », l'étude de France Domaine indiquant même que « le versement de cette somme est nécessaire à deux titres : montrer , notamment au Parlement et à la Cour des comptes, le caractère parfaitement équilibré - et même largement bénéficiaire - de l'opération , beaucoup discutée, de regroupement du MAEE sur deux sites ; disposer des fonds nécessaires à l'opération de rénovation du site principal du Quai d'Orsay ».

S'agissant du MEEDDAT, ces recettes devaient participer « au plan de financement de la réinstallation de l'ensemble des services de ce ministère sur un nouveau site à La Défense ».

Enfin, pour les ministères financiers, « cette cession est indispensable au financement de l'installation de plusieurs services à Ivry, qui a fait l'objet d'une décision de Mme Lagarde et de M. Woerth le 10 juillet 2008 (...). Il est rappelé que l'Etat-propriétaire s'est clairement engagé en faveur de cette opération ».

C'est à cette aune qu'il faut comprendre la conclusion de l'étude de France Domaine : « Il n'est pas possible d'arrêter un dispositif sans prendre en compte les décisions d'ores et déjà prises , pas seulement par souci de cohérence de l'action publique, mais aussi parce qu'il ne serait pas raisonnable - à supposer même que cela soit encore faisable - de remettre en cause les décisions prises au bénéfice de quatre ministères (...).

« Pour rester en cohérence avec les décisions prises, cet ensemble immobilier doit être cédé afin que les produits de cession puissent être utilisés à la réalisation des projets, pour certains arbitrés, de ces quatre ministères » .

Votre rapporteur spécial s'étonne de ces incohérences et contradictions dans la gestion de la politique immobilière de l'Etat. En effet, si un engagement a effectivement été pris s'agissant de la répartition du produit de cession entre différents bénéficiaires, il leur est préjudiciable que la vente soit remise en cause - c'est ce que souligne France Domaine ; mais on peut également s'interroger sur le fait que l'Etat puisse s'engager à répartir un produit de cession alors même que la décision de vendre le bien n'est manifestement pas définitive. Or, il semble bien qu'avant même qu'une évaluation poussée de la valeur du bien ait été menée, des engagements relatifs à la répartition du produit de cession aient été pris au profit de certains ministères.

En raison de ces engagements, l'étude de France Domaine conclut à la nécessité de céder le site « Ségur-Fontenoy » :

« La cession laisse ouverte deux voies : celle d'une mise sur le marché de cet ensemble immobilier au bénéfice d'utilisateurs privés ; celle de la cession à une foncière publique pour y installer des administrations publiques ».

Même si la possibilité d'installer des services de l'Etat n'est donc pas exclue à ce stade, l'étude d'avril 2009 menée par France Domaine conclut sans ambiguïté en faveur d'une cession . Dans cette étude, France Domaine prend néanmoins position en faveur d'une cession à une foncière publique, la société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM), plutôt qu'à un opérateur privé.

b) Un produit de cession évalué à 300 millions d'euros par France Domaine

Dans la perspective d'une cession à un opérateur public ou privé, l'étude de France Domaine évalue le bien : il est précisé que les travaux d'évaluation concernant les immeubles de Ségur et de Fontenoy ont été effectués « à des dates différentes et dans des contextes très différents.

« Ceux concernant l'immeuble de l'avenue de Ségur sont en cours et ne sont pas achevés, dans l'attente de leur confrontation avec l'évaluation qui sera réalisée par un cabinet privé. A ce stade, ces travaux aboutiraient à arrêter une valeur comprise dans une fourchette de 280 à 330 millions d'euros ; cette évaluation a été effectuée de manière prudentielle afin de tenir compte du retournement du marché et de l'orientation des prix à la baisse, qui rend d'ailleurs plus délicates les évaluations.

« En revanche, l'évaluation de l'immeuble de la place de Fontenoy, effectuée en juin 2006 qui avait conclu à une valeur de 75 millions d'euros, devra être revue à la baisse . Elle doit l'être car la durée de validité de toute évaluation est limitée à une année ; elle doit donc, à ce titre, être renouvelée. Par ailleurs, cette évaluation avait été réalisée dans un contexte de marché très favorable où les évaluations du service du domaine étaient critiquées pour leur sous-estimation du produit de la cession, critique que cette évaluation avait voulu écarter . (...)

« Pour ces différentes raisons, il paraît raisonnable, dans la présente étude, au regard des délais impartis, et avant la réalisation de nouvelles évaluations, de retenir une valeur pivot de 300 millions d'euros et d'examiner les conditions auxquelles peut être obtenue une meilleure valorisation. A ce titre l'organisation de la divisibilité de l'immeuble et de sa flexibilité afin de permettre d'accueillir une pluralité d'utilisateurs constituera un élément important de valorisation ».

L'étude de France Domaine, qui constitue une aide à la prise de décision, considère donc que le prix en-dessous duquel l'Etat ne devrait pas vendre cet ensemble immobilier est de 300 millions d'euros (la « valeur pivot »), qu'il s'agisse d'un acquéreur privé ou de la foncière publique.

3. La remise en cause de la vente de « Ségur-Fontenoy » par une nouvelle évaluation en juin 2009

Néanmoins, selon les informations fournies à votre rapporteur spécial, l'étude de France Domaine a été complétée « par une étude de valorisation confiée au cabinet Jones Lang Lasalle et fondée sur l'hypothèse d'une cession sans condition suspensive, conforme à la pratique de l'Etat. Le cabinet a évalué le bien à 195 millions d'euros, conduisant l'Etat à reconsidérer son intention de céder le site 5 ( * ) ».

a) La remise en question de l'évaluation initiale

L'étude du cabinet s'appuie sur une méthode différente de celle utilisée par les services de France Domaine. En effet, alors que France Domaine inscrit ses évaluations dans une logique statique, c'est une perspective dynamique qui a été retenue par le cabinet Jones Lang Lasalle (JLL). La valorisation par la méthode du « bilan de promotion » intègre en effet la nature du projet qui sous-tend la décision d'achat par un investisseur.

Il s'agit en particulier de prendre en compte la possibilité de rénover le site pour en faire un hôtel, des bureaux ou des logements. L'étude met en évidence la quasi absence de projets d'implantation d'hôtels ou de besoins de bureaux dans ce quartier de Paris et, après analyse des différents scénarios possibles, elle arrête une valeur maximale de 195 à 200 millions d'euros , correspondant à une restructuration de Ségur pour des bureaux et des logements, et à une restructuration « tout bureaux » côté Fontenoy.

Synthèse des valeurs en l'état (mai 2009)

(en millions d'euros)

Concept Ségur

Concept Fontenoy

Valeurs en l'état

Rénovation courante

Rénovation courante

120

Rénovation bureaux+logements

Rénovation tout bureaux

170

Restructuration bureaux+logements

Restructuration tout bureaux

195

Rénovation bureaux+social

Restructuration tout bureaux

160

Rénovation bureaux+social

Restructuration tout logements

180

Rénovation bureaux+logements

Restructuration tout hôtel

140

Rénovation bureaux+logements

Restructuration tout hôtel

160

Source : étude JLL, juin 2009

A partir d'une estimation de la valeur future de l'immeuble achevé (après rénovation et restructuration), on obtient la valeur en l'état par soustraction du coût de revient du projet.

L'étude concluait ainsi : « séparément ou conjointement, la valeur de l'ensemble est identique. Le critère de décision n'est pas financier mais tient à des enjeux politiques (affectation logement), à la stratégie d'occupation de l'Etat et à la capacité de faire des acteurs privés (conditions du marché de la dette) ».

Certes, les évaluations de France Domaine et de JLL se réfèrent à des méthodes résolument différentes ; il n'en demeure pas moins que dans les deux cas, il s'agissait de fixer un prix de vente. Si le marché immobilier à Paris a effectivement chuté en 2009 (de l'ordre de 5 % pour les logements anciens), ce retournement ne peut, à lui seul, expliquer l'écart remarquable (de 300 millions d'euros à 195 millions d'euros) entre les deux évaluations .

b) La conservation du site en raison du moindre produit de cession attendu

A l'issue de cette séquence qui aura duré neuf mois, prenant en considération notamment un produit de cession jugé insuffisant, il a finalement été décidé, lors d'une réunion interministérielle du 5 novembre 2009, de maintenir le site au sein du patrimoine de l'Etat .

Votre rapporteur spécial se félicite que l'Etat ait finalement décidé de conserver cet ensemble immobilier .

Toutefois, la décision de ne pas céder à un opérateur privé l'ensemble immobilier « Ségur-Fontenoy » semble avoir principalement résulté de considérations tenant au produit de cession attendu, plus que de l'intérêt pour l'Etat de conserver le bien dans son patrimoine. L'estimation de la valeur vénale du bien est certes une information à prendre en compte, tout comme sa valeur patrimoniale. La prise en compte de l'intérêt patrimonial du site est d'autant plus importante que les évaluations sont complexes et, on l'a vu, donnent lieu à des estimations parfois très différentes.

Votre rapporteur spécial s'inquiète par ailleurs des méthodes et capacités d'évaluation de France Domaine, en raison de l'importance de l'écart observé entre l'évaluation de France Domaine et celle du cabinet privé .

B. UN PROJET PERTINENT DE REGROUPEMENT, PRÉSENTÉ DÈS 2009 PAR LES SERVICES DU PREMIER MINISTRE

Dans le cadre de l'étude confiée en février 2009 à France Domaine qui examine l'éventualité d'installer des services de l'Etat ou de céder le site de « Ségur-Fontenoy », le Secrétaire général du Gouvernement, Serge Lasvignes, responsable des trois programmes de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », a présenté un projet de regroupement de divers services rattachés au Premier ministre sur le site de « Ségur-Fontenoy ».

Cet avant-projet, présenté le 19 mars 2009, est documenté dans l'étude de France Domaine sur le devenir du site, qui date d'avril 2009 et qui conclut finalement à la nécessité de vendre le site. Il semble d'ailleurs que ce soit à cette occasion que soit apparue l'expression « Centre de Gouvernement » sous la plume des services du Premier ministre .

1. Dès 2009, un diagnostic sombre du parc immobilier justifiant le projet de regroupement
a) Des implantations nombreuses et coûteuses

Les services du Premier ministre concernés par l'avant-projet se caractérisent par leur taille réduite et leur structure, parfois temporaire, et souvent interministérielle . Aussi, le périmètre de ces services est assez fluctuant, et ces organismes doivent souvent être installés dans les meilleurs délais compte tenu de la durée de leur mission. Cette spécificité demeure à ce jour : on peut citer par exemple la mise en place, en juillet 2012, de la commission chargée de la moralisation et la rénovation de la vie politique, structure temporaire rattachée au Premier ministre.

Conscient de ce que le parc immobilier mis à leur disposition gagnerait à être rationalisé, les services du Premier ministre ont mené, dès 2007, une politique de réduction des emprises. Ainsi, entre 2007 et 2011, ont eu lieu les déménagements de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP) et de la direction du développement des médias (DDM), l'emménagement du secrétariat général des affaires européennes (SGAE), le regroupement de plusieurs entités au sein du Défenseur des droits. Au total, ce sont 23 opérations immobilières qui ont été réalisées entre 2007 et 2011, d'où une diminution du nombre de sites gérés par les services du Premier ministre, passant de 44 à 38 implantations et correspondant à une réduction de la surface du parc de 133 000 m 2 à 122 000 m 2 .

Dans le rapport du 19 mars 2009 relatif à l'implantation des services du Premier ministre dans l'îlot « Ségur-Fontenoy », ces derniers soulignent les coûts dus à la dissémination des sites occupés : « de cette situation découlent deux inconvénients principaux : la difficulté, d'une part, d'assurer une cohérence de l'ensemble et, d'autre part, le poids élevé des fonctions de soutien, incompressibles au regard du périmètre relativement modeste des services du Premier ministre. La dispersion géographique des sites d'implantation de ces services accroît encore ces difficultés ». Par ailleurs, il est fait état de mouvements incessants qui engendrent une dépense d'énergie des services de soutien et l'insatisfaction des services concernés.

Enfin, « outre le coût constitué par les loyers budgétaires des immeubles domaniaux (près de 15 millions d'euros en 2009) et par les loyers des baux des immeubles locatifs (plus de 8 millions d'euros), il convient de prendre en compte le coût administratif induit par l'éparpillement du parc. Ce coût résulte d'abord de l'émiettement de fonctions de soutien qui ne peuvent être dissociées, sur le plan géographique, du service auprès duquel elles interviennent ».

b) L'absence de possibilité d'amélioration du parc existant

Les arguments du Secrétaire général du Gouvernement mettent également en évidence l'absence à la fois de flexibilité du parc immobilier existant qui empêche toute densification alors même que le rapport SUN/SUB est éloigné des règles de France Domaine. En effet, l'objectif fixé par France Domaine est un ratio supérieur à 67 % alors qu'il s'élève à 51 % en 2009 pour les services du Premier ministre.

Le coût de tout aménagement, pourtant inévitable au regard des caractéristiques des services concernés (flexibilité, caractère temporaire des structures), s'avère également particulièrement élevé, en raison notamment de la structure de bâti ancien des immeubles.

c) Le projet de Centre de Gouvernement présenté en 2009

Enfin, les services du Premier ministre évaluent en mars 2009 les économies tangibles qui résulteraient d'un emménagement à « Ségur-Fontenoy » à 157 millions d'euros.

Sur la base des seules hypothèses évoquées à l'époque (prix de cession à la SOVAFIM, loyer envisagé, coût des travaux), France Domaine souligne néanmoins que le projet n'est pas équilibré financièrement :

Équilibre du scénario (2009) présenté par les services du Premier ministre

(en millions d'euros)

Scénario 2009

Dépenses d'exploitation

Valeur vénale

Loyer

TOTAL

Hôtel de Castries

0,57

34,7

Hôtel de Broglie

0,87

51

19 Constantine

0,18

9,7

166 Bellechasse

0,36

10,7

113 Grenelle

0,18

15,5

Hôtel de Vogüé

0,23

22,9

18 Vaneau

0,34

1,83

Plateau 16 Raspail

0,03

0,27

Georges Pitard

0,13

0,38

Immeuble Manutention

0,19

0,34

Saint Georges

2,45

62 La Tour Maubourg

0,1

0,16

8-12 rue Vivienne

2,26

Parking Raspail

0,97

39 Saint Dominique

0,06

54 Varenne

0,08

TOTAL RECETTES (moindres dépenses et produit des cessions)

3,18

144,5

8,8

156,5

Ségur-Fontenoy (estimation France Domaine / SOVAFIM 2009)

300

41,6

Travaux

140

Bilan de l'opération

3,2

-295,5

-32,8

-325,1

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de l'étude « Le devenir de l'ensemble immobilier Ségur-Fontenoy » (avril 2009)

Ce projet détaillé de regroupement présenté par les services du Premier ministre n'a donc pas entièrement convaincu France Domaine en 2009 : si la pertinence de créer un « Centre de Gouvernement » n'est pas remise en cause et bien que France Domaine ait d'emblée privilégié la proposition des services du Premier ministre par rapport aux autres projets présentés 6 ( * ) , deux limites au projet sont mises en évidence :

- d'une part, les services du Premier ministre sont jugés trop petits pour occuper seuls un ensemble aussi vaste ;

- d'autre part, malgré les économies de loyer et les produits de cession, l'équilibre financier du projet n'est pas assuré : « les économies de loyer ne représenteraient que le cinquième des loyers dus à la foncière tandis que les produits de cession - pourtant ambitieux - présentés par les Services du Premier ministre représentent le tiers de la dépense d'acquisition de cet ensemble immobilier ».

Malgré ces difficultés, le 5 novembre 2009, lors de la réunion interministérielle qui conclut au maintien du site dans le patrimoine de l'Etat, est également prise la décision de créer un « Centre de Gouvernement » .

Votre rapporteur spécial est favorable à la fois au principe de ce regroupement, qui devrait permettre de rationaliser l'organisation des services, et au choix d'implanter dans un tel site des services rattachés au Premier ministre dans le VII e arrondissement de Paris, à proximité de l'Hôtel Matignon.

2. Un projet actualisé et précisé à partir de 2011
a) Malgré les rationalisations du parc immobilier, des loyers qui demeurent particulièrement élevés

Après examen de l'étude complémentaire à celle de France Domaine, aboutissant, en 2009, à la décision de conserver le bien, deux réunions interministérielles (du 30 mars 2010 et du 13 janvier 2011) ont posé les principes et modalités de la conduite du projet ; entretemps, le périmètre des implantations concernées a été modifié par rapport au projet proposé en 2009, témoignant notamment du caractère fluctuant des services rattachés au Premier ministre.

Il convient de souligner que, malgré les efforts de rationalisation du parc immobilier entrepris entre 2009 et 2011 par les services du Premier ministre, le projet de regroupement demeure pertinent car des améliorations semblent encore possibles. Ainsi, par exemple, en 2013 et malgré les rationalisations effectuées depuis 2009, la surface utile nette (en m 2 ) par poste de travail des services concernés par le regroupement s'élève à 17,11 m 2 , alors que l'objectif fixé par France Domaine est de 12 m 2 par poste de travail .

L'objectif de ce projet, outre le regroupement de divers services sur un site commun, est également de libérer des emprises, et en particulier de restituer des baux privés qui pèsent de façon importante dans les budgets des services concernés.

On peut souligner qu'une des emprises concernées (située rue Saint Georges) avait été identifiée par notre ancienne collègue Nicole Bricq comme faisant partie du « top 10 » des loyers parisiens de l'Etat les plus onéreux rapportés à la surface occupée 7 ( * ) .

Services et autorités emménageant à « Ségur-Fontenoy »

SERVICES DU PREMIER MINISTRE

Centre d'analyse stratégique (CAS)

Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR)

Direction de l'information légale et administrative (DILA)

Direction des services administratifs et financiers du Premier ministre (DSAF)

Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes (OPFH)

Délégation du Gouvernement auprès de l'Organisation Internationale du Travail (DGOIT)

Secrétariat général à la mer (SGMer)

Service d'information du gouvernement (SIG)

Mission interministérielle de lutte contre la drogue au niveau central et territorial (MILDT)

Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES)

Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation (CIVS)

Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT)

AUTORITES ADMINISTRATIVES INDEPENDANTES

Défenseur des Droits (DDD)

Commission nationale informatique et libertés (CNIL)

Commission d'accès aux documents administratifs (CADA)

Commission consultative des droits de l'Homme (CNCDH)

Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE)

Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS)

Commission consultative du secret de la Défense nationale (CCSDN)

Service du contrôle budgétaire et comptable ministériel (SCBCM)

Cabinets de ministre (à déterminer)

Services des ministères sociaux (à déterminer)

Source : services du Premier ministre, réponse au questionnaire

Ainsi, il convient de distinguer trois cas :

- les sites domaniaux restitués à France Domaine (et qui pourront éventuellement être cédés) ;

- les baux privés restitués ;

- les sites conservés mais dont une partie du personnel sera transférée à « Ségur-Fontenoy ».

Les situations domaniales et locatives dans le cadre du projet « Ségur-Fontenoy »

a) Les sites domaniaux restitués à France domaine (puis cédés le cas échéant)

Adresse

SUB (m 2 )

Services occupants

Loyers
(Valeurs 2011)

Hôtel de Mailly
29 quai Voltaire

4 970

DILA

1 295 000

Hôtel de Vogüe
18 rue de Martignac

2 410

CAS

1 158 496

2 bis Cité Martignac

463

DSAF

173 036

113 rue de Grenelle

2 105

CAS

786 696

Hôtel de Broglie

6 284

Divers

2 404 452

19 rue Constantine

SIG

568 176

124 rue H. Barbusse
Aubervilliers

10 640

DILA

429 400

Vendu en 2011
par France Domaine

120 rue du Cherche-Midi

1 003

SGDSN

472 444

8 rue de Penthièvre

3 029

DATAR

1 670 000

sous total a)

32 269

8 957 700

b) les restitutions des baux des services du Premier ministre

Adresse

SUB (m 2 )

Services occupants

Loyers
Val 2011

18 rue Vaneau

3 118

DSAF

1 706 121

16 bd Raspail

590

SGmer

306 178

Restitué en mai 2012

1 rue de la Manutention

871

CIVS

280 363

4 rue de Bougainville

68

DSAF

18 557

30 bd Raspail (garage)

4 711

DSAF

1 067 103

Restitué en août 2013

3 avenue du Stade
de France Saint Denis

953

OFDT

500 351

sous total b)

10 311

3 878 673

c) les restitutions des baux des autorités administratives indépendantes

Adresse

SUB (m 2 )

Services occupants

Loyers
Val 2011

11 rue Saint Georges

2 007

DDD

1 971 811

7 rue Saint Florentin

3 648

DDD

1 950 031

62 Bd de la Tour Maubourg

200

DDD

143 163

Restitué en mars 2012

104 Bd Auguste Blanqui

625

DDD

315 243

Restitué en juin 2012

8 et 12 rue Vivienne

2 695

CNIL

2 301 511

sous total c)

9 175

6 681 759

TOTAL

51 755

19 518 132

d) les sites conservés qui abritent aujourd'hui des entités qui seront transférées vers Ségur-Fontenoy

Adresse

SUB (m 2 )

dont services
transférés vers
Segur Fontenoy

13 rue Vaneau

1 430

MIVILUDES, DSAF

32 rue de Babylone

4 716

DSAF

70-74 rue de Varenne

3 956

DSAF

69 rue de Varenne

3 835

SCBCM, SGMer

Total

13 937

Source : services du Premier ministre

Trois cents personnes supplémentaires devraient être accueillies dans le Centre de Gouvernement afin d'atteindre le seuil « plancher » fixé par France Domaine s'agissant de l'occupation du site (2 300 agents dans le site) : ces trois cents personnes libéreraient des emprises domaniales ou privées pour un montant estimé à 3,025 millions d'euros.

Cependant, il convient de nuancer ces chiffres : si les décisions de rationalisation du parc prises en 2012 et 2013 s'inscrivent dans la perspective d'un futur regroupement des services dans le Centre de Gouvernement, certaines sont liées à un effort de rationalisation indépendant du regroupement à « Ségur-Fontenoy ». Ainsi, par exemple, le Défenseur des droits, né de la fusion de quatre autorités administratives indépendantes, a, dès 2012, regroupé ses services sur deux sites au lieu des quatre préexistants. La réduction des surfaces, des loyers et du nombre d'implantations directement imputable au projet de Centre de Gouvernement est donc plus modeste.

Au total, par rapport à 2011, date à laquelle le projet a été acté, 20 implantations des services du Premier ministre seraient restituées, celles-ci passant de 38 à 18, la surface occupée de 122 000 m 2 à 113 000 m 2 et les baux privés ne concerneraient plus que 9 000 m 2 au lieu de 29 000 m 2 en 2011, pour une économie de loyers privés de l'ordre de 10 millions d'euros.

Par ailleurs, les sites restitués à France Domaine pourraient être vendus pour un produit estimé à 164 millions d'euros environ .

Recommandation : engager dès à présent une réflexion sur le devenir des bâtiments libérés par les services ainsi regroupés .

b) Un projet exemplaire prenant en compte des besoins des futurs utilisateurs
(1) Une réhabilitation exigeante

Une attention particulière a été portée à la possibilité d'adapter l'organisation de l'espace pour répondre à la flexibilité des structures ayant vocation à rejoindre l'ensemble « Ségur-Fontenoy ». Aussi les grands axes du projet, tels que définis par les services du Premier ministre, sont basés sur la notion de compartiment, à l'intérieur duquel il doit être possible d'organiser l'espace de diverses façons, permettant ainsi une variation de la taille des bureaux.

Le cahier des charges prévoit que les bâtiments soient conformes aux normes d'accessibilité , en particulier pour les personnes à mobilité réduite et prenant en compte les normes environnementales les plus exigeantes : les bâtiments seront de type « HQE » (haute qualité environnementale).

Par ailleurs, le projet s'attache à respecter les règles relatives à la politique immobilière de l'Etat, et notamment les ratios d'occupation définis par France Domaine. Ainsi, l'installation des services et entités rattachés au Premier ministre à « Ségur-Fontenoy » entraînerait une diminution de la surface, de 57 851 m 2 de SUB actuelle à 46 000 m 2 de SUB projetée, résultat de l'expression des besoins par les entités. Cette diminution de surface permet de passer d'une SUN par poste de travail de 17,11 m 2 à 11,43 m 2 , respectant ainsi le ratio défini par France Domaine (12 m 2 ).

Surface utile nette par poste de travail

(en m 2 par poste de travail)

Etat existant

Projection

SERVICES DU PREMIER MINISTRE

18,52

10,17

CAS (Centre d'analyse stratégique)

13,83

10,82

DATAR (Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale)

17,86

11,13

DILA (Direction de l'information légale et administrative)

34,85

9,35

DSAF (Direction des services administratifs et financiers du Premier ministre)

12,26

8,88

OPFH (Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes)

14,00

12,71

DGOIT (Délégation du Gouvernement auprès de l'Organisation Internationale du Travail)

18,33

16,67

SGMer (Secrétariat général à la mer)

14,36

13,15

SIG (Service d'information du gouvernement)

14,35

10,56

MILDT (Mission interministérielle de lutte contre la drogue au niveau central et territorial)

15,53

11,41

MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires)

13,33

13,26

CIVS (Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations)

11,70

11,24

OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies)

18,27

11,92

AUTORITES INDEPENDANTES

17,28

10,63

Défenseur des Droits

21,25

10,35

CNIL (Commission nationale informatique et libertés)

11,11

10,32

CADA (Commission d'accès aux documents administratifs)

15,00

12,78

CNCDH (Commission consultative des droits de l'Homme)

16,85

12,17

CCNE (Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé)

21,00

12,00

CNCIS (Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité)

28,17

14,40

CCSDN (Commission consultative du secret de la Défense nationale)

27,33

13,64

SCBCM (Service du contrôle budgétaire et comptable ministériel)

13,11

10,96

Cabinets de ministres (à déterminer)

16,67

14,17

Services des ministères sociaux (à déterminer)

12,00

12,00

Autres composantes

63,73

TOTAL

17,11

11,43

Source : service du Premier ministre

(2) La prise en compte des besoins des futurs services utilisateurs

A partir du milieu de l'année 2011, la direction des services administratifs et financiers (DSAF) du Premier ministre a organisé des rencontres avec les services et organismes concernés par le regroupement, afin qu'ils expriment leurs besoins fonctionnels, en tant que futurs utilisateurs.

Ils ont ainsi eu la possibilité d'indiquer la surface souhaitée mais aussi de préciser leurs besoins spécifiques , par exemple en matière de sécurité pour la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) et la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), ou en termes d'équipement (salles de réunion, auditorium, etc.).

Certaines des autorités indépendantes concernées par le projet, comme la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), ont exprimé leur inquiétude quant à une perte d'indépendance et aux inconvénients d'une telle proximité géographique avec des services fonctionnellement très proches du Gouvernement.

C'est notamment à cette aune qu'il faut comprendre le souhait de créer, dans l'immeuble de la place de Fontenoy, une « Maison des droits et des libertés » ayant vocation à rassembler les autorités indépendantes , afin de marquer, géographiquement et symboliquement, cette indépendance.

Il semble à votre rapporteur spécial que les services concernés - et notamment les autorités indépendantes - ont été convenablement associées au projet. De plus, la répartition de la diminution de surface est favorable aux autorités indépendantes par rapport aux services du Premier ministre.

Cependant, les diminutions de charges telles qu'elles sont prévues à ce stade, pour chaque entité, sont calculées au prorata des surfaces qui leur sont affectées : une individualisation des consommations des fluides notamment (électricité, etc.) pour chaque entité au sein de l'ensemble pourrait s'avérer vertueuse grâce à une responsabilisation accrue de chaque organisme.

Répartition des diminutions de charges prévues pour chaque entité

SUB actuelle (m 2 )
(A)

SUB projetée (m 2 ) (B)

Différence B - A

Evolution de surfaces

SERVICES DU PREMIER MINISTRE

32 943

22 696

-10 247

-31,1 %

CAS (Centre d'analyse stratégique)

4 515

4 216

-299

-6,6 %

DATAR (Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale)

3 029

3 111

82

2,7 %

DILA (Direction de l'information légale et administrative)

12 053

4 167

-7 886

-65,4 %

DSAF (Direction des services administratifs et financiers du Premier ministre)

6 879

5 636

-1 243

-18,1 %

OPFH (Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes)

113

156

43

38,1 %

DGOIT (Délégation du Gouvernement auprès de l'Organisation Internationale du Travail)

111

87

-24

-21,6 %

SGMer (Secrétariat général à la mer)

705

621

-84

-11,9 %

SIG (Service d'information du Gouvernement)

2 171

1 809

-362

-16,7 %

MILDT (Mission interministérielle de lutte contre la drogue au niveau central et territorial)

1 002

778

-224

-22,4 %

MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires)

541

440

-101

-18,7 %

CIVS (Commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations)

871

904

33

3,8 %

OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies)

953

771

-182

-19,1 %

AUTORITES INDEPENDANTES

11 037

10 633

-404

-3,7 %

Défenseur des Droits

6 480

5 427

-1 053

-16,3 %

CNIL

2 695

3 697

1 002

37,2 %

CADA (Commission d'accès aux documents administratifs)

453

402

-51

-11,3 %

CNCDH (Commission consultative des droits de l'Homme)

441

383

-58

-13,2 %

CCNE (Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé)

296

210

-86

-29,1 %

CNCIS (Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité)

341

252

-89

-26,1 %

CCSDN (Commission consultative du secret de la Défense nationale)

331

262

-69

-20,8 %

SCBCM (Service du contrôle budgétaire et comptable ministériel)

1 160

919

-241

-20,8 %

Cabinets des ministres (hypothèses de travail)

2 000

1 783

-217

-10,9 %

Ministères sociaux (hypothèses de travail)

6 000

6 293

293

4,9 %

Autres composantes (fonctions communes)

4 711

3 676

-1 035

-22,0 %

TOTAL

57 851

46 000

-11 851

-20,5 %

Source : service du Premier ministre

c) L'absence de chiffrage des gains à la mutualisation

Les objectifs assignés au programme immobilier et énoncés dans un document de présentation, sont les suivants :

« Regrouper des entités de taille variable et aux rôles différents tout en préservant leur identité, marquer l'indépendance des AAI, disposer des outils et espaces nécessaires au travail interministériel, aménager près de 2 300 postes de travail dans le respect des normes d'efficience immobilière ; mutualiser les fonctions supports ».

De même, les cinq objectifs du schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) élaborés en 2008 et présentés au Conseil de l'immobilier de l'Etat du 25 juin 2008 sont les suivants :

- regrouper les services et mutualiser les prestations ;

- rationaliser les surfaces et respecter les ratios de France Domaine ;

- optimiser sur le plan économique ;

- apporter une réponse environnementale ;

- apporter des améliorations techniques, réglementaires et fonctionnelles.

Pourtant, aucun chiffrage des gains espérés grâce à la mutualisation n'a pu être fourni à votre rapporteur spécial.

Dans l'étude présentée en 2009 par le Secrétariat général du Gouvernement à France Domaine, il était précisé que « si l'économie réalisée sur la présence d'une quinzaine d'agents d'accueil sur ces sites constitue une réduction de charge facile à quantifier, le chiffrage des autres économies induites (gestion RH de proximité, navettes et transports de plus, organisation de réunions de haut niveau) nécessite une expertise plus poussée ».

Or, si le regroupement permet sans doute des synergies et même de véritables mutualisations (par exemple s'agissant de l'utilisation de l'auditorium de 450 places, du pôle unique de conception graphique et de reprographie, du centre commun de courrier), il pourrait également être synonyme d'une offre de services nouveaux (restauration collective, crèches, etc.).

Votre rapporteur spécial n'est pas défavorable à ce que de tels services soient offerts aux agents, mais les économies annoncées ou souhaitées grâce à la mutualisation gagneraient à être documentées.

Il a accueilli avec satisfaction la réponse apportée par les services du Premier ministre concernant l'identification des mutualisations prévues et leurs conséquences en termes budgétaires et de masse salariale :

« Il convient d'anticiper dès maintenant les effets de cette nouvelle organisation sur le fonctionnement des services, et de préparer les évolutions avec les agents et les services concernés. Afin de définir le cadre de ce travail, une étude pour déterminer et valoriser l'impact de l'opération sur des secteurs comme l'accueil, le gardiennage, l'automobile, la logistique ou l'informatique sera menée d'ici la fin de l'année 2013. L'étude permettra de dresser un état de l'existant, les secteurs concernés et la projection des effectifs avec les orientations envisageables ».

Recommandation : chiffrer et documenter les économies permises par la mutualisation .

II. UNE SOLUTION JURIDIQUE ET FINANCIÈRE ACROBATIQUE POUR UN PROJET SANS PILOTE

A. UNE PROCÉDURE « SUR MESURE » SUSCITANT DES INTERROGATIONS

1. Un « partenariat public-public » avec la SOVAFIM
a) Le choix de recourir à la SOVAFIM
(1) Le sous-dimensionnement des services pour une maîtrise d'ouvrage publique (MOP)

Dès l'étude de France Domaine en 2009, la possibilité d'une maîtrise d'ouvrage publique prise en charge par les services du Premier ministre (ou ceux de la préfecture de la région Ile-de-France ou du ministère de la santé) a été exclue, en raison du sous-dimensionnement de ces services pour mener un tel projet, compte tenu de l'ampleur et de la complexité des travaux nécessaires.

De plus, s'agissant du projet d'emménagement des services du Premier ministre, pour atteindre le seuil « plancher » de 2 300 postes de travail à « Ségur-Fontenoy » fixé par France Domaine, d'autres ministères devraient être associés au projet, ce qui complique encore la tâche de coordination en raison de la segmentation des fonctions de maîtrise d'ouvrage des travaux entre les ministères.

Enfin, dans son étude d'avril 2009 sur le devenir du site, France Domaine souligne l'absence de crédits budgétaires disponibles pour financer la rénovation, estimée à environ 140 millions d'euros en 2009.

C'est dans ce contexte qu'a émergé, dès 2009, le nom de la SOVAFIM.

(2) Les avantages de recourir à la SOVAFIM
(a) Le maintien du bien dans le patrimoine de l'Etat

Le choix de faire appel à la SOVAFIM (acté lors d'une réunion interministérielle du 13 janvier 2011), société anonyme dont l'unique actionnaire est l'Etat , dans le cadre d'une sorte de « partenariat public-public », permet d'allier les avantages d'un « partenariat public-privé » (PPP) - et notamment le contournement de l'absence de crédits immédiatement disponibles - sans devoir associer un partenaire privé.

Les « partenariats public-privé »

Les contrats de partenariat, également appelés « partenariats public-privé », permettent à une personne publique de confier à un tiers, pour une longue période, le soin de concevoir, de financer, en tout ou partie, de construire ou de transformer, entretenir, maintenir, exploiter ou gérer des ouvrages ou équipements publics en contrepartie d'une rémunération publique étalée dans le temps. Le mode de rémunération est particulier : elle est étalée (d'où le versement de loyers) et dépend de la réalisation d'objectifs (des pénalités sont souvent prévues).

Le meilleur respect des délais et des coûts grâce au versement différé de la rémunération et des éventuelles pénalités financières est un des avantages principaux des PPP.

Quant aux critiques, elles sont de plusieurs ordres :

- l'engagement financier en faveur du partenaire privé peut être considéré comme particulièrement long et rigide ;

- le PPP permet de « masquer » une dette puisque la personne publique n'a pas à recourir directement à l'emprunt ;

- le coût final est supérieur à celui issu d'une commande publique « classique » ;

- la personne publique ne dispose plus du pouvoir de pilotage et de contrôle .

Par rapport à un PPP, le recours à la SOVAFIM permet donc de maintenir le bien dans le périmètre de l'Etat, celui-ci étant l'actionnaire unique de la SOVAFIM.

Dans son plan de développement 2011-2015, la SOVAFIM insiste sur une spécificité de son statut :

« La SOVAFIM n'est ni un service administratif, ni une entreprise privée : la SOVAFIM doit donc se positionner sur les opérations de valorisation que les clients publics n'ont pas de vocation naturelle à réaliser eux-mêmes et sur lesquelles l'intervention d'entreprises privées n'apparaît pas opportune, notamment parce qu'elles sont susceptibles de capter l'essentiel de la valeur. (...) Dans les opérations de restructuration, la SOVAFIM représente une solution alternative aux solutions de maîtrise d'ouvrage directe ou de contrats de partenariat en offrant les avantages de l'externalisation (maîtrise des délais et des budgets, capacité à résister aux changements d'exigences des utilisateurs, gouvernance d'une société anonyme, équipe de professionnels) sans en présenter les inconvénients (pas de captation de profit, retour négocié des actifs immobiliers à l'Etat envisageable .. .) ».

C'est notamment pour cette raison que, dès 2009, France Domaine s'était prononcé plutôt en faveur d'une cession à cette société foncière publique.

La SOVAFIM

La SOVAFIM a été créée initialement pour « assurer la valorisation » des biens immobiliers propriétés de Réseau ferré de France (RFF), inutiles à ses missions de service public ferroviaire.

Cette mission a été étendue grâce à un amendement du rapporteur général de la commission des finances du Sénat, notre collègue Philippe Marini, en loi de finances rectificative pour 2006. L'article 141 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 prévoit que « des ensembles d'actifs immobiliers appartenant à l'Etat ou à ses établissements publics peuvent être transférés en pleine propriété à une société détenue par l'Etat chargée d'en assurer la valorisation dans des conditions adaptées à leurs caractéristiques particulières ».

L'ambition de la SOVAFIM est la valorisation de biens immobiliers publics : « valoriser, c'est « créer de la valeur » à partir d'actifs immobiliers acquis, portés le cas échéant et transformés de manière plus ou moins importante par la SOVAFIM suivant la nature des biens concernés et l'état des marchés immobiliers. Cette création de valeur doit bénéficier au propriétaire historique et/ou l'occupant public, tout en dégageant une rentabilité acceptable de l'opération pour la SOVAFIM, compte tenu des risques pris et de l'objectif de rentabilité fixé par l'Etat actionnaire » 8 ( * ) .

Malgré ces missions ambitieuses, dans son rapport public annuel de 2011, la Cour des comptes « recommande de mettre un terme à l'existence de cette société inutile » 9 ( * ) , et considère que si le recours à des structures spécialisées a tendance à être présenté comme un gage de professionnalisme, il n'en demeure pas moins que « leur création ne peut se passer d'une vision de long terme, fondée sur une valeur ajoutée tangible ».

(b) Le professionnalisme de la SOVAFIM : l'opération réussie de l'avenue Bosquet

Suite aux craintes exprimées par notre collègue Adrien Gouteyron à propos de la Maison de la Francophonie ( cf . supra ), un rapport issu d'une mission conjointe de l'Inspection générale des finances, du Conseil général des Ponts et chaussées et de l'Inspection générale des affaires étrangères a proposé, fin 2007, que l'immeuble situé au 19-21, avenue Bosquet, dans le VII e arrondissement de Paris, accueille la Maison de la Francophonie.

Une convention entre la France et l'Organisation internationale de la francophonie (OIF), signée en 2008, prévoit la mise à disposition, à titre gratuit, de cet ensemble immobilier. Afin de réaliser les travaux nécessaires, l'Etat a cédé l'immeuble à la SOVAFIM , le 15 septembre 2008, pour la somme de 59 millions d'euros . La SOVAFIM le loue au ministère des affaires étrangères et européennes pour un loyer annuel de 5,3 millions d'euros.

Cette solution a notamment permis de surmonter la difficulté née de la coexistence de deux propriétaires : si l'immeuble situé au numéro 19 était directement propriété de l'Etat, ce n'était pas le cas de l'immeuble du 21 dont le propriétaire était l'Office des grandes céréales.

Notre collègue Catherine Tasca, « qui s'est rendu[e] sur le site pour visiter le bâtiment, peut témoigner de la qualité et du sérieux de l'entreprise réalisant les travaux » et elle considère que « cette solution - assez curieuse à première vue - s'explique en réalité par le souci de l'Etat de maîtriser les coûts et les délais des travaux » 10 ( * ) .

Cette opération a fait l'unanimité : la SOVAFIM a tenu à la fois les délais et les coûts, et elle a montré qu'il était possible de lui transférer des biens non seulement à des fins de cession mais aussi de valorisation .

Cette réussite et le professionnalisme de la SOVAFIM ont été soulignés dans l'étude de France Domaine de 2009.

b) L'hypothèse initiale : la cession du bien à la SOVAFIM

S'agissant du projet « Ségur-Fontenoy », dès le mois de mars 2009 et dans le cadre de l'étude confiée à France Domaine, la SOVAFIM a fourni une « maquette Ségur » précisant les modalités économiques et financières qui pourraient être retenues dans le cadre de l'acquisition et de la rénovation du site avec une installation de services de l'Etat ; en fonction du prix d'acquisition de l'ensemble immobilier, était également estimé le montant du loyer que la SOVAFIM serait susceptible de demander à l'Etat locataire de verser.

Les hypothèses retenues par la SOVAFIM en mars 2009, s'agissant du prix d'acquisition et du coût des travaux, intéressantes par comparaison avec le choix finalement effectué, étaient les suivantes :

- acquisition de l'immeuble pour 350 millions d'euros ;

- coût des travaux estimés à 167,4 millions d'euros toutes charges comprises (TTC).

La SOVAFIM n'accepte de mener un projet que si son Conseil d'administration considère que l'investissement est susceptible de procurer un rendement, correspondant au risque associé au projet. En l'occurrence, pour cette opération, le taux de rendement locatif a été fixé à 6 %.

Ainsi, en mars 2009, il était déduit de ces hypothèses « un niveau de loyer à la livraison de l'immeuble (soit en décembre 2012) de 848 euros (TTC) le m 2 de surface utile, ce qui correspond à une valeur de 778 euros le m 2 valeur juin 2009 ».

Le loyer, de 41,6 millions d'euros au total selon cette hypothèse, avait vocation à équilibrer l'opération pour la SOVAFIM.

C'est à partir de ces estimations que France Domaine a considéré, dans son étude d'avril 2009, que le scénario proposé par les services du Premier ministre n'était pas équilibré financièrement, puisque les économies provenant de la libération des emprises (cession ou restitution de baux) n'étaient pas suffisantes pour couvrir les loyers à verser à la SOVAFIM ( cf . supra ).

Equilibre du projet en 2009

(en millions d'euros)

Loyers « économisés »

Nouveau loyer Ségur-Fontenoy

Rapport (en %)

8,8

42

21 %

Produit des cessions

Coûts d'acquisition et de rénovation

144,5

440

33 %

Source : étude 2009 de France Domaine

c) L'hypothèse retenue : la cession à la SOVAFIM des seuls droits de superficie pour une période déterminée

En 2011, après que la décision de recourir à la SOVAFIM a été prise (lors de la réunion interministérielle du 13 janvier 2011), le cadre juridique, économique et financier envisagé est précisé en annexe à un courrier daté du 6 mai 2011 de François Baroin, alors ministre du budget, au président directeur général de la SOVAFIM :

« Le cadre juridique de l'opération repose sur l'hypothèse, qu'il conviendra d'affiner en liaison avec les services compétents de l'Etat :

« (i) d'un transfert à la SOVAFIM, pour une durée de vingt ans, de droits réels immobiliers (propriété des volumes utiles à la réalisation de l'opération) attachés à l'immeuble Ségur-Fontenoy ; paiement différé par la SOVAFIM en contrepartie du transfert des droits réels (montant et échéancier de règlement à déterminer) ;

« (ii) du versement par l'Etat d'un loyer, payable entre la livraison de l'immeuble et l'extinction des droits réels (à cette date, l'Etat souhaite récupérer la propriété pleine et entière du bâtiment) ».

Par suite, certaines des modalités précises ont été modifiées, mais la logique est demeurée identique : il ne s'agit pas véritablement de vendre le bien à la SOVAFIM, mais de lui transférer, pour une période déterminée, les seuls droits de superficie . La durée des études et travaux - menés et financés par la SOVAFIM - est estimée à quatre ans. A l'issue de cette période, c'est-à-dire en 2017, les services de l'Etat, considérés comme les locataires, pourront emménager et verseront un loyer à la SOVAFIM.

Selon les informations fournies à votre rapporteur spécial, après les élections de 2012 et une réunion interministérielle, le cabinet du Premier ministre « a fait part de son accord pour l'engagement de l'Etat avec la SOVAFIM sur un bail ferme de douze années à compter de la livraison . Son renouvellement est possible (sans indemnité si ce n'est pas le cas), jusqu'à la trentième année à l'issue de laquelle l'ensemble immobilier revient dans le patrimoine de l'Etat ». Ces dispositions sont celles effectivement retenues.

Les droits de superficie transférés pour trente ans ont été estimés à hauteur de 32,8 millions d'euros ; cette estimation résulte du recours à la méthode par actualisation des flux financiers ou « cash flow », qui a été considérée par les services de France Domaine comme la plus appropriée au cas atypique du transfert des droits de superficie pour une période donnée.

La méthode par actualisation des flux financiers ou « cash flow »

« L'approche pour la valorisation d'un droit de superficie est du ressort des mathématiques financières. En effet, un acheteur de ce droit aura pour raisonnement de rémunérer sur une longue période son investissement, soit l'acquisition des droits à construire et les coûts de restructuration de l'immeuble. Il actualisera donc à un taux à définir (sa rémunération et son coût de financement) l'ensemble des flux sur la période prévue .

« Un flux de trésorerie ( cash-flow au sens anglo-saxon) est la différence des encaissements (recettes) et des décaissements (dépenses) générées par un immeuble. Le revenu brut correspond à la somme des cash-flow positifs générés par un actif immobilier. Le revenu net correspond au revenu brut déduction faite des cash-flows négatifs supportés par le propriétaire : frais de remise en état et de commercialisation, charges non récupérées sur les locataires, impôts et taxes attachés à l'immeuble, assurances de l'immeuble, grosses réparations, frais de gestion directs. Ces revenus sont calculés généralement selon une périodicité annuelle.

« Ces flux financiers sont actualisés (...), le taux d'actualisation prend en compte le taux d'inflation, le coût du temps et une prime de risque est un taux « calculé » plus que constaté. Il traduit à la fois la situation des taux sur le marché de l'investissement en général et le degré de risque attaché à l'immeuble qui fait l'objet de l'évaluation. Dans la pratique, la prime de risque habituellement retenue par les investisseurs varie entre 0,2 et 3 % et les taux d'actualisation varient entre 5 et 7 % ».

Source : France Domaine

Cette méthode est, selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, inhabituelle pour les services de France Domaine, qui ont eu recours à une aide extérieure afin d'appliquer cette méthode de valorisation à « Ségur-Fontenoy ».

Ainsi, pour chacune des années pendant lesquelles la SOVAFIM est propriétaire des droits de superficie, sont calculés :

- le coût des travaux (flux négatif) ;

- les loyers versés (flux positif) ;

- les provisions pour gros travaux - à partir de la fin de la garantie décennale (flux négatif).

La somme ainsi calculée pour chaque année est actualisée, et le montant de 32,8 millions d'euros s'obtient donc en additionnant le montant actualisé pour toutes les années.

La conduite des travaux par la SOVAFIM

Avant la signature de l'arrêté de transfert entre l'Etat et la SOVAFIM, celle-ci a étudié l'opération, afin de disposer d'un dossier complet du projet, comprenant l'audit technique, le programme fonctionnel et celui des travaux. C'est sur la base de ce dossier que les arbitrages ont ensuite pu être rendus.

En février 2013, la SOVAFIM a lancé l'avis d'appel public à candidature auprès de promoteurs-concepteurs immobiliers.

Devenue propriétaire, par la signature de l'arrêté de transfert du 24 mai 2013, la SOVAFIM a lancé, dès le 27 mai 2013, la mise en concurrence des candidats au travers du « dialogue compétitif », qui devra aboutir, en février 2014, à la signature d'un contrat de promotion immobilière (CPI) avec le promoteur-exploitant choisi (comprenant à la fois le promoteur, le bureau d'études et les architectes).

A l'issue de ce « dialogue compétitif », mi-2014, un contrat sera signé entre la SOVAFIM et le promoteur lauréat, qui pourra ensuite déposer les autorisations administratives.

Seront ensuite mises en concurrence les entreprises pour effectuer les travaux, qui devraient donc débuter à la fin de l'année 2014 et se terminer en juillet 2017 selon le protocole locatif conclu entre l'Etat et la SOVAFIM.

Ainsi, comme l'indique le Gouvernement dans la réponse au questionnaire adressé par votre rapporteur spécial, « à partir du transfert des droits de l'Etat vers la SOVAFIM, celle-ci devient maître d'ouvrage, propriétaire de l'ensemble immobilier mais pas du tréfonds qui reste propriété de l'Etat. Elle est donc responsable du montage, du suivi et de l'organisation de la restructuration ».

Le bail en état futur d'achèvement (BEFA), dont la signature doit intervenir douze mois après celle du transfert des droits, concrétisera les conditions juridiques, financières, qualitatives de location de l'ensemble immobilier.

2. Les interrogations suscitées par le montage retenu
a) Un projet d'ampleur assurant la pérennité de la SOVAFIM

Le seul succès de l'opération Bosquet menée par la SOVAFIM ne saurait constituer le gage de la réussite de l'opération « Ségur-Fontenoy » : l'ampleur de cette dernière est différente, tout comme le régime juridique choisi.

L'opération « Ségur-Fontenoy » s'avère particulièrement importante pour la SOVAFIM car, à ce jour, ses activités de valorisation sont modestes. Par son ampleur, elle aura donc une valeur de test, d'autant plus importante pour la pérennité d'une structure dont l'intérêt a été mis en cause par la Cour des comptes ( cf . supra ).

De plus, selon son rapport de gestion 2011, les recettes de la SOVAFIM proviennent principalement des produits de cession. Ainsi, la SOVAFIM, « qui a réalisé des cessions pour un montant total de 18,9 millions d'euros, a dégagé une plus-value de 16,8 millions d'euros. Elle a enregistré 1,8 million d'euros de produits de gestion locative ». Au 1 er janvier 2011, les fonds propres de la SOVAFIM s'élevaient à 149,1 millions d'euros, et son endettement à terme à 69 millions d'euros.

Certes, grâce à l'opération « Bosquet », les recettes provenant des loyers ont nettement augmenté, l'activité de valorisation connaissant ainsi une montée en puissance. Cependant, le projet de Centre de Gouvernement est d'une toute autre nature : le seul loyer de « Ségur-Fontenoy » est quatre fois supérieur à celui de l'immeuble situé avenue Bosquet .

Le projet arrive donc à point nommé pour la SOVAFIM qui, dans son plan de développement 2011-2015, indique que « la société doit corrélativement rechercher l'équilibre entre les opérations génératrices de plus-values et les actifs à revenu récurrent , à la fois pour couvrir, au minimum, ses charges récurrentes et pour atténuer la volatilité du compte de résultat générée par la nature de l'activité de « valorisation-cession » ».

Aussi, sans avoir à acquérir en tant que tel le bâtiment « Ségur-Fontenoy » - et donc à acquitter entre 195 et 300 millions d'euros ( cf . supra ) - la SOVAFIM est chargée de financer des travaux estimés à environ 200 millions d'euros, financés par des loyers, versés par l'Etat, pendant au minimum douze années, voire trente. Grâce à ce projet, elle voit donc sa pérennité assurée.

Convaincu par les avantages du recours à la SOVAFIM, l'Etat accepte, par cette opération, de pérenniser cette structure légère, dont les équipes, que votre rapporteur spécial a rencontrées, paraissent motivées.

b) Un montage et un projet dictés par des motifs financiers
(1) Un choix contraint pour des raisons financières

Selon le rapport d'activité 2011 de la SOVAFIM, son activité « consiste à valoriser, soit pour les céder, soit pour les transformer, des actifs immobiliers publics, acquis à un prix de marché ». Dans le cas présent, même si la SOVAFIM est propriétaire, pendant une durée limitée, du bâtiment, l'actif immobilier n'est pas véritablement acquis puisqu'il s'agit d'un transfert de droits pour une durée déterminée, et le prix d'acquisition ne peut donc pas être le prix de marché.

Le montage juridique et financier choisi semble surtout avoir permis de pallier des difficultés d'ordre financier, ce qui fait craindre à votre rapporteur spécial qu'un tel projet soit mené a minima .

La proposition initiale de la SOVAFIM (en 2009), dans le cas envisagé d'une cession, a été écartée, à cette date, car l'équilibre financier de l'opération proposée par la SOVAFIM n'était pas satisfaisant :

Equilibre financier proposé par la SOVAFIM en 2009

(en millions d'euros)

2009

SOVAFIM

Acquisition (cession)

350

Travaux (TTC)

192

Provisions (certification surfaces)

10

Sous-total Acquisition et travaux

552

Gestion du projet (évaluation SOVAFIM 2009)

146

Prix de revient

698

Loyer demandé

41,6

soit loyer au m 2

848 €/m 2

Source : étude de France Domaine, 2009

Ainsi, selon cette version, le loyer demandé par la SOVAFIM était manifestement trop élevé.

En effet, chacun des acteurs impliqués doit faire face à des contraintes propres s'agissant de la fixation du loyer :

- la SOVAFIM a fixé un taux de rendement de l'opération à 6 % ;

- France Domaine souhaite d'une part, une opération globalement « à coût constant » s'agissant des loyers des services concernés, et d'autre part, que les loyers ne dépassent pas un certain montant.

Le dispositif imaginé en 2011, confirmé et précisé en 2012, prévoit que les bâtiments de « Ségur-Fontenoy » ne soient pas cédés pour un prix qu'il était par ailleurs difficile de déterminer, mais qu'une soulte de 32,8 millions d'euros soit versée par la SOVAFIM à l'Etat en échange du transfert des droits de superficie pour une période donnée (trente ans à partir de la livraison du bien). Cela rend possible à la fois un taux de rendement acceptable pour la SOVAFIM (6 %) et un niveau de loyer convenable pour les services de l'Etat, c'est-à-dire d'un ordre de grandeur équivalant aux loyers versés en 2013.

Equilibre financier du projet (version 2012)

(en millions d'euros)

2012

SOVAFIM

Acquisition (soulte)

32,8

Travaux (TTC)

233

Sous-total Acquisition et travaux

265,8

Gestion du projet (évaluation SOVAFIM 2009)

150

Prix de revient

415,8

Loyer demandé (2013)

20,1

Source : commission des finances du Sénat à partir des données fournies par les services du Premier ministre

Ainsi, le choix du montage juridique a permis une diminution mécanique du loyer exigé par la SOVAFIM par rapport à l'hypothèse initiale, en échange de quoi le bien n'est certes pas cédé à la SOVAFIM mais transféré pour une période déterminée, pour une somme relativement faible au regard des estimations du prix de cession de l'ensemble - 32,8 millions d'euros au lieu de 195 à 300 millions d'euros (valeur estimée en 2009).

Selon les informations fournies à votre rapporteur spécial, la situation actuelle des services susceptibles d'être concernés par un emménagement à « Ségur-Fontenoy » représente une dépense en loyers budgétaires et privés de 22,54 millions d'euros (hors charges et taxes) - elle s'établit à 24,47 millions d'euros, en prenant en compte le gros entretien-renouvellement.

A titre de comparaison, le loyer « fictif » (valeur 2013) sur lequel est basée l'ouverture, en 2012, des autorisations d'engagement correspondant au projet s'élève à 20,1 millions d'euros (hors charges). La prise en compte des charges (notamment la taxe foncière) et du gros entretien porte la somme à 24,4 millions d'euros. Il s'agit d'un loyer « fictif » dans la mesure où l'Etat ne versera de loyer à la SOVAFIM qu'à partir de la livraison du bien réhabilité, prévue en 2017.

En 2017, en raison de son indexation, le premier loyer effectivement versé par l'Etat à la SOVAFIM sera d'environ 3 millions d'euros supérieur à celui actuellement versé par les services concernés par le regroupement (en prenant en compte les taxes, assurance et provision pour le gros entretien).

Ainsi, entre les hypothèses étudiées par France Domaine dans son étude de 2009 et le dispositif finalement retenu en 2012, les modalités juridiques et financières de l'opération ont été modifiées de façon substantielle pour permettre une opération à « coûts constants » pour les services de l'Etat concernés par l'emménagement à « Ségur-Fontenoy ». Le choix de ne pas céder le bien, mais d'en transférer les droits de superficie pour une période définie a permis de réduire le loyer exigé par la SOVAFIM aux services occupants.

Différences entre le projet initial (2009) et le projet retenu en 2012

2009

2012

Projet

Cession

Transfert des droits de superficie (30 ans + 4 ans de travaux)

Prix de cession / soulte

350 millions d'euros

32,8 millions d'euros

Nombre de postes de travail

2 500 à 2 800

2 300 (minimum)

Loyer annuel

778 euros/m 2

375 euros/m 2

Loyer annuel (TTC)

41,6 millions d'euros

20,1 millions d'euros

Source : commission des finances du Sénat d'après les données fournies par les services du Premier ministre

Pour autant, d'éventuels dérapages pèseraient in fine sur l'Etat, actionnaire unique de la SOVAFIM.

En effet, la SOVAFIM finance l'opération sur ses fonds propres, complétés par un recours à l'emprunt.

Le Conseil d'administration de la SOVAFIM a retenu, pour cette opération et compte tenu des coûts de financement et du risque pris, un taux de rentabilité de 6 %. Les profits dégagés reviendront à son actionnaire unique, l'Etat. Si les coûts ne sont pas maîtrisés, la rentabilité des fonds propres de la SOVAFIM diminue.

C'est pourquoi, le Conseil de l'immobilier de l'Etat (CIE) a, dans son avis du 28 février 2012, appelé « particulièrement l'attention des services du Premier ministre sur la nécessité d'un contrat équilibré avec la SOVAFIM et donc sur une rédaction très précise des droits et obligations de celle-ci. Il importe que la SOVAFIM voie sa responsabilité engagée s'agissant du respect des coûts et délais prévisionnels - d'autant que tout dépassement pèserait in fine , sur l'Etat, unique actionnaire de la SOVAFIM ».

Or, en cas de retard de livraison, la SOVAFIM prend en charge les surcoûts, correspondant aux montants des loyers dus par l'Etat pendant cette période. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, « à ce stade, les modalités ne sont pas indiquées dans le protocole, elles seront portées dans le bail civil en état futur d'achèvement (BEFA), comme il est d'usage. En effet, à l'issue de la mise en concurrence des promoteurs-exploitants, les contours du projet seront plus précis avec des conditions qui devront être étudiées avant de trouver le meilleur équilibre dans les clauses du bail ».

(2) Le renoncement à la construction d'un parking souterrain

Si, en février 2012, le Conseil de l'immobilier de l'Etat a émis un avis favorable sur le projet présenté par la SOVAFIM, il a néanmoins formulé plusieurs réserves ( cf . infra ). Il s'inquiétait notamment de ce que la création d'un parking puisse être facteur de surcoûts supplémentaires, soulignant que « certains éléments (notamment le nombre de niveaux de parking souterrain) sont à l'évidence des facteurs de risque opérationnel et de surcoûts ».

Au début de l'année 2012, le projet prévoyait en effet 150 places de stationnement et la création d'un parking souterrain de cinq niveaux, dont le coût était évalué à 10 millions d'euros.

En mars 2012, lors d'une réunion interministérielle, a été évoquée la possibilité de modifier certains axes du projet, afin de réaliser des économies notamment en supprimant le parking souterrain. Ces orientations se sont traduites par un courrier de la ministre du budget, Valérie Pécresse, daté du 4 mai 2012, demandant à la SOVAFIM de modifier le projet en ce sens.

Interrogé par votre rapporteur spécial, Jean-Paul Faugère, alors directeur de cabinet du Premier ministre François Fillon, a assuré ne pas avoir été informé de cette décision de supprimer le parking souterrain prévu pour un site ayant vocation à accueillir quotidiennement 2 300 agents, en plus des éventuels visiteurs, et situé au coeur de Paris, où les stationnements sont déjà rares. Comme votre rapporteur spécial, Jean-Paul Faugère s'interroge sur la pertinence de cette décision de réduire le nombre de places de stationnement initialement prévues.

Ainsi, dans le projet tel que présenté à votre rapporteur spécial en mars 2013, seules 38  places de stationnement étaient prévus (au lieu de 150) ; en mai 2012, et après que votre rapporteur spécial a exprimé sa surprise et son inquiétude face à cette décision, le nombre de places aurait été porté à 50.

Une comparaison avec le projet « Balard » - pas totalement pertinente dans la mesure où, dans ce dernier cas, il s'agit d'un site nouveau - permet néanmoins de mettre en regard des ordres de grandeur. 9 300 militaires et civils travailleront à Balard, et 900 places de parking ont été prévues pour remplacer des stationnements à l'air libre, en plus des 450 places en souterrain existantes. Si l'accès par les transports en commun est privilégié, il n'en demeure pas moins qu'au total, une place est prévue pour sept personnes, contre une place pour 46 ou 60 personnes à « Ségur-Fontenoy », correspondant respectivement aux 50 ou 38 places prévues.

De plus, lors des réunions avec les futurs utilisateurs, ceux-ci ont indiqué le nombre de places de stationnement qu'ils utilisent à ce jour et ont fait part de leurs besoins : au moins 24 emplacements, correspondant aux véhicules permanents pour des « personnalités » ont été identifiés.

S'agissant des seules voitures de fonction des futurs utilisateurs, il a été indiqué à votre rapporteur spécial qu'il était possible de mutualiser ces véhicules, qui pourraient stationner dans les cours des immeubles utilisés par les services du Premier ministre non concernés par l'emménagement à « Ségur-Fontenoy ». En cas de besoin, ces véhicules pourraient être utilisés par des services localisés à « Ségur-Fontenoy », même s'ils n'y stationnent pas (ou du moins pas tous).

Votre rapporteur spécial n'est pas convaincu de l'efficacité d'un tel mode de gestion du parc automobile, et il s'inquiète pour les personnes - personnels et riverains - qui chercheront à stationner dans le quartier.

Les dirigeants de la SOVAFIM, en tant qu'investisseurs, se sont également interrogés sur la pertinence d'exiger des promoteurs en compétition un scénario complémentaire, qui prévoit des places de stationnement supplémentaires. Pour décider de travailler sur un scénario comprenant la construction de places de parking non prévues initialement, la SOVAFIM doit néanmoins trouver l'équivalent de 10 millions d'euros de recettes pour compenser les coûts de construction d'un parking souterrain. De telles recettes pourraient provenir :

- de l'Etat, si celui-ci réalise, ex post , qu'il a besoin de places supplémentaires qu'il sera peut-être contraint de louer à un prix élevé ;

- des riverains intéressés par un parc de stationnement payant, s'il est possible de différencier l'accès aux places de stationnement de l'accès à l'immeuble lui-même.

Car en effet, le quartier autour du site de « Ségur-Fontenoy » est doté d'un nombre insuffisant de places de stationnement par rapport aux besoins des habitants : des tensions sont déjà apparues, les riverains se plaignant en particulier du fait que les véhicules de police disposent de places réservées dans une partie de la contre-allée au 20 avenue de Ségur.

Votre rapporteur spécial exprime sa plus vive inquiétude concernant l'absence de parc de stationnement dont la taille correspond à celle du site. La suppression du parking semble avoir été dictée par des considérations financières, alors même que son coût (10 millions d'euros) est négligeable au regard des coûts des travaux (233 millions d'euros TTC), et alors que la réhabilitation d'un tel ensemble immobilier, pour y installer des services rattachés au Premier ministre, doit être exemplaire.

Recommandation : construire un parking, la décision de suppression étant faussement économe.

A ce jour, aucune action de communication ou d'information n'a été menée à destination des riverains, qui ne sont donc pas informés de ce projet ( cf . infra ) : l'absence d'un parking suffisant par rapport au nombre d'occupants du site pourrait provoquer des tensions avec les riverains.

Si la SOVAFIM décidait, de son propre chef, de créer un parking, elle devrait facturer la location des places ; les services hébergés à « Ségur-Fontenoy », intéressés par des places supplémentaires, pourraient alors les louer. Mais les services, captifs, ne seront sans doute pas en mesure de négocier aussi facilement le prix de la location que si le parking avait été intégré dans le coût du projet (et donc dans le loyer).

c) La difficile estimation du coût de l'opération

Comme pour tout projet immobilier, il est difficile d'en estimer, ex ante , le coût. Néanmoins, ce calcul s'avère particulièrement complexe, en raison du montage choisi et des relations étroites entre l'Etat et la SOVAFIM. Si le montant des travaux est évalué par la SOVAFIM à 233 millions d'euros (TTC), ce montant ne reflète pas le coût supporté par l'Etat.

Grâce aux données fournies à votre rapporteur spécial, il est néanmoins possible de dresser un bilan dégageant des ordres de grandeur quant aux coûts et économies susceptibles de résulter d'un tel projet.

Estimation du coût du projet

(en millions d'euros)

2012

Dépenses

Moindres dépenses

Dépenses nettes (A)

Recettes (B)

Coût : (B) - (A)

Soulte

32,8

32,8

Loyers (TTC) 2017-2029

370

294*

76

-76

Déménagement

0,6

0,6

-0,6

Mobilier neuf et divers équipements

4

4

-4

Produit des cessions

0

164

164

TOTAL fin 2029

374,6

294

80,6

196,8

116,2

TOTAL fin 2029 hors cessions

374,6

294

80,6

32,8

-47,8

*Hypothèse de loyers inchangés

Source : commission des finances du Sénat à partir des données fournies par les services du Premier ministre

Le coût « certain » pour l'Etat serait, à ce jour, de l'ordre de 40 millions d'euros à horizon 2029 : il ne prend pas en compte l'éventuel produit des cessions, ni le risque de devoir payer un « double loyer » pendant une période, il intègre uniquement les loyers à verser pendant les douze premières années du bail, et suppose également que les loyers actuellement versés ne soient pas modifiés sur la période 2017 à 2029, ce qui n'est qu'une hypothèse.

Il conviendrait également d'ajouter, à moyen terme :

- les dividendes que la SOVAFIM pourrait être amenée à verser à l'Etat, son unique actionnaire - si le coût des travaux dérapait, au contraire, ce sont des pertes éventuelles que devrait supporter l'Etat ;

- les gains liés à la mutualisation des services ainsi regroupés ;

- la valeur du site désormais réhabilité et aménagé dont l'Etat redevient propriétaire (à partir de 2047).

Il convient également de nuancer l'estimation de ce coût de 40 millions d'euros : le produit des cessions est sans doute ambitieux, et, dès 2009, France Domaine indiquait que leur montant « n'entre pas dans la budgétisation de l'opération de restructuration ».

La direction du budget a estimé à 30 % le surcoût résultant d'un tel montage juridique et financier par rapport à une maîtrise d'ouvrage publique. Le surcoût correspond à la fois au coût financier de l'opération et à la valorisation de l'expertise de la SOVAFIM.

Le Conseil de l'immobilier de l'Etat s'est d'ailleurs interrogé à cet égard, estimant ce surcoût « particulièrement élevé ». Il a été indiqué à votre rapporteur spécial par France Domaine qu'il s'agissait du « prix à payer » pour transférer la maîtrise d'ouvrage et les risques afférents à un prestataire extérieur.

L'intérêt budgétaire de cette opération réside donc en tout premier lieu dans la possibilité de ne pas débloquer immédiatement des crédits pour financer le coût des travaux . Ainsi, c'est la SOVAFIM qui porte, dans son budget, le coût (estimé à plus de 230 millions d'euros) des travaux.

Si un montant de 370 millions d'euros en autorisations d'engagement a été inscrit au budget de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » en 2012, correspondant aux loyers des douze premières années (car il s'agit d'un bail de douze ans à compter de la livraison, dont le renouvellement est possible jusqu'à la trentième année), il n'en demeure pas moins que, comme l'indique l'avis du CIE du 28 février 2012, « le montage proposé n'aura pas pour effet d'intégrer le financement des investissements réalisés par la SOVAFIM dans le calcul de la dette publique au sens de Maastricht et [la] perspective d'une évolution des normes (...) qui assimilera à une dette les loyers futurs des baux en cours n'est pas actuellement à l'étude ».

B. UN PILOTAGE CONTRAINT PAR LE MONTAGE RETENU

a) Les retards de calendrier

En mai 2011, le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, François Baroin, dans le courrier adressé au président directeur général de la SOVAFIM par lequel il a accepté de faire appel à sa société pour mener ce projet, a également précisé que « l'échéance de remise des études préparatoires (audit ; programme fonctionnel) doit permettre une décision de l'Etat sur le projet dans son ensemble au premier trimestre 2012 en vue d'une livraison de l'immeuble à la fin de l'année 2015 ».

La comparaison entre le calendrier souhaité par le ministre en 2011 et le calendrier actualisé en juin 2013 fait apparaître un retard d'un an et demi.

Ce retard peut s'expliquer par le caractère novateur du montage choisi : le délai pour fixer le loyer, fruit d'une négociation entre l'Etat (le locataire) et la SOVAFIM, et pour déterminer les modalités juridiques et financières a été plus long que ce qui était initialement prévu.

Calendriers (2011 / 2013)

Source : commission des finances du Sénat à partir des données fournies par les services du Premier ministre

En particulier, après la remise des programmes technique et fonctionnel par la SOVAFIM à l'Etat, en février 2012, la réunion interministérielle du 16 mars 2012 a donné lieu à plusieurs orientations d'optimisation et d'économies : ces nouvelles orientations, qui sont liées au processus de négociation entre l'Etat et la SOVAFIM, ont été un facteur de ralentissement du projet - le retard peut être estimé à quatre mois, de février à mai - car la ministre du budget, Valérie Pécresse, a demandé, début mai 2012 à la SOVAFIM de fournir des études complémentaires, ce qui a été fait dès le 25 mai 2012.

Par ailleurs, une analyse détaillée du calendrier permet d'évaluer à six mois le retard qui peut être imputé à l'alternance politique en 2012 : entre le 25 mai et le 6 novembre 2012, aucun élément nouveau n'est intervenu. Consciente de ce risque, la SOVAFIM s'était pourtant attachée à répondre à la demande de Valérie Pécresse datée du 4 mai 2012 aussi rapidement que possible, afin que l'opération puisse débuter avant les élections législatives. Mais l'ampleur du projet, les services concernés et le caractère atypique du montage choisi ont nécessité un examen renouvelé du projet par le cabinet du nouveau Premier ministre et c'est seulement en novembre 2012, lors d'une nouvelle réunion interministérielle, que le cabinet du nouveau Premier ministre a donné son accord sur le projet, tel qu'issu des demandes de Valérie Pécresse, rendant possible la contractualisation entre l'Etat et la SOVAFIM.

Si le retard d'un an et demi n'est donc pas uniquement dû au montage juridique et financier choisi, celui-ci a sans doute été un facteur non négligeable de l'allongement des délais de prise de décision, propre à des situations de négociation.

Votre rapporteur spécial s'interroge sur les délais supplémentaires qui peuvent s'expliquer par une négociation entre l'Etat et « lui-même ». En effet, dans le cadre du projet « Ségur-Fontenoy », l'Etat est à la fois actionnaire et client de la SOVAFIM : le Conseil d'administration de la SOVAFIM comprend neuf membres dont six représentants de l'Etat, nommés par le Premier ministre auxquels s'ajoutent trois personnalités qualifiées publiques. Les représentants de l'Etat sont issus de la direction générale du Trésor, de la direction du budget et de France Domaine. A cet égard, on pourra noter que les dirigeants de la SOVAFIM ont fait part d'un taux de rotation particulièrement important des représentants de l'Etat, qui ne facilite pas les relations entre la société et son actionnaire.

b) Une répartition des rôles peu claire et aux conséquences dommageables

Dès 2011, dans une lettre adressée au ministre du budget, François Baroin, le président directeur général de la SOVAFIM, Olivier Debains, indiquait :

« Il ressort de l'expérience du dossier Bosquet qu'il est nécessaire que les services de l'Etat concernés désignent un chef de projet, qui serait notamment l'interlocuteur pivot de l'équipe projet de la SOVAFIM pour élaborer le programme immobilier adapté aux futurs occupants et s'assurer que leurs besoins et contraintes seront bien pris en compte ».

Ce chef de projet a bien été désigné au sein des services du Premier ministre, et il a effectivement assuré la coordination des besoins des futurs services utilisateurs.

Néanmoins, d'autres services de l'Etat ont été associés au projet, et une difficulté rencontrée par votre rapporteur spécial tient à l'identification d'un véritable responsable du projet et à la répartition des compétences entre chaque partie prenante.

Il faut en effet distinguer, au sein de l'Etat :

- France Domaine, qui représente l'Etat propriétaire et veille à ce que le projet respecte les règles en matière de politique immobilière de l'Etat ;

- les services et entités rattachés au Premier ministre, qui sont les futurs utilisateurs et locataires.

Par ailleurs, un autre acteur important du projet est la SOVAFIM, qui assure, à partir du transfert des droits de propriété, la maîtrise d'ouvrage du projet immobilier.

Chaque service ou organisme est donc responsable de la partie du projet le concernant.

Selon les dirigeants de la SOVAFIM, la pluralité des services de l'Etat concernés par le projet (à la fois s'agissant des futurs occupants mais aussi des services impliqués dans le projet comme France Domaine) justifie de faire appel à une société qui, une fois propriétaire, gère seule le projet dans les conditions définies préalablement avec l'Etat - en l'occurrence France Domaine et les futurs utilisateurs. Elle devient ainsi à la fois le responsable du projet, mais aussi son pilote.

Néanmoins, dans la phase initiale du projet et avant la contractualisation avec la SOVAFIM, cette pluralité d'acteurs a engendré des difficultés - délai de prise de décision, engagements contradictoires de différents services de l'Etat. Cette situation paraît d'autant plus dommageable que la SOVAFIM n'a pas semblé prendre en compte la dimension nécessairement sensible d'un projet concernant les services du Premier ministre, mais aussi des autorités indépendantes.

L'exemple du Défenseur des droits met en évidence les difficultés rencontrées et la manière dont elles ont été résolues. Le Défenseur des droits a été créé en 2011 par la fusion de quatre autorités administratives indépendantes, réparties sur quatre sites distincts. Il a cherché à regrouper ses services sur un site unique, mais face à l'impossibilité de résilier deux des baux, il a été décidé, dans un premier temps, de regrouper les personnels sur deux sites. Néanmoins, le Défenseur des droits, Dominique Baudis, n'était pas satisfait de cette situation qui engendre coûts et inefficiences - d'autant que ses loyers (privés) sont particulièrement élevés.

C'est pourquoi Dominique Baudis a considéré que la création d'un Centre de Gouvernement pourrait lui permettre à la fois de regrouper ses équipes et de résilier les deux baux qui grèvent son budget de façon conséquente (environ 10 % du budget total).

Dès 2011, il a dit être intéressé par le projet, à une réserve près : le calendrier. Ses baux arrivant à échéance fin 2014, il souhaitait vivement regrouper son équipe sur un site unique avant cette date. En 2012, le projet étant à l'arrêt ( cf . supra ) et voyant l'échéance ainsi repoussée de plusieurs mois, le Défenseur des droits a commandé une étude à un architecte indépendant pour savoir s'il était envisageable, techniquement, de livrer le seul immeuble situé place de Fontenoy avant fin 2014 (date du terme des baux) en « découplant » les deux bâtiments situés respectivement avenue de Ségur et place de Fontenoy. L'étude a conclu à la faisabilité de cette option.

En février 2013, sur la base de cette hypothèse, le Secrétaire général du Gouvernement a assuré au Défenseur des droits qu'il pourrait emménager à Fontenoy fin 2014.

Cependant, un courrier du Premier ministre, daté du 30 avril 2013, a informé le Défenseur des droits de l'impossibilité d'envisager un emménagement dès 2014. Entre le premier courrier du Défenseur des droits et cette réponse définitive du Premier ministre lui-même se sont écoulés cinq mois.

Il semble que cette situation résulte de l'approche spécifique, parfois partielle, du projet de chaque interlocuteur et de l'absence de responsable clairement désigné. Le délai de réponse au Défenseur des droits et le renoncement aux assurances qui lui avaient été données peuvent s'expliquer au moins en partie par le montage choisi : d'une part, au sein de l'Etat, des arbitrages ont dû être rendus entre France Domaine et les futurs utilisateurs -dont le Défenseur des droits fait partie ; d'autre part, l'Etat a dû négocier avec la SOVAFIM (c'est-à-dire lui-même) la possibilité de distinguer les deux sites (Ségur et Fontenoy).

Aussi, aujourd'hui, les baux privés du Défenseur des droits, qui arrivent à échéance en 2014, font l'objet d'une négociation avec les propriétaires afin que le Défenseur des droits puisse y demeurer jusqu'en 2017, date prévue de livraison de l'ensemble « Ségur-Fontenoy ».

A la fin de son mandat (prévue en juin 2017), le Défenseur des droits n'aura pas réuni ses équipes sur un site unique ; ce sera donc à son successeur de mener à bien cette entreprise. Votre rapporteur spécial espère néanmoins que les modalités pratiques et l'organisation du déménagement auront pu être réglées en amont de la prise de fonction du nouveau Défenseur des droits.

c) Une communication inexistante à ce jour
(1) Un projet peu connu

A ce jour, le projet de réhabilitation de « Ségur-Fontenoy » pour créer un « Centre de Gouvernement » n'a pas été médiatisé : alors même qu'il s'agit d'un projet emblématique pour l'Etat - du fait de sa localisation mais aussi en raison du prestige de ses futurs utilisateurs - il est mené dans la discrétion et n'est pas porté vis-à-vis de l'extérieur, c'est-à-dire des citoyens et notamment des riverains. L'appellation même de « Centre de Gouvernement » est à ce jour peu connue.

Ce ne sont pas les services de l'Etat eux-mêmes qui organisent les travaux, mais la SOVAFIM, désormais propriétaire du bien. C'est donc elle qui s'est adressée aux promoteurs, qui travaillent eux-mêmes avec des architectes. Ainsi, par exemple, l'Etat n'a plus la possibilité d'organiser un concours d'architecte. Votre rapporteur spécial regrette cette relative perte de contrôle de l'Etat sur le projet, qui résulte du montage retenu. Il aurait souhaité que pour un tel projet, l'Etat communique sur ses ambitions et sa politique immobilière. En particulier, dans ce cas, un concours d'architecte aurait pu être réalisé en amont, par l'Etat lui-même : la SOVAFIM mettra effectivement en concurrence des projets d'architectes, mais par l'intermédiaire des promoteurs et en fin de processus.

Par ailleurs, à ce jour, la coopération paraît insuffisante au niveau local. Votre rapporteur spécial a rencontré l'architecte des bâtiments de France responsable du secteur ainsi que la maire du VII e arrondissement de Paris. Il a également sollicité la mairie de Paris, sollicitation restée sans réponse à ce jour.

L'architecte des bâtiments de France (ABF) a visité l'îlot avec la SOVAFIM en 2011 et formulé des observations orales. Elle n'a pas été sollicitée depuis. Pourtant, s'agissant d'un projet de cette ampleur, il semble souhaitable de travailler de concert avec les architectes tout au long du projet afin d'identifier au plus tôt les contraintes et de prendre les décisions en connaissance de cause. Après ce contact initial, la SOVAFIM a au contraire travaillé de manière indépendante.

L'ABF a notamment exprimé la crainte que le projet s'attache à la seule sauvegarde de la façade, et que l'intérieur des bâtiments soit totalement modifié.

Par ailleurs, sollicitée par votre rapporteur spécial, la maire du VII e arrondissement a indiqué ne jamais avoir été informée de ce projet.

Recommandation : mettre en place un pilotage mieux assumé, pour une opération prestigieuse car concernant les services du Premier ministre, et veiller à ce que l'Etat reste attentif au déroulement du projet, bien qu'il soit désormais piloté par la SOVAFIM.

(2) Le risque non négligeable d'éventuels recours contentieux

Ce manque de coordination et de consultation en amont et alors qu'à ce jour, des promoteurs candidats s'investissent et travaillent sur des scénarios possibles est préoccupant : les habitants du quartier dans lequel est situé « Ségur-Fontenoy » sont considérés comme particulièrement sensibles à la préservation de leur environnement.

En effet, ils n'hésitent pas à engager des procédures contentieuses et la question des parcs de stationnement risque fort d'être soulevée.

Une exemplarité (à la fois juridique et fonctionnelle) et une véritable concertation en amont avec les riverains paraît donc d'autant plus indispensable que le projet est situé dans un secteur où les contentieux sont nombreux .

Selon la SOVAFIM, dans la mesure où les façades ne seront pas modifiées, où le projet vise à améliorer l'aspect notamment extérieur des bâtiments et où le cahier des charges prévoit un chantier protecteur de l'environnement immédiat, les recours devraient être évités.

Cette question est d'autant plus importante que, comme s'en étonnait le Conseil de l'immobilier de l'Etat dans son avis du 28 février 2012, le calendrier des travaux ne tient pas compte du délai de traitement d'éventuels recours. Il convient donc d'éviter tout risque de contentieux car il serait particulièrement regrettable que des retards, qui auraient pu être évités grâce à un dialogue plus approfondi au niveau local, ne viennent remettre en cause l'équilibre financier du projet.

Recommandation : inciter la SOVAFIM à mettre en place un plan de communication à destination des riverains pour compenser l'absence de dialogue, à ce stade, avec les autorités locales et architecturales .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

- M. Dominique BAUDIS, Défenseur des droits

- Mme Rachida DATI, maire du VII e arrondissement de Paris

- M. Olivier DEBAINS, président directeur général de la Société de valorisation foncière et immobilière (SOVAFIM)

- Mme Isabelle FALQUE-PIERROTIN, présidente de la CNIL

- M. Jean-Pascal LANUIT, directeur régional adjoint des affaires culturelles d'Ile-de-France

- M. Serge LASVIGNES, Secrétaire général du Gouvernement

- Mme Bénédicte LORENZETTO, architecte des Bâtiments de France

- Mme Nathalie MORIN, cheffe du service France Domaine

- Mme Isabelle SAURAT, directrice de la Direction des services administratifs et financiers (DSAF)

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 17 juillet 2013, sous la présidence de M. Philippe Marini, président, la commission a entendu une communication de M. Philippe Dominati, rapporteur spécial, sur le pilotage du projet de « Centre de Gouvernement ».

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Je vais vous rendre compte de la mission que la commission des finances m'a confiée concernant le pilotage du projet de « Centre de Gouvernement ». Il s'agit d'un ensemble immobilier qui est situé dans le VII e arrondissement de Paris, avenue de Ségur et place de Fontenoy, et composé de deux bâtiments. Dans le budget de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », les loyers représentent des dépenses relativement importantes : ce projet, par son ampleur et par sa nature financière, aura donc un impact durable sur le budget de cette mission.

Cet ensemble immobilier d'environ 55 000 mètres carrés est situé à proximité de Matignon et il est composé de deux bâtiments, dont l'un est l'ancien Hôtel de la Marine dans lequel on peut observer des fresques intéressantes.

Depuis une trentaine d'années, ces bâtiments ont eu des destinations diverses et plusieurs ministères y ont été installés. A partir de 2004, les services de l'Etat ont étudié un projet d'installation de la Maison de la Francophonie. Finalement, la Maison de la Francophonie a été installée avenue Bosquet et l'Etat a conservé ces deux immeubles qui n'ont pas été rénovés et se sont dégradés.

Après cet échec, il a été envisagé, en février 2009, de vendre le bien, notamment pour pouvoir en affecter son produit à quatre ministères, dont les ministères financiers, comme l'indique une décision de Christine Lagarde et d'Eric Woerth, à l'époque respectivement ministre de l'économie et des comptes publics. Le service France Domaine a alors été chargé d'évaluer le bien : en avril 2009, il retient une valeur pivot de 300 millions d'euros. Parallèlement, il a été demandé au cabinet privé Jones Lang Lasalle (JLL) de produire une autre évaluation. Celle-ci, qui date de juin 2009, conclut à une valeur de 195 millions d'euros.

En l'espace de quelques mois, ce même bien est estimé à 300 millions d'euros par France Domaine - dont le rapport, avant de retenir la valeur pivot de 300 millions d'euros, déterminait une fourchette plus large - et à une valeur inférieure d'un tiers par le cabinet privé. J'estime que l'évaluation de France Domaine pose question et elle me semble peu crédible : comment justifier un différentiel de plus de 30 % à quelques mois d'intervalle ? C'est inquiétant pour toutes les autres évaluations de France Domaine !

Dans ce rapport, France Domaine conclut à la nécessité de céder ce bien pour réaffecter le produit aux quatre ministères et notamment le ministère des affaires étrangères.

En raison de ces évaluations « différenciées », et alors que dans le cadre du débat sur la Maison de la Francophonie, Roger Romani et Catherine Tasca, membres de la commission des affaires étrangères du Sénat, s'étaient étonnés que l'Etat veuille vendre ce patrimoine, il a finalement été décidé, en novembre 2009, de le conserver.

Cette décision est prise alors que le Secrétaire général du Gouvernement a besoin de rationaliser le parc immobilier des services et des autorités indépendantes qui relèvent du Premier ministre. En effet, il gère des sites qui sont dispersés, des locaux parfois vétustes, peu adaptés ou trop grands. Le Secrétaire général du Gouvernement voit donc l'occasion, si ce site est rénové et restructuré, de réduire de trente-huit à dix-huit le nombre d'implantations et de faire passer la surface utile de ses services de 122 000 mètres carrés à 113 000 mètres carrés. Une telle opération aurait pour effet de ramener le ratio par agent de 17,11 mètres à 11,43 mètres carrés et donc de se conformer à la norme de 12 mètres carrés par agent définie par France Domaine. Par ailleurs, des mutualisations sont prévues et divers besoins identifiés pour les services utilisateurs.

Je souscris au souhait du Secrétaire général du Gouvernement qui permet au Premier ministre de disposer, dans un lieu peu éloigné de Matignon, d'une grande partie des services qui sont éparpillés sur trente-huit sites.

Je vous ai présenté le site, les errements quant à la valorisation du site, et l'impulsion donnée par le Secrétaire général du Gouvernement. Il me reste à vous indiquer le montage juridique et financier un peu atypique qui a été choisi pour cette opération.

L'Etat avait la possibilité de vendre à un propriétaire privé et de relouer les locaux, dans le cadre d'un partenariat public-privé. Il a choisi, en 2011, de nouer un partenariat public-privé avec une société qui est une société de l'Etat.

M. Philippe Marini , président . - C'est un partenariat public-privé avec une société publique !

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Oui, le schéma est celui d'un partenariat public-privé mais l'Etat ne prend pas de risque. Il a trouvé une petite société publique dont, monsieur le président, le rapporteur général de la commission des finances que vous étiez a permis qu'elle prospère.

M. Philippe Marini , président . - Absolument. J'ai contribué à étendre ses missions.

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Cette société, totalement contrôlée par l'Etat, s'appelle la SOVAFIM. Elle avait été créée pour mettre en valeur le patrimoine de Réseau ferré de France, mais devant l'absence d'activité liée à cette mission, le rapporteur général de la commission des finances a permis, en 2006, à cette société d'étendre ses missions à d'autres domaines.

M. Philippe Marini , président . - Votre mémoire est très exacte !

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - C'est d'ailleurs cette société qui a réalisé, pour le compte de l'Etat, la Maison de la Francophonie, avenue Bosquet. Cette opération a apparemment donné satisfaction à tous les acteurs concernés. Mais il s'agissait d'une petite opération.

Là, heureusement ou curieusement, l'Etat a trouvé une solution adaptée au devenir de la SOVAFIM. En 2009, au moment où France Domaine évaluait le patrimoine, la SOVAFIM proposait d'acquérir le bien pour 350 millions d'euros. Il faut dire qu'au Conseil d'administration de la SOVAFIM, il y a deux administrateurs qui sont des représentants de France Domaine. C'est pour cela que je parle d'une opération très « consanguine », c'est la main droite qui parle à la main gauche ! Mais la SOVAFIM, pour continuer d'avoir une activité, avait un objectif : dégager un taux de rendement de 6 %.

L'étude de JLL en 2009 tombe à point car elle justifie de ne pas vendre et le Secrétaire général du Gouvernement souhaite regrouper ses services : chaque partie est donc en mesure de remplir ses objectifs. Mais il apparaît alors que l'Etat ne dispose pas des moyens nécessaires. En 2011, est fixé le principe de ne pas de céder le bien à la SOVAFIM, mais de lui transférer des droits de superficie pour une période déterminée (trente ans finalement), et l'Etat s'engage à payer un loyer : cet engagement se traduit juridiquement en 2013. Ce loyer sera, à la fin de l'opération, un peu supérieur à ce que paient ces mêmes administrations à l'heure actuelle. Mais cela permet quand même, monsieur le président de la commission des finances, d'être hors budget de l'Etat puisqu'on fait une opération avec une société privée ; et d'autre part, cela permet de lisser cette opération : la valeur du bien est estimée entre 200 et 300 millions d'euros et les travaux de l'ordre de 200 millions d'euros. C'est donc une opération globale de l'ordre de 500 millions d'euros et l'Etat conserve ce patrimoine, puisqu'à l'issue de cette période de trente ans, les bâtiments rénovés lui reviendront. La SOVAFIM se sera rémunérée grâce à un taux de rendement qui devrait s'établir à 6 %. Donc, alors que sa dissolution aurait pu être discutée, l'opération « tombe bien » pour cette société.

Par conséquent, même si je considère que le regroupement des services du Premier ministre est pertinent, j'ai qualifié la solution choisie d'un petit peu « acrobatique », sur le plan juridique et financier. En effet, il est difficile de distinguer la réalité des coûts : les loyers sont fixés non en fonction de la valeur du marché mais en fonction de l'équilibre de cette opération et il est impossible de savoir si les coûts de cette opération vont déraper. Comme vous le savez, il est très important de tenir un calendrier pour une opération de cette nature.

Or, le calendrier a pris du retard parce que cette opération dépend des services du Premier ministre et il y a eu, l'an dernier, un changement de majorité et de Premier ministre. La dernière lettre adressée à la SOVAFIM avant le changement de Gouvernement, signée par Valérie Pécresse, ministre du budget, a ainsi été signée deux jours avant l'élection présidentielle. Certes, je ne pense pas que ce dossier soit prioritaire pour le nouveau Premier ministre, mais à ce jour, le projet a déjà pris un an et demi de retard. Cela pose des problèmes, notamment pour certaines autorités indépendantes, et en particulier par exemple pour le Défenseur des droits, qui a essayé de regrouper ses équipes sur deux sites au lieu de quatre ; ses baux arrivant à échéance fin 2014, il souhaitait ardemment s'installer à Fontenoy, où devraient être regroupées les autorités indépendantes. En raison du retard pris, le Défenseur des droits ne pourra s'installer dans les locaux à l'expiration de ses baux.

Par ailleurs, j'estime que ce projet est conduit a minima . En plus de ce montage financier astucieux mais acrobatique, on a essayé de faire des économies. Par exemple, alors que 2 300 à 2 500 agents travailleront sur ce site, seules trente-huit places de parking ont été prévues parce que l'Etat a décidé, à quelques mois des élections présidentielles, de supprimer le parking pour des raisons financières. Or on sait qu'il y aura des usagers qui viendront rencontrer les agents de l'Etat et qu'il s'agit d'un lieu où des problèmes avec les riverains existent, notamment avenue de Ségur. Que l'Etat fasse une opération aussi importante, dans le VII e arrondissement et sacrifie, pour une économie de 10 millions d'euros, cinq étages de parking parce qu'il a un an et demi de retard, illustre l'absence, à ce jour, de pilotage réel. Ce n'est évidemment pas le Premier ministre qui a vocation à tenir ce rôle. J'ai interrogé l'ancien Premier ministre qui, aujourd'hui, est le député de la circonscription : au temps où il était Premier ministre, il n'a pas été mis au courant de ces modalités pratiques et j'imagine évidemment bien volontiers que c'est également le cas de l'actuel Premier ministre.

La solution financière choisie est atypique et onéreuse : on estime son surcoût à près de 30 %, mais elle a le mérite de tenir compte des contraintes budgétaires et peut-être de ne pas trop attirer l'attention d'un certain nombre d'acteurs, je dirais même peut-être du Parlement, sur ce sujet. A ce jour, ce projet suscite une certaine insatisfaction et on peut se demander si la SOVAFIM, qui est une petite structure, est suffisamment armée pour piloter un tel projet ; il n'y pas, à ce jour, d'architecte, puisque la SOVAFIM, qui a signé l'arrêté de transfert et le protocole locatif avec l'Etat il y a quelques semaines, va maintenant mettre en concurrence des promoteurs, et chacun des promoteurs choisira un architecte. Je trouve dommage, pour un projet immobilier de cette nature, de ne pas en avoir fait un enjeu architectural.

J'ai interrogé la Mairie de Paris, qui est d'ailleurs la seule institution n'a pas donné suite à mes demandes d'auditions. J'ai interrogé le maire du VII e arrondissement, à qui j'ai fait connaître l'opération. L'architecte des bâtiments de France rencontré m'a expliqué que le site était sous surveillance du ministère de la culture, mais que pour autant, l'architecte n'était pas associé au projet.

Nous faisons donc face au panorama suivant : France Domaine a répondu à la demande des services de l'Etat, l'opération permet à la SOVAFIM de bénéficier de 6 % de rendement et le Secrétaire général du Gouvernement a résolu ses problèmes immobiliers - heureusement pour l'Etat, d'ailleurs !

Mais désormais, maintenant que les droits ont été transférés à la SOVAFIM, se pose la question de la communication et du pilotage du projet : la SOVAFIM peut-elle véritablement représenter l'Etat, dans la conduite d'un tel projet et alors qu'il s'agit des services du Premier ministre ? Je ne le pense pas, et il me semble que l'on pourrait préconiser au Premier ministre de désigner quelqu'un dans son cabinet ou dans ses services, pour assurer une communication intelligente de l'Etat sur ce projet vis-à-vis de l'extérieur, et notamment des riverains.

M. Philippe Marini , président . - C'est un sujet tout à fait passionnant, monsieur le rapporteur spécial.

Je salue la présence parmi nous de notre collègue Sophie Joissains qui est rapporteur pour avis du programme « Coordination du travail gouvernemental » à la commission des lois.

J'aurais simplement une question supplémentaire : vous nous dites, qu'à terme, en fonction du devis réel, de la date réelle de l'achèvement, le loyer annuel s'élèvera à 20 millions d'euros. Comment ce chiffre se compare-t-il par rapport aux loyers actuellement versés par les différents services qui vont être regroupés ? Ce serait intéressant pour savoir si ce sera supportable par le budget de fonctionnement des services du Premier ministre.

En outre la SOVAFIM est certes une structure légère, mais elle peut se doter de moyens, d'études, de conseils très performants. Ce n'est pas parce que ses salariés ne sont pas des fonctionnaires qu'ils sont moins compétents.

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Actuellement les loyers s'élèvent à environ 24 millions d'euros. A la fin de l'opération cependant, en 2029, les loyers versés seraient de l'ordre de 3 millions d'euros supérieurs aux loyers actuellement versés, mais cette différence est difficile à estimer dans la mesure où on ne sait pas, pour les loyers actuels, s'ils n'auraient pas également été indexés. De plus, les locaux qui, à terme, reviendront à l'Etat, seront rénovés et, enfin, vous avez bien compris que cette somme englobe les loyers et le financement de l'opération. S'agissant des loyers, je pense qu'à terme le calcul économique est bon. La réduction du nombre d'implantations, de trente-huit à dix-huit sites pourrait permettre de dégager 165 millions d'euros de produits de cession ; j'espère que la valorisation de ces sites sera effectuée d'une autre manière que pour ce bien.

S'agissant de votre appréciation sur la SOVAFIM, monsieur le président, je la partage totalement : c'est une petite structure, j'ai rencontré ses dirigeants. Incontestablement, sa légèreté peut être un signe de compétitivité et de compétences. Je signale simplement à la commission que c'est une petite entreprise et qu'un certain nombre d'interlocuteurs de l'Etat ont été satisfaits de la réalisation de la mission qui lui avait été confiée s'agissant de la Maison de la Francophonie. Pour autant, elle a fait l'objet d'une critique de la Cour des comptes, qui ne porte pas sur son action mais sur l'utilité pour l'Etat d'être propriétaire d'une société comme celle-là, dont on peut se demander s'il n'aurait pas fallu la dissoudre. Cette opération, qui est beaucoup plus importante que celle de l'avenue Bosquet, procure une activité pour trente ans à la SOVAFIM. Pour autant, je partage votre appréciation : c'est une structure légère, et a priori compétitive.

M. Vincent Delahaye . - C'est un dossier qui montre les carences dans la gestion immobilière de l'Etat. Je suis assez effaré de voir un projet dont l'enjeu global est de l'ordre de 500 millions d'euros et dont le précédent Premier ministre n'était pas courant. L'actuel n'a pas l'air non plus d'en prendre le pilotage.

Vous parlez d'un site d'exception, mais à Paris il n'y a que cela ! Il faut donc faire attention avec l'expression « site d'exception » : j'ai eu l'occasion de visiter les bâtiments à plusieurs reprises, ils n'ont rien d'exceptionnel, mais sont bien situés dans Paris...

Ensuite, passer de trente-huit à dix-huit implantations me semble aller dans le sens de la rationalisation. On passe de 17 à 11 mètres carrés par agent, mais par rapport aux 55 000 mètres carrés, si je fais le rapport, j'économise normalement 27 000 mètres carrés, mais il est prévu seulement une diminution de 9 000 mètres carrés ? L'économie de 17 à 11 mètres carrés par agent devrait être beaucoup plus importante. Le ratio de 11 ou 12 mètres carrés par agent est un bon ratio, qui est utilisé par les entreprises. Dès lors, je ne vois pas pourquoi les services de l'Etat ne s'appliqueraient pas.

De plus, je pense qu'on peut trouver des loyers nettement inférieurs à 400 euros par mètres carrés en région parisienne, voire dans certains quartiers de Paris. Aujourd'hui, malgré notre déficit budgétaire colossal, investit 20 millions d'euros par an sur trente ans. Et d'ailleurs, pourquoi 370 millions d'euros d'ouvertures d'autorisations d'engagement ? Ils ne correspondent pas aux loyers pendant trente ans.

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Le calcul est effectué sur douze ans, et le loyer est indexé chaque année.

M. Vincent Delahaye . - En tout cas, cette somme me paraît très importante.

Je suis aussi surpris que des procédures d'exception soient permises : il y a beaucoup de règles et de procédures que les collectivités territoriales doivent appliquer et dont les services de l'Etat s'affranchissent.

J'ai donc beaucoup d'interrogations. Je ne mésestime pas les travaux du rapporteur spécial, mais je trouve que sur un projet comme celui-ci, il faudrait disposer d'un pilotage beaucoup plus fin du projet, et notamment quels biens pourront être vendus du fait de sa réalisation.

Ne pourrait-on pas aller ailleurs : à Massy, je connais des bâtiments à 200 euros le mètre carré ! Le Défenseur des droits par exemple, qui nous interpelle souvent, pourrait venir à Massy.

M. Philippe Marini , président . - Il y a quand même une différence entre payer aujourd'hui environ 23 millions d'euros de loyers à des propriétaires privés et, à terme, 20 millions d'euros à une entreprise détenue à 100 % par l'Etat, tout en gardant la propriété du bien. En termes patrimoniaux, ce n'est pas du tout le même équilibre.

M. Jean Germain . - Une première observation, qui revient souvent finalement, sur l'importance des différences d'évaluation entre France Domaine et la vérité du prix du marché. Est-ce que cela peut durer ? Soit on a une structure d'Etat qui évalue correctement les choses, soit on ne peut plus avoir confiance dans cette structure. Pour les collectivités territoriales, une telle appréciation peut interdire tout projet sur un site, tout peut être bloqué et c'est gênant. On me dit que, maintenant, la valeur du terrain sera évaluée lorsque le projet implanté sur ce terrain sera achevé

Qu'un ancien Premier ministre ou un nouveau ne soit pas au courant de ces questions, personnellement, cela ne me choque pas trop car je pense que c'est le Secrétaire général du Gouvernement qui doit suivre ce genre de sujet.

En revanche, le montage est un peu curieux.

M. Philippe Marini , président . - Il est innovant.

M. Jean Germain . - Tout à fait. Mais, comme en matière d'opération chirurgicale, on aime que ce qui est innovant soit également sérieux.

Quant aux compétences de la SOVAFIM, je ne suis pas assez instruit pour répondre à cette question. Je rappelle simplement que la Cour des comptes a demandé la dissolution de cette société, en considérant qu'elle avait été créée pour gérer des friches de Réseau ferré de France et qu'elle n'a pas le volume financier suffisant pour réaliser de grosses opérations. Effectivement, quand on regarde ce qu'a fait la SOVAFIM en dehors de la Maison de la Francophonie, elle a réhabilité d'anciennes maisons d'arrêt et des gendarmeries. Cela lui donne-t-il la compétence pour un tel projet ? Dans un contexte où nous devons être vigilants vis-à-vis des finances publiques, peut-on se lancer dans une telle opération avec tant d'incertitudes ? Poser la question est un peu y répondre.

M. Philippe Marini , président . - Je me permets de rappeler que, s'agissant des finances publiques et du patrimoine public, on reste quand même dans un « univers Etat ». C'est un montage entre l'Etat et lui-même.

M. Jean Germain . - Oui, un montage entre l'Etat et lui-même, par lequel il considère qu'il est nécessaire de faire un partenariat public-privé avec une société publique de droit privé, qui sont des choses qu'on interdirait aux collectivités territoriales.

M. Philippe Marini , président . - Ce n'est pas autre chose qu'une société d'économie mixte et de multiples opérations sont faites par de nombreuses collectivités territoriales avec de telles sociétés d'économie mixte.

M. Jean Germain . - Je ne parlais pas de cela : faire appel à ce genre de société, pour intervenir dans le VII e arrondissement, lieu où se concentrent d'illustres services de l'Etat, et alors qu'il y a déjà eu par exemple l'histoire de l'auditorium de Paris, me paraît un peu curieux. Personnellement, je suis assez réservé.

M. Roger Karoutchi . - Je remercie le rapporteur spécial de sa présentation, car je me demandais ce que devenait ce bâtiment, que j'ai également bien connu, puisque le ministère de Fadela Amara y avait ses bureaux à un étage.

Nous faisons face, je crois, à un manque de volonté, et que ce soit de la part de la gauche ou de la droite. L'Etat a décidé de vendre des ministères, des bâtiments publics. L'hôtel de Clermont a été estimé par France Domaine à un prix tel que, par définition, il n'y avait aucun client. Les services de France Domaine considèrent qu'il ne faut pas brader les intérêts de l'Etat, mais l'estimation de n'importe quel cabinet privé est inférieure de 20 à 25 % à celle de France Domaine. Après réflexion et face à l'absence de client, l'Hôtel de Clermont a été retiré de la vente. En réalité, très peu d'immeubles d'Etat ayant été des ministères ont été vendus. Je ne dis pas que France Domaine surévalue, mais France Domaine ne veut pas être accusé d'avoir sous-évalué.

Je ne suis pas sûr qu'il faille mettre en cause l'ancien Premier ministre. Le ministre, même dans un petit ministère, n'est pas toujours très informé de ce type de projet.

Dans l'Hôtel de Clermont, un service dépendait directement du Premier ministre, qui était la direction de la communication et devait partir en banlieue. Elle ne l'a jamais fait, et la direction, dans la pratique, n'avait qu'assez peu de liens avec Matignon, situé à 200 mètres. A part la directrice, qui allait à Matignon une fois par semaine, les autres agents ne bougeaient pas.

Aujourd'hui, malheureusement, personne ne porte la responsabilité globale de la vente des bâtiments publics prestigieux.

Sur les 2 300 personnes que l'on va mettre dans ce centre, sincèrement, il y en a quelques-uns seulement qui auront des réunions à Matignon et les autres travailleront sur place mais n'auront pas de lien réel, physique, avec Matignon.

J'ai protesté contre un projet de recentralisation de services de la région, car c'est trop cher et je m'oppose systématiquement à toutes les locations ou achats dans le VII e arrondissement. Il faut certes que les ministres et les cabinets ministériels soient au coeur de Paris, mais que tous les services rattachés se situent dans l'un des quartiers les plus chers de Paris n'est pas utile. Cette opération est coûteuse, et je ne suis pas convaincu de son intérêt.

M. Philippe Marini , président . - En réalité, sur un plan patrimonial, on pourrait se dire : en 2017 et après rénovation, est-ce que l'Etat pourrait revendre cet immeuble à son prix de revient, rénovation comprise ? Si oui, bonne opération. Si non, risque.

M. Philippe Dominati , rapporteur spécial . - Pour répondre à Vincent Delahaye, je n'ai pas dit que le Premier ministre, l'ancien ou le nouveau, se désintéressait de ce projet : mais ce sont en effet les services qui gèrent ce dossier. Ils ont été informés de l'existence de ce dossier et, une fois le feu vert donné, celui-ci relève de la logistique.

S'agissant de la qualification de « site d'exception », les bâtiments en eux-mêmes ne le sont peut-être pas, mais il s'agit des services du Premier ministre. Et cela me permet de répondre à Roger Karoutchi : si l'on souhaite que les services du Premier ministre soient situés à proximité de Matignon, il y a peu d'endroit où 55 000 mètres carrés sont disponibles. Le meilleur moyen de diminuer le loyer serait encore de déménager Matignon !

Sur le passage de 17 à 11 mètres carrés par agent : 55 000 mètres carrés sur les 122 000 mètres carrés des services du Premier ministre seront occupés par le Centre du Gouvernement, le ratio indiqué et qui diminue grâce au projet concerne les seuls services concernés par le déménagement. Grâce au projet, le ratio diminue donc, pour les services concernés par le déménagement, mais les architectes feront face à des difficultés car les couloirs sont particulièrement larges et il sera difficile de faire des plateaux comme dans les bureaux modernes. Les services du Premier ministre entrent en conformité avec la norme de 12 mètres carrés par agent grâce à cette rénovation immobilière.

Concernant l'évaluation de France Domaine, je partage les observations de nos collègues Jean Germain et Roger Karoutchi : les services ne veulent pas brader, mais le résultat est dramatique pour le décideur, quel qu'il soit, puisqu'on aboutit à un écart de 33 % pour des évaluations réalisées à trois mois d'intervalle.

Le montage est curieux. En cas de dérapage, le taux de rentabilité de la SOVAFIM ne serait plus de 6 %. Il s'agit de l'argent de l'Etat et c'est peut-être cela qui a conduit à s'affranchir de la rigueur que vous souhaitez. C'est pour cette raison que je m'interroge sur le devenir de la SOVAFIM, qui s'est vue confier ce projet à point nommé.

Enfin, le manque de volonté évoqué par Roger Karoutchi risque de perdurer avec le pilotage assuré à partir de maintenant par la SOVAFIM. C'est pourquoi je suggère que l'Etat assure le suivi de l'opération, voire la pilote. Car je suis persuadé que la SOVAFIM ne peut assurer le pilotage compte tenu de sa nature : elle a une technicité mais elle n'a pas la compétence pour représenter l'Etat dans le devenir de cette opération.

A l'issue de ce débat, la commission a donné acte de sa communication à M. Philippe Dominati, rapporteur spécial et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.


* 1 Avis domanial, France Domaine Paris, 15 janvier 2013.

* 2 Rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale de la Francophonie relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la Francophonie à Paris, par Mme Catherine Tasca, n° 540 (2008-2009).

* 3 Audition de Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, par la commission des finances du Sénat, 17 juillet 2007.

* 4 A partir de juin 2010, la direction des services administratifs et financiers du Premier ministre a assuré la gestion du bâtiment de l'avenue de Ségur, alors que le ministère de l'Ecologie, du Développement Durable et de l'Energie était affectataire du bâtiment de la place de Fontenoy, qu'il a occupé jusqu'à la fin du mois de mai 2013. Ainsi, divers services ont été temporairement hébergés sur le site de l'avenue de Ségur, notamment pendant la durée de travaux effectués à leur adresse habituelle, ce qui a permis d'éviter que le bâtiment ne soit vide.

* 5 Services du Premier ministre, réponse au questionnaire.

* 6 En effet, le ministère de la santé ainsi que la préfecture de la région Ile-de-France ont également adressé des propositions à France Domaine, écartées au motif qu'elles « paraissent non conformes aux orientations de la politique immobilière : si elles permettent de se rapprocher du coeur historique des deux administrations (avenue Duquesne pour le ministère de la santé ; rue Barbet de Jouy pour la préfecture), elles conduiraient à installer dans le VII e arrondissement des services qui en sont parfois éloignés, dont la synergie de leur regroupement n'est pas toujours évidente, et donc les coûts actuels d'implantation sont, pour la préfecture, modérés ».

* 7 Rapport d'information fait au nom de la commission des finances sur l'Etat locataire par Mme Nicole Bricq, n° 510 (2008-2009).

* 8 « SOVAFIM - Un objectif : la création de valeur au profit de l'Etat », business immo, édition spéciale, 2010.

* 9 « La SOVAFIM : un intervenant sans utilité réelle », Cour des comptes, rapport public annuel 2011 - février 2011.

* 10 Rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et l'Organisation internationale de la Francophonie relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la Francophonie à Paris, par Mme Catherine Tasca, n° 540 (2008-2009).

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