CHAPITRE I - L'ÉVOLUTION DE L'AVIATION CIVILE SUR LES QUARANTE DERNIÈRES ANNÉES
De façon probablement moins spectaculaire que d'autres secteurs économiques, comme les technologies de l'information, l'aviation civile a conduit depuis quarante ans une révolution silencieuse qui en a profondément modifié les conditions d'activité.
Cette évolution a été acquise grâce à la croissance de la demande de transport aérien et à l'intégration progressive d'une offre technologique qui a permis de très importants progrès de productivité. Mais, paradoxalement, ce mouvement n'a pas permis de diminuer la fragilité économique du secteur.
A. L'AUGMENTATION DU TRAFIC
En quarante ans, le nombre de voyageurs 1 ( * ) a été multiplié par 10 (et le fret aérien par 14).
Source : ICAO, IATA, Haver
Il est à noter que cette croissance a été :
- étroitement corrélée à la croissance du commerce international et trois fois supérieure à celle du PNB mondial ;
- et, assise sur le développement urbain, en particulier, sur celui des plus grandes villes.
Les 26 agglomérations de plus de 10 millions d'habitants regroupent 20 % du trafic, les 62 agglomérations de plus de 5 millions d'habitants 40 % du trafic, étant précisé qu'une grande partie de ce trafic repose sur les liaisons entre ces agglomérations.
B. LES PROGRÈS SCIENTIFIQUES TECHNOLOGIQUES
Ces progrès ont affecté l'ensemble des composants de la chaîne de valeur de l'aviation civile car il est clair que la croissance du trafic, très fortement concentrée sur les principaux aéroports et dans des espaces aériens dont les approches sont, par définition, limitées, n'aurait pas pu s'effectuer si les aérogares, les pistes et les capacités de traitement de la navigation aérienne n'avaient pas évolué en parallèle aux technologies proprement aéronautiques.
Sur ce dernier point, les progrès conjugués des architectures, des matériaux, de l'avionique et de la motorisation ont permis des avancées importantes.
Les innovations dans ces domaines ont, ainsi, assuré une « révolution tranquille » dont on doit relever la double nature :
- d'une part, une amélioration progressive dans chacun des secteurs qui concourent à la mise au point de nouveaux modèles d'avions,
- mais, d'autre part, des ruptures technologiques fortes comme celles constituées par l'introduction d'une électronique de bord de plus en plus sophistiquée ou l'utilisation des matériaux composites dans les architectures ou les moteurs.
Dernières remarques sur ces progrès :
- de nature technologique, ils se sont aussi nourris de progrès des sciences fondamentales, sans lesquelles ils n'auraient pas pu être développés ;
- la constitution de cette chaîne de valeur scientifique et technologique repose sur des constantes temps très longs : 20 ans pour la mise au point des arbres en céramique des moteurs ; une durée analogue entre la mise au point de nouveaux concepts mathématiques et leur emploi pour créer des logiciels de vérification de logiciels eux-mêmes de plus en plus employés dans la conception des avions.
Cette extension des délais de mise sur le marché (de l'ordre du double du temps qu'il n'en faut pour proposer une nouvelle molécule dans l'industrie pharmaceutique) est une des particularités du secteur. On n'aura garde d'oublier qu'elle a son revers en termes de retour sur investissement.
1. Des avions plus gros et mieux remplis
Si l'on reprend, sur les vingt dernières années, les évolutions comparées du trafic de passagers et du fret, l'on s'aperçoit que ces deux dernières grandeurs ont beaucoup plus progressé que le nombre de mouvements aériens :
Source : Rapport Académie des sciences
En d'autres termes, depuis 20 ans, le volume du fret a été multiplié par 40, le nombre de passagers par 2, alors que les mouvements d'avions n'ont crû que de 20 %.
Ceci s'explique par trois facteurs :
- le développement des capacités d'emport des avions qui n'a pas uniquement porté sur les longs courriers, mais a aussi concerné les courts et moyens courriers,
- les nouvelles technologies de l'information et la diversification des modèles économiques aidant, la croissance du taux de remplissage des avions est passée de 55 % en 1970 à plus de 75 % en 2010,
- l'augmentation (depuis 1990) du nombre des heures de vols quotidiennes moyennes des avions (de 8 heures 30 à 10 heures 30) qui a, principalement, reposé sur l'amélioration de la gestion de la maintenance (qui est devenue elle-même une des contraintes de conception des nouveaux modèles) et sur la croissance des taux de rotation.
Source : ICAO, ACAS
* 1 Mesuré par ce qu'on appelle RPKs (c'est-à-dire le revenu perçu par les compagnies aériennes par passager au km).