PREMIÈRE PARTIE - LES RESSOURCES EN HYDROCARBURES NON CONVENTIONNELS : MIRAGE OU MIRACLE ?
I. UNE RÉVOLUTION ÉNERGÉTIQUE MONDIALE
Les ressources mondiales en hydrocarbures non conventionnels ne font l'objet que d'estimations sommaires. Les réserves - qui, par rapport aux ressources, dépendent au surplus des conditions économiques en vigueur - sont encore plus difficilement appréhendables. C'est pourquoi les estimations publiées fluctuent régulièrement, dans les pays qui explorent leurs réserves, par exemple en Pologne, où elles ont été revues à la baisse, et aux États-Unis, où elles ont, au contraire, été récemment réévaluées à la hausse.
Au-delà de ces fluctuations, il est néanmoins communément admis que l'exploitation des ressources non conventionnelles est à l'origine d'une véritable révolution énergétique mondiale.
A. NATURE ET ÉVALUATION DES RESSOURCES : DE QUOI PARLE-T-ON ?
Les hydrocarbures non conventionnels sont de plusieurs types. L'évaluation des quantités présentes dans le sous-sol soulève des problèmes de définition qu'il convient d'aborder rapidement avant d'entrer dans le vif du sujet.
1. Des ressources « non conventionnelles » multiformes
La définition de ce qui relève du « non conventionnel » évolue par nature au cours du temps, car elle dépend de l'évolution des techniques. Ainsi l'extraction du gaz de Lacq, bien qu'elle n'ait pas requis l'emploi de technologies de fracturation hydraulique, aurait pu, à ses débuts, être qualifiée de « non conventionnelle » car elle a nécessité des ruptures technologiques.
Ce ne sont évidemment pas les hydrocarbures extraits qui sont non conventionnels, mais les techniques nécessaires à leur production. Les hydrocarbures extraits sont de même nature et de même composition que les hydrocarbures dits conventionnels. En revanche, les techniques employées pour les produire sont différentes. Ces techniques sont choisies en conséquence des conditions d'accumulation de cet hydrocarbure dans le sous-sol.
FORMATION DES HYDROCARBURES NON CONVENTIONNELS Sous l'effet de l'augmentation de la pression et de la température avec la profondeur, la roche-mère produit des hydrocarbures (huiles, gaz) et un résidu insoluble appelé kérogène. Huiles et gaz peuvent s'échapper de la roche-mère et migrer à travers des roches perméables jusqu'à qu'ils soient arrêtés par des roches imperméables formant une « couverture ». Les hydrocarbures s'accumulent alors dans la roche poreuse pour former un réservoir. Il s'agit d'un gisement dit conventionnel. S'ils ne sont pas arrêtés lors de leur migration ces hydrocarbures peuvent s'échapper à la surface. Une partie des hydrocarbures générés peut ne pas être expulsée et demeurer au sein de la roche-mère, formant alors un gisement non conventionnel.
Source : Bruno Goffé |
À l'heure actuelle, les termes « hydrocarbures non conventionnels » permettent de regrouper trois types de ressources fossiles :
- Les hydrocarbures de roche-mère , qui comprennent :
le gaz de roche-mère (« shale gas »), issu d'un enfouissement très important (supérieur à 4 000 m : « fenêtre à gaz ») ;
l'huile de roche-mère (« shale oil »), issue d'un enfouissement moins important (2 000 à 4 000 m).
Ces hydrocarbures de roche-mère présentent la caractéristique de n'avoir pas pu migrer pour s'accumuler dans un réservoir. Ils sont restés dispersés au sein d'une roche peu perméable de type argileux (pélite).
- Les hydrocarbures de réservoirs compacts (« tight gas / oil »), accumulés dans des roches imperméables, difficiles à exploiter car emprisonnés dans des roches où la pression est très forte.
- Le gaz de houille (gaz de mines : « coalmine methane » ou gaz de couche : « coalbed methane ») qui présente la caractéristique d'être absorbé dans du charbon.
Les schistes et sables bitumineux sont aussi parfois rangés dans cette catégorie des hydrocarbures non conventionnels. Leur exploitation nécessite un traitement thermique particulier. Ils présentent des problématiques économiques et écologiques qui leur sont propres et ne sont pas étudiés dans le présent rapport.