Rapport n° 640 (2012-2013) de MM. Jean-Claude LENOIR , sénateur et Christian BATAILLE, député, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, déposé le 5 juin 2013
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AVANT-PROPOS
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PREMIÈRE PARTIE - LES RESSOURCES EN
HYDROCARBURES NON CONVENTIONNELS : MIRAGE OU MIRACLE ?
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DEUXIÈME PARTIE - DES TECHNOLOGIES
D'EXTRACTION DIVERSES ET ÉVOLUTIVES
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I. LES TECHNOLOGIES SANS FRACTURATION : LE CAS
DU GAZ DE HOUILLE
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II. LA FRACTURATION HYDRAULIQUE : UNE
TECHNIQUE ANCIENNE ET MAÎTRISABLE
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III. LES ALTERNATIVES À LA FRACTURATION
HYDRAULIQUE : DES PISTES DE RECHERCHE À EXPLORER
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I. LES TECHNOLOGIES SANS FRACTURATION : LE CAS
DU GAZ DE HOUILLE
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CONCLUSION GÉNÉRALE
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SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS
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EXAMEN EN DÉLÉGATION
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COMPTE-RENDU DE LA RÉUNION DU
COMITÉ SCIENTIFIQUE DU 23 MAI 2013
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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
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PROGRAMME DE L'AUDITION OUVERTE À LA
PRESSE DU 18 AVRIL 2013
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ÉTUDE DE FAISABILITÉ
N° 1115
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 QUATORZIÈME LÉGISLATURE |
N° 640
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
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Enregistré à la Présidence de
l'Assemblée nationale
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Enregistré à la Présidence du
Sénat
|
OFFICE PARLEMENTAIRE D'ÉVALUATION
DES CHOIX SCIENTIFIQUES ET TECHNOLOGIQUES
RAPPORT D'ÉTAPE
sur
« Les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels »
par M. Jean-Claude LENOIR, sénateur, et M. Christian BATAILLE, député
Déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale par M. Jean-Yves LE DÉAUT, Premier Vice-président de l'Office |
Déposé sur le Bureau du Sénat Par M. Bruno SIDO, Président de l'Office |
Composition de l'Office parlementaire
d'évaluation des choix scientifiques
et technologiques
Président
M. Bruno SIDO, sénateur
Premier Vice-président
M. Jean-Yves LE DÉAUT, député
Vice-présidents
M. Christian BATAILLE, député |
M. Roland COURTEAU, sénateur |
Mme Anne-Yvonne LE DAIN, députée |
M. Marcel DENEUX, sénateur |
M. Jean-Sébastien VIALATTE, député |
Mme Virginie KLÈS, sénatrice |
DÉPUTÉS |
SÉNATEURS |
M. Denis BAUPIN M. Alain CLAEYS M. Claude de GANAY Mme Anne GROMMERCH Mme Françoise GUEGOT M. Patrick HETZEL M. Laurent KALINOWSKI M. Alain MARTY M. Philippe NAUCHE Mme Maud OLIVIER Mme Dominique ORLIAC M. Bertrand PANCHER M. Jean-Louis TOURAINE |
M. Gilbert BARBIER Mme Delphine BATAILLE M. Michel BERSON Mme Corinne BOUCHOUX M. Marcel-Pierre CLÉACH Mme Michèle DEMESSINE Mme Chantal JOUANNO Mme Fabienne KELLER M. Jean-Pierre LELEUX M. Jean-Claude LENOIR Mme Marie-Noëlle LIENEMANN M. Christian NAMY M. Jean-Marc PASTOR Mme Catherine PROCACCIA |
AVANT-PROPOS
À la suite de la loi du 13 juillet 2011, qui a interdit la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures, le rapport Gallois 1 ( * ) a préconisé une reprise des recherches sur les hydrocarbures non conventionnels, dans un but de relance de la compétitivité. Puis, le président de la République a indiqué lors d'une conférence de presse, le 13 novembre dernier, que la recherche demeurait possible sur d'autres techniques que la fracturation hydraulique. La Commission des affaires économiques du Sénat a, peu après, saisi l'Office parlementaire d'une étude sur « les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste ».
L'Office parlementaire a approuvé l'étude de faisabilité et le programme de travail de ses rapporteurs le 31 janvier dernier. Sur proposition de ceux-ci, il a été décidé de substituer les termes d'« hydrocarbures non conventionnels » à ceux de « gaz de schiste », afin d'élargir le champ des investigations au pétrole de roche-mère et au gaz de houille, qui constituent deux composantes importantes des ressources potentielles françaises.
Le programme de travail prévoit la présentation du présent rapport d'étape, qui précède un rapport final prévu pour l'automne prochain. Vos rapporteurs ont, en effet, procédé depuis janvier dernier à de nombreuses auditions et à plusieurs déplacements (en Lorraine, dans le Nord Pas-de-Calais et en Seine-et-Marne). Ils jugent utile de rendre compte dès aujourd'hui de leurs premières conclusions, avant de se rendre aux États-Unis et en Pologne comme le prévoit la seconde partie de leur programme de travail. Vos rapporteurs souhaitent, en effet, inscrire leur étude dans le calendrier du débat national sur la transition énergétique, engagé par le Gouvernement à la fin 2012 et qui doit aboutir à un projet de loi de programmation à l'automne 2013.
Vos rapporteurs entendent ainsi verser leurs premières conclusions à ce débat.
Un comité scientifique a été constitué afin d'éclairer les rapporteurs dans leurs travaux. Les membres de ce comité ont été choisis pour assurer la représentation de diverses disciplines scientifiques et technologiques, indépendamment de tout intérêt direct comme parties prenantes au débat sur les hydrocarbures non conventionnels. Ils ont été invités à participer en tant que « discutants » à l'audition ouverte à la presse organisée par l'Office parlementaire sur le thème du présent rapport le 18 avril dernier. Ils ont également été invités à débattre des principales conclusions de vos rapporteurs, lors d'une réunion organisée le 23 mai, dont un compte-rendu figure, ci-après, en annexe. Il convient de préciser que lesdites conclusions ne sauraient engager les membres du comité scientifique, dont le rôle est consultatif.
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Quels sont les enjeux associés au développement des hydrocarbures non conventionnels ?
Le présent rapport d'étape traite des modalités techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures non conventionnels (HNC) et non des enjeux économiques associés qui seront abordés dans le rapport définitif. Il convient néanmoins de rappeler le caractère essentiel de ces enjeux. Le récent Conseil européen sur l'énergie (22 mai 2013) s'en est d'ailleurs fait l'écho en mandatant la Commission d'un travail sur le développement de ressources énergétiques « indigènes » à l'Union européenne : il s'agit d'assurer notre sécurité d'approvisionnement, de réduire notre dépendance énergétique et de stimuler notre croissance économique.
La dépendance énergétique de la France est aujourd'hui presque totale s'agissant du pétrole et du gaz. Notre facture énergétique s'élève à 68 Mds€ en 2012, ce qui représente 83 % de notre déficit commercial (hors matériel militaire). Cette facture a connu une dégradation importante au cours de la dernière décennie. Nous ne produisons guère plus de 1 % du pétrole et du gaz que nous consommons. Or le pétrole et le gaz représentent toujours une part importante de notre consommation d'énergie primaire (respectivement 31 % et 15 %). Nous ne pourrons pas nous passer des énergies fossiles au cours des prochaines décennies, même si leur place est amenée à décroître à long terme. Tous les scénarios présentés au débat national sur la transition énergétique prévoient d'ailleurs que le recours aux hydrocarbures restera significatif aux horizons 2030 et 2050.
ÉVOLUTION DE LA FACTURE ÉNERGÉTIQUE 2003-2012
Dans ce contexte, le recours aux hydrocarbures non conventionnels ne doit pas être conçu comme un moyen d'accroître notre « addiction » aux énergies fossiles. Les HNC permettent, au contraire, d'envisager une ressource de substitution à de coûteuses importations. Ils pourraient ainsi contribuer à financer la transition vers des énergies renouvelables.
L'enjeu économique dépasse le seul secteur énergétique. Aux États-Unis, le président Barack Obama a indiqué que les hydrocarbures non conventionnels étaient susceptibles de créer 600 000 emplois d'ici à 2020. L'impact d'une énergie peu chère sur la compétitivité et l'emploi est considérable.
Pour la France, un cabinet de conseil 2 ( * ) a estimé à 100 000 le nombre d'emplois susceptibles d'être créés par un développement des HNC d'ici à 2020. Même si ce chiffre doit être considéré avec réserve, dans la mesure où nous ne disposons que d'estimations sommaires de nos ressources, il donne la mesure de l'enjeu économique.
Le secteur pétrolier et parapétrolier français a fait naître des entreprises de stature internationale (Total, Schlumberger, Technip, CGG, Vallourec...). La France est le deuxième exportateur mondial d'équipements et de services à l'industrie des hydrocarbures. Cette compétence doit continuer à être développée. L'exploitation de nouvelles ressources contribuerait aussi à la compétitivité de notre industrie dans d'autres secteurs, notamment l'industrie chimique, pour laquelle les hydrocarbures représentent la principale matière première. Aux États-Unis, le prix du gaz pour les industriels est aujourd'hui trois fois inférieur à son prix en France. Des délocalisations d'entreprises outre-Atlantique sont à craindre, en raison de l'écart de compétitivité que la manne gazière et pétrolière a créé entre les États-Unis et l'Europe.
Il est donc nécessaire d'étudier la possibilité d'exploiter les ressources de notre sous-sol. Mais pas à n'importe quel prix.
*
Peut-on exploiter nos ressources non conventionnelles de façon respectueuse de l'environnement ?
Le présent rapport explore les voies d'une exploitation de nos ressources non conventionnelles respectueuse de l'environnement.
Il convient, en premier lieu, de bien définir ce dont on parle et de distinguer ce qui doit l'être 3 ( * ) . Le développement du gaz de houille ne pose pas les mêmes questions que celui du gaz et du pétrole de roche mère, car il ne nécessite pas l'emploi de la fracturation hydraulique. Les termes « non conventionnel » ne qualifient pas la nature des hydrocarbures mais leurs modalités d'extraction. Ce que ces termes recouvrent varie dans le temps : ainsi, des ressources considérées comme non conventionnelles hier sont aujourd'hui considérées comme conventionnelles. C'est le cas, par exemple, pour l'exploitation en mer profonde ( deep offshore ). Certaines ressources dites non conventionnelles peuvent être exploitées sans fracturation hydraulique (c'est le cas du gaz de houille) ; à l'inverse la fracturation hydraulique est parfois utilisée pour l'exploitation conventionnelle, ou pour d'autres usages (notamment en géothermie). Une vision manichéenne des choses est donc inadaptée. À l'inverse, il faut se demander comment faire progresser les technologies et comment encadrer leur usage pour garantir leur innocuité environnementale.
La France possède toutes les compétences nécessaires pour ce faire. L'activité de forage y est ancienne puisque, depuis 70 ans, plus de 6 000 puits ont été forés dans notre pays.
Une exploration/exploitation des HNC respectueuse de l'environnement est possible, à condition de favoriser la recherche sur ce sujet et de mettre en place un cadre réglementaire adapté.
Il convient, en premier lieu, d'évaluer aussi précisément que possible nos ressources, ce que l'on peut commencer à faire par la recherche et par l'emploi de techniques non invasives, avant d'envisager de premiers forages d'exploration. Il faut aussi évaluer plus précisément l'impact environnemental et les voies d'amélioration possibles des diverses technologies employables. À court terme, les auditions réalisées ont montré que la voie la plus prometteuse était celle d'une amélioration de la fracturation hydraulique. D'autres techniques méritent néanmoins l'examen, dont certaines sont déjà opérationnelles, comme la stimulation au propane .
*
Les esprits semblent aujourd'hui évoluer sur ce sujet des HNC. Le Royaume-Uni et l'Allemagne s'engagent sur la voie d'une exploitation encadrée. Le Conseil européen du 22 mai a indiqué que la Commission travaillait au développement des ressources énergétiques « indigènes » de l'Europe, afin de diversifier ses sources d'approvisionnement.
En France, vos rapporteurs ont été heureux de constater que les HNC n'étaient pas complètement absents du débat national sur la transition énergétique : ils approuvent, à cet égard, la recommandation émise par le groupe de travail n° 2, consacré au « mix et scénarios énergétiques ». Cette recommandation tend, en effet, « pour permettre une meilleure connaissance des ressources du sol français et des techniques d'extraction », à « engager un programme de recherche sur ces questions et étudier la possibilité d'une exploitation des gaz de schiste respectueuse de l'environnement » (recommandation n° 23). Ils approuvent également la préconisation du groupe de travail n° 4, consacré au financement, tendant à ce que l'on utilise l'exploitation des gaz de schiste comme un moyen de financer la transition énergétique (proposition n° 11). Vos rapporteurs souhaitent que ces recommandations soient rapidement suivies d'effets.
PREMIÈRE PARTIE - LES RESSOURCES EN HYDROCARBURES NON CONVENTIONNELS : MIRAGE OU MIRACLE ?
I. UNE RÉVOLUTION ÉNERGÉTIQUE MONDIALE
Les ressources mondiales en hydrocarbures non conventionnels ne font l'objet que d'estimations sommaires. Les réserves - qui, par rapport aux ressources, dépendent au surplus des conditions économiques en vigueur - sont encore plus difficilement appréhendables. C'est pourquoi les estimations publiées fluctuent régulièrement, dans les pays qui explorent leurs réserves, par exemple en Pologne, où elles ont été revues à la baisse, et aux États-Unis, où elles ont, au contraire, été récemment réévaluées à la hausse.
Au-delà de ces fluctuations, il est néanmoins communément admis que l'exploitation des ressources non conventionnelles est à l'origine d'une véritable révolution énergétique mondiale.
A. NATURE ET ÉVALUATION DES RESSOURCES : DE QUOI PARLE-T-ON ?
Les hydrocarbures non conventionnels sont de plusieurs types. L'évaluation des quantités présentes dans le sous-sol soulève des problèmes de définition qu'il convient d'aborder rapidement avant d'entrer dans le vif du sujet.
1. Des ressources « non conventionnelles » multiformes
La définition de ce qui relève du « non conventionnel » évolue par nature au cours du temps, car elle dépend de l'évolution des techniques. Ainsi l'extraction du gaz de Lacq, bien qu'elle n'ait pas requis l'emploi de technologies de fracturation hydraulique, aurait pu, à ses débuts, être qualifiée de « non conventionnelle » car elle a nécessité des ruptures technologiques.
Ce ne sont évidemment pas les hydrocarbures extraits qui sont non conventionnels, mais les techniques nécessaires à leur production. Les hydrocarbures extraits sont de même nature et de même composition que les hydrocarbures dits conventionnels. En revanche, les techniques employées pour les produire sont différentes. Ces techniques sont choisies en conséquence des conditions d'accumulation de cet hydrocarbure dans le sous-sol.
FORMATION DES HYDROCARBURES NON CONVENTIONNELS Sous l'effet de l'augmentation de la pression et de la température avec la profondeur, la roche-mère produit des hydrocarbures (huiles, gaz) et un résidu insoluble appelé kérogène. Huiles et gaz peuvent s'échapper de la roche-mère et migrer à travers des roches perméables jusqu'à qu'ils soient arrêtés par des roches imperméables formant une « couverture ». Les hydrocarbures s'accumulent alors dans la roche poreuse pour former un réservoir. Il s'agit d'un gisement dit conventionnel. S'ils ne sont pas arrêtés lors de leur migration ces hydrocarbures peuvent s'échapper à la surface. Une partie des hydrocarbures générés peut ne pas être expulsée et demeurer au sein de la roche-mère, formant alors un gisement non conventionnel.
Source : Bruno Goffé |
À l'heure actuelle, les termes « hydrocarbures non conventionnels » permettent de regrouper trois types de ressources fossiles :
- Les hydrocarbures de roche-mère , qui comprennent :
le gaz de roche-mère (« shale gas »), issu d'un enfouissement très important (supérieur à 4 000 m : « fenêtre à gaz ») ;
l'huile de roche-mère (« shale oil »), issue d'un enfouissement moins important (2 000 à 4 000 m).
Ces hydrocarbures de roche-mère présentent la caractéristique de n'avoir pas pu migrer pour s'accumuler dans un réservoir. Ils sont restés dispersés au sein d'une roche peu perméable de type argileux (pélite).
- Les hydrocarbures de réservoirs compacts (« tight gas / oil »), accumulés dans des roches imperméables, difficiles à exploiter car emprisonnés dans des roches où la pression est très forte.
- Le gaz de houille (gaz de mines : « coalmine methane » ou gaz de couche : « coalbed methane ») qui présente la caractéristique d'être absorbé dans du charbon.
Les schistes et sables bitumineux sont aussi parfois rangés dans cette catégorie des hydrocarbures non conventionnels. Leur exploitation nécessite un traitement thermique particulier. Ils présentent des problématiques économiques et écologiques qui leur sont propres et ne sont pas étudiés dans le présent rapport.
2. L'évaluation des ressources : questions de définition
Lors de l'audition du 18 avril 2013, M. Olivier Appert, président de l'IFPEN, comparait l'art du géologue à l'art de celui qui essaierait « d'estimer la quantité de blé dans un hangar en regardant par le trou de la serrure : il ne connaît qu'approximativement la taille du hangar ; pour regarder le contenu du hangar, il utilise des techniques géophysiques que l'on peut assimiler à de l'échographie ; et ce n'est que grâce à un forage qu'il pourra réellement regarder par le trou de la serrure. Il devra ensuite préciser si les quantités qu'il a pu évaluer sont susceptibles d'être exploitées. Ceci dépend des technologies et du niveau des prix. »
Une classification des ressources et réserves a été établie en 2007 par la profession et admise par l'ONU.
On distingue les ressources en place des ressources techniquement récupérables et des réserves dont la rentabilité économique est démontrée.
Lorsqu'on ne dispose pas de données relatives à la rentabilité de la production, on parle de ressources, en distinguant deux catégories :
- Les ressources contingentes : c'est la quantité d'hydrocarbures présente dans une couche géologique donnée, susceptible d'être récupérée, dont la présence est prouvée par des mesures dans des puits ou sur des carottes.
- Les ressources prospectives correspondent à des hydrocarbures dont on pense qu'ils existent mais dont la présence n'est pas prouvée par des mesures. Elles sont estimées par extrapolation des ressources contingentes, en s'éloignant des zones où l'on dispose de mesures.
Ces quantités sont estimées avec des fourchettes minimum/moyenne et maximum qui correspondent respectivement à 90 % de probabilité/50 % de probabilité/10 % de probabilité de présence.
Le terme de « réserves » désigne la quantité d'hydrocarbures récupérables de façon rentable, dans une couche géologique donnée. La rentabilité de la production de ces hydrocarbures doit avoir été démontrée par des puits « pilotes », avec drains horizontaux et fracturation hydraulique.
L'ampleur des réserves dépend des technologies existantes et du niveau des prix des hydrocarbures.
CLASSIFICATION DES RÉSERVES ET RESSOURCES
Source : IFPEN
Lorsque l'on évoque la présence d'hydrocarbures dans le sous-sol, il faut donc savoir de quoi l'on parle : de présomptions fondées sur des modèles, des résultats de premiers forages ou de l'aboutissement de calculs économiques à une date donnée. En réalité, les chiffres publiés s'agissant des ressources non conventionnelles dans le monde sont très incertains. Ils ne peuvent être confirmés ou infirmés que par l'engagement de travaux d'exploration dans les pays concernés. Même dans les pays où l'exploitation est en cours, les réserves fluctuent régulièrement en fonction de l'évolution des technologies et des prix.
B. DES RESSOURCES MONDIALES PRÉSUMÉES PLUTÔT QUE DÉMONTRÉES
La question des « gaz de schiste » est venue dans le débat public en France avec la publication par l'Agence américaine d'information sur l'énergie (EIA 4 ( * ) ), en avril 2011, de chiffres tendant à démontrer que notre pays (en métropole) serait l'un des mieux doté d'Europe.
À la différence de la France, plusieurs pays ont procédé à des estimations nationales de leurs ressources, afin de préciser les informations publiées aux États-Unis, notamment la Chine, la Pologne, le Canada, l'Australie, la Grande-Bretagne et l'Argentine.
1. Ressources mondiales en gaz et huiles de roche-mère
Les premières estimations concernant les gaz non conventionnels au niveau mondial remontent à 1997 (Hans-Holger Rogner 5 ( * ) ). Ces estimations ont été révisées à la hausse par les sources les plus récentes, qui sont américaines. Ce sont les chiffres publiés par l'institut de géologie américain (USGS 6 ( * ) ) et par l'agence américaine d'information sur l'énergie (EIA) du Département pour l'énergie (DOE) des États-Unis.
En synthétisant l'ensemble des connaissances existantes, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime que les ressources en gaz non conventionnels dans le monde sont, en ordre de grandeur, comparables aux ressources en gaz conventionnel . Le gaz non conventionnel comptera pour près de la moitié de l'augmentation de la production de gaz mondiale d'ici 2035.
Quelles que soient les incertitudes, il est donc acquis que les ressources au niveau mondial sont très importantes.
LES ESTIMATIONS DE RESSOURCES EN GAZ DE ROCHE-MÈRE DE L'EIA
Source : IFPEN, d'après EIA
Concernant les huiles de schiste, qui ont suscité l'intérêt plus récemment que le gaz, il existe, à ce jour, peu de publications sérieuses par des instituts publics, sauf aux États-Unis (USGS, EIA, États fédérés), s'agissant de leurs propres ressources et de certains bassins à l'étranger.
L'AIE estime que les ressources en huiles de schiste seraient un peu moins conséquentes que les ressources en gaz mais que l'augmentation de la production mondiale de pétrole d'ici 2035 sera néanmoins entièrement attribuable au pétrole non conventionnel.
Les ressources en hydrocarbures de réservoirs compacts ainsi qu'en gaz de houille représenteraient aussi une part significative des ressources non conventionnelles restantes, comme le résume le graphique ci-dessous.
RESSOURCES CONVENTIONNELLES ET NON CONVENTIONNELLES DANS LE MONDE
Source : Christian Besson (AIE)
2. Des incertitudes fortes
Les estimations de l'EIA portent sur 48 bassins dans 32 pays. Elles ont été établies par un consultant extérieur, Advanced Resources International (ARI), qui est une entreprise dédiée à la fourniture de services de consultation et de recherche dans les domaines des hydrocarbures non conventionnels et de la séquestration du CO 2 , à l'intention d'organismes publics américains, de compagnies gazières et pétrolières et d'autres entreprises du secteur de l'énergie.
Les estimations publiées par l'EIA se fondent sur des informations publiques. Il s'agit de littérature technique et de données publiées par les entreprises. Elles se fondent aussi sur de précédents travaux non confidentiels d'ARI.
Quelques précisions doivent être apportées sur le champ exact de ces estimations :
- Elles ne concernent que le gaz de roche-mère, à l'exclusion des huiles de roche-mère, du gaz de houille et des hydrocarbures de réservoir compact.
- Elles portent sur les ressources techniquement récupérables, étant considéré que celles-ci représentent généralement 20 à 30 % des ressources en place.
- Elles n'intègrent pas de variables économiques (coûts de production, prix du gaz) et ne portent donc pas sur les réserves.
- Elles ne prennent pas en compte l'accessibilité de la ressource en surface (notamment l'urbanisation des bassins...).
Les données publiées par l'EIA sont des estimations sommaires réalisées par extrapolation de données de teneur en hydrocarbures issues de quelques sondages à l'ensemble de la superficie des bassins supposés, sans tenir compte de leur variabilité géologique . Les auteurs de ces estimations sont eux-mêmes très circonspects sur la portée de ce travail, qualifié de « premiers pas vers des évaluations à venir plus exhaustives des ressources en gaz de roche-mère ».
Ce qui paraît acquis, c'est que les hydrocarbures non conventionnels sont largement répandus dans le monde et qu'ils sont mieux répartis entre les pays que les ressources conventionnelles. Cette observation contredit les affirmations pessimistes sur la fin du pétrole (peak oil). La révolution n'est donc pas qu'énergétique. Elle a des conséquences géostratégiques car ces ressources, très présentes aux États-Unis, en Chine et en Europe, peuvent diminuer la dépendance aux fournisseurs traditionnels d'hydrocarbures conventionnels que sont la Russie et les pays du Moyen-Orient.
II. LES RESSOURCES EN FRANCE
Pour la France, l'EIA avance, avec les réserves indiquées ci-dessus, le chiffre de 5,1 Tm 3 (soit 5 100 milliards de m 3 ) de ressources techniquement récupérables en métropole, ce qui en ferait l'un des pays d'Europe les plus richement dotés en gaz de roche mère après la Pologne (5,3 Tm 3 ).
La probabilité associée à ces chiffres n'est pas connue. On peut néanmoins affirmer que la géologie des différents bassins sédimentaires, en région parisienne et dans le sud-est, est plutôt favorable à l'existence d'hydrocarbures de roche mère (huiles et gaz). Rappelons qu'en France, les bassins conventionnels que sont le bassin parisien et le bassin aquitain, sont exploités depuis plusieurs décennies, et ont donné lieu au forage de plus de 6 000 puits.
Pour les hydrocarbures non conventionnels, les bassins identifiés sont le bassin parisien (principalement pour les huiles de roche-mère), le bassin sud-est (principalement pour le gaz de roche-mère) et les anciens bassins miniers de Lorraine et du Nord Pas-de-Calais (pour le gaz de houille) où des travaux récents ont confirmé la présence de gaz dans les couches inexploitées de charbon.
LES BASSINS D'HYDROCARBURES CONVENTIONNELS ET NON CONVENTIONNELS EN FRANCE
Source : IFPEN
A. BASSIN PARISIEN (HUILES DE ROCHE-MÈRE)
Le bassin parisien présente un potentiel de production d'hydrocarbures liquides. Environ 2 000 forages ont été réalisés à ce jour dans ce bassin, qui est donc bien connu. Ces forages permettent de suspecter la présence d'une roche-mère prolifique. Les niveaux jugés les plus prometteurs sont le Lias (milieu de l'ère secondaire soit environ 180 millions d'années) et le Permo-carbonifère (fin de l'ère primaire soit environ 300 millions d'années).
Par ailleurs, du charbon et donc du gaz de houille pourraient être présents à très grande profondeur (6 000 m) sous le bassin parisien.
LES RÉSERVOIRS POTENTIELS DU BASSIN PARISIEN
Source : Bruno Goffé d'après BRGM
La société d'origine canadienne Vermilion a foré deux puits de recherches d'huile de roche-mère, notamment le puits de Champotran 29 qui est aujourd'hui productif et que vos rapporteurs ont visité. Au 1 er janvier 2011, 39 demandes de permis exclusifs de recherches visant l'huile de roche-mère du bassin parisien avaient été déposées.
Le rapport des CGEIET et CGEDD 7 ( * ) a publié le chiffre de 800 millions de tonnes (soit 1 milliard de m 3 ou 6,3 milliards de barils) de pétrole potentiellement récupérables dans le bassin parisien. Cette estimation est réalisée par extrapolations à partir de données fournies par des opérateurs. Ses auteurs précisent qu'elle doit être examinée avec une extrême prudence, eu égard à l'imprécision des hypothèses sous-jacentes.
La société d'origine américaine Hess estime ce potentiel récupérable entre 125 et 800 millions de tonnes (soit entre 1 et 6,4 milliards de barils). La production raisonnablement envisageable sur l'ensemble du bassin parisien, en tenant compte des zones naturelles protégées, des zones d'habitation, de l'environnement physique et humain pourrait représenter, d'après cette entreprise, entre 3 et 20 % de la consommation quotidienne nationale pendant la durée de l'exploitation.
Ces chiffres sont à comparer à une consommation annuelle française de pétrole de 80 millions de tonnes (pour une production annuelle domestique de moins de 1 million de tonnes).
Certains des interlocuteurs de vos rapporteurs ont comparé le potentiel du Bassin parisien à celui du Bakken, dans le Dakota du Nord (États-Unis), en raison de similitudes géologiques. Même si l'environnement physique et humain ne permet pas d'envisager en région parisienne une exploitation aussi intensive que dans certaines régions des États-Unis, ce potentiel ne peut être négligé.
B. BASSIN SUD-EST (GAZ DE ROCHE-MÈRE)
Le bassin du sud-est (Cévennes, Ardèche) présente un potentiel de production de gaz. Ce « bassin » n'en constitue pas vraiment un du point de vue géologique. Il est plus complexe que le bassin parisien et moins bien connu puisqu'une trentaine de forages seulement y ont été réalisés.
Les roches-mères susceptibles de contenir des hydrocarbures sont essentiellement les schistes du Toarcien - qui sont des marnes (« schistes cartons ») riches en matière organique déposées il y a environ 180 millions d'années - et de l'Autunien - qui sont des argiles sombres (black shales), discontinus sur le bassin, et remontant à environ 280 millions d'années.
La présence d'hydrocarbures dépend de l'existence ou non d'un processus de maturation à des profondeurs suffisantes. La probabilité d'existence d'un tel processus dépend de la zone considérée. Elle est plus probable, par exemple, dans le sud des Cévennes que dans le nord.
Du gaz de houille pourrait aussi se trouver enfoui très profondément dans des couches correspondant à environ 300 millions d'années (Stéphanien) dans la région d'Alès où des mines de charbon ont été exploitées du Moyen-Âge au vingtième siècle.
LES RÉSERVOIRS POTENTIELS DU BASSIN SUD-EST
Source : Bruno Goffé d'après Michel Séranne et Nicolas Arnaud (Université de Montpellier 2)
Trois permis ayant pour objectif le gaz de roche-mère avaient été délivrés en 2010 à Total / Devon Energy (Montelimar) et Schuepbach / GDF Suez (Villeneuve de Berg, Nant). Aucun forage n'a été réalisé visant le gaz de roche-mère.
L'EIA a avancé le chiffre de 5 100 milliards de m 3 de ressources de gaz récupérables soit de l'ordre de 100 ans de consommation française .
Ces estimations placent la France en tête des pays européens, avec la Pologne, pour leurs ressources en gaz de roche-mère. Ces deux pays posséderaient chacun plus de 5 000 milliards de m 3 (5 Tm 3 ou 5 Tcm). En Pologne toutefois, lorsque des forages ont été effectués, les services géologiques polonais ont révisé le potentiel estimé par l'EIA à la baisse, d'un facteur 10.
Le rapport des CGEIET et CGEDD donne un chiffre de 500 milliards de m 3 de gaz pour les trois permis précités, d'après des données fournies par les titulaires de ces permis, non validées par des tests d'exploration.
Ces chiffres doivent être comparés à une consommation annuelle française de gaz qui s'élève à 44 milliards de m 3 par an pour une production annuelle de 0,8 milliards de m 3 .
Ce tour d'horizon des ressources en hydrocarbures de roches mères présumées en France met en évidence la faiblesse de notre connaissance du sous-sol français, faite de données qui sont, pour une large part, datées et dispersées.
La plupart des informations existantes concernant notre géologie ont été établies entre les années 1950 et les années 1980. Les compagnies pétrolières ont accumulé un certain nombre de connaissances, qui ne sont pas toutes dans le domaine public. Les cartes du BRGM sont issues de levers effectués des années 1960 aux années 1980. Tous les experts s'accordent aujourd'hui sur la nécessité de procéder à quelques forages pour en savoir plus.
Beaucoup reste à faire pour améliorer nos connaissances dans le domaine géologique. Cette lacune a été avérée lors d'autres débats, par exemple pour le choix d'un site de stockage en profondeur des déchets radioactifs.
Mieux connaître notre sous-sol doit être une priorité pour la recherche française, pas seulement pour l'évaluation de nos ressources en hydrocarbures mais aussi, par exemple, pour mieux connaître notre hydrogéologie, afin de prévenir les risques de pollution.
C. BASSINS LORRAINE-NORD-PAS DE CALAIS (GAZ DE HOUILLE)
Des travaux récents ont démontré le potentiel des bassins de Lorraine et du Nord Pas-de-Calais, s'agissant du gaz de houille. Les études les plus avancées ont été menées en Lorraine par l'entreprise EGL ( European gas limited ). Dans ce cas, plus encore que pour les hydrocarbures de roche mère, c'est moins l'existence de la ressource que la rentabilité de sa production qui est sujette à débats.
1. Gaz de couche et gaz de mines
Considéré comme un danger pour l'industrie minière, le gaz issu des couches de charbon constitue une source potentielle d'énergie importante au niveau mondial. Les progrès technologiques récemment réalisés permettent de l'envisager comme une véritable richesse valorisable. En France, il pourrait offrir des perspectives de développement économique aux anciens bassins miniers.
Le gaz de houille est un gaz emprisonné dans le charbon. Il s'agit du « grisou » qui constitue l'un des principaux dangers de l'extraction charbonnière. Le grisou est constitué à environ 95 % de méthane. Il est adsorbé dans le charbon, libéré par endroit dans les failles de la roche. C'est un « coup de grisou », aggravé par un « coup de poussière », qui fut à l'origine du plus gros accident de l'histoire minière française, la catastrophe de Courrières, qui a causé 1099 morts, en 1906. Les derniers accidents de ce type remontent, en France, à 1974 (Liévin) et 1985 (Forbach). En Chine, ce type d'accidents demeure fréquent. Il est donc utile - toute choses égales par ailleurs - de récupérer le gaz de mines pour limiter le risque d'explosion accidentelle. Cette récupération permet aussi d'éviter qu'il ne s'échappe dans l'atmosphère, et vienne accroître l'effet de serre. Le méthane est en effet un gaz à effet de serre puissant, son impact sur le climat, à 100 ans, étant de l'ordre de 25 fois supérieur à celui du CO 2 .
LE MÉTHANE, UN PUISSANT GAZ À EFFET DE SERRE Le méthane est un gaz à effet de serre qui a une durée de vie courte et un pouvoir de réchauffement global très élevé en comparaison du gaz carbonique : de l'ordre de 25 à 100 fois plus selon la durée considérée. Les émissions de méthane sont dues à l'agriculture (élevage et rizières), aux fuites dans la gestion des gisements d'énergie fossile (grisou des gisements houillers, puits de pétrole et gisements de gaz naturel), aux fermentations anaérobies de la biomasse, notamment lors de l'enfouissement des déchets organiques et au cours des opérations de mises en culture de forêts et de prairies naturelles possédant un stock de carbone important. Le temps de séjour du méthane dans l'atmosphère n'est que de 12 ans contre 200 ans pour le gaz carbonique. Le potentiel de réchauffement global (PRG) de l'émission ponctuelle d'une tonne de méthane mesuré sur plusieurs périodes par rapport au PRG liée à l'émission ponctuelle d'une tonne de CO 2 varie comme suit : - A 5 ans : 101 fois le PRG CO 2 - A 20 ans : 72 - À 100 ans (période de référence dans la définition des politiques de lutte contre les gaz à effet de serre) : 25 Source : Le méthane, un gaz à effet de serre : mesures de réduction et de valorisation des émissions anthropiques, CGEDD / CGIET (2010) |
Le gaz de houille est constitué du gaz de mines (« coalmine methane » ou CMM) et du gaz de couche (« coalbed methane » ou CBM). Le premier est issu de mines de charbon, exploitées en tant que telles par le passé. Le gaz de mines est récupéré par pompage depuis 1975, par exemple, dans les mines désaffectées du Nord Pas-de-Calais.
Le gaz de couche est, quant à lui, produit à partir de couches de charbon n'ayant pas donné lieu à exploitation minière classique, en raison de leur profondeur ou de leur mauvaise qualité. Ce gaz peut être exploité grâce à des techniques qui dépendent des conditions géologiques (voir ci-après).
Les principaux producteurs de gaz de couche dans le monde sont les États-Unis, où la production a démarré dans les années 1980, et l'Australie où elle a démarré au milieu des années 1990. La Chine et la Russie sont aussi détenteurs de vastes réserves. En Europe, malgré une activité minière historiquement importante, des réserves significatives sont retenues dans les couches profondes demeurées inexploitées, notamment au Royaume-Uni, où une estimation réalisée en 2006 les évalue à 2,3 Tm 3 , et plus généralement en Europe du Nord et en Italie.
En France, les premières phases d'exploration du gaz de couche (années 1980/1990) s'étaient avérées décevantes.
Dès 1975, les Houillères du bassin Nord Pas-de-Calais ont entrepris le captage et la commercialisation du gaz de mines provenant des anciennes exploitations charbonnières, afin de supprimer le risque de remontée de ce gaz à la surface. Après la fermeture du bassin houiller du Nord, la récupération de ce gaz sur le site d'Avion a été confiée à Methamine, rachetée en 2007 par Gazonor, filiale de Charbonnages de France. Gazonor a par la suite été vendue à la société australienne EGL, en conséquence de la disparition de Charbonnages de France au 1 er janvier 2008. EGL a revendu plus tard sa filiale Gazonor au groupe belge Transcor, spécialisé dans le domaine de l'énergie (production et logistique). EGL est actuellement une société enregistrée au Royaume-Uni, dont 80 % des actionnaires sont européens (notamment : Albert Frère, Rothschild). D'après les informations fournies par EGL, une holding française a été créée, qui devrait détenir, à terme, les permis autrefois acquis par la société britannique.
Dans le Nord Pas-de-Calais, Gazonor dispose de deux concessions (« Désirée » et « Poissonnière ») et deux permis exclusifs de recherches (« Valenciennois » et « Sud Midi »). Les travaux relatifs au gaz de couche y sont réalisés en partenariat avec EGL. En Lorraine, c'est EGL qui détient les permis d'exploration du gaz de couche. Les premiers travaux de recherche entrepris confirment l'existence d'un potentiel important.
Les deux bassins (Lorraine et Nord Pas-de-Calais) sont de natures différentes. En Lorraine, le bassin est issu d'un ancien lac ; tandis que dans le Nord Pas-de-Calais, il provient d'une mer. En conséquence, ils possèdent des caractéristiques distinctes. En Lorraine, les couches sont épaisses (jusqu'à 5-6 mètres), ce qui est favorable à l'implantation de forages horizontaux. Dans le Nord Pas-de-Calais, en revanche, le bassin a subi de fortes pressions tectoniques. Les charbons sont très fracturés et disposés en couches trop fines pour permettre des forages horizontaux. Ce sont donc des forages verticaux ou en déviation qui sont envisagés. Il est aussi vraisemblable que les charbons du Nord Pas-de-Calais soient secs, contrairement à ceux de Lorraine, et que leur exploitation ne soit donc pas accompagnée d'une production d'eau.
GAZ DE COUCHE / GAZ DE MINES EN LORRAINE
Source : EGL
GAZ DE COUCHE / GAZ DE MINES DANS LE NORD PAS-DE-CALAIS
Source : EGL
2. Des estimations encourageantes
Les tests de production réalisés par EGL, et revus par Beicip-Franlab, filiale de l'IFPEN, en Lorraine sur le site de Folschviller 2, seul puits horizontal multilatéral dans le charbon en Europe, ont démontré l'existence d'une ressource importante.
Dans le Nord Pas-de-Calais, les forages d'exploration n'ont pas démarré, mais le sous-sol est bien connu, en raison de son exploitation passée. On estime que seul 10 % du charbon de ce bassin, qui se caractérise par ailleurs par son étendue (120 km x 20 km), a été exploité. L'existence d'une ressource importante paraît très vraisemblable.
Les ressources des deux bassins (Lorraine et Nord Pas-de-Calais) pourraient correspondre à dix années de consommation de gaz en France , c'est-à-dire significativement plus que ce qu'a produit à ce jour le bassin de Lacq.
LES RESSOURCES POTENTIELLES EN GAZ DE HOUILLE EN FRANCE
Source : EGL
D'après les estimations fournies par EGL, le gaz de couche pourrait créer, en Lorraine, 300 à 400 emplois directs (opérateurs de terrain / soutien technique et administratif) et 600 à 800 emplois indirects (sociétés de forages et de services pétroliers, construction), sans compter les emplois induits, à terme, par l'implantation d'industries consommatrices de gaz à proximité.
La rentabilité du gaz ainsi extrait repose sur un coût de revient estimé à 5 US $ par MMBTU 8 ( * ) . C'est cette rentabilité, qui dépend aussi du coût de production de ce gaz, qui demeure le plus sujette à débats. Elle ne pourra être établie qu'après de nouveaux tests de production dans les deux bassins.
PRIX DU GAZ (US $ par MMBTU)
Source : EGL
Avant d'envisager une quelconque exploitation de nos ressources non conventionnelles, il faut permettre à la recherche de progresser rapidement afin de réduire les incertitudes pesant sur la connaissance de nos ressources. C'est un préalable indispensable au débat sur les hydrocarbures non conventionnels en France, qui « tourne à vide » pour le moment.
III. COMMENT RÉDUIRE LES INCERTITUDES ?
L'exploration et l'exploitation du gaz de houille peuvent et doivent être engagées dans des délais assez rapides. En revanche, le processus sera certainement plus lent pour les hydrocarbures de roche mère, qui nécessitent la mise en place d'un cadre juridique contraignant, adapté aux techniques requises (cf. seconde partie du présent rapport). Dans l'immédiat, des travaux de recherche peuvent néanmoins être entrepris très rapidement, en commençant par un travail d'analyse et d'actualisation des connaissances existantes, avant d'envisager de premiers forages d'exploration.
A. EXPLORER ET EXPLOITER LE GAZ DE HOUILLE
Les travaux en cours, menés par EGL, doivent permettre de réduire les incertitudes en déterminant si les chiffres avancés pour le gaz de houille sont des ressources prospectives ou s'il s'agit de réserves, autrement dit si les quantités techniquement récupérables le sont à des conditions économiques suffisamment favorables pour que leur exploitation puisse être envisagée.
En Lorraine, les travaux menés sur le site de Folschviller doivent se poursuivre sur quatre autres sites pilotes. Un forage à taille réelle doit être prochainement réalisé à Trittelling. Si les travaux d'exploration sont concluants, ce que l'on saura au cours de l'année 2014, une production commerciale serait possible dès 2016.
Dans le Nord Pas-de-Calais, quatre demandes de forage d'exploration ont été déposés, dont deux devraient aboutir prochainement, sur les sites d'Avion (Flawell) et de Divion (Transvaal), où les travaux pourraient être réalisés en 2014. Deux autres forages sont envisagés à Bouvigny-Boyeffles (Les Quinze) et à Crespin. Il s'agit de procéder à des forages verticaux destinés à la seule exploration des couches de charbon, entre 1 500 et 1 600 mètres de profondeur, pour connaître leur teneur en gaz et leur degré de perméabilité.
Le financement des travaux d'exploration nécessite de trouver des investisseurs à hauteur d'environ 3 M€ par puits. Si les recherches menées sont fructueuses, une production commerciale peut être envisagée dans un horizon de cinq ans .
B. EXPLORER LES HYDROCARBURES DE ROCHE MÈRE EN COMMENÇANT PAR L'EMPLOI DE TECHNIQUES NON INVASIVES
La situation est plus incertaine concernant les ressources en hydrocarbures de roches mères. Avant de démarrer l'exploration proprement dite, qui implique des tests de fracturation hydraulique, des travaux préalables pourraient commencer par apporter des précisions utiles sur l'existence de la ressource.
1. Recenser les connaissances existantes
La réduction des incertitudes implique la réalisation d'un inventaire des ressources , comme l'a fait la filiale de l'IFPEN, Beicip-Franlab, par exemple, pour l'Algérie et l'Arabie saoudite.
L'IFPEN propose d'évaluer le potentiel des ressources en hydrocarbures non conventionnels pour la France, à partir d'un recensement des connaissances existantes, mais aussi de prélèvements d'échantillons sur le terrain et de modélisation.
Un examen des résultats des forages passés, notamment des 2 000 forages réalisés dans le Bassin parisien, permettrait à lui seul d'affiner les chiffres incertains mentionnés précédemment.
PROPOSITION POUR L'ÉVALUATION DU POTENTIEL DES RESSOURCES EN HYDROCARBURES NON CONVENTIONNELS EN FRANCE L'objectif du travail proposé est de réaliser un inventaire des différentes ressources en hydrocarbures non conventionnels en France, de procéder à une première quantification et d'évaluer l'impact technico-économique qu'impliquerait leur mise en production. Des recommandations seraient émises pour aider à la gestion du domaine minier français en ce qui concerne le développement de ces nouvelles ressources. L'évaluation quantitative porterait sur deux bassins : le bassin du sud-est pour les gaz de schiste et le bassin de Paris pour les pétroles de schiste. La quantification sera réalisée en procédant à la modélisation du potentiel à l'aide du logiciel TemisFlow développé par IFPEN et commercialisé par Beicip-Franlab. Bassin du Sud-Est : La phase d'exploration date de la fin des années 1950 et du début des années 1960. Cette phase d'exploration n'a pas abouti à des découvertes commerciales. Les données sont donc anciennes et disparates. Dans ce type de bassin, immature en ce qui concerne l'exploration pétrolière et complexe du point de vue sédimentaire et tectonique, le potentiel pétrolier (s'il existe) reste encore à définir. Son évaluation passe par l'utilisation de concepts géologiques nouveaux (coupes équilibrées, modélisations stratigraphiques et modélisation du système pétrolier). Du fait de données disparates, on étudiera les systèmes pétroliers dans leur ensemble sans distinguer les hydrocarbures conventionnels ou non conventionnels. Toutefois, afin d'améliorer la qualité des données on procédera à deux missions de terrain pour procéder à l'analyse structurale de la zone et s'assurer de la cohérence des coupes régionales. Des échantillons de roche mère seront prélevés afin de procéder à leur analyse au laboratoire. Bassin de Paris : L'exploration pétrolière conventionnelle a permis d'acquérir des connaissances géologiques importantes sur les différents systèmes pétroliers. De très nombreux puits, lignes sismiques et échantillons de roches-mères et de réservoirs permettent de contraindre un modèle géologique. En s'appuyant sur ces données, des études peuvent être rapidement entreprises afin de quantifier ce potentiel. Le coût global d'une telle évaluation (tarif 2012) est estimé à 1,75 millions d'euros. Source : IFPEN |
2. Actualiser les connaissances grâce à la sismique
Outre le rôle qu'elle peut jouer dans le contrôle des risques inhérents à l'exploration et à l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, la sismique est susceptible d'être utilisée pour évaluer la ressource, soit par des organismes publics (BRGM, IFPEN), soit par des compagnies pétrolières et gazières.
Cette technique a été présentée à vos rapporteurs par la société CGG (Compagnie générale de géophysique).
Le principe de base de la sismique est celui de l'échographie, appliquée au sous-sol : une onde sonore est émise et l'écho de cette onde renvoyé par les différentes couches du sous-sol est analysé pour produire une « photographie » de celui-ci. C'est une technologie relativement ancienne qui a connu de nombreuses améliorations grâce aux progrès scientifiques, notamment dans les domaines des mathématiques, de l'informatique et de l'électronique. Il est possible aujourd'hui de produire des images tridimensionnelles d'une grande précision.
Il s'agit d'une technologie non invasive et non destructive. Le sous-sol n'est traversé que par une onde sonore émise par une source sismique (camion vibrateur ou explosif de faible intensité pour les acquisitions terrestres, « canon à air » pour les opérations en mer). Cette onde sonore est d'intensité infinitésimale. Le dispositif de réception est ainsi capable de détecter des mouvements de la taille d'un atome d'or.
Aujourd'hui, les compagnies pétrolières ont recours de façon quasi-systématique à l'analyse sismique, y compris dans le secteur non conventionnel, par le biais de sociétés de services parapétroliers tels que CGG, Western Geco (filiale de Schlumberger), BGP (société chinoise) et PGS (société norvégienne).
La sismique permet de découvrir de nouveaux gisements et d'en affiner la phase exploratoire, avant d'envisager une deuxième phase d'exploration par percement de puits. Elle permet aussi de sélectionner les régions du sous-sol dans lesquelles la fracturation donnera les meilleurs résultats et d'identifier les failles existantes dans le sous-sol, que le puits devra éviter. L'utilisation de la sismique permet d'optimiser la phase d'exploration ; elle est donc susceptible de permettre une réduction du nombre de puits à forer.
Étant donné l'innocuité de cette technique, vos rapporteurs ont été surpris de constater qu'elle était interdite pour la recherche d'hydrocarbures non conventionnels , par une circulaire du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie du 21 septembre 2012 9 ( * ) prise en application de la loi du 13 juillet 2011 qui n'a pourtant interdit « que » l'usage de la fracturation hydraulique.
Cette circulaire dispose, en effet, que « les travaux d'exploration par campagnes de géophysique utilisant la technique de sismique réflexion », dont il est pourtant reconnu qu'ils sont « nécessaires pour mieux connaître la nature du sous-sol », « ne pourront être réalisés que dans les zones géographiques où cela peut être justifié par la recherche d'hydrocarbures conventionnels ».
Cette disposition signifie que l'on n'interdit pas simplement l'usage d'une technologie (la fracturation hydraulique) ; on refuse en réalité purement et simplement de savoir ce que recèle notre sous-sol .
La circulaire suppose que l'on peut définir des zones géographiques propices à la présence de ressources conventionnelles et d'autres plutôt susceptibles de renfermer des ressources non conventionnelles. La réalité du terrain est beaucoup plus complexe puisque ce sont souvent dans les mêmes zones, par exemple dans le Bassin parisien, que le sous-sol est susceptible de contenir un continuum de ressources de diverses natures, ce que la sismique peut justement avoir pour objet d'aider à établir. La circulaire précitée est donc quelque peu absurde ; mais surtout, elle va bien au-delà de la loi qu'elle applique.
Il est, certes, peu probable qu'un opérateur pétrolier entreprenne des travaux d'exploration de grande ampleur, reposant sur la sismique et portant spécifiquement sur les ressources non conventionnelles, étant donné l'interdiction, à l'heure actuelle, de tout débouché en termes d'exploitation.
Il n'est néanmoins pas opportun de s'interdire ainsi de mieux connaître notre sous-sol, quelle que soit la technique employée, fût-elle inoffensive pour l'environnement.
3. Des forages d'exploration nécessaires
Le recensement des connaissances existantes, l'analyse, la modélisation et l'usage de la sismique peuvent faire progresser les connaissances sur la ressource et permettre d'affiner les chiffres publiés par l'administration américaine.
Mais pour évaluer précisément nos réserves, il sera nécessaire de procéder à des forages, afin de permettre des tests de production. Ces tests sont seuls à même de déterminer le taux de récupération des hydrocarbures dans chaque zone considérée.
D'après les informations recueillies au cours des auditions de vos rapporteurs, une vingtaine de forages pourraient être suffisants pour évaluer les réserves du bassin parisien ; à l'échelle de la France, quelques dizaines de forages sont à envisager . Ce chiffre est à mettre en regard de la quarantaine de puits à fracturation hydraulique déjà forés en France sans conséquences notables. En Pologne, ce sont 200 puits d'exploration qui seront forés d'ici 2016, dont 39 à fin 2013.
La mise place de ces forages d'exploration nécessite évidemment de modifier la loi du 13 juillet 2011.
DEUXIÈME PARTIE - DES TECHNOLOGIES D'EXTRACTION DIVERSES ET ÉVOLUTIVES
Vos rapporteurs ont évoqué dans leur étude de faisabilité, adoptée par l'Office parlementaire le 31 janvier 2013, les risques inhérents à l'exploration et à l'exploitation des HNC par fracturation hydraulique. Ils se rendront prochainement aux États-Unis, avant de présenter leur rapport final, afin d'y étudier l'expérience accumulée au cours des dernières années et les raisons des dysfonctionnements constatés.
FRACTURATION HYDRAULIQUE : PRINCIPAUX RISQUES ET ENJEUX Les principaux risques et les enjeux associés à l'usage de la fracturation hydraulique sont les suivants : - son impact quantitatif sur la ressource en eau ; - le risque de contamination due à la fracturation hydraulique (considéré comme très peu probable) ; - le risque de contamination due à des problèmes d'intégrité du puits ; - le risque de contamination due à un déversement en surface ; - l'impact spécifique des additifs employés pour la fracturation ; - le risque de mobilisation d'éléments contenus dans la roche par la fracturation hydraulique (métaux lourds, éléments radioactifs) ; - le risque de sismicité induite ou déclenchée par la fracturation hydraulique ; - les nuisances locales associées aux travaux d'exploration et d'exploitation (emprise au sol, impact sur les paysages, passages de camions) ; - le risque de fuites de méthane lors des opérations de production, le bilan de l'exploitation des HNC en termes d'émissions de gaz à effet de serre étant sujet à débat. Source : étude de faisabilité figurant en annexe au présent rapport |
À ce jour, les auditions réalisées par vos rapporteurs tendent à confirmer :
- d'une part, que les techniques employées par l'industrie évoluent très rapidement sous l'effet de la prise en compte de l'opinion et de la mise en place de réglementations spécifiques dans les pays concernés ;
- d'autre part, que la technique la plus sûre, parce qu'aujourd'hui la mieux connue, demeure la fracturation hydraulique, même si d'autres pistes sont à étudier, à commencer par la stimulation au propane qui est aujourd'hui la solution de rechange la plus mature.
Les questions se posent toutefois très différemment pour le gaz de houille car son exploration et son exploitation en France ne nécessitent pas d'opérations de fracturation hydraulique. Nous commencerons donc par celui-ci.
I. LES TECHNOLOGIES SANS FRACTURATION : LE CAS DU GAZ DE HOUILLE
Vos rapporteurs se sont rendus dans le Nord Pas-de-Calais et en Lorraine, afin d'évaluer la ressource potentielle en gaz de houille et les problématiques propres à leur exploitation, qui diffèrent dans les deux bassins.
A. PARTICULARITÉS DU GAZ DE HOUILLE PAR RAPPORT AU GAZ DE ROCHE-MÈRE
Les techniques employées pour l'extraction du gaz de houille présentent des similitudes et des différences avec les techniques employées plus généralement pour la production des hydrocarbures non conventionnels.
Comme le gaz de roche-mère, le gaz de houille est contenu dans un réservoir peu perméable, plus ou moins fracturé de façon naturelle, avec des variations importantes de concentration en gaz d'un point à un autre de la couche. Comme le premier également, sa production atteint assez rapidement un pic, avant de décliner. La durée de vie d'un puits est ainsi de cinq à quinze ans. Le pic de production est obtenu après une durée d'extraction comprise entre un et six mois.
Mais, contrairement aux huiles et gaz de roche mère, le gaz de houille, qui peut être situé à faible profondeur, ne requiert pas toujours pour son exploitation de forage horizontal. La finesse de la couche de houille peut être un obstacle. Il peut aussi être plus rentable de multiplier les puits verticaux plutôt que de procéder à des forages horizontaux.
L'extraction du gaz de houille ne requiert pas non plus toujours de fracturation hydraulique, le charbon étant naturellement traversé par un réseau orthogonal de fractures. La décision d'emploi de la fracturation hydraulique doit être prise avant de procéder au forage car le puits et les installations de surface seront alors conçus en conséquence.
LE CHARBON, UNE ROCHE NATURELLEMENT FRACTURÉE
Source : EGL
L'extraction du charbon est généralement associée à celle d'une grande quantité d'eau. Pour libérer le méthane, on diminue en effet la pression au sein de la roche en pompant l'eau présente : dans un premier temps, le puits produit davantage d'eau que de gaz, avant que la situation ne s'inverse. La gestion de la production d'eau représente un aspect important de la rentabilité de ces puits. Toutefois, certains puits sont immédiatement producteurs de gaz.
L'EXPLOITATION DU GAZ DE HOUILLE
Source : IFPEN
Les progrès importants réalisés au cours des 25 dernières années dans les techniques d'extraction du gaz de houille ont ouvert la voie à son exploitation commerciale, d'abord en Amérique du Nord puis en Australie.
La viabilité économique de la production de gaz de houille dépend pour une large part du prix de vente du gaz extrait. La situation est un peu différente pour le gaz de roche mère, dans la mesure où sa production est généralement associée à celle d'hydrocarbures liquides, en sorte que le prix du pétrole joue un rôle important dans la profitabilité du projet d'ensemble.
La technique d'extraction du gaz de couche est en soi alternative, puisqu'elle n'implique aucune opération de fracturation de la roche. On remarquera néanmoins, sur cette question des techniques, qu'il existe des projets et des expérimentations de récupération dite « assistée » du gaz de houille, par exemple dans le bassin de San Juan aux États-Unis, dans une logique similaire à celle de la récupération assistée de pétrole ou de gaz : il s'agit d'extraire le méthane par injection de CO 2 , tout en permettant l'adsorption de celui-ci, et donc sa séquestration, dans la couche de charbon.
B. DES PERSPECTIVES POUR LES ANCIENS BASSINS MINIERS FRANÇAIS ?
Que ce soit en Lorraine ou dans le Nord Pas-de-Calais, il n'est pas jugé utile de fracturer le charbon pour extraire le gaz.
En Lorraine, la mise en place de puits horizontaux, placés le long des veines de charbon, est nécessaire pour obtenir une productivité suffisante en accroissant la surface en contact avec le charbon. Les veines présentes sont suffisamment épaisses pour permettre la mise en place de puits horizontaux.
Dans le Nord Pas-de-Calais, la finesse de la couche ne permet pas l'emploi de drains horizontaux, mais la roche serait suffisamment écrasée et fissurée pour permettre une exploitation par des puits verticaux ou déviés.
PRINCIPE DU FORAGE HORIZONTAL MULTILATÉRAL POUR L'EXTRACTION DU GAZ DE HOUILLE
Source : EGL
Une autre différence entre les deux bassins houillers a trait à leurs contenus en eau. En Lorraine, l'extraction du gaz de houille produit d'importantes quantités d'eau. Les tests réalisés ont conclu à la présence d'une eau douce sans métaux ni contaminants, susceptible d'être utilisée par l'agriculture ou l'industrie locales sans traitement coûteux. Dans le Nord Pas-de-Calais, en revanche, le charbon est probablement sec, c'est-à-dire que la production de gaz ne sera pas associée à celle d'eau.
Étant donné l'absence de fracturation hydraulique, la plupart des obstacles au développement des HNC sont ici sans objets. Les préoccupations environnementales sont celles inhérentes à toute exploitation d'hydrocarbures. Elles sont relatives notamment à l'intégrité des puits, à l'empreinte au sol ou à la gestion des installations en surface. Il s'agit d'une gestion des risques industriels des plus classiques.
EMPREINTE AU SOL SUR LE SITE DE FOLSCHVILLER 2 (LORRAINE)
Source : EGL
II. LA FRACTURATION HYDRAULIQUE : UNE TECHNIQUE ANCIENNE ET MAÎTRISABLE
Des opérations de fracturation - ou, devrait-on plutôt dire, de fissuration de la roche - sont indispensables à l'extraction des hydrocarbures de roche mère, en raison de leur nature.
Il s'agit toutefois d'une technique ancienne et maîtrisable, qui a connu des améliorations constantes et continuera de progresser afin de répondre à des objectifs de productivité et d'innocuité environnementale.
A. POURQUOI ET COMMENT FRACTURER ?
1. Fissurer la roche : une nécessité pour accroître sa perméabilité
Les hydrocarbures non conventionnels sont piégés dans des argiles compactes dont la perméabilité est faible. Les caractéristiques de ces roches requièrent l'utilisation de techniques spécifiques pour atteindre un niveau acceptable de productivité des puits.
Le forage horizontal permet d'augmenter la section productive de chaque puits.
La stimulation permet d'améliorer artificiellement la perméabilité de la roche. Dans les réservoirs conventionnels, un traitement chimique, par acidification, peut suffire. Mais ce type de traitement est insuffisant pour extraire les hydrocarbures qui sont restés piégés dans la roche-mère. C'est pourquoi l'industrie recourt à la fracturation hydraulique, qui est une catégorie particulière - mécanique - de stimulation de la roche.
La fracturation hydraulique a pour objet de créer des microfissures et de réactiver le réseau naturel de failles existant dans la roche, afin de faciliter ainsi l'écoulement des hydrocarbures. Il s'agit de rouvrir ou créer artificiellement un réseau de fissures de petite taille autour du puits. Cette technique permet de drainer des hydrocarbures situés à plusieurs dizaines de mètres du puits.
Lecture : La perméabilité est une constante pour un milieu poreux donné. Elle s'exprime en Darcy (D). La perméabilité détermine les conditions dans lesquelles un fluide s'écoule au travers d'un matériau. Cet écoulement répond à la « loi de Darcy » : son débit est fonction non seulement de la perméabilité (K) mais aussi du différentiel de pression, de la surface d'échange, de la viscosité du fluide, de la distance à parcourir dans le matériau. Chaque situation est donc unique. Source : D. Pillet (CGEIET) |
Comme le montre le schéma ci-dessus, chaque réservoir possède des caractéristiques uniques. Les propriétés de la roche varient en effet, parfois en quelques dizaines de mètres. Il n'existe donc pas de technique de stimulation optimale applicable à toutes les roches compactes. Afin d'évaluer un réservoir, il est nécessaire de collecter un certain nombre de données et de procéder à des tests de production.
2. La fracturation hydraulique : un processus contrôlé
La fracturation hydraulique consiste à injecter à forte pression dans le puits un fluide permettant de fissurer la roche. Ces fissures sont maintenues ouvertes par l'emploi d'agents de soutènement (sables, céramiques) appelés proppants .
Au fluide de fracturation sont ajoutés des additifs nécessaires à l'opération : gélifiant, désinfectant, casseur de gel, réducteur de friction, acide, inhibiteur de corrosion, décalcifiant.
La quantité de gaz extraite de chaque puits reste faible, ce qui nécessite de disposer d'un grand nombre de puits pour atteindre un niveau significatif de production. Ces puits sont regroupés en grappes (« clusters »). Il est possible de forer jusqu'à 16 puits à partir d'une seule tête de forage
FRACTURATION HYDRAULIQUE
- Dans l'intervalle ciblé - Autour du puits de forage
- Réalisée par phases successives - Perforation de la colonne de production et du ciment - Pompage du fluide, de l'agent de soutènement et des additifs - Développement du réseau - Arrêt du pompage, extraction des fluides de reflux
- Perpendiculaire à une direction de contrainte minimum - S'étend latéralement sur près de 100 m, verticalement sur quelques dizaines de mètres
- Longueur de drainage horizontal : 1 500 à 2 000 m - 5 à 10 phases de fracturation par puits - 1 500 à 2 000 tonnes de sable par puits - 10 000 à 20 000 m 3 d'eau par puits - 90 % d'eau ; 9,5 % de sable ; 0,5 % d'additifs (en volume). |
Source : Total
B. UNE TECHNIQUE ANCIENNE QUI A DÉJÀ ÉTÉ EMPLOYÉE EN FRANCE
La fracturation hydraulique n'est pas une invention récente : on mentionnera par exemple l'existence d'un Manuel de fracturation hydraulique 10 ( * ) , publié en France en 1972, qui faisait déjà le constat suivant : « Depuis son introduction dans l'industrie pétrolière aux États-Unis en 1947, la stimulation des réservoirs par fracturation hydraulique a pris une importance sans cesse plus grande ».
Il s'agit d'une pratique ancienne, dont il a déjà été fait usage en France pour extraire des hydrocarbures, sans qu'aucun dommage à l'environnement n'ait été rapporté.
1. Une technique ancienne
La première fracturation hydraulique a été réalisée aux États-Unis à la fin des années 1940 (1947). Cette technique a aussi été utilisée en URSS, à partir de 1954.
Elle a donc été développée depuis 65 ans, avant la mise en place des premiers forages horizontaux. C'est une technique considérée par les industriels comme mature.
Plus d'un million de fracturations ont été réalisées dans le monde. 50 000 puits sont fracturés par an à l'heure actuelle.
Plus d'un puits sur deux actuellement foré est fracturé , quel que soit l'objet de ce puits (exploitation conventionnelle ou non conventionnelle d'hydrocarbures, adduction d'eau, géothermie).
Il s'agit donc d'une technique bien maîtrisée.
Aucun cas avéré de pollution des nappes phréatiques directement lié à la fracturation n'est pour le moment recensé, même s'il faut attendre l'issue de travaux en cours, prévue en 2014, de l'agence américaine de protection de l'environnement (EPA) pour connaître avec certitude la cause des incidents de pollution rencontrés aux États-Unis.
Les cas de pollution recensés sont beaucoup plus probablement la conséquence d'une gestion défectueuse de l'eau en surface ou de puits de mauvaise qualité.
Le forage horizontal est, quant à lui, développé depuis 35 ans, notamment avec l'exploitation de gisements en mer. Combiné à l'emploi de la fracturation hydraulique, il a permis de rentabiliser la production d'hydrocarbures auparavant considérés comme sans intérêt d'un point de vue économique.
2. Une technique déjà employée en France
La technique de la fracturation hydraulique a été utilisée de façon répétée en France au cours des dernières décennies, sans qu'aucun dommage n'ait été signalé. Elle aurait été utilisée à au moins 45 reprises.
D'après les informations recueillies auprès de divers opérateurs, cette technique a été employée depuis le milieu des années 1980 :
- 14 opérations de fracturation ont été réalisées sur le gisement de Chaunoy par la société Esso REP entre 1986 et 1987 ;
- 7 fracturations hydrauliques ont été réalisées entre 1988 et 1995, en Lorraine et dans les Cévennes, pour la recherche de gaz de houille ;
- 22 fracturations sont recensées entre 2004 et 2008, réalisées par la quasi-totalité des opérateurs pétroliers en France, majoritairement dans le Bassin parisien.
La fracturation hydraulique a notamment été utilisée dans le cadre de l'exploitation des hydrocarbures conventionnels, pour améliorer la productivité des puits.
Dans ce cadre, elle a été utilisée 15 fois par la société Vermilion, entre 2002 et 2010.
- La fracturation a été utilisée 2 fois par Vermilion, en 2010, pour évaluer la productivité et l'efficacité de la stimulation de la roche-mère, sur le site de Champotran (Seine-et-Marne).
OPÉRATIONS DE FRACTURATION HYDRAULIQUE DE VERMILION EN FRANCE
Source : Vermilion
- La fracturation hydraulique a également été utilisée en 2007 sur le site de Franquevielle (Haute Garonne) dans un puits foré par la société Encana (permis de Foix). Le test réalisé a permis de trouver du gaz mais dans des conditions jugées non rentables d'un point de vue économique.
Par ailleurs, GDF-Suez a indiqué à vos rapporteurs avoir pratiqué la fracturation hydraulique en Allemagne, depuis plus de 30 ans, dans des gisements de gaz compacts. Plusieurs opérations ont été réalisées en 2009, sous le village de Backemoor (à près de 4 000 m de profondeur) sans qu'aucun incident n'ait été signalé.
LA FRACTURATION HYDRAULIQUE, UNE TECHNIQUE UTILISÉE EN GÉOTHERMIE La fracturation hydraulique est utilisée en géothermie. Le principe général est le même que pour l'exploitation d'hydrocarbures. Il s'agit d'augmenter la perméabilité de la roche en la fissurant pour faire circuler l'eau nécessaire à la mise en place de la boucle géothermale. Le principe est le suivant : des eaux sont prélevées puis réinjectées dans le sous-sol. La chaleur de ces eaux peut être utilisée soit pour la production d'électricité seule, soit pour la production simultanée d'électricité et de chaleur (cogénération), soit uniquement pour l'alimentation en chaleur. D'après les éléments recueillis lors de la Table ronde sur l'avenir de la production d'électricité par géothermie en France, organisé par les commissions du développement durable et des affaires économiques du Sénat (26 février 2013), les principales différences entre la fracturation en géothermie et pour l'exploitation d'hydrocarbures sont les suivantes : - La fracturation ne serait utilisée que pour stimuler une circulation d'eau qui existe déjà, pour ouvrir quelques fractures et non pour ouvrir le maximum de fractures ; - Les agents de soutènement et un certain nombre d'additifs utilisés pour l'exploitation d'hydrocarbures sont inutiles. Seuls des agents acidifiants sont nécessaires. Les techniques utilisées sont très semblables à celles employées pour les forages d'eau. Néanmoins certaines problématiques sont très semblables à celles rencontrées dans le domaine pétrolier et gazier : - L'absence de pollution dépend beaucoup de la qualité de forage : tout forage quel qu'il soit peut mettre en communication des nappes qui n'ont pas vocation à l'être, s'il est mal réalisé, et devenir source d'une pollution de l'eau potable ; - Le risque sismique est le principal en géothermie. Ainsi, le 8 décembre 2006, des travaux menés dans la région de Bâle ont provoqué une secousse sismique d'une magnitude de 3,4 sur l'échelle de Richter, à la suite d'une opération d'injection d'eau à haute pression dans la roche. La France compte aujourd'hui deux sites de production de géothermie haute température, à Bouillante (Guadeloupe) et Soultz-sous-Forêts (Alsace). |
Schéma d'un réseau de chaleur géothermale
Sources : Ademe-BRGM |
Vos rapporteurs se sont rendus sur le site de Champotran 29, où aucun dommage n'a été signalé à la suite des opérations de fracturation hydraulique réalisées par Vermilion. Ce puits continue de produire du pétrole non conventionnel (1 baril/jour). Il ne comporte qu'un seul drain. Ce puits est équipé d'une pompe à balancier classique. Vos rapporteurs ont été témoins d'une phase d'extraction de pétrole issu de ce forage.
VISITE DU SITE DE CHAMPOTRAN 29 (22 MAI 2013)
(pétrole de roche-mère extrait du puits Champotran 29
en présence de vos rapporteurs)
C. UNE TECHNIQUE MAÎTRISABLE
1. Une technique qui évolue très rapidement
Tous les industriels auditionnés par vos rapporteurs se sont faits l'écho des progrès réalisés récemment pour réduire l'impact de la fracturation hydraulique.
a) Additifs
Les industriels tendent à réduire leur nombre, leur quantité et leur toxicité.
Des avancées significatives ont été réalisées depuis trois ans.
COMPOSITION DU FLUIDE DE FRACTURATION
Source : GEP-AFTP
Trois catégories de fluides aqueux sont employés sur le marché :
- L'eau dite « glissante » ( slickwater ) pour la production de gaz sec (méthane) ;
- Les gels dits linéaires pour la production de gaz humide ou de pétrole léger ;
- Les gels dits réticulés pour la production de pétrole plus lourd.
Les gels sont utilisés pour maintenir le sable en suspension. L'eau représente généralement environ 94 % du fluide, le sable entre 5 et 6 % et les additifs chimiques 0,15 à 0,25 %.
Les nouvelles technologies développées visent à utiliser des produits moins polluants, provenant par exemple de l'industrie alimentaire, comme la gomme de guar.
D'après les auditions réalisées par vos rapporteurs, la fracturation peut se concevoir uniquement avec des produits de type ménager, peu ou pas toxiques.
En effet, les produits indispensables au procédé de fracturation sont tous non toxiques. Il s'agit de sable (naturel ou non), de polyacrylamides (PAM) et/ou de produits tels que la gomme guar, d'usage alimentaire.
Le fluide de fracturation peut être généré directement à partir de poudre, sans ajout d'hydrocarbures. Ainsi, en 2012, Halliburton a évité, grâce à ce système, l'emploi de 113 000 m 3 de distilat d'hydrocarbures correspondant à 5 400 transports par camions.
Les autres produits - biocides, surfactant, acides, inhibiteurs de corrosion et de dépôt - ne sont pas indispensables. Ils permettent toutefois de préserver les équipements et d'optimiser la fracturation. Par conséquent leur suppression a un impact économique. Certains de ces produits peuvent être remplacés par des substituts non toxiques. Les biocides peuvent, par exemple, être remplacés par un traitement UV. En 2012, Halliburton a ainsi évité l'emploi de 492 m 3 de biocides.
FRACTURATION HYDRAULIQUE : QUELS SONT LES ADDITIFS RÉELLEMENT INDISPENSABLES ?
Source : SNF
Les industriels tendent par ailleurs à rendre publique la composition de leurs fluides de fracturation , à défaut de leur formulation exacte, considérée comme relevant parfois du secret industriel. Le site internet d'information FracFocus est, aux États-Unis, le principal outil de cette transparence.
UN EXEMPLE DE FLUIDE DE FRACTURATION PROPRE : CLEANSTIM D'HALLIBURTON CleanStim est un fluide de fracturation composé intégralement de produits provenant de l'industrie alimentaire. Il est utilisé à ce jour sur 32 puits. Toutefois, il représente un surcoût par rapport aux techniques traditionnelles, ce qui limite son utilisation.
Source : Halliburton |
Ainsi, des solutions existent ; mais elles sont coûteuses et impliquent un effort de l'industrie.
b) Qualité des puits et des installations au sol
La sûreté du forage repose sur l'intégrité et donc la qualité des puits, afin d'éviter des fuites accidentelles de fluides de fracturation et d'hydrocarbures.
Rappelons que l'activité de forage est ancienne en France. Depuis 70 ans, plus de 6 000 puits d'hydrocarbures y ont été forés. Cette expérience a permis à notre pays de se doter de lois et règlements encadrant tant l'octroi des permis, la durée des concessions que les conditions de travail et la protection de l'environnement.
La pose de cuvelages en acier concentriques et la cimentation des espaces interstitiels permettent de créer plusieurs barrières étanches. Des contrôles de la cimentation et de la corrosion des forages permettent d'assurer la protection des nappes phréatiques.
L'INTÉGRITÉ DES PUITS DE FORAGE
Source : GEP-AFTP
Les puits d'hydrocarbures non conventionnels sont régis par les mêmes principes que les autres puits (hydrocarbures conventionnels, eau, géothermie). Les opérations s'effectuent par phases successives. Lors de chacune de ces phases, un tubage est descendu et cimenté ; un contrôle qualité garantissant l'intégrité du tubage et du ciment est obligatoire. Le puits est conçu de manière à l'isoler des formations géologiques environnantes. Les phases en surface visent à protéger les nappes phréatiques.
Par ailleurs, afin d'éviter les fuites en surface, une membrane de protection du sol de la zone de forage doit être installée pour éviter tout déversement d'eau contaminée.
c) Gestion de l'eau
(1) La quantité d'eau
Lors d'un forage d'exploration, 1 000 à 2 000 m 3 d'eau sont nécessaires pour évaluer le potentiel de production d'un puits.
La stimulation d'un puits requiert 10 000 à 20 000 m 3 d'eau, ce qui représenterait 12 jours d'arrosage d'un golf. À titre de comparaison, l'extraction minière du charbon demande 2 à 4 fois plus d'eau par unité d'énergie.
Aucun apport d'eau n'est nécessaire pendant la période de production (environ 10 ans).
Le prélèvement d'eau doit être encadré localement, afin d'éviter les conflits d'usage. Les dates de ce prélèvement peuvent être réglementées. En outre, l'eau prélevée n'est pas nécessairement potable (utilisation d'eau issue d'un aquifère profond non potable, d'eau de mer, d'eau usée traitée...). La réutilisation de l'eau produite pour réaliser de nouvelles fracturations est aujourd'hui privilégiée aux États-Unis : elle permet de limiter la consommation et le transport d'eau. Dans le Marcellus, par exemple la totalité de l'eau dite de « flowback » (remontée à la surface) est réutilisée pour les activités de forage et de stimulation.
D'après le GEP-AFTP, le volume disponible pour la réutilisation est d'environ 30 % à 50 % du volume initialement utilisé pour la fracturation. Cette proportion est très variable selon les sites. En outre, si 30 % de l'eau ressort, en moyenne, au cours des six premières semaines, 30 % supplémentaire remonteront au cours de la durée de vie du puits. Au final, un tiers de l'eau est perdu définitivement en profondeur, dans une zone sans risque pour l'environnement.
Par ailleurs les progrès techniques réalisés permettent d'optimiser le placement des fracturations et ainsi de minimiser la quantité d'eau nécessaire pour la récupération d'une quantité donnée d'hydrocarbures (voir supra , l'exploration par sismique).
(2) Le traitement de l'eau
Le traitement des eaux de production de l'industrie pétrolière et gazière, y compris s'agissant des hydrocarbures de roche-mère, est une compétence maîtrisée par les industriels spécialistes de ce secteur . Cette compétence est ancienne, liée au fait que pour un baril d'huile produit, l'industrie pétrolière produit 4 barils d'eau qui sont traités et recyclés. L'eau issue des opérations est de qualité variable en fonction des formations. Les technologies de traitement sont connues et similaires à celles utilisées en traitement d'eaux industrielles :
- Prétraitement (séparation par décantation ou flottation) et filtration ;
- Élimination des sels : techniques membranaires ou d'évaporation et concentration.
En fonction de la destination des eaux produites (utilisation pour d'autres opérations de stimulation, rejet vers le milieu naturel), des solutions de traitement différentes peuvent être mises en place.
La mobilisation éventuelle de métaux lourds au sein de la roche doit faire l'objet d'une attention particulière. Une bonne connaissance de la roche ciblée est indispensable. Des travaux de recherche existent en vue de limiter les échanges entre la roche et le fluide de fracturation (Total).
(3) La protection des nappes phréatiques
Pour ce qui est de la protection des nappes phréatiques, il convient de rappeler que la fracturation hydraulique est réalisée généralement à plusieurs milliers de mètres sous les nappes phréatiques. Il n'a jamais été avéré que la fracturation hydraulique ait été directement cause d'une pollution de ces nappes (car les fissures n'excèdent pas quelques dizaines de mètres et se forment horizontalement). En revanche une mauvaise cimentation du puits ou un déversement en surface peuvent causer des dommages.
La pratique consistant à réinjecter des eaux usées à faible profondeur, qui a été à l'origine de dégâts environnementaux, attribués ensuite à tort à la fracturation hydraulique, est à proscrire.
Aux États-Unis, il est de plus en plus admis que la récupération de l'eau issue des opérations de fracturation hydraulique est économiquement plus rentable que sa réinjection.
Préalablement aux opérations, une bonne connaissance des réseaux hydrogéologiques du sous-sol est indispensable .
Pendant les opérations, les techniques de micro-sismique permettent de mesurer l'extension des fractures en temps réel. Un suivi continu des nappes phréatiques peut être réalisé. L'établissement d'un « état zéro » des aquifères et un suivi pendant toutes les phases permet de s'assurer qu'il n'y a pas de contamination.
d) Contrôle de la sismicité
Les opérations de forage et de fracturation hydraulique induisent des événements micro-sismiques dont la magnitude est faible, généralement de 1 à 2 sur l'échelle de Richter. Exceptionnellement, si des failles non préalablement décelées sont activées, l'événement peut atteindre une magnitude de 3 qui équivaut aux vibrations d'un camion. Aucun accident majeur n'a été recensé en plus de cinquante ans.
Les incidents relevés dans la région de Blackpool le 1 er avril 2011 (magnitude 2,3) puis le 27 mai 2011 (magnitude 1,5) n'ont causé aucun dégât. Ils ont été attribués à la sollicitation d'une mini-faille géologique proche qui n'avait pas été détectée. À ce niveau un séisme est considéré comme très mineur, généralement non ressenti. Par comparaison, l'incident relevé dans la région de Bâle en 2006, à la suite d'une opération de fracturation hydraulique réalisée dans un forage de géothermie, était un événement de magnitude 3,4 sur l'échelle de Richter (ce qui correspond encore à un niveau jugé mineur c'est-à-dire souvent ressenti mais causant peu de dommages) 11 ( * ) .
D'autres activités humaines (mines, construction de barrages) ont entraîné, par le passé, des événements sismiques.
Néanmoins il est indispensable de tirer des leçons des incidents relevés dans la région de Blackpool. Ceux-ci démontrent qu'avant de procéder à la fracturation hydraulique il est nécessaire :
- d'une part, comme déjà mentionné plus haut, d'avoir une très bonne connaissance de la roche ciblée : cette connaissance permettra aussi d'évaluer si des métaux lourds, et notamment des éléments radioactifs, sont susceptibles d'être mobilisés vers la surface ;
- d'autre part, comme évoqué aussi plus haut mais pour d'autres raisons, de mettre en place un dispositif de suivi et de contrôle en temps réel du processus de fracturation hydraulique , grâce à l'usage de technologies de micro-sismique : ce suivi présente, plus généralement, l'avantage de permettre une optimisation du processus productif (voir ci-après).
e) Maîtrise de l'empreinte au sol
Par rapport à l'exploitation d'hydrocarbures conventionnels, l'empreinte au sol est accrue pour deux raisons :
- D'une part, malgré l'utilisation de méthodes de stimulation, un puits dans la roche-mère est par nature moins productif qu'un puits conventionnel. Il faut donc forer davantage de puits afin d'accroître la surface en contact avec le réservoir, pour rentabiliser l'exploitation ;
- D'autre part, l'emploi de la fracturation hydraulique nécessite le transport et le stockage voire le retraitement sur place de l'ensemble des composants nécessaires aux opérations, notamment l'eau.
Néanmoins, les nuisances sont concentrées pendant les phases de forage et de fracturation , c'est-à-dire au début de la vie du puits, la phase d'exploitation étant par nature beaucoup plus discrète.
Les opérations de fracturation sont, en principe, réalisées une fois pour toutes en début de vie du puits. Elles durent quelques semaines.
Pour réduire l'empreinte au sol, deux solutions sont mises en oeuvre :
- Regrouper les puits en grappes (« clusters »), comme précédemment mentionné. Un cluster peut regrouper 15 à 30 puits sur une superficie de 2 à 3 ha. La distance entre deux clusters est de 5 à 10 km.
- Remplacer les camionnages par un réseau de canalisations , ce qui est de plus en plus pratiqué aux États-Unis.
En phase de forage, le mât de l'appareil de forage s'élève à 30-35 mètres (à comparer avec des éoliennes : 50 à 80 m). Toutefois ce mât (derrick) est temporaire. Une superficie de 100 m x 100 m (1,5 terrain de football) est considérée comme suffisante pour accueillir l'appareil de forage (rig) et les équipements de fracturation. Cette empreinte peut être réduite (rig compact, citernes verticales).
Chaque puits nécessite 15 à 20 jours de forage puis environ une semaine pour les opérations de fracturation (5 à 10 phases de fracturations durant chacune quelques heures).
Pour un cluster de 10 puits, la durée des nuisances peut donc être estimée à environ un an.
Par la suite, en phase d'exploitation, l'empreinte au sol est très réduite. Seule la tête de puits (d'une hauteur d'environ 1,20 m) demeure visible en surface. Pour un cluster de 10 puits, il restera donc 10 têtes de puits débitant des hydrocarbures.
PUITS EN CLUSTER (EN PHASE D'EXPLOITATION)
Source : Total
f) Optimisation du processus productif
L'optimisation du processus de fracturation hydraulique contribue à réduire les inconvénients subis. La production est en effet accrue, tout en utilisant moins d'eau, de sable et d'additifs.
Il s'agit d'améliorer :
- le placement des fissures, afin de privilégier les emplacements les plus productifs ;
- leur densité, pour augmenter le nombre de drains présents dans la roche, plutôt que d'accroître leur étendue ;
- les modalités de la fracturation, dans le but de rendre l'ensemble du processus plus efficient.
Schlumberger met, par exemple, en oeuvre un procédé appelé HiWay , qui requiert 40 % moins de sable et jusqu'à 60 % moins d'eau qu'une fracturation classique. Ce procédé consiste à agréger les particules solides servant au soutènement des fissures, afin d'ouvrir des canaux par lesquels s'écoulent le pétrole et le gaz.
HIWAY : EXEMPLE D'UNE NOUVELLE TECHNOLOGIE DE FRACTURATION HYDRAULIQUE
Source : Schlumberger
2. Une technique à encadrer
Afin de répondre aux enjeux environnementaux que soulèvent l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures de roches mères, il est souhaitable de mettre en place une réglementation spécifique, dans un cadre transparent, privilégiant la concertation avec la population .
Cette réglementation ne doit pas être minorée en raison de ses coûts. Elle doit, en revanche, être adaptée à la problématique spécifique aux hydrocarbures de roches mères.
a) Des « règles d'or »
Toute activité industrielle engendre des risques justifiant l'application d'une réglementation et le contrôle de son respect. L'exploration et l'exploitation des hydrocarbures de roche mère ne font pas exception à ce principe.
L'Agence internationale de l'énergie estime que les problèmes environnementaux liés à l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels sont gérables, à condition de respecter un certain nombre de « règles d'or » 12 ( * ) .
La mise en oeuvre de ces règles implique un effort important de l'industrie (contrôle et maîtrise des procédés) et des gouvernements (réglementation et contrôle des activités).
L'encadré ci-après énumère les principaux points d'intérêt qui devraient être traités par une réglementation encadrant ce secteur d'activité.
RÉGLEMENTATION DE L'EXPLORATION ET DE L'EXPLOITATION DES HYDROCARBURES DE ROCHES MÈRES : PRINCIPAUX POINTS D'INTÉRÊT Chacun des points énumérés ci-après peut faire l'objet d'une réglementation et d'un contrôle par la puissance publique. - Transparence et concertation Toute opération en vue de l'exploration ou de l'exploitation d'hydrocarbures non conventionnels fait l'objet d'une concertation préalable avec la population. Une liste d'indicateurs clefs, assortis de valeurs de référence (« états zéros »), est établie. Ces indicateurs sont l'objet d'un suivi continu pendant le déroulement des opérations. Les données opérationnelles relatives à l'eau (volumes, retraitement), aux additifs (composition, volumes), aux émissions de gaz à effet de serre sont publiées. Les nuisances subies en surface sont, autant que possible, réduites pour les riverains. Ceux-ci bénéficient par ailleurs de retombées économiques de l'opération. - Choix des sites de forage Les puits sont localisés en sorte de minimiser l'impact sur les communautés locales, les activités existantes, le patrimoine et l'environnement. Les puits sont localisés après des études géologiques appropriées, évaluant le risque de présence de failles sismiques, celui d'une possible migration des fluides au sein de la roche ou d'une mobilisation vers la surface de certains composants. Le déroulement de la fracturation hydraulique est suivi en temps réel afin de vérifier que les fissures restent confinées autour du puits. - Étanchéité des puits et prévention des fuites L'intégrité des puits est strictement réglementée et contrôlée, en particulier eu égard à la présence de nappes phréatiques. Aucune opération de fracturation ne peut être réalisée à proximité des aquifères (fixation d'une distance minimale). Des mesures de prévention, de contrôle et de retraitement doivent être prises afin d'éviter toute fuite ou déversement de fluides usagés en surface. - Traitement de l'eau L'usage d'eau potable est autant que possible réduite. Sa réutilisation pour d'autres opérations de fracturation est privilégiée. L'utilisation d'additifs est réduite au minimum ; l'usage d'alternatives neutres d'un point de vue environnemental est privilégié. Dans cet objectif, une liste positive de produits non toxiques autorisés est établie, privilégiant les produits d'usage alimentaire ou courant. Cette liste peut être complétée par une liste restrictive d'additifs facultatifs éventuellement utilisables, à condition que leur utilité soit dûment justifiée. La composition des additifs est publiée. Ce processus est suivi et contrôlé par une autorité publique indépendante. Émissions de gaz à effet de serre Le torchage, c'est-à-dire le brulage par des torchères des émissions de gaz, est minimisé. Les émissions sont contrôlées et réduites dans toutes leurs composantes, y compris les fuites de méthane éventuellement associées à la production. Réalisation d'économies d'échelle Des économies d'échelle sont recherchées dans le développement des infrastructures au niveau local, afin de réduire les impacts environnementaux. Sont pris en compte les effets cumulatifs, au niveau régional, de forages multiples notamment sur l'eau, les sols, la circulation etc. (D'après AIE) |
La réglementation des pratiques pose donc aujourd'hui davantage des questions de coût que de principe. On sait réglementer ; mais cette réglementation aura un coût, susceptible d'affecter la rentabilité économique de l'exploitation.
b) L'exemple du projet de loi allemand
L'Allemagne paraît aujourd'hui s'engager sur cette voie de la réglementation, plutôt que de l'interdiction.
Il s'agit, dans le projet de loi allemand actuellement à l'étude, de réglementer les conditions de recours à la fracturation hydraulique, en fonction des enjeux environnementaux identifiés. Cette réglementation vise les forages profonds recourant à la fracturation hydraulique, y compris pour les projets géothermiques. Elle met l'accent sur la protection des ressources en eau, susceptible de justifier l'interdiction de la fracturation hydraulique à proximité de celles-ci ou si un risque est avéré.
Le projet de loi introduit les nouvelles dispositions suivantes :
- L'obligation d'associer les agences de l'eau - au même titre que les autorités minières - aux procédures de délivrance des permis pour les projets recourant à la fracturation hydraulique ;
- L'interdiction de la fracturation hydraulique dans les zones de protection des eaux potables ;
- La possibilité d'interdire la fracturation hydraulique également dans des zones non protégées s'il est prouvé que le forage peut engendrer des risques de fuites de substances nocives vers des zones de protection des eaux ;
- L'obligation de mener une étude d'impact pour l'ensemble des projets recourant à la fracturation hydraulique.
On le voit, la fracturation hydraulique peut être améliorée et encadrée. Il existe un important retour d'expérience au niveau mondial, car cette technique est la plus connue et la plus pratiquée non seulement pour l'extraction des hydrocarbures de roches mères mais aussi pour d'autres usages.
Au terme de cette étape de leur étude, vos rapporteurs considèrent que la fracturation hydraulique reste la technique la plus efficace et la mieux maîtrisée pour extraire les hydrocarbures non conventionnels, et que des solutions existent pour le faire avec un impact acceptable sur l'environnement, à condition de respecter quelques règles.
Il n'en demeure pas moins que plusieurs pistes alternatives, méritant d'être explorées, justifient un effort de recherche.
III. LES ALTERNATIVES À LA FRACTURATION HYDRAULIQUE : DES PISTES DE RECHERCHE À EXPLORER
Les techniques alternatives à la fracturation hydraulique à base d'eau peuvent être regroupées en deux catégories :
- les techniques de stimulation utilisant un fluide sous pression autre que l'eau, par exemple le propane liquide ;
- les techniques recourant à des phénomènes physiques différents, notamment électriques ou thermiques.
Dans tous les cas, hormis celui précédemment décrit du gaz de houille, il est nécessaire d'agir sur la roche pour accroître sa perméabilité et permettre l'écoulement des hydrocarbures.
INVENTAIRE DES TECHNIQUES DE STIMULATION
Source : Total
A. LA STIMULATION A PARTIR D'UN FLUIDE SOUS PRESSION AUTRE QUE L'EAU
Ces techniques de stimulation sont parfois aussi dites de « fracturation hydraulique », au sens large, recouvrant l'emploi de tout type de liquide. La loi du 13 juillet 2011 ne définit d'ailleurs pas précisément ce qu'elle entend par fracturation hydraulique. Dans la littérature scientifique, ces termes sont employés pour désigner tantôt la fracturation à base d'eau (comme nous l'avons fait précédemment), tantôt la fracturation à base d'un liquide quel qu'il soit.
1. La stimulation au propane
La stimulation au propane est aujourd'hui la technologie alternative à la stimulation à base d'eau la plus développée. Elle est mise en oeuvre industriellement ce qui n'est pas le cas des autres techniques, évoquées plus loin, qui font l'objet de recherches, voire d'expérimentations, mais ne sont pas utilisées à grande échelle.
a) Une technique ancienne récemment développée pour les HNC
La stimulation au propane est utilisée depuis cinquante ans par l'industrie. Elle a été développée pour des cibles conventionnelles avant d'être adaptée aux réservoirs non conventionnels.
La stimulation de la roche mère au propane gélifié a été développée industriellement par la société canadienne GasFrac. Entre 2008 et 2013, 2 000 opérations de fracturation ont été réalisées par cette entreprise en Amérique du nord, principalement au Canada et, depuis 2010, au Texas.
La stimulation au propane est aussi développée par ecorpStim, basée à Houston (Texas). Cette filiale du groupe eCorp a été créée en 2012 pour développer une technologie de stimulation au propane pur, sans additifs. En décembre 2012, ecorpStim a réalisé une expérimentation jugée fructueuse de cette technologie, à environ 1 800 mètres de profondeur dans le bassin d'Eagle Ford (Texas). Le seul et unique fluide utilisé pour réaliser la stimulation était du propane pur liquide, sans aucun produit ajouté.
b) Avantages et inconvénients par rapport à la fracturation hydraulique
L'objectif de toute technique alternative à base d'un fluide autre que l'eau est d'utiliser un liquide le moins visqueux possible, afin qu'il pénètre, mieux que l'eau, dans les interstices de la roche. Le propane liquide est particulièrement approprié pour ce faire mais il présente des risques en raison de son inflammabilité.
(1) Des bénéfices économiques et environnementaux
LA STIMULATION AU PROPANE (ECORPSTIM) : UNE TECHNOLOGIE SANS EAU NI PRODUITS CHIMIQUES
Source : ecorpStim
Le principal avantage de la stimulation au propane est évidemment de ne pas faire usage d'eau. Ce non recours à l'eau permet d'éviter les conflits d'usage et les questions relatives au retraitement de grandes quantités d'eau polluée.
La stimulation au propane peut, de surcroît, être réalisée sans ajout de produits chimiques au fluide de fracturation. C'est ce que propose ecorpStim. Le fluide est alors composé uniquement de propane et de proppant (sable ou céramique).
La stimulation au propane peut, dans certains types de réservoirs, être plus productive que la stimulation à l'eau. Le propane est en effet un hydrocarbure naturellement présent dans la roche. Sa présence n'endommage pas la formation géologique. Il forme un fluide peu visqueux, peu dense, permettant une meilleure distribution du proppant.
Le fluide de fracturation au propane est réutilisable à 95 % , tandis que seulement 30 à 80 % de l'eau injectée dans une opération de fracturation hydraulique est récupérée.
Enfin, la stimulation au propane nécessite moins d'équipements en raison d'une part, d'une densité moindre du propane par rapport à l'eau (permettant l'utilisation de volumes moindres) et, d'autre part, de possibilités accrues de recyclage, réduisant les besoins en transport.
D'après les entreprises qui la proposent (Gasfrac, ecorpStim), la stimulation au propane présenterait donc des bénéfices tant économiques qu'environnementaux.
(2) Une nécessaire maîtrise des risques
Le principal inconvénient de cette technologie est qu'elle implique la manipulation de quantités importantes (plusieurs centaines de tonnes) de propane inflammable en surface . C'est donc une solution a priori plus adaptée dans les environnements à faible densité de population que dans des contextes très peuplés. C'est, dans tous les cas, une technique à encadrer très strictement pour la sécurité des travailleurs et de la population. Sur 2 000 opérations réalisées, Gasfrac a rencontré un incident qui a fait plusieurs blessés en janvier 2011, causé par une fuite de propane.
Afin de prévenir les risques industriels, les compagnies utilisatrices de propane mettent en place des procédures de sauvegarde automatiques ainsi qu'un contrôle à distance des opérations , isolées par de multiples couches de protection (valves de sécurité, talus, périmètre autour de la zone d'opération). Les équipements les plus récents utilisés par ecorpStim permettent de ne stocker que de faibles volumes de propane sur le site.
Cette entreprise prévoit, par ailleurs, de proposer prochainement une technologie utilisant un fluide à base de propane mais non inflammable . Les agents extincteurs ajoutés ne seraient dommageables ni à la santé ni à l'environnement.
PROPOSITION DE DISPOSITIF POUR MAÎTRISER LES RISQUES INHÉRENTS À L'USAGE DE LA STIMULATION AU PROPANE
Source : ecorpStim
2. Les autres fluides possibles
L'usage d'hélium, de CO 2 ou d'azote pour former des fluides peu visqueux est aussi envisagé.
À l'état liquide, le CO 2 a une viscosité dix fois plus faible que l'eau. À l'état dit supercritique, c'est-à-dire sous certaines conditions de température et de pression, entre gaz et liquide, sa viscosité est encore plus faible. L'usage de ce gaz peut être combiné avec sa séquestration. Des publications 13 ( * ) et expérimentations ont été réalisées à ce sujet mais sans aboutissement industriel à ce jour, pour des raisons tant techniques qu'économiques.
B. LA STIMULATION PAR D'AUTRES PROCÉDÉS PHYSIQUES
D'après Total, la fracturation par explosif serait, d'un strict point de vue technique, une voie envisageable, ne nécessitant ni eau ni additifs. Elle a fait l'objet de procédés commercialisés.
Deux autres pistes explorées doivent être mentionnées au moins à titre prospectif. Il s'agit de procédés électriques et thermiques.
1. La fracturation par arc électrique
Il s'agit de passer d'une sollicitation statique de la roche à une sollicitation dynamique, afin de fragmenter le matériau en sorte de créer un réseau très dense - plutôt que très étendu - de fissures. Cette technique a notamment été étudiée au laboratoire des fluides complexes et leurs réservoirs de l'Université de Pau et des Pays de l'Adour.
Le chargement appliqué à la roche est une onde de pression générée par une décharge électrique entre deux électrodes placées dans le puits de forage, rempli d'eau. La durée de cette onde est de l'ordre de la centaine de microsecondes. Cette onde est transmise à la roche par le fluide présent dans le puits. Elle crée une microfissuration dont la densité décroît lorsqu'on s'éloigne de ce puits.
APPLICATIONS DE CHOCS ÉLECTRIQUES DANS UN PUITS PÉTROLIER
Source : thèse de Wen Chen sur la fracturation électrique des géomatériaux (2010)
Total, qui a commandé des recherches sur la fracturation par arc électrique et déposé deux brevets à ce sujet en mars 2011, considère que ce n'est pas pour le moment une alternative viable à la fracturation hydraulique à base d'eau, notamment car elle ne permet de stimuler que la proximité immédiate du puits . Cette technique aurait toutefois un intérêt pour d'autres applications.
Si l'électro-fracturation permet de se passer de produits chimiques, elle implique la gestion d'installations électriques en surface. Ses conséquences sur l'environnement restent à étudier.
2. La fracturation par procédé thermique
Des procédés de chauffage ont déjà été utilisés par l'industrie pétrolière pour améliorer le taux de récupération des huiles ou pour accélérer la maturation de la matière organique (dans le cas des schistes bitumineux par exemple).
La fracturation par effet thermique consiste à chauffer le matériau afin de déshydrater la roche, ce qui conduit à une rétractation et donc à une fissuration de celle-ci. L'espace libéré par l'eau augmente la porosité et donc la perméabilité de la roche. L'expulsion de l'eau favorise celle des hydrocarbures. Par ailleurs, le chauffage a pour effet d'augmenter la maturation du kérogène ou de favoriser la transformation d'hydrocarbures liquides et visqueux en composés gazeux légers.
Les verrous scientifiques à lever avant d'utiliser à grande échelle cette technologie sont considérables, s'agissant notamment des réponses à apporter aux enjeux environnementaux.
AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS DES PRINCIPALES TECHNIQUES ALTERNATIVES
À LA FRACTURATION HYDRAULIQUE À BASE D'EAU
Principe |
Avantages |
Inconvénients |
Multi-drain : forer une multitude de petits drains latéraux à partir d'un puits pour augmenter la surface de contact |
Faible usage d'eau Absence d'additifs |
Le nombre de drains à forer serait trop élevé dans le cas des HNC |
Flambage : enlever un volume de roche pour créer par effondrement limité en profondeur des fractures |
Faible usage d'eau Absence d'additifs |
Pas de retour d'expérience |
Découpe : créer mécaniquement des fissures dans la roche |
Faible usage d'eau Absence d'additifs |
Au stade de la R&D |
Explosifs conventionnels : Mise à feu d'un ergol qui libère du gaz à haute pression, ce qui permet la fracturation de la roche |
Absence d'eau Absence d'additifs Méthode commercialisée (groupe Expro) |
Difficulté de stimuler un large volume de réservoir Risques d'explosion en surface Toxicité des résidus |
Fracturation électrique -Arc : créer une onde acoustique dans le puits à proximité du réservoir, à l'aide d'un arc électrique -Autre procédé dit HPP : envoyer des pulses de pression à partir du puits pour désagréger la roche |
Faible usage d'eau Absence d'additifs |
Au stade de la R&D Ne permet de stimuler que la proximité immédiate du puits donc insuffisamment efficace |
Fracturation au méthanol ou au diesel |
Pas d'usage d'eau Faible nombre d'additifs Technique opérationnelle |
Risques en surface (déversement, explosion) Risque de contamination en cas de perte d'étanchéité du puits |
Stimulation au propane |
Pas d'usage d'eau Faible nombre voire absence d'additifs Peu ou pas de réaction avec le substrat Technique opérationnelle |
Infrastructures supplémentaires en surface Risques en surface (explosion) Risque de contamination en cas de perte d'étanchéité du puits |
Usage d'hélium cryogénisé comme fluide de base : forte expansion du gaz lors de son réchauffement dans le sous-sol |
Pas d'usage d'eau |
Au stade de la R&D Coûts Approvisionnement Ne permet pas l'emploi de proppant |
Usage d'azote comme fluide de base |
Pas d'usage d'eau Faible nombre d'additifs Déjà appliqué |
Restriction de profondeur Faible volume de réservoir stimulé Ne permet pas l'emploi de proppant Besoin de fortes capacités de compression |
Usage de CO 2 comme fluide de base |
Pas d'usage d'eau Faible nombre d'additifs Déjà appliqué |
Faible volume de réservoir stimulé Possible limitation de température Coût du CO 2 Dégagement de CO 2 Usage de glycol Risque de réaction avec le substrat (H 2 S par exemple) |
Usage de mousse (émulsion stable entre eau et un gaz : CO 2 ou azote) |
Réduire la quantité d'eau Améliore le transport du proppant Meilleure pénétration dans la formation |
Besoin d'additifs (surfactants...) Besoin en transports plus importants Infrastructures plus importantes Nécessite l'usage de CO 2 (émissions) Coût du CO 2 Risque de réaction du CO 2 avec le substrat (H 2 S par exemple) Besoin de fortes capacités de compression (azote) Risques associés à un stockage de gaz en surface. |
(d'après : Total)
CONCLUSION GÉNÉRALE
La perspective d'une exploitation possible de notre sous-sol justifie de relancer les travaux de recherche afin de mieux connaître notre patrimoine géologique, qui demeure mal connu. Plusieurs recommandations convergent vers ce point, tant pour l'évaluation des ressources en hydrocarbures elles-mêmes, que pour l'analyse de leur environnement : propriétés des roches-mères, présence de failles sismiques, connaissance du milieu hydrogéologique...
La production d'hydrocarbures non conventionnels a incontestablement une empreinte environnementale supérieure à celle d'hydrocarbures conventionnels, en raison de la nécessité de forer de nombreux puits pour parvenir à une production rentable, et en conséquence de l'usage de procédés de stimulation susceptibles de provoquer des dégâts environnementaux s'ils sont mal maîtrisés.
Néanmoins, les auditions réalisées établissent que les technologies sont disponibles pour maîtriser ce processus.
Les nouvelles technologies permettent de réduire le nombre et l'ampleur des opérations de fracturation hydraulique. Elles permettent de réduire la consommation d'eau potable et rendent possible l'élimination des produits chimiques. Ces évolutions ont toutefois un coût, dans un contexte où la production d'hydrocarbures non conventionnels est par nature soumise à des conditions économiques critiques.
La France possède toutes les compétences scientifiques, techniques et industrielles, à tous les niveaux de la filière, pour créer une filière de fracturation propre. A contrario , nos chercheurs et nos entreprises subissent une interdiction qui met à mal leurs compétences. Plus largement, c'est la compétitivité de toute une partie de l'industrie européenne qui est mise en danger par le retard pris dans le domaine des hydrocarbures non conventionnels. Vos rapporteurs entendent approfondir l'examen de l'ensemble de ces enjeux dans le cadre du rapport final qu'ils rendront à l'automne prochain, après s'être rendus aux États-Unis et en Pologne.
SYNTHÈSE DES PROPOSITIONS
I. ÉVALUER LES RESSOURCES DU SOUS-SOL FRANÇAIS EN HYDROCARBURES NON CONVENTIONNELS
Constat :
Le débat sur les hydrocarbures non conventionnels est nourri par des chiffres purement théoriques publiés par l'administration américaine, tandis que la France méconnaît son sous-sol.
Propositions :
1- Faire de la connaissance de notre sous-sol dans tous ses aspects une priorité de la recherche, par la réalisation d'un inventaire de nos ressources, en privilégiant, au moins dans un premier temps, les techniques non invasives , notamment :
le recensement, l'analyse et la modélisation des connaissances existantes,
l'usage de la sismique.
Cet inventaire doit être réalisé sans proscrire a priori certains types de ressources. Il faut donc notamment abroger la circulaire du 21 septembre 2012 en ce qu'elle interdit d'utiliser la technique de sismique si celle-ci n'est pas justifiée par la recherche des seuls hydrocarbures conventionnels. En effet cette circulaire est non seulement quelque peu absurde (elle suppose que l'on connaît déjà ce que l'on cherche) mais aussi contraire à la loi du 13 juillet 2011 (qui n'interdit « que » l'usage de la fracturation hydraulique).
2- Dans un second temps, si les premiers résultats sont concluants, forer quelques dizaines de puits d'exploration en appliquant toutes les précautions aujourd'hui connues permettant de trouver une solution à chaque problème environnemental dont aucun ne doit être nié (transparence et consultation des populations, forages dans les emprises conventionnelles actuelles, respect des préconisations de l'Agence internationale de l'énergie...). La quarantaine de puits fracturés forés en France n'a entraîné aucun inconvénient notable. Ceci supposera de faire une exception à la législation de juillet 2011 (voir III).
II. EXPLORER / EXPLOITER LE GAZ DE HOUILLE
Constat :
Les bassins de Lorraine et du Nord Pas-de-Calais possèdent d'importantes ressources en gaz de houille. Leur exploration et leur exploitation ne nécessitent pas l'emploi de la technique de fracturation hydraulique.
Proposition :
3. Poursuivre l'exploration puis engager, dès que possible, l'exploitation du gaz de houille (gaz de couche) : dans la mesure où elle ne nécessite pas l'emploi de la fracturation hydraulique, la recherche de ce gaz en Lorraine et dans le Nord Pas-de-Calais ne doit pas être retardée par le débat sur les hydrocarbures de roches mères.
III. POURSUIVRE LA RECHERCHE SUR LES TECHNIQUES D'EXPLORATION ET D'EXPLOITATION DES HYDROCARBURES DE ROCHES MÈRES (FRACTURATION HYDRAULIQUE ET AUTRES TECHNIQUES) ET LEURS EFFETS SUR L'ENVIRONNEMENT
Constat :
La loi du 13 juillet 2011, qui n'a été mise en oeuvre que dans son volet « interdiction », a abouti de facto à proscrire toute forme de recherche sur les hydrocarbures non conventionnels alors que la France possède toutes les compétences scientifiques, techniques et industrielles, à tous les niveaux, pour mettre en place une filière de fracturation propre, tirant les enseignements des expériences étrangères.
Propositions :
4. Mettre en oeuvre la loi du 13 juillet 2011 dans toutes ces composantes c'est-à-dire :
Mettre en place la Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux , prévue par l'article 2 de ladite loi, qui a « notamment pour objet d'évaluer les risques environnementaux liés aux techniques de fracturation hydraulique ou aux techniques alternatives » et qui est chargée d'émettre « un avis public sur les conditions de mise en oeuvre des expérimentations réalisées à seules fins de recherche scientifique sous contrôle public, prévues à l'article 4 ». À ce jour seul le Sénat a nommé son représentant au sein de cette Commission, pourtant créée par un décret en Conseil d'État en date du 22 mars 2012.
Rendre au Parlement le rapport annuel prévu par l'article 4 de la loi « sur l'évolution des techniques d'exploration et d'exploitation et la connaissance du sous-sol français, européen et international en matière d'hydrocarbures liquides ou gazeux, sur les conditions de mise en oeuvre d'expérimentations réalisées à seules fins de recherche scientifique sous contrôle public, sur les travaux de la Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation créée par l'article 2, sur la conformité du cadre législatif et réglementaire à la Charte de l'environnement de 2004 dans le domaine minier et sur les adaptations législatives ou réglementaires envisagées au regard des éléments communiqués dans ce rapport. »
Mettre en place le programme d'expérimentations scientifiques sous contrôle public supposé par les articles 2 et 4 précités, dans le cadre plus large proposé ci-après (5).
5. Établir un programme de recherche sur l'exploitation des hydrocarbures de roches mères, conforme aux orientations proposées par l'Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie (ANCRE) , portant sur les aspects suivants :
l'étude des propriétés des roches mères,
la connaissance des impacts sanitaires et environnementaux de la fracturation hydraulique,
les améliorations de la fracturation hydraulique,
le suivi et le contrôle de celle-ci,
les techniques de stimulation alternatives à la fracturation hydraulique.
6. Ce programme de recherche pourra inclure des expérimentations dans un puits test, destinées à valider des techniques de stimulation améliorées. Il pourra aboutir à autoriser la réalisation d'une campagne d'évaluation de la quantité récupérable sur un bassin, nécessitant la réalisation de quelques dizaines de puits d'exploration (voir proposition 2).
IV. UTILISER LES HYDROCARBURES NON CONVENTIONNELS POUR FACILITER LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE
Constat :
L'éventuelle exploitation des hydrocarbures non conventionnels ne diffèrerait pas la transition énergétique, mais substituerait une ressource produite sur le sol national à une ressource importée coûteuse en déficit commercial, manque à gagner fiscal, emplois et pouvoir d'achat. Les HNC pourraient avoir un rôle à jouer au moins à titre transitoire pour se substituer à nos importations, réduire la facture énergétique (68 Mds€ en 2012), financer les énergies renouvelables, compléter les énergies intermittentes, dans un contexte de réduction de la part de l'énergie nucléaire.
Propositions :
7. Inclure la problématique des hydrocarbures non conventionnels dans le champ du débat sur la transition énergétique en prenant en compte l'ensemble de ses composantes (gaz de houille, hydrocarbures de roche mère) et l'ensemble de ses aspects (coût / bénéfice / impact sur l'environnement).
8. Faire partiellement financer la transition énergétique (sobriété et intensité énergétiques, énergies renouvelables) par les éventuelles retombées financières des HNC.
V. CRÉER UN INTÉRÊT LOCAL À L'EXPLOITATION DES RESSOURCES DU SOUS-SOL
Constat :
Les collectivités locales et les populations jugent ne souffrir que d'inconvénients et ne bénéficier d'aucune retombée à l'exploitation des ressources du sous-sol.
Proposition :
9. Réformer le code minier pour faire bénéficier les collectivités locales et les propriétaires qui pourraient être impactés de retombées financières .
EXAMEN EN DÉLÉGATION
Lors de sa réunion du 5 juin 2013, l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a adopté, à l'unanimité des membres présents, les conclusions et les propositions du rapport d'étape sur les « techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels ».
COMPTE-RENDU DE LA RÉUNION DU COMITÉ SCIENTIFIQUE DU 23 MAI 2013
Présents :
- M. François-Marie Bréon, chercheur au CEA, Laboratoire des sciences du climat et de l'environnement (LSCE)
- M. Sébastien Candel, président du Comité de prospective en énergie, Académie des sciences
- M. Jacques Percebois, professeur en sciences économiques, directeur du Centre de recherche en économie et droit de l'énergie (CREDEN), Université de Montpellier-1
- M. Pierre Toulhoat, directeur scientifique, INERIS
- Mme Catherine Truffert, directrice de la recherche, BRGM
Excusé :
- M. Bernard Tardieu, président de la commission Énergie et Changement climatique, Académie des technologies
Les membres du comité scientifique ont été réunis le 23 mai 2013 pour débattre des propositions de vos rapporteurs. Ils ont globalement approuvé ces propositions qui ne sauraient toutefois les engager.
Après que les rapporteurs eurent rendu compte de leur programme de travail et de leurs principales conclusions, les membres du comité scientifique ont formulé les remarques suivantes.
M. Pierre Toulhoat
Vous souhaitez que l'on évalue les ressources du sous-sol français. À quelles ressources pensez-vous ? S'agirait-il d'une évaluation tous azimuts ou seulement des ressources en hydrocarbures non conventionnels ?
M. Christian Bataille
Il s'agit de l'ensemble de nos ressources non conventionnelles, qu'elles requièrent ou non l'usage de la fracturation hydraulique.
M. Pierre Toulhoat
Vous souhaitez que des sondages soient réalisés. Voulez-vous parler de forages ?
M. Jean-Claude Lenoir
Nous pensons à des forages mais aussi aux procédés d'auscultation du sous-sol par ondes que l'entreprise CGG nous a présentés.
Mme Catherine Truffert
On ne peut déterminer les volumes d'hydrocarbures disponibles qu'après avoir réalisé des opérations de fracturation hydraulique ou, éventuellement, utilisé des techniques alternatives. En Pologne, les premières évaluations américaines se sont avérées erronées : le retour n'est pas à la hauteur de ce qui était espéré. Le gaz est particulièrement piégé dans la roche mère. Néanmoins, la qualité de ce qui est produit (condensats) vient compenser en partie le déficit de quantité.
La sismique réflexion, quels que soient ses progrès récents, ne permet pas de quantifier la ressource. Vous le constatez d'ailleurs dans votre document de travail. Des opérations de fracturation sont nécessaires ; il ne s'agit pas forcément de fracturation hydraulique même s'il faut bien constater qu'aujourd'hui, c'est la seule technique efficace.
M. Pierre Toulhoat
Il existe un défi scientifique qui devrait être inscrit à nos programmes de recherche : il s'agit de relier la structure des zones riches en matière organique dans les shales à la présence de gaz. Est-ce qu'à partir d'un échantillon prélevé dans une carotte, il est possible de caractériser la roche en laboratoire pour savoir si on pourra ultérieurement en extraire le gaz ? Cette question scientifique reste ouverte. Aux États-Unis, une approche empirique a prévalu sur une approche scientifique de fond. Il est peut-être nécessaire d'avoir une phase préalable de recherche destinée à la compréhension de ces processus. Avec l'IFPEN ou le BRGM, nous avons les moyens de relever ce défi scientifique.
M. Sébastien Candel
J'approuve votre idée de lancer un programme de recherche fondé sur les orientations proposées par l'ANCRE, qui incluent la question qui vient d'être abordée par M. Pierre Toulhoat.
Le programme proposé par l'ANCRE est très bien pensé et il rassemble tous les acteurs.
M. Jacques Percebois
J'aborderai plutôt les aspects économiques. Il est très important d'inclure la problématique des hydrocarbures non conventionnels dans le cadre du débat national sur la transition énergétique. Cette idée est confortée par le récent rapport du Conseil d'analyse économique sur l'énergie et la compétitivité, montrant qu'une hausse de 10 % du prix de l'énergie entraîne une baisse de 2 % des exportations. Le fait d'avoir de l'électricité nucléaire et, peut-être, demain des hydrocarbures non conventionnels à meilleur marché, permettrait d'éviter des importations de gaz et de demeurer compétitif.
Mais il faut être prudent concernant le coût : ce qui fait la rentabilité du gaz de schiste aux États-Unis, c'est le fait qu'il est associé à des condensats qui se valorisent très bien. Si le gaz n'est pas associé à des condensats, son coût sera plus élevé. Il est probable qu'en France le coût d'accès sera plus élevé qu'aux États-Unis. Il ne faut donc pas penser que nous aurons une rente gazière phénoménale. Mais l'exploitation de nos ressources permettrait d'économiser des importations et d'obtenir des taxes notamment sur le plan local. On risque d'importer demain du gaz non conventionnel. Les Russes en ont. Les Américains pourraient en exporter, mais pas au prix américain, en raison des coûts de transport, de liquéfaction etc.
M. Christian Bataille
Notre idée n'est évidemment pas d'augmenter la consommation d'hydrocarbures en France mais bien de substituer nos propres ressources à des ressources actuellement importées.
Pierre Toulhoat
Les données d'évaluation des ressources sont stratégiques : qui va financer ces travaux d'évaluation ? Comment les données seront-elles ensuite partagées ?
M. Christian Bataille
Ce point dépasse quelque peu le champ de notre mission.
M. Jean-Claude Lenoir
Notre objectif est de contribuer à ce que la loi soit, à terme, changée. Il faut avancer avec prudence concernant la suite.
M. François-Marie Bréon
Le point concernant l'utilisation des ressources non conventionnelles pour le financement de la transition énergétique est essentiel. En tant que spécialiste du climat, j'insisterai sur le fait que sortir des hydrocarbures, pour limiter nos émissions de gaz à effet de serre, est devenu urgent, dans le contexte où l'on a récemment dépassé le seuil de 400 ppm de CO2 dans l'atmosphère. On ne voit aucune inflexion à cette augmentation. On sait déjà que l'on ne va pas tenir le seuil de réchauffement de 2°C. Il faudrait que l'on parvienne à mettre en oeuvre de vraies politiques pour limiter ce réchauffement.
M. Jean-Claude Lenoir
Nous ne souhaitons pas augmenter notre consommation de ressources fossiles. Notre consommation est déjà réduite par rapport à celle de l'Allemagne. Cette politique de lutte contre les gaz à effet de serre doit être européenne.
M. Christian Bataille
Nous ne souhaitons pas déséquilibrer le bilan énergétique français mais l'obtenir autrement dans l'intérêt économique national. Il n'est pas impossible qu'on se heurte d'ailleurs à des réticences des industriels, qui pourraient préférer vendre du pétrole ou gaz, d'où qu'ils viennent, plutôt que d'en extraire du sol français. Les industriels français sont en fait assez mollement engagés, à l'exception de l'UFIP. Mais il faut faire en sorte que l'économie nationale prévale sur l'économie installée des hydrocarbures : ne pas consommer plus mais mieux.
Je voudrais aborder la question de la fracturation hydraulique. Nos auditions ont montré qu'elle n'était pas la caricature délivrée dans plusieurs films.
Par ailleurs l'impact industriel de l'exploitation ou non de nos ressources est un point essentiel.
M. Jean-Claude Lenoir
Nous avons examiné les techniques alternatives. Le retour est assez décevant dans l'immédiat ; en revanche une fracturation hydraulique améliorée est possible.
Sur l'aspect industriel, nous avons des leaders, mais leur chiffre d'affaires se fait essentiellement à l'étranger.
M. Pierre Toulhoat
Comment les inciter à reprendre les investissements ? Par la fiscalité ?
Mme Catherine Truffert
Avant la loi de 2011, l'ensemble du territoire était couvert de permis. Les industriels étaient très présents. Aujourd'hui ils sont retenus par l'interdiction. Vous n'aurez pas les industriels avec vous tant qu'ils ne verront pas que le verrou est susceptible d'être levé à terme.
S'agissant du prix du gaz, il faut espérer qu'il ne diminue jamais autant qu'aux États-Unis. En effet, le coût environnemental de l'extraction doit être intégré. Nous devons veiller à protéger nos aquifères, à ce que les opérateurs soient accompagnés par la puissance publique pour veiller à ce que les choses soient faites proprement.
C'est aux industriels de mener les travaux d'exploration. La puissance publique doit établir un cadre et veiller au respect de conditions environnementales.
M. Jean-Claude Lenoir
C'est le pétrole qui rentabilise le gaz aujourd'hui aux États-Unis
M. Jacques Percebois
Je pense aussi qu'aux Etats-Unis, le prix du gaz est trop bas. Il remonte aujourd'hui. En France, le coût sera plus élevé. Un système de double dividende est envisageable, grâce à des taxes et au gain en lien avec les importations évitées.
M. Christian Bataille
Je souhaiterais aborder la question du gaz de houille. Les technologies pour l'extraire en France paraissent assez simples. Qu'en pensez-vous ?
M. Pierre Toulhoat
Les affirmations d'EGL sont fondées sur un certain nombre d'expérimentations en Lorraine. Elles reposent sur le pari de l'absence de recours à la fracturation hydraulique. Or des travaux antérieurement menés par le CERCHAR (Centre d'Études et Recherches des Charbonnages de France) ont montré que la micro-fracturation du charbon français est relative. Un certain nombre de tests sont en cours pour valider ce pari. Quelques mois ou années demeurent nécessaires pour le confirmer. La qualité de l'eau associée à la production doit aussi être confirmée. Tout ceci doit être évalué de manière indépendante.
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
13 décembre 2012
- M. Pierre-René Bauquis, professeur associé IFP School, Ancien directeur gaz-électricité-charbon du groupe Total
- BRGM (Bureau de recherches géologiques et minières)
MM. Didier Bonijoly, directeur-adjoint des Georessources, Hubert Fabriol, direction des risques et de la prévention, Francis Claret, direction Eau, Environnement, Ecotoxicologie
- Académie des technologies
M. Bernard Tardieu, président de la commission Énergie et Changement climatique
9 janvier 2013
- UFIP
M. Jean-Louis Schilansky, président
Mme Isabelle Muller, déléguée générale
M. Thierry Monmont, directeur Exploration et Production
M. Bruno Ageorges, directeur des relations institutionnelles et des affaires juridiques
- CGEIET/CGEDD (Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies / Conseil général de l'environnement et du développement durable)
M. Jean-Louis Durville, ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
M. Gilles Bellec, ingénieur général des Mines
M. Didier Pillet, ingénieur en chef des Mines
M. Jean-Claude Gazeau, ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts
- Hess Oil France
M. Bertrand Demont, président
Mme Stéphanie Hari, sénior géologue
M. Guillaume Defaux, directeur de la communication et des relations publiques
- INERIS
M. Vincent Laflèche, directeur général
M. Pierre Toulhoat, directeur scientifique
- Total
M. Bruno Courme, directeur général, Total Gas Shale Europe
M. François Tribot Laspière, adjoint au directeur Affaires Publiques France et ONG
M. Matthieu Naegel, chef du projet « Unconventional Gas Ressources »
10 janvier 2013
- IFPEN (Institut Français du Pétrole - Énergies nouvelles)
M. Olivier Appert, président
M. François Kalaydjian, directeur adjoint « Ressources »
- M. Philippe Vesseron, ancien président du BRGM
- CNRS/ANCRE (Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie)
M. Bruno Goffé, directeur de recherche au CNRS, chercheur au CEREGE (Centre Européen de Recherche et d'Enseignement des Géosciences de l'Environnement), Aix Marseille Université
M. Jean-Raynald de Dreuzy, chargé de recherche, Géosciences Rennes I, CNRS
M. François Renard, professeur à l'Université Joseph Fourier - Grenoble I, Institut des sciences de la Terre
M. Jacques Pironon, directeur de recherche au CNRS, UMR Géologie et gestion des ressources minérales et énergétiques, Université de Lorraine
M. Gilles Pijaudier-Cabot, professeur à l'Université de Pau et des Pays de l'Adour, directeur du Laboratoire des fluides complexes et leurs réservoirs
- Schlumberger France
M. Pascal Panetta, président
M. Dominique Pajot, global account manager, WesternGeco
22 janvier 2013
- ecorpStim
M. John Francis Thrash, chairman & CEO, eCorp International, LLC
Mme Florence Maisel, directeur général, Interel
M. Aristide Luneau, directeur, Interel
15 février 2013
- Schuepbach
M. Martin A. Schuepbach, PDG, Schuepbach Energy
M. Marc Fornacciari, avocat à la Cour
21 février 2013
- European Gas Limited (EGL)
M. Julien Moulin, président
M. Frédéric Briens, directeur général
- Greenpeace
Mme Anne Valette, chargée de campagne Climat-Energie
- GEP-AFTP
M. Jean Ropers, président
M. Philippe Perreau, directeur, Technologies Innovations Projets
26 février 2013
- Ambassade des États-Unis en France
Mme Candy Green, conseiller, Affaires environnementales et scientifiques
M. Blake Butler, conseiller adjoint
Mme Maureen Clapper, attachée, Secteur Energie
28 février 2013
- M. Jacques Percebois, professeur en sciences économiques, directeur du Centre de recherche en économie et droit de l'énergie (CREDEN), Université de Montpellier-1
- M. Christian Stoffaes, ingénieur général des Mines, chef économiste du CGEIET
- M. Patrice Geoffron, professeur en sciences économiques, directeur du Centre de Géopolitique de l'énergie et des matières premières (CGEMP), Université Paris Dauphine
7 mars 2013
- Académie des sciences
M. Sébastien Candel, président du comité de prospective en énergie, M. Vincent Courtillot, M. Michel Combarnous, membres du comité de prospective en énergie, Académie des Sciences
- France Nature Environnement
Mme Maryse Arditi
- Agence internationale de l'énergie
M. Christian Besson, analyste senior
14 mars 2013
- SNF Floerger
M. Pascal Rémy, président
21 mars 2013
- Centre d'analyse stratégique
M. Hervé Monange, directeur général adjoint
M. Dominique Auverlot, chef du département développement durable
M. Etienne Beeker, département développement durable
- Vermilion Energy Inc.
M. Jean-Pascal Simard, directeur des relations publiques Europe
Mme Pantxika Etcheverry, responsable du service Études France
- Halliburton
M. Rémy Caulier, vice president, Total Global Account
M. Nicholas Gardiner, Strategic business manager, Production enhancement
- Commune d'Auchel (62)
M. Philibert Berrier, premier adjoint au Maire
28 mars 2013
- Veolia
M. Jean-Marc Philipot, directeur technique, Veolia Eau
M. Didier Bigeonneau, directeur du Développement industrie pétrolière et gazière, Veolia Eau
Mme Marie-Thérèse Suart-Fioravante, directeur des Relations institutionnelles, Veolia Environnement
- Vallourec & Mannesmann Tubes
M. Didier Hornet, directeur général, Division OCTG, Membre du comité exécutif de Vallourec
M. Sébastien Cochet, Marketing & Développement, OCTG Division
Mme Caroline Philips, Group media relations manager
- GDF Suez
M. Didier Holleaux, directeur général
Mme Angeles Yackow, R&D and New Technologies Coordinator, Operations Department
M. Bertrand Garnier, technical and new offers development director, Degrémont Industry
Mme Valérie Alain, directeur des relations institutionnelles
4 avril 2013
- M. Laurent Michel, directeur général, direction générale de l'énergie et du climat (DGEC), Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie
11 avril 2013
- IMERYS
M. Thierry Salmona, membre du comité exécutif, directeur général Innovation & Support Business
Mme Anne Fauconnier, directeur de la communication corporate & interne
M. Raphaël Leclerc, consultant sénior, département BSA, CSA
15 avril 2013
- Déplacement en Lorraine
EGL
Visite d'une nouvelle plateforme en construction à Tritelling
Visite du site de forage et de test de production de Folschviller
M. Julien Moulin, président
M. Frédéric Briens, directeur général
M. Bernard Michaud, chef géologue
Elus et associations
M. Jean-Pierre Masseret, président du Conseil régional
Mme la maire-adjointe de Folschviller
M. Michel Kaspar, président de l'ADELP (Association agréée pour la défense et la lutte contre la pollution)
DREAL
M. Robert Mazzoleni, responsable de la DREAL Lorraine sur les questions minières
14 mai 2013
- Déplacement dans le bassin minier du Nord Pas-de-Calais
Gazonor / EGL
Visite du site d'exploitation du gaz de mines à Avion
M. Gauthier de Potter, président de Gazonor
M. Nicolas Ricquart, directeur de Gazonor
M. Bernard Michaud, chef géologue, EGL
Elus
M. Jean-Pierre Kucheida, président de l'Association des communes minières de France
M. Jean-Marc Tellier, maire d'Avion
M. Jacques Vernier, maire de Douai, conseiller régional
Mme Frédérique Masson, suppléante de M. Guy Delcourt, député, maire de Lens
M. Marcel Coffre, maire de Marles-les-Mines
DREAL
M. Roger Dhénain, DREAL Nord Pas-de-Calais
M. Frédéric Baudouin, DREAL Nord Pas-de-Calais
16 mai 2013
- Déplacement sur un forage en cours de Hess Oil France en Seine et Marne
- CGG
M. Jean-Georges Malcor, directeur général
M. Olivier Gouirand, VP Finance & Strategy Group
M. Salvador Rodriguez, VP Geoscience Technology
- Département de l'énergie des États-Unis (en vidéoconférence à l'ambassade des États-Unis à Paris)
M. Christopher Smith, acting assistant secretary and principal deputy assistant secretary for the Office of Fossil Energy, US Department of energy
22 mai 2013
- Déplacement sur des sites de Vermilion en Seine et Marne
Visite du puits de pétrole de roche mère Champotran 29
PROGRAMME DE L'AUDITION OUVERTE À LA PRESSE DU 18 AVRIL 2013
ÉTUDE DE FAISABILITÉ
ÉTUDE DE FAISABILITÉ
d'un rapport relatif aux
« Techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste »
Présentée par
M. Jean-Claude Lenoir, sénateur, et M. Christian Bataille, député
LETTRE DE SAISINE
INTRODUCTION
En 2011, la facture énergétique de la France a battu un record, en atteignant 61,4 Mds€, ce qui représente 88 % de son déficit commercial. Si la France exporte de l'électricité, elle importe en revanche massivement pétrole et gaz. Cette situation n'est pas seulement coûteuse d'un point de vue économique ; elle génère aussi une dépendance à l'égard de nos principaux fournisseurs. Ainsi, pour le pétrole, la production française représente aujourd'hui 1,1 % de la consommation nationale, ce qui génère une facture de 50 Mds € (2011). La Russie est notre premier fournisseur en pétrole brut devant le Kazakhstan et l'Arabie saoudite. La dépendance de la France est également presque totale s'agissant du gaz. Dans les années 1970, la France produisait un tiers de sa consommation de gaz. Aujourd'hui, elle produit 1,4 % du gaz consommé et paie une facture de 11,5 Mds€ d'importations (2011). Nos principaux fournisseurs de gaz sont la Norvège (34 %), les Pays-Bas, la Russie et l'Algérie.
Dans ce contexte, comment ne pas s'intéresser, au moins au titre de la recherche, aux éventuelles ressources de notre sous-sol national, outre-mer (Guyane) ou en métropole ?
La saisine de M. Daniel Raoul, président de la Commission des affaires économiques du Sénat, qui porte sur « les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste » est l'occasion pour l'Office parlementaire d'étudier la problématique des hydrocarbures non conventionnels, qui a surgi en France fin 2010, pour aboutir, quelque peu dans la précipitation, à la loi du 13 juillet 2011. Cette loi interdit l'exploration et l'exploitation des mines d'hydrocarbures par fracturation hydraulique et prévoit l'abrogation des permis de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique. Elle laisse toutefois une porte entrebâillée, puisqu'elle prévoit la création d'une commission chargée d'émettre des avis sur des expérimentations réalisées à seule fin de recherches scientifiques, sous contrôle public.
Nos auditions préliminaires confirment l'intérêt de cette saisine sur les techniques alternatives. D'une part, en effet, la fracturation hydraulique est une pratique qui évolue très rapidement. D'autre part, il existe d'autres pistes susceptibles de justifier un effort de recherche dans l'objectif d'évaluer leur faisabilité et leur impact environnemental.
Il ressort de nos premières auditions que l'interdiction édictée en France semble inciter les opérateurs à faire évoluer leurs pratiques afin de les rendre plus respectueuses de l'environnement et plus compatibles avec le contexte européen.
I. HYDROCARBURES NON CONVENTIONNELS : UN ESSOR RÉCENT DANS LE SILLAGE DES ETATS-UNIS
L'essor récent de la production d'hydrocarbures non conventionnels résulte de la conjonction d'évolutions techniques et de conditions économiques ayant rendu cette production rentable.
1. Spécificités des hydrocarbures dits « non conventionnels »
La spécificité des hydrocarbures non conventionnels ne tient pas à leur nature mais aux techniques nécessaires à leur exploitation.
a) Les hydrocarbures non conventionnels
La saisine qui nous a été confiée porte sur les « gaz de schiste ». Nos auditions préliminaires nous conduisent à penser que ces termes sont doublement inappropriés.
D'une part, elle semble exclure les huiles ou pétrole de schiste , ce qui ne correspond probablement pas à l'intention de l'auteur de la saisine, puisque leur exploitation soulève des interrogations similaires à celle du gaz de schiste. Par ailleurs, il est probable, si certaines prévisions sont avérées, que ces huiles constituent une partie importante des ressources françaises récupérables, notamment en Ile de France. Il conviendra donc d'en intégrer la problématique à notre étude.
D'autre part, les experts sont unanimes à désapprouver l'emploi du mot « schiste » , qui provient d'une mauvaise traduction de l'anglais « shale ». En français, le mot « schiste » est employé pour désigner soit une roche sédimentaire argileuse (en anglais, shale ), soit une roche dite métamorphique, obtenue en raison d'une augmentation très élevée de la pression et de la température (en anglais, schist ). Seule la première catégorie de schiste est susceptible de renfermer des hydrocarbures. C'est pourquoi il paraît préférable de parler d' hydrocarbures de roche-mère ou, en faisant allusion à leurs modes d'exploitation, d' hydrocarbures non conventionnels .
Nous suggérons de retenir l'appellation « hydrocarbures non conventionnels », car ces termes permettent d'englober trois types de gisements dont l'exploitation répond à des problématiques communes :
- Les hydrocarbures de roche-mère : il s'agit des huiles et gaz de « shale », dispersés au sein d'une roche argileuse (argilite), non poreuse ;
- Les gaz de réservoir compact ( tight gas ) qui se sont, pour leur part, accumulés dans des réservoirs difficiles à exploiter, car emprisonnés dans des roches imperméables où la pression est très forte ;
- Le gaz de houille ( coalbed methane ) ou grisou, dispersé dans des gisements de charbon (à distinguer du « gaz de mines », également du grisou, que l'on récupère par pompage dans d'anciens bassins miniers).
On remarquera que les sables bitumineux (Canada) n'entrent pas dans la même catégorie puisqu'il s'agit de gisements exploités à ciel ouvert, soumis à un traitement thermique.
b) Les modes d'exploitation
Ce qui est non conventionnel, ce n'est évidemment pas la nature de l'hydrocarbure récupéré, mais la roche dans laquelle il se trouve, les conditions dans lesquelles il est retenu dans cette roche et les techniques nécessaires à son exploitation.
Les hydrocarbures non conventionnels se trouvant dans un milieu imperméable, leur production nécessite de créer une perméabilité de façon artificielle en fissurant la roche. La technique la plus employée actuellement est la fracturation hydraulique . Cette technique, qui existe depuis 1947, consiste, à partir de forages horizontaux, à injecter de l'eau à très haute pression pour créer des fissures qui sont maintenues ouvertes par l'emploi de sable et d'additifs chimiques. Les fissures ainsi créées viennent interconnecter le réseau déjà existant de fissures naturelles de la roche, ce qui permet de drainer les hydrocarbures.
Les termes de « fracturation hydraulique » sont parfois employés pour désigner la fracturation par injection de tout type de liquide (eau mais aussi : propane liquide, voire hélium ou azote liquides par exemple cf. schéma ci-après page 16). Il semble préférable à vos rapporteurs de ne désigner par fracturation « hydraulique » que celle réalisée principalement à partir d'eau, ce qui correspond à l'usage normal de cet adjectif.
Au contraire des réserves non conventionnelles, les gisements dits aujourd'hui, a contrario , « conventionnels » se caractérisent par l'existence d'une accumulation liquide ou gazeuse située dans une roche poreuse et perméable, ce qui permet une extraction classique par forage et éventuellement par pompage, sans nécessiter d'autres étapes de traitement.
Source : IFPEN
2. Un essor récent dans un contexte d'incertitudes sur les ressources
D'après l'Agence internationale de l'énergie, le gaz non conventionnel comptera pour près de la moitié de l'augmentation de la production de gaz mondiale d'ici 2035 , cette augmentation venant pour majeure partie de la Chine, des États-Unis et de l'Australie.
a) Une croissance très rapide aux États-Unis
Aux États-Unis, la production de gaz non conventionnel s'est accrue très rapidement dans la seconde moitié de la décennie 2000, pour des raisons principalement économiques, le prix élevé du gaz ayant rentabilisé le développement de techniques permettant la récupération d'une ressource auparavant considérée comme non exploitable.
Ce gaz devrait permettre aux États-Unis de devenir autonome (c'est-à-dire exportateurs nets) d'ici 2021. En 2035, il constituera la moitié de la production de gaz états-unien. Ceci représente une révolution économique et géopolitique inattendue puisque les États-Unis avaient entrepris la construction de terminaux destinés à l'importation de gaz, équipés de centrales de regazéification, qui ont dû être arrêtés.
La croissance des productions de pétrole et de gaz aux États-Unis a des répercussions mondiales. L'Agence internationale de l'énergie estime qu'aux alentours de 2020, les États-Unis deviendront le plus gros producteur de pétrole mondial, dépassant l'Arabie saoudite. L'Amérique du Nord deviendrait exportatrice nette autour de 2030.
Les retombées économiques de cette révolution dans le domaine énergétique sont importantes car les grands groupes pétrochimiques sont incités à multiplier les investissements sur le sol américain. C'est le cas de Dow Chemical et d' Exxon au Texas notamment. Dans un rapport publié en octobre, PriceWaterhouseCoopers souligne que le coût de l'éthylène, aux États-Unis, pourrait tomber de 1 000 $ par tonne avant la révolution des gaz non conventionnels à quelque 300 $ par tonne. La production américaine deviendrait ainsi la plus compétitive du monde. D'après cette étude, les hydrocarbures non conventionnels sont susceptibles de générer un million d'emploi aux États-Unis d'ici 2025.
Les groupes chimiques européens pourraient être incités à délocaliser leur production dans un pays bien connu d'eux et présentant peu de risques.
b) Une ressource qui suscite l'intérêt de nombreux pays
Jusqu'à récemment, la production de gaz non conventionnel était presque exclusivement le fait des États-Unis. Le deuxième pays à s'être lancé dans la production de gaz non conventionnel est le Canada. A l'heure actuelle, États-Unis et Canada sont à l'origine de la quasi-totalité de la production mondiale de ces hydrocarbures, qui suscitent l'intérêt de nombreux autres États dans le monde.
L'Australie, la Chine, l'Algérie ont, par exemple, manifesté leur intérêt pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Certains grands pays comprenant des zones désertiques, où l'approvisionnement en eau est problématique, pourraient être incités à développer des techniques alternatives pour réduire la quantité d'eau nécessaire à la fracturation hydraulique, voire ne plus employer d'eau.
En Europe, la situation est contrastée. Les évaluations disponibles des ressources reposent sur des modèles théoriques et des données éparses. L'agence américaine EIA ( Energy information administration ) a ainsi estimé la ressource techniquement récupérable en gaz de roche mère dans les pays européens à 18 Tm 3 , la Pologne paraissant être le pays d'Europe le plus richement doté (5,3 Tm 3 ), devant la France (5 Tm 3 ).
Certains pays démarrent la prospection (Pologne, Royaume-Uni, Danemark), d'autres ont mis en place un moratoire (Allemagne, Pays-Bas) ; deux pays ont interdit la fracturation hydraulique (France, Bulgarie).
Dans les pays ayant choisi la voie du moratoire, des études préliminaires et des débats sont en cours. L'Allemagne a, par exemple, mis en place un comité parlementaire étudiant les perspectives de l'exploration et demandé des études scientifiques destinées à alimenter le débat public.
Au Royaume-Uni, les forages ont été suspendus à la suite de séismes de magnitude 2,3 14 ( * ) sur l'échelle de Richter (Blackpool). En décembre 2012, il a été décidé d'autoriser la reprise de ces forages exploratoires. Ils devront s'accompagner de nouveaux contrôles pour éviter les risques sismiques. Des permis d'exploration devraient être délivrés cette année.
HYDROCARBURES NON CONVENTIONNELS :
LÉGISLATION
ET ÉTAT D'AVANCEMENT EN EUROPE
Allemagne |
Moratoire |
Bulgarie |
Interdiction |
Danemark |
Prospection à venir |
Espagne |
Études en Aragon et Pays Basque / Interdiction en Cantabrie |
France |
Interdiction |
Hongrie |
Prospection à venir |
Italie |
Pas de développement prévu |
Lituanie |
Prospection en cours |
Norvège |
Pas de développement prévu |
Pays-Bas |
Moratoire |
Pologne |
Prospection en cours |
Royaume-Uni |
Prospection (reprise annoncée) |
Roumanie |
Moratoire |
Suède |
Prospection en cours |
Source : Institut Thomas More
La Pologne est probablement, en Europe, le pays le plus avancé dans l'exploration de son potentiel en hydrocarbures non conventionnels. Pour ce pays, le gaz de schiste constitue une opportunité de réduire considérablement les importations de gaz et par conséquent la dépendance à l'égard de Gazprom (fournisseur de 60 % du gaz polonais et de 25 % du gaz européen).
En Pologne, les prévisions de ressources récupérables ont toutefois été revues à la baisse par l'Institut National de Géologie, qui a publié le 21 mars 2012 un rapport dans lequel il évalue les gisements de gaz de schiste exploitables à 1,92 Tm 3 , soit un peu plus d'un tiers seulement des estimations américaines, ce qui illustre l'incertitude sur la ressource, en l'absence d'un échantillonnage suffisant. L'Institut géologique polonais prévoir d'actualiser ses estimations vers la fin de 2013.
Il convient d'ajouter que tous les gisements techniquement récupérables ne sont pas effectivement exploitables, pour des raisons d'accessibilité ou de rentabilité. Il faut donc distinguer la ressource techniquement récupérable de la réserve , qui dépend des conditions économiques.
Les estimations pour les États-Unis et le Canada sont plus fiables que celles réalisées pour l'Europe, en raison de la maturité plus grande de l'exploration et de l'exploitation dans ces pays. Les pays européens ne connaissent à ce jour que très imparfaitement les ressources de leur sous-sol. C'est singulièrement vrai en France , où les organismes auditionnés pour la réalisation de la présente étude de faisabilité (BRGM 15 ( * ) , IFPEN 16 ( * ) , CGIET-CGEDD 17 ( * ) , INERIS 18 ( * ) ) se réfèrent tous, pour l'évaluation des ressources françaises, à des sources américaines ou internationales (essentiellement l'EIA 19 ( * ) et l'AIE 20 ( * ) ). Si les organismes compétents ont été sollicités pour des études dans la plupart des pays d'Europe, ce n'est pas le cas en France, alors même que la loi de 2011 ne l'excluait pas complètement.
Pourtant, en France, il serait possible de procéder à de premières quantifications des ressources du sous-sol français à partir des connaissances et modèles existants, pour deux bassins : le bassin du sud-est et celui de Paris.
II. IDENTIFICATION ET MAÎTRISE DES RISQUES : UNE ÉVALUATION NÉCESSAIRE DES TECHNIQUES ALTERNATIVES D'EXPLORATION ET D'EXPLOITATION
L'expérience accumulée, essentiellement aux États-Unis, a mis en évidence les risques associés à l'exploration et à la production d'hydrocarbures non conventionnels.
Nos auditions préliminaires nous conduisent toutefois à penser que les techniques évoluent très rapidement. D'une part, dans les pays explorant ou exploitant ces hydrocarbures, notamment aux États-Unis, les pouvoirs publics mettent progressivement en place des réglementations spécifiques ; d'autre part, afin d'améliorer l'acceptabilité sociale de leur activité, les opérateurs sont enclins à mieux prendre en compte les considérations environnementales.
1. Les risques spécifiques de l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels
Les fracturations sont réalisées par injection d'un fluide sous pression. Ce fluide est composé d'eau (8 000 à 20 000 m 3 par forage), d'additifs chimiques et de particules (agents de soutènement, dits aussi proppants ) permettant de maintenir les fractures ouvertes.
Les principaux risques et les enjeux associés à l'usage de la fracturation hydraulique sont les suivants :
- Son impact quantitatif sur la ressource en eau : la disponibilité de l'eau et les conflits d'usage potentiels sont variables selon les zones ;
- Le risque de migration des gaz ou des produits utilisés pour la fracturation : les nappes phréatiques étant proches de la surface du sol, leur contamination du fait de la fracturation hydraulique est très peu probable. Il faut néanmoins contrôler l'intégrité des aquifères profonds salés. S'il y a un risque de pollution du sol et des nappes phréatiques, il est plutôt imputable à la qualité du forage et des installations au sol.
Ce risque n'est pas fondamentalement différent de celui qui est associé à un forage conventionnel mais le nombre de puits nécessaires pour produire une quantité donnée d'hydrocarbures est plus important en « non conventionnel » qu'en « conventionnel ».
Aux États-Unis, où des cas de pollution d'eau potable ont été observés (par exemple à Pavilion au Wyoming), l'Agence de protection de l'environnement américaine (EPA) a entrepris une étude sur les impacts environnementaux de la fracturation hydraulique, dont les résultats sont attendus en 2014.
- L'impact spécifique des additifs chimiques employés pour la fracturation. Ceux-ci représentent une faible part du liquide de fracturation (0,14 % dans l'exemple ci-dessous), ce qui correspond toutefois à des quantités importantes, étant donné les volumes d'eau utilisés.
COMPOSITION DU FLUIDE DE FRACTURATION
(Gisement
Marcellus, États-Unis)
Source : RANGE Resources pour les Marcellus shale (États-Unis), d'après IFPEN
- Le risque de mobilisation d'éléments contenus dans la roche par la fracturation hydraulique. Aux États-Unis, il a été observé sur un site que de l'uranium et du radon radioactifs avaient été drainés. Des métaux lourds peuvent être présents dans les argiles.
Source : TOTAL
Contamination due à la fracturation hydraulique (considérée comme très peu probable) |
|
Contamination due à des problèmes d'intégrité du puits |
|
Contamination due à un déversement ou à une défaillance de rétention |
- Le risque de sismicité induite : La fracturation hydraulique crée dans la plupart des cas des microséismes de très faibles amplitudes, ne créant pas de danger en surface. Néanmoins des séismes ont été attribués à l'exploitation d'hydrocarbures non conventionnels au Texas et en Arkansas, non pas en lien avec la fracturation hydraulique, mais en raison de la réinjection d'eaux usés dans le sous-sol. Au Royaume-Uni, en 2011, deux séismes de faible magnitude pourraient être liés à la fracturation hydraulique, dans un puits d'exploration de la région de Blackpool.
- Les nuisances locales associées aux travaux d'exploration et d'exploitation : emprise au sol, impact sur les paysages, passages de camions. On estime que la réalisation d'un puits de recherche (avec drain horizontal et fracturations) nécessite entre 900 et 1 300 voyages de camions. Ces nuisances sont cependant temporaires (6 à 18 mois).
- Le bilan de l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels sur le climat est l'objet de controverses. Aux États-Unis, l'usage croissant du gaz, en lieu et place du charbon et du pétrole, pour produire de l'électricité, a permis une réduction des émissions de CO 2 . Entre 2006 et 2011, on a observé une diminution des émissions liées à la production d'électricité de 8 %. La part croissante du gaz naturel n'en est pas seule responsable puisque les énergies renouvelables et les centrales nucléaires ont également contribué à remplacer charbon et pétrole. Si, en termes de combustion, le gaz naturel produit moins de CO 2 que le charbon, les fuites de méthane lors de la production, du transport et de l'utilisation du gaz pourraient avoir un impact négatif en matière climatique. En effet, sur un siècle, le méthane a eu un effet sur le changement climatique 25 fois plus important que le CO 2 . Les experts auditionnés nous ont confirmé qu'à ce jour aucune étude à ce sujet n'était complètement probante.
2. Maîtriser les risques sans céder à l'immobilisme : la recherche de techniques alternatives
Les techniques de production des hydrocarbures non conventionnels ne sont pas figées mais, au contraire, évolutives.
a) La fracturation hydraulique : une technique qui évolue rapidement
Le débat sur les conséquences environnementales de la fracturation hydraulique est vif tant en Europe qu'aux États-Unis et au Canada. Il a conduit, dans la plupart des pays, à une réflexion sur les moyens de limiter les risques grâce à des réglementations et à des contrôles destinés à modifier les pratiques.
Aux États-Unis, en réponse à des cas de contamination d'eau potable, les compagnies procédant à des fracturations hydrauliques ont été contraintes de communiquer la composition de leur fluide de fracturation. Les études actuellement menées par l'EPA 21 ( * ) doivent aboutir à une réglementation plus respectueuse de l'environnement. Les États américains se sont eux aussi saisis de ces questions environnementales, l'État de New-York ayant par exemple imposé un moratoire.
L'un des enjeux de cette réglementation est la limitation du nombre d'additifs chimiques utilisés dans les fluides de fracturation. L'industrie a développé l'utilisation de produits alimentaires (tels que le haricot de guar) et envisage l'usage de produits biodégradables ou d'autres techniques, tels que des rayons UV qui viendraient se substituer aux biocides utilisés pour désinfecter le fluide de fracturation.
L'impact sur les paysages peut être réduit en regroupant plusieurs puits à partir d'une seule plateforme de forage (qui pourrait héberger plus de quinze puits).
Le nombre de camionnages peut également être réduit , si l'on parvient à diminuer les quantités d'eau nécessaire, ou si l'on utilise d'autres techniques de fracturation à partir de fluides moins volumineux.
De façon plus générale, les procédés de fracturation évoluent : Schlumberger a, par exemple, développé une technique de fracturation « avec canaux » qui consommerait significativement moins d'eau que la fracturation classique.
Vos rapporteurs entendent examiner l'ensemble des voies d'amélioration de la fracturation hydraulique, esquissées lors de leurs premières auditions.
b) La recherche de nouvelles techniques de fracturation
La plupart des techniques de substitution à la fracturation hydraulique ne sont pour le moment qu'au stade de la R&D. Tous les experts auditionnés par vos rapporteurs sont d'avis qu'elles ne pourront être employées avant au minimum une décennie.
Il s'agit notamment :
- de l'électro-fissuration, consistant à fissurer la roche sous l'effet d'un courant électrique ;
- de la fracturation thermique par modification de la température de la roche-mère ;
- de la fracturation par injection d'un fluide autre que l'eau, tel que du CO 2 supercritique (employé à titre expérimental par Chevron dans le cadre du procédé dit CRUSH), ou encore de l'hélium, de l'azote ou d'une « mousse » (émulsion stable eau/gaz).
Ces techniques présenteraient l'avantage de ne pas nécessiter d'eau. Elles devraient permettre de diminuer le nombre d'additifs employés (sauf dans le cas de la mousse), une partie de ces additifs servant à empêcher la sédimentation du sable dans l'eau, ce qui ne deviendrait plus nécessaire.
La seule technique alternative à la fracturation hydraulique réellement opérationnelle à ce jour est la fracturation au propane , employée en Amérique du nord par les entreprises GasFrac et ecorpStim.
Le propane est utilisé depuis 40 ans dans le cadre de la production conventionnelle. Injecté sous forme de liquide ou de gel, il est récupéré sous forme gazeuse. Cette technique présente l'intérêt de limiter voire supprimer le recours à des agents chimiques. En outre, le propane peut être recyclé et réutilisé presque intégralement. Les volumes à gérer seraient moindres que pour la fracturation hydraulique, réduisant d'autant le besoin de transport en surface. Les risques industriels associés sont ceux inhérents à l'usage de gaz naturel (risque d'explosion).
CONCLUSION
La technique interdite par la loi du 13 juillet 2011, à savoir la fracturation hydraulique, a déjà beaucoup évolué depuis lors. Il s'agit d'une technique ancienne qui évolue aujourd'hui rapidement sous l'effet de considérations environnementales de plus en plus partagées.
En outre, une technique alternative opérationnelle existe : il s'agit de la fracturation au propane, qui mériterait un plus ample examen. D'autres technologies sont envisagées en recherche et susceptibles d'aboutir à des applications d'ici une dizaine d'années.
Les auditions préliminaires réalisées par vos rapporteurs confirment donc pleinement l'intérêt de la saisine de la commission des affaires économiques du Sénat.
Un simple ajustement des termes de cette saisine est suggéré : il s'agit de remplacer les termes « gaz de schiste » par ceux d'« hydrocarbures non conventionnels », pour les raisons évoquées plus haut.
Il est donc proposé de poursuivre l'étude ainsi engagée, sous l'intitulé suivant :
« Les techniques alternatives à la fracturation hydraulique pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels »
*
S'agissant du programme de travail vos rapporteurs suggèrent l'organisation d'une audition ouverte à la presse , qui permettra de mieux faire connaître les techniques employées pour l'exploration et l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels, les évolutions de ces techniques au cours des années récentes ainsi que leurs perspectives pour les années à venir.
Vos rapporteurs suggèrent, en outre, de se rendre en Amérique du Nord où le retour d'expérience de l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures non conventionnels est le plus grand. Aux États-Unis, de même qu'au Canada, les préoccupations environnementales ont conduit à un réexamen du cadre réglementaire et des modes de production de ces hydrocarbures. Enfin, c'est en Amérique du Nord que des techniques alternatives sont d'ores et déjà expérimentées (stimulation au propane).
En Europe, le pays le plus avancé sur la voie de l'exploration de son potentiel en hydrocarbures non conventionnels est la Pologne. C'est pourquoi nous envisageons de nous y rendre, ainsi éventuellement qu'au Royaume-Uni, si cela se révélait utile après un examen plus approfondi.
Enfin, vos rapporteurs proposent d'inscrire leur étude dans un calendrier qui lui permettrait d'apporter une contribution au débat national sur la transition énergétique.
CALENDRIER PROPOSÉ POUR L'ÉTUDE - Février-Mai 2013 : réalisation d'auditions complémentaires par les rapporteurs (pouvoirs publics, entreprises, associations environnementales), consultation des partenaires sociaux - Avril 2013 : audition ouverte à la presse en salle Lamartine (Assemblée nationale) - Printemps 2013 : examen par l'Office d'un rapport d'étape - Juin à septembre 2013 : déplacement en Amérique du Nord (États-Unis, Canada), en Pologne et, éventuellement, au Royaume-Uni. - Automne 2013 : examen par l'Office du rapport final. |
* 1 Pacte pour la compétitivité de l'industrie française, rapport de Louis Gallois, Commissaire général à l'investissement (5 novembre 2012).
* 2 SIA Conseil (19 septembre 2012)
* 3 Cf. étude de faisabilité présentée le 31 janvier 2013 (en annexe au présent rapport).
* 4 United States Energy Information Administration (EIA)
* 5 «An Assessment of World Hydrocarbon Resources», Hans-Holger Rogner, Annu. Rev. Energy Environ. (1997)
* 6 United States Geological Survey
* 7 Les hydrocarbures de roche-mère en France, rapport initial et rapport complémentaire (février 2012), Conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies (CGEIET) et Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD).
* 8 Dollars par million de British Thermal Unit (MMBTU) ; 1 MMBTU représente l'équivalent énergétique de 0.18 baril de pétrole.
* 9 Circulaire du 21 septembre 2012 relative aux permis de recherche d'hydrocarbures et aux travaux d'exploration
* 10 Manuel de fracturation hydraulique, Association de recherche sur les techniques de forage et de production, Editions Technip, 1972.
* 11 On rappellera ici qu'un accroissement de magnitude de 1 sur l'échelle de Richter, qui est logarithmique, correspond à une multiplication par 30 de l'énergie et par 10 de l'amplitude du mouvement.
* 12 « Golden rules for a golden age of gas, World energy outlook special report on unconventional gas », Agence internationale de l'énergie (OCDE/AIE, 2012)
* 13 Par exemple : Ishida, T., K. Aoyagi, T. Niwa, Y. Chen, S. Murata, Q. Chen, and Y. Nakayama (2012), Acoustic emission monitoring of hydraulic fracturing laboratory experiment with supercritical and liquid CO 2 , Geophys. Res. Lett., doi:10.1029/2012GL052788, in press.
* 14 L'échelle de Richter est logarithmique (un accroissement de magnitude de 1 correspond à une multiplication par 30 de l'énergie). Un séisme de la magnitude dont il est question ici (2,3) est considéré comme très mineur.
* 15 Bureau de Recherches Géologiques et Minières
* 16 Institut Français du Pétrole Énergies Nouvelles
* 17 Conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies ; Conseil général de l'environnement et du développement durable
* 18 Institut National de l'Environnement Industriel et des Risques
* 19 Energy Information Administration
* 20 Agence Internationale de l'Énergie
* 21 Environmental Protection Agency