D. LE VOLET IMMOBILIER DE LA RÉFORME À L'AUNE DES OBJECTIFS DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L'ÉTAT
1. La réduction des surfaces occupées par les juridictions
La réforme de la carte judiciaire a entraîné la restitution de 80 000 mètres carrés de locaux aux collectivités territoriales. En outre, 15 000 mètres carrés de bâtiments appartenant à l'État ont été cédés et 7 300 mètres carrés sont encore en cours de cession. Au total, du fait de la réforme, les juridictions ont donc abandonné près de 102 300 mètres carrés de locaux .
Dans le même temps, des surfaces de 18 331 mètres carrés ont été acquises 61 ( * ) et 20 691 mètres carrés ont été prises à bail de manière pérenne.
Ainsi, la réforme de la carte judiciaire a permis de réduire de 63 278 mètres carrés les surfaces occupées par les juridictions .
En dépit de l'absence d'objectifs et d'indicateurs de performance liés à la densification des locaux, comme vos rapporteurs spéciaux l'ont mis en évidence précédemment, la réforme paraît donc être la cause principale de la diminution des surfaces utilisées par l'ensemble des juridictions au cours des dernières années ; entre 2008 et 2011, ces dernières ont été réduites de 76 525 mètres carrés (cf. tableau de la page suivante).
Évolution des surfaces occupées par les juridictions (2008-2011)*
Année |
Surfaces occupées (en m²) |
Variation annuelle |
2008 |
2 550 248 |
- |
2009 |
2 525 040 |
-0,99 % |
2010 |
2 459 136 |
-2,61 % |
2011 |
2 473 683 |
+0,59 % |
Variation 2008/2011 |
- 76 525 |
-3,00 % |
* Ce tableau concerne l'évolution des surfaces de toutes les juridictions, y compris celles non concernées par la réforme de la carte judiciaire
Sources : données du ministère de la justice
2. Une amélioration de la qualité du parc immobilier
De manière générale, les chefs de cour consultés ont indiqué que les travaux engagés dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire avaient permis d' améliorer la qualité du parc immobilier des juridictions .
Ainsi, comme l'indiquent Jean-Yves McKee et Olivier Rothé, respectivement premier président et procureur général de la cour d'appel de Chambéry, les opérations réalisées ont permis aux personnels de bénéficier de « meilleures conditions de travail » , les locaux étant notamment « mieux adaptés à leur volume d'activité ». Néanmoins, dans certains cas, il semblerait que les conditions de travail des personnes appartenant aux juridictions « accueillantes » aient pu être légèrement dégradées du fait de la densification des espaces de travail.
De même, de réels efforts ont été accomplis en faveur de l'accueil du public . Aussi, à titre d'exemple, des guichets uniques de greffe (GUG) ont-ils pu être mis en place dans les palais de justice de Chambéry et d'Angers. En outre, les travaux effectués ont permis d' améliorer l'accessibilité des locaux , notamment pour les personnes à mobilité réduite ; ainsi, à cet effet, un ascenseur a été installé dans le tribunal d'instance de Montargis.
Enfin, les opérations entreprises ont autorisé la mise aux normes des bâtiments judiciaires , et ce tant au regard de la sécurité incendie que de la sûreté, etc.
3. Les conclusions de l'évaluation
Vos rapporteurs spéciaux ont déjà rappelé les objectifs de la politique immobilière de l'État 62 ( * ) :
- diminuer le coût de la fonction immobilière de l'État en allouant aux services des surfaces rationalisées et en cédant les surfaces excédentaires ;
- valoriser le patrimoine immobilier afin de céder les immeubles inadaptés ou devenus inutiles ;
- offrir aux agents et aux usagers des locaux adaptés aux besoins du service public, prenant en compte l'ensemble des normes applicables ;
- favoriser l'offre de logements grâce à la mobilisation du foncier public à l'occasion des cessions foncières induites par les évolutions des besoins des acteurs publics.
S'agissant de la réforme de la carte judiciaire, force est de constater que la mise en oeuvre de son volet immobilier s'est effectuée de manière relativement conforme à ces objectifs. En effet, celle-ci a permis de densifier les surfaces occupées par les juridictions , réduisant ces dernières de 63 278 mètres carrés.
De même, la réforme a été l'occasion d' améliorer les conditions de travail des personnels et d'accueil du public , et ce notamment grâce à une remise aux normes des locaux concernés.
Vos rapporteurs spéciaux ont également constaté que, bien que cet objectif ne puisse être effectivement retenu en ce qui concerne les juridictions, l'abandon d'implantations judiciaires avait pu, dans certains cas, favoriser l'offre de logements , comme l'a montré l'exemple du tribunal d'instance de Cernay, acquis par une association offrant des logements à loyer très social.
Le bilan financier du volet immobilier de la réforme est, quant à lui, ambivalent. En effet, les économies de gestion et de loyers permises par les regroupements de juridictions permettront, à compter de 2017, de dégager 4,3 millions d'euros d'économies par an 63 ( * ) . Cependant, les opérations menées, loin d'être neutres, ont représenté un coût net de 320 millions d'euros 64 ( * ) , ce qui induit une durée d'amortissement particulièrement longue. Mais il faut rappeler que la réforme de la carte judiciaire n'avait pas pour première finalité de réduire les dépenses immobilières des juridictions , le principal levier d'économies résidant, dans le cadre de cette réforme, dans la diminution des dépenses de personnels ; aussi, comme l'a indiqué le secrétariat général du ministère de la justice à vos rapporteurs spéciaux, l'État a-t-il « investi dans l'immobilier des juridictions ».
En tout état de cause, le principal enjeu est de consolider l'acquis . Le déploiement du volet immobilier de la réforme étant en grande partie achevé, il convient désormais de s'assurer de la mise en oeuvre d'une gestion efficiente des nouvelles implantations immobilières des juridictions . Néanmoins, la réalisation de cet objectif pourrait se heurter, dans les faits, à une gestion du parc immobilier du ministère de la justice qui présente d'importantes insuffisances.
* 61 Ces données ne comprennent pas le foncier acquis dans le cadre des opérations de constructions neuves.
* 62 Il s'agit des quatre objectifs de la politique immobilière de l'État définis par le ministre en charge du budget en 2006 (cf. supra ).
* 63 Il s'agit des économies de loyers et de gestion nettes des dépenses de loyers et des frais de gestion supplémentaires liés aux regroupements de juridictions (cf. supra ).
* 64 Il s'agit du coût total des opérations immobilières (331,9 millions d'euros), net des produits de cessions (11,9 millions d'euros) (cf. supra ).