C. LA RÉALISATION DES OPÉRATIONS IMMOBILIÈRES

1. La gestion opérationnelle des opérations immobilières
a) Les départements immobiliers des plateformes interrégionales du ministère de la justice

Les cours d'appel ont assuré la mise en oeuvre opérationnelle du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire. Aussi les chefs de cour ont-ils bénéficié, par le biais des départements immobiliers 48 ( * ) , de services de proximité composés de professionnels de la construction (ingénieurs, architectes, techniciens, etc.), dont la taille « permet d'allier souplesse et réactivité », pour reprendre les termes utilisés par le procureur général et le premier président de la cour d'appel de Versailles. Leur rôle est, principalement, d'accompagner les cours d'appel dans le pilotage des travaux d'envergure.

Les contributions des cours d'appel adressées à vos rapporteurs spéciaux montrent que les chefs de cour portent un regard positif sur l'action des départements immobiliers développée dans le cadre de la réforme, mais aussi de manière plus générale. Ainsi, Jean-Yves McKee, premier président de la cour d'appel de Chambéry, et Olivier Rothé, procureur général près la même cour, estiment que « le bilan est globalement positif dans la mesure où le chargé d'opération [du département immobilier] connaît parfaitement la cour d'appel [...] de par ses fréquents déplacements sur site » et ils ajoutent que celui-ci « répond, en outre, toujours dans des délais très satisfaisants aux sollicitations et demandes d'avis divers qui lui sont régulièrement adressées ».

Cependant, il a été indiqué à vos rapporteurs spéciaux, et ce à plusieurs reprises, que les moyens des départements immobiliers étaient insuffisants pour accompagner efficacement les cours d'appel . À cet égard, Jean-François Lorans et Alain Mombel, respectivement procureur général et premier président de la cour d'appel de Limoges, jugent que « le département immobilier [...] dispose d'un effectif insuffisant compte tenu de son ressort très vaste (cours d'appel de Bordeaux, Poitiers et Limoges), de l'importance et de l'ancienneté du parc immobilier judiciaire, du nombre d'opérations menées simultanément ». Aussi pourrait-il être nécessaire, à terme, de renforcer ces structures afin de compenser la baisse progressive de l'assistance des directions départementales des territoires (DDT) aux juridictions en matière de conduite de travaux 49 ( * ) .

b) Les services immobiliers des cours d'appel

(1) Les magistrats délégués à l'équipement

La gestion quotidienne du parc immobilier des juridictions relève, quant à elle, des services chargés des questions immobilières dans les cours d'appel. Ces derniers ont donc assuré, en collaboration avec les départements immobiliers, la préparation et la mise en oeuvre concrète de 430 opérations immobilières 50 ( * ) (portant sur 138 millions d'euros de dépenses d'investissement), pérennes ou provisoires, dans le cadre de la réforme. Ces derniers sont placés sous la supervision, dans chaque cour d'appel, d'un magistrat délégué à l'équipement . Celui-ci assure la fonction d'interface entre les juridictions et les départements immobiliers pour exercer les éventuels arbitrages sur les besoins exprimés, ainsi que le suivi des études et l'organisation des travaux. Le magistrat délégué à l'équipement constitue, en quelque sorte, le trait d'union entre l'institution judiciaire et la fonction immobilière 51 ( * ) ; il incarne l'« utilisateur » des bâtiments et s'assure que ces derniers répondent aux besoins de l'activité judiciaire. Aussi Philippe Ingall-Montagnier et Alain Nuée, respectivement procureur général et premier président de la cour d'appel de Versailles, considèrent-ils comme indispensable « l'expertise du magistrat délégué à l'équipement, en charge du suivi budgétaire et des marchés publics ».

Cependant, comme le soulignent, à juste titre, le procureur général et le premier président de la cour d'appel de Chambéry, le magistrat délégué à l'équipement n'est « pas un homme de l'art et [exerce] ses attributions en la matière en sus de ses autres tâches » 52 ( * ) . Au regard du rôle joué par ce dernier en matière immobilière, il est donc nécessaire qu'il dispose d'une réelle expertise immobilière et qu'il soit assisté de spécialistes en la matière.

Or, vos rapporteurs spéciaux ont pu constater que le catalogue de la formation continue de l'École nationale de la magistrature (ENM) pour l'année 2013 ne faisait apparaître aucune formation concernant les problématiques immobilières à destination des magistrats, alors que de nombreux enseignements portent sur l'« administration de la justice » et touchent, entre autres, au contrôle et au pilotage du fonctionnement des juridictions 53 ( * ) . Il serait, par conséquent, utile de mettre en place un programme de formations relatives à la gestion du patrimoine immobilier à destination des personnels exerçant des responsabilités en ce domaine et, en particulier, des magistrats délégués à l'équipement, si besoin en collaboration avec d'autres administrations. Une connaissance plus fine des problématiques immobilières par les magistrats pourrait, en effet, permettre une meilleure appréhension des besoins et faciliter la coordination avec les agents en charge de l'immobilier au sein des juridictions ou des directions immobilières.

Recommandation n° 3 : instituer un programme de formations relatives à la gestion du patrimoine immobilier à destination des personnels exerçant des responsabilités en ce domaine, notamment des magistrats délégués à l'équipement.

(2) Les techniciens immobiliers

Les services administratifs régionaux (SAR) des cours d'appel comportent, généralement, des équipes spécialisées dans la gestion et l'entretien du parc immobilier. La composition de ces équipes est variable. Le plus souvent, elles ne comportent qu'un technicien immobilier , qui peut d'ailleurs avoir une formation d'architecte.

Il est apparu à vos rapporteurs spéciaux que les techniciens immobiliers constituaient des éléments essentiels de la bonne mise en oeuvre de la politique immobilière des juridictions . Leur action apparaît, à bien des égards, comme un levier de rationalisation de la gestion du parc immobilier et d'économies.

Tout d'abord, leur expertise leur permet de dialoguer avec les maîtres d'oeuvre et les entreprises du bâtiment intervenant dans les implantations judiciaires. Le procureur général et le premier président de la cour d'appel de Versailles estiment que cette intervention du technicien immobilier permet la réalisation d'« économies substantielles et [l']amélioration qualitative des opérations programmées » ; ils considèrent que « cette plus-value serait certainement moindre si une telle fonction devait être exercée dans le cadre d'une plateforme interrégionale ». Aussi l'efficacité des techniciens immobiliers semble-t-elle résulter tant de leur compétence que de leur proximité du terrain .

Ensuite, les techniciens immobiliers sont les plus à même d'instituer une gestion prévisionnelle des opérations d'entretien , qui permet de réduire substantiellement les dépenses immobilières. À ce titre, il faut souligner que la majorité des gestionnaires de parcs du secteur privé ont adopté la méthode des ratios APOGEE 54 ( * ) pour conduire leur stratégie de maintenance patrimoniale. Cette méthode est utile à l'établissement d'une programmation annuelle des crédits dédiés à l'entretien, dont le volume est déterminé selon l'âge du bâtiment (cf. tableau ci-contre).

Montant annuel à consacrer aux grosses réparations

Âge du bâtiment

Montant estimatif des grosses réparations

1 à 5 ans

0,16 % du coût de la construction

6 à 10 ans

0,32 % du coût de la construction

11 à 15 ans

0,64 % du coût de la construction

16 à 20 ans

1,28 % du coût de la construction

Source : document de politique transversale sur la « Politique immobilière de l'État » annexé au projet de loi de finances pour 2013

Elle permet de ne dépenser sur 20 ans que 12 % du coût de la construction de l'immeuble pour en maintenir la capacité, alors que l'absence de grosses réparations sur la période aboutit à dépenser, au bout de 20 ans, une somme correspond au tiers du coût initial du bâtiment .

Les administrations publiques recourent désormais à la méthode des ratios APOGEE 55 ( * ) . Néanmoins, son application implique de disposer d'une connaissance fine du parc immobilier et d'être en mesure de programmer et mettre en oeuvre les opérations d'entretien des bâtiments .

Dans les cours d'appel, seuls les techniciens immobiliers sont susceptibles de réunir l'expertise et les connaissances nécessaires à la mise en oeuvre d'une gestion prévisionnelle du patrimoine immobilier efficace. À titre d'exemple, la cour d'appel de Versailles s'est engagée, depuis plus de deux ans, dans la conception d'un « carnet de santé » pour chacun de ses bâtiments ; ce document synthétise l'ensemble des données pertinentes relatives à l'immeuble concerné : dimensions, surfaces, récapitulatif des travaux effectués depuis plusieurs années et inventaire de ceux à réaliser d'urgence.

Si cette approche mériterait d'être généralisée dans l'ensemble des cours d'appel, son développement se heurte à une présence très inégale des responsables de la gestion immobilière selon les ressorts . Ainsi, dans nombre de cas, les cours d'appel ne disposent pas de techniciens immobiliers comme, par exemple, celles de Bourges, Caen, Riom, Aix-en-Provence ou encore d'Agen. Cette situation laisse penser que des marges de progression existent en ce qui concerne la rationalisation des dépenses immobilières des juridictions . Jean-François Thony, procureur général près la cour d'appel de Colmar a, à cet égard, souligné que « pour réaliser une politique immobilière efficace et efficiente dans le ressort, il conviendrait de disposer d'une cellule à la cour d'appel qui traiterait de tous les aspects immobiliers des juridictions ».

C'est pourquoi, vos rapporteurs spéciaux considèrent comme souhaitable un renforcement de la présence des équipes chargées de la gestion et de l'entretien du parc immobilier dans les cours d'appel ou, à tout le moins, que chaque cour puisse bénéficier de l'expertise d'un technicien immobilier.

Cependant, conscients des contraintes budgétaires actuelles, vos rapporteurs spéciaux souhaitent insister sur le fait qu'il existe des alternatives aux créations de postes pures et simples . Ainsi, l'expérience des cours d'appel de Metz et Nancy, qui bénéficient, à temps partagé, des services d'un même technicien immobilier, a montré qu'il était possible de mutualiser efficacement les personnels chargés de la gestion immobilière . Cette démarche de mutualisation pourrait permettre, par ailleurs, d'étoffer les équipes et donc les compétences dont bénéficient les cours d'appel.

Recommandation n° 4 : renforcer la présence des personnels chargés de la gestion et de l'entretien du patrimoine immobilier dans les cours d'appel par le biais de mutualisations.

Enfin, les techniciens immobiliers pourraient se voir attribuer une fonction dont le développement apparaît nécessaire : la centralisation de la « mémoire » des opérations immobilières .

En effet, à ce jour, trop peu de documents relatifs à ces opérations, qu'il s'agisse de constructions nouvelles ou de travaux de rénovation, font l'objet d'une collecte systématique ; or, cette situation induit de nombreux coûts inutiles (notamment du fait de la rotation des personnels en charge des questions immobilières dans les cours d'appel).

C'est pourquoi, il semblerait opportun qu' une réflexion soit engagée afin d'identifier la nature des documents dont la conservation est essentielle et de définir la procédure selon laquelle ces derniers sont recueillis au sein des cours d'appel . Celle-ci pourrait, en outre, porter sur le développement de logiciels permettant le suivi des opérations de maintenance ; en effet, certaines cours d'appel se sont engagées de manière autonome sur cette voie, alors que le développement de tels outils au niveau national serait moins coûteux et permettrait leur diffusion à l'ensemble des ressorts.

Recommandation n° 5 : engager une réflexion tendant au développement d'une « mémoire » des opérations immobilières au sein des cours d'appel.

c) L'agence pour l'immobilier de la justice

L'agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) a vocation à prendre en charge les opérations les plus complexes. Aussi l'opérateur s'est-il vu confier 9 opérations 56 ( * ) en maîtrise d'oeuvre directe au titre de la réforme de la carte judiciaire , pour un montant estimé à 167,8 millions d'euros, portant sur :

- quatre nouvelles constructions (à Bourg-en-Bresse, Limoges, Saint-Malo et Béziers) ;

- quatre restructurations ou extensions (à Lons-le-Saunier, Périgueux, Quimper et Lisieux) ;

- une acquisition-restructuration (à Haguenau).

L'agence pour l'immobilier de la justice (APIJ)

Créé sous le nom d' agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice (AMOTMJ), cet établissement public administratif est rapidement monté en charge, à partir du 1 er janvier 2002, pour permettre la mise en oeuvre de la loi de programmation pour la justice (LOPJ) couvrant la période 2002-2007. Ses missions ont été élargies en 2004 au montage de contrats et projets en partenariat public-privé 57 ( * ) et à la possibilité d'assurer la maîtrise d'ouvrage de plein exercice. Les statuts de l'opérateur ont été modifiés afin de prendre acte de l'élargissement de ses compétences 58 ( * ) .

L'établissement public a été autorisé à réaliser les projets immobiliers qui lui sont confiés sous toutes les formes de la commande publique (maîtrise d'ouvrage, conception-réalisation et contrats de partenariat). Ses missions ont également été étendues à l'expertise, à l'assistance et au conseil techniques du ministère de la justice.

L'agence a changé de nom en 2010 pour devenir l'agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) 59 ( * ) .

Elle met, par ailleurs, une partie de ses personnels et matériels au service des missions de l'établissement public du palais de justice de Paris (EPPJP).

En 2011, les effectifs de l'APIJ atteignaient 109,9 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en moyenne annuelle, se répartissant entre agents contractuels (50 %) et fonctionnaires (50 %) ; son budget exécuté a alors atteint 10,75 millions d'euros, dont 7,73 millions d'euros pour les charges de personnel.

La même année, l'agence gérait un portefeuille d'opérations d'environ 2,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), comprenant 26 opérations judiciaires (dont deux en contrat de partenariat) et 32 opérations pénitentiaires (dont neuf en contrats de partenariat).

Sources : contrat de performance de l'agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) sur la période 2011-2013, compte de résultats 2011 de l'agence et rapport d'activité de l'agence pour l'année 2011

Toutefois, il est trop tôt pour que vos rapporteurs spéciaux puissent livrer une évaluation approfondie de l'action menée par l'APIJ dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire. En effet, selon les indications de le ministère de la justice, ce n'est qu'en 2012 que sont passées « en phase opérationnelle [les] opérations confiées à l'APIJ » , même si près de 67 millions d'euros avaient été d'ores et déjà engagés au cours de la période 2008-2011 (cf. le tableau ci-dessous).

C'est pour cette raison, sans doute, que vos rapporteurs spéciaux ne se sont vus transmettre aucun élément d'appréciation précis portant sur les opérations gérées par l'agence.

Coût des opérations confiées à l'APIJ dans le cadre
de la réforme de la carte judiciaire sur la période 2008-2011

(en millions d'euros)

Année

Autorisations d'engagement

2008

7,4

2009

9,3

2010

44,4

2011

5,9

TOTAL (2008-2011)

67,0

Note : vos rapporteurs spéciaux ne disposent pas de données précises sur la période postérieure à 2011 ; toutefois, eu égard à la programmation retenue, 100,8 millions d'euros restent à engager.

Source : ministère de la justice

2. La fonction de soutien des services de l'État
a) Les directions départementales des territoires

Les départements immobiliers des plateformes interrégionales du ministère de la justice se sont appuyés sur les services de construction publique des directions départementales des territoires (DDT) dans le cadre du protocole d'accord entre le ministère de la justice et le ministère chargé de l'équipement .

Héritières des directions départementales de l'équipement (DDE), les DDT apparaissent, à bien des égards, comme « les constructeurs légitimes de l'État », pour reprendre les termes de Dominique Lottin et Olivier de Baynast de Septfontaine, première présidente et procureur général de la cour d'appel de Douai. C'est pourquoi, les DDT assurent une assistance aux départements immobiliers pour la conduite des opérations immobilières programmées dans les implantations judiciaires, voire conduisent directement les travaux . En outre, ces directions disposent d'une connaissance particulièrement fine des bâtiments et terrains détenus par les collectivités publiques dans les départements, apportant une aide aux cours d'appel dans la recherche de biens immobiliers, etc.

Vos rapporteurs spéciaux ont, toutefois, relevé que l'engagement des directions départementales des territoires auprès des directions immobilières et des cours d'appel était très variable selon les ressorts. Nombre de chefs de cour mentionnent une baisse sensible de l'assistance des DDT, qu'ils attribuent à la réduction des moyens alloués à ces directions . Plus radicalement, Catherine Husson-Trochain et Jean-Marie Huet, première présidente et procureur général de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, ont déclaré que les directions départementales des territoires « se sont, à ce jour, totalement désengagées ».

En tout état de cause, il semblerait que le co-pilotage des opérations immobilières par les DDT et les départements immobiliers soit source de difficultés . En effet, ce dédoublement des responsabilités provoque un allongement des circuits d'élaboration des marchés publics et d'enregistrement des factures dans le progiciel de gestion intégré Chorus 60 ( * ) . Ainsi un magistrat délégué à l'équipement interrogé a-t-il accusé la « perte de temps », la « dilution des responsabilités » et les « erreurs de conception » résultant de la direction partagée des opérations entre les départements immobiliers et les DDT. Face à ce constat, Philippe Ingall-Montagnier et Alain Nuée, respectivement procureur général et premier président de la cour d'appel de Versailles, ont indiqué que « le degré de coordination mériterait d'être renforcé, afin d'éviter, dans le cadre d'opérations importantes, des retards et dysfonctionnements préjudiciables ».

Enfin, certains responsables des affaires immobilières de cours d'appel ont insisté sur la nécessité de disposer d'un « interlocuteur unique », identifié comme tel par les entreprises, afin d'exercer un contrôle constant sur la qualité de réalisation des travaux et inscrivant son action dans la durée. Or, l'intervention conjointe des DDT et des départements immobiliers freine l'émergence d'un tel interlocuteur.

Au regard de ces différents éléments, il paraît dorénavant nécessaire d'envisager une évolution des modalités de coopération entre les départements immobiliers et les directions départementales des territoires .

En effet, les compétences jusqu'à présent détenues par les DDT sont indispensables à la gestion efficace du parc immobilier des juridictions. Dans certains cas, les tâches de conduite d'opération ont pu être confiées à des prestataires privés . Toutefois, comme l'ont indiqué certains responsables de services immobiliers du ministère de la justice à vos rapporteurs spéciaux, le recours à des prestataires privés ne peut qu'être ponctuel et concerner des opérations de faible ampleur ; en outre, de telles délégations impliquent la mise en place de fonctions de pilotage et de contrôle qui peuvent se révéler coûteuses en matière de travaux. Aussi l'externalisation totale des fonctions assurées par les DDT ne semble-t-elle pas constituer la meilleure solution . D'autant que les départements immobiliers disposent d'ores et déjà des compétences nécessaires à la maîtrise d'ouvrage et à la conduite d'opération. Par conséquent, le retrait progressif des DDT semble plutôt appeler à un renforcement, probablement limité, des départements immobiliers .

Recommandation n° 6 : renforcer les départements immobiliers des plateformes interrégionales du ministère de la justice et mieux encadrer les délégations de conduite d'opération confiées aux directions départementales des territoires.

b) Le service France Domaine

Eu égard à l'importance du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire, le ministère de la justice et le ministère en charge du budget ont souhaité mettre en place une action commune visant permettre un examen approfondi des projets immobiliers proposés dans le cadre de la réforme. Les modalités de cette procédure ont été précisées dans une circulaire conjointe du 14 octobre 2009. Selon les informations transmises à vos rapporteurs spéciaux par le ministère de la justice, les deux finalités de cette action commune étaient de réduire le coût des opérations au regard des « objectifs de performance immobilière et d'utilisation rationnelle du patrimoine de l'État et d'en garantir la date de livraison ».

Ainsi, ce processus visait à s'assurer que les projets menés par les départements immobiliers prenaient en compte les objectifs de rationalisation du parc immobilier fixés dans le cadre de la politique immobilière de l'État. Les services locaux de France Domaine ont donc été saisis par les services déconcentrés du ministère de la justice pour un examen commun des projets envisagés , et ce au regard de quatre critères :

- l'optimisation des locaux occupés par les juridictions concernées ;

- la recherche du patrimoine domanial disponible ;

- l'opportunité d'une prise à bail ;

- la recherche d'une solution pérenne en acquisition de terrain à construire ou d'immeuble.

Dans la pratique, l'établissement de cette procédure concertée a permis la délivrance de l'avis domanial par France Domaine dans des délais rapprochés dans le cadre des opérations engagées.

La présence des services de France Domaine auprès des cours d'appel va bien au-delà des seules conception et mise en oeuvre du volet immobilier de la réforme de la carte judiciaire. Les évaluateurs de France Domaine peuvent, en effet, apporter à ces dernières une aide quant aux choix de biens immobiliers , bâtiments ou terrains.

Seulement, en dépit de l'importance de leurs missions, il n'est pas certain que les services de France Domaine soient pleinement en mesure de les accomplir. Comme l'ont souligné le premier président et le procureur général de la cour d'appel de Versailles, « malgré la bonne volonté et le savoir faire des agents de ces services, leurs capacités de conseil sont néanmoins limitées au quotidien, du fait du caractère restreint des effectifs et de l'ampleur des missions domaniales prises en charge ».

Enfin, les cours d'appel, s'agissant de la gestion de leur parc, peuvent également bénéficier de l'assistance des responsables du patrimoine immobilier de l'État (RPIE), rattachés au préfet de chaque département. À titre d'exemple, dans le ressort de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, les RPIE interviennent « ponctuellement [...] pour les audits énergétiques et propose[nt] de faire bénéficier le ressort de leurs marchés [...] pour l'entretien immobilier ».


* 48 Les départements immobiliers (ou départements de l'immobilier) des plateformes interrégionales du ministère de la justice relèvent du secrétariat général de ce ministère ; ils ont remplacé les antennes régionales de l'équipement (ARE) dont elles ont repris les attributions. Les plateformes interrégionales sont au nombre de neuf ; elles ont été instituées par un arrêté du 22 mars 2012 pour mutualiser l'organisation et le fonctionnement des services déconcentrés de la direction des services judiciaires (DSJ), de la direction de l'administration pénitentiaire (DAP) et de la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ). Au-delà des problématiques immobilières, leur champ de compétence s'étend à la gestion des ressources humaines et de l'action sociale, à l'informatique et aux télécommunications, à l'exécution budgétaire et comptable, etc.

* 49 Cf. recommandation n° 6.

* 50 Sur un total de 439 opérations immobilières prévues, 9 ont été confiées à l'agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) (cf. infra ).

* 51 À ce titre, il est surprenant que la fonction de magistrat délégué à l'équipement ne soit que peu précisée par les textes. Celle-ci a été créée par une circulaire du 27 mai 1968 du ministre de la justice (cf. annexe IV au présent rapport) ; elle n'apparaît qu'incidemment dans certains actes réglementaires, comme dans un arrêté du 3 mars 2010 prévoyant l'attribution d'une prime complémentaire aux magistrats concernés qui, par ailleurs, a été supprimée depuis.

* 52 Les magistrats délégués à l'équipement exercent leur fonction en plus d'autres responsabilités (parfois de nature judiciaire). Aussi leur capacité à se consacrer aux problématiques relatives à l'équipement et à l'immobilier est-elle très variable ; celles-ci mobilisent près de la moitié du temps de travail des magistrats délégués à l'équipement dans les cours d'appel de grande taille, mais représentent seulement une part marginale de l'activité de ces derniers dans les ressorts de moindre importance.

* 53 Le secrétariat général du ministère de la justice a, toutefois, indiqué à vos rapporteurs spéciaux avoir récemment organisé un séminaire portant sur les questions immobilières à destination des magistrats délégués à l'équipement.

* 54 Ces ratios ont été établis par l'association APOGEE qui rassemble plus de 200 organismes développeurs, propriétaires et gestionnaires de patrimoine immobilier qui ont pour objectif de « perfectionner leur management immobilier ».

* 55 Cf. document de politique transversale sur la « Politique immobilière de l'État » annexé au projet de loi de finances pour 2013.

* 56 Sans qu'il soit tenu compte de l'opération de construction d'un nouveau palais de justice à Villefontaine (cf. supra ).

* 57 Cf. article 205 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

* 58 Cf. décret n° 2006-208 du 22 février 2006 modifié relatif au statut de l'agence de maîtrise d'ouvrage des travaux du ministère de la justice.

* 59 Cf. décret n° 2010-43 du 12 janvier 2010 relatif à l'établissement public du palais de justice de Paris.

* 60 Cet allongement du processus d'enregistrement des factures a pu, notamment, avoir des conséquences sur le paiement des prestataires et, par conséquent, perturber le bon déroulement des travaux engagés.

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