F. LE PATRIMOINE IMMOBILIER RENDU AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

Pour conclure ce rapport, vos rapporteurs spéciaux ont estimé que le bilan immobilier de la réforme de la carte judiciaire devait nécessairement aborder la question des locaux restitués aux collectivités territoriales . En effet, lors du déploiement de la nouvelle carte, la plupart des immeubles occupés étaient la propriété des collectivités qui en ont repris possession lorsqu'ils ont été, le cas échéant, abandonnés par les juridictions regroupées.

Ainsi, dans le cadre de la réforme, 223 immeubles ont été rétrocédés aux collectivités territoriales ; étaient principalement concernés les communes (pour 137 unités) et les départements (pour 58 unités) comme le montre le tableau ci-dessous.

Rétrocessions de locaux judiciaires aux collectivités propriétaires

2008

2009

2010

2011

2012

En cours*

TOTAL

Statut du propriétaire

Communauté urbaine

3

3

Commune

3

27

103

4

137

Département

3

7

40

5

1

2

58

Établissement public local

2

2

Non précisé

18

4

1

23

TOTAL

26

38

147

9

1

2

223

* en octobre 2012

Sources : données du ministère de la justice

1. L'absence d'accompagnement des collectivités territoriales

Une fois quittés, les locaux autrefois mis à disposition par les collectivités territoriales aux juridictions ont cessé de constituer une préoccupation pour les services de l'État . Les bâtiments abandonnés n'ont pas fait l'objet de travaux spécifiques préalablement à leur remise aux collectivités, à l'exception de la cour d'appel de Montpellier à qui la direction des services judiciaires a octroyée une dotation « fléchée » de 45 000 euros destinée à la réfection des huisseries et de la chaufferie du tribunal d'instance de Prades.

En outre, aucune assistance spécifique à la reconversion des implantations n'a été prévue de la part des services de l'État, « hormis les relations habituelles [existant] avec France Domaine dans le cadre des estimations domaniales et de conseil sur les procédures de mise en vente des biens », comme l'a indiqué notre collègue Christophe Béchu, président du conseil général de Maine-et-Loire.

Il faut souligner qu'une large part des cours d'appel interrogées ont indiqué à vos rapporteurs spéciaux que, lors de la signature des procès-verbaux de restitution, les collectivités n'avaient pas demandé de travaux de remise en état ou d'aide à la reconversion. Toutefois, certains élus locaux semblent regretter qu'une telle aide n'ait pas été apportée par les autres services de l'État, comme ceux de France Domaine. En particulier, notre collègue René-Paul Savary, président du conseil général de la Marne, a estimé que « si la rationalisation des implantations des juridictions peut se comprendre et méritait en effet d'être examinée, il importe cependant que l'État, qui a bénéficié depuis trente ans de mise à disposition gratuite de bâtiments dans lesquels il a fait peu de travaux, s'implique de manière plus active et plus responsable dans la gestion du patrimoine immobilier » ; aussi a-t-il considéré qu'une « aide à la reconversion des locaux [était] souhaitable ».

2. La reconversion des locaux remis aux collectivités

Il faut dire que les collectivités territoriales sont confrontées, et ce de manière plus massive, aux mêmes difficultés que l'État s'agissant de la reconversion ou de la cession des anciens tribunaux . Comme l'ont déjà relevé précédemment vos rapporteurs spéciaux, il s'agit de biens spécifiques (du fait de leur agencement, voire de leur éventuel classement ou inscription au titre des monuments historiques) dont la vente est parfois difficile.

C'est la raison pour laquelle nombre d'anciennes implantations judiciaires ont été transformées en maisons de la justice et du droit . Tel a été le cas des anciens locaux du palais de justice de Romorantin, cette opération ayant été cofinancée par le conseil général du Loir-et-Cher et la cour d'appel d'Orléans, mais aussi pour ce qui des bâtiments judiciaires d'Aix-les-Bains ou encore de Saint-Jean-de-Maurienne.

Cependant, certains palais de justice ont pu faire l'objet de reconversions plus originales . Ainsi, le tribunal d'instance d'Avallon a été racheté en 2011 par des brocanteurs qui ont transformé le bâtiment en lieu d'exposition et en habitation 72 ( * ) . Plus récemment, au cours de l'été 2012, les façades du monument ont accueilli une sculpture conçue par un artiste contemporain 73 ( * ) .

Bien qu'elle ne s'inscrive pas dans le cadre de la réforme de la carte judiciaire, la reconversion de l'ancien palais de justice de Nantes a constitué un cas intéressant. Ainsi, le conseil général de Loire-Atlantique, qui a conservé la propriété des bâtiments, a consenti en 2010 un bail de longue durée à une société privée afin d'y installer un hôtel quatre étoiles de 136 chambres et intégrant un espace culturel (cf. images du projet sur la page suivante). Selon les services du conseil général, ce projet permettait de répondre à un déficit de l'offre hôtelière dans l'agglomération nantaise tout en respectant le caractère patrimonial du monument ; par ailleurs, il devrait être à l'origine d'environ une centaine de créations d'emplois. Engagés au second semestre 2010, les travaux de reconversion se sont achevés à la fin de l'année 2012.

Le projet nantais semble avoir constitué une source d'inspiration s'agissant de la reconversion des implantations judiciaires abandonnées dans le cadre de la réforme. Après plusieurs années de vaines tentatives de vente de l'ancien palais de justice de Loches, le conseil général de l'Indre-et-Loire a annoncé, au cours du mois de mars 2013, son projet consistant à reconvertir l'immeuble en hôtel trois étoiles.

Enfin, il a été porté à la connaissance de vos rapporteurs spéciaux que certaines collectivités territoriales envisageaient de transformer les locaux judiciaires abandonnés en lieux à vocation touristique ou culturelle (salles d'exposition, salles de ventes, restaurants, etc.).


* 72 Cf. article paru dans Le Monde du 2 août 2011, « Tribunaux à vendre, pas cher » de Mme Pascale Robert-Diard.

* 73 Cf. article paru dans Le Monde du 30 août 2012, « Le rhinocéros qui fait jaser Avallon » de M. Philippe Dagen.

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