EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 18 avril 2013 pour l'examen du présent rapport et de la proposition de résolution européenne qui lui est annexée.
M. Simon Sutour , président :
Vos propositions s'inscrivent dans la ligne des positions que nous avons toujours défendues.
Elles sont équilibrées. Le bâtiment, secteur pourtant non délocalisable, devrait perdre 45 000 emplois cette année. Les salariés détachés perçoivent souvent des primes d'expatriation qui ne sont pas soumises à prélèvement fiscal. Ce complément de salaire renforce le dumping social. Mon groupe votera ce texte.
Mme Catherine Morin-Desailly :
Notre pays se montre réticent à lever les mesures transitoires qui ne concernent que 20 000 travailleurs roumains ou bulgares. Pendant ce temps, le phénomène massif du détachement de travailleurs perdure et nous ne faisons rien ! La résolution est bienvenue.
Ces pratiques ont un impact sur l'opinion, le rapporteur l'a mentionné. Nous devons rétablir des contrats de travail réguliers, tout en veillant à ne pas semer des germes d'hostilité à l'égard des travailleurs étrangers. La proposition de résolution est équilibrée. Je la soutiens.
M. Simon Sutour , président :
Monsieur Billout, notre commission s'était prononcée en votre sens.
Ce consensus me réjouit. De plus en plus, des entreprises s'affranchissent des règles de protection des individus et se livrent à une recherche d'optimisation tous azimuts, qui utilise les mêmes ressorts que l'évasion fiscale. Ryanair, compagnie basée en Irlande, immatricule ses avions au Portugal et recourt à des pilotes auto-entrepreneurs. Partout, les législations sociales sont contournées dans un objectif unique : baisser les prix.
Le terme « optimisation » est riche de sens. Au point 7, ne convient-il pas de préciser qu'il s'agit d'une « optimisation du profit » ?
Je suis d'accord.
Mme Catherine Morin-Desailly :
Le point 24 autorise une action des syndicats sans l'accord des salariés : cela me gêne.
L'idée est que des syndicats puissent se substituer aux salariés.
Mme Catherine Morin-Desailly :
M. Simon Sutour , président :
Même si un salarié se satisfait de la situation, le syndicat peut avoir toutes raisons d'entreprendre une action en justice. De plus, le salarié peut être soumis à des pressions.
La concurrence déloyale, par exemple, peut être invoquée.
M. Simon Sutour , président :
Supprimons « sans l'accord du salarié » : l'important est que le syndicat puisse agir.
Le point 24 est ainsi modifié.
À l'issue de ce débat, la commission a adopté à l'unanimité la proposition de résolution suivante :
Proposition de résolution européenne
Le Sénat,
Vu l'article 88-4 de la Constitution,
Vu la directive 96/71/CE du 16 décembre 1996 du Parlement européen et du Conseil concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services ;
Vu le règlement (CE) 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale ;
Vu la directive 2009/50/CE du 25 mai 2009 établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié ;
Vu la proposition de directive du parlement européen et du Conseil relative à l'exécution de la directive 96/71/CE concernant le détachement des travailleurs (texte E 7220) ;
Constate que la directive 96/71/CE et le règlement (CE) 883/2004 ont pu conduire à faire émerger des pratiques d'optimisation du profit et de dumping social, au détriment de la protection des travailleurs ;
Estime que les textes existants ne permettent pas aux États membres de pouvoir contrôler efficacement les entreprises issues d'un autre État membre détachant des travailleurs sur leur territoire ;
Juge que la banalisation de la fraude qui en découle peut conduire à de graves difficultés politiques et sociales au sein des États membres d'accueil ;
- Concernant la proposition de directive d''exécution de la directive 96/71/CE
Partage la volonté de la Commission européenne de proposer une nouvelle directive destinée à lutter contre une fraude protéiforme qui concerne tous les secteurs d'activité ;
Regrette cependant que cette ambition initiale soit tempérée par la volonté excessive d'alléger les contraintes pesant sur les entreprises ;
Considère en conséquence que la proposition de directive d'exécution qu'elle a proposée est, en l'état actuel de sa rédaction, insuffisante pour répondre à ce défi ;
Préconise à cet effet une liste ouverte de mesures de contrôle qui permette aux États de s'adapter rapidement à des pratiques frauduleuses de plus en plus complexes ;
Insiste sur la nécessité d'harmoniser les formulaires de détachement au sein des États membre qui recourent à ce système ;
Souhaite que la clause de responsabilité du donneur d'ordre soit étendue à tous les secteurs d'activité et à l'ensemble de la chaîne de sous-traitance, à l'image de ce qui a été retenu pour la directive 2009/50 établissant les conditions d'entrée et de séjour des ressortissants de pays tiers aux fins d'un emploi hautement qualifié ;
Juge que le concept de « diligence raisonnable » dont doivent faire preuve les donneurs d'ordre dans le cadre de la clause de responsabilité doit être définie plus précisément afin de pouvoir s'imposer sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne ;
Estime que la chaîne de sous-traitance doit être limitée par la directive d'exécution à trois échelons ;
Considère que les contrats de prestation de service internationale doivent intégrer des clauses de responsabilité sociale des entreprises permettant de mettre fin à la relation commerciale en cas de violation des principes de la directive 96/71/CE ;
Juge qu'une labellisation européenne des sociétés qui détachent correctement leurs travailleurs permettrait aux donneurs d'ordre de mieux sélectionner leurs partenaires commerciaux ;
Soutient la proposition de la Commission d'encadrer les délais de réponse entre services administratifs ;
Considère néanmoins que la durée de 15 jours semble difficile à mettre en oeuvre et préconise un délai de réponse plus raisonnable d'un mois ;
Salue la possibilité laissée aux partenaires sociaux d'assister les travailleurs détachés dans leurs démarches juridiques ;
Constate cependant que les travailleurs détachés ne sont pas toujours en mesure d'ester en justice et souhaite, en conséquence, que les syndicats puissent engager des poursuites ;
Estime que les sanctions « dissuasives et proportionnées » prévue par la proposition de directive devraient être précisées ;
- Concernant le règlement (CE) 883/2004 sur le système de coordination des régimes de sécurité sociale
Regrette que les négociations en cours pour sa révision ne concernent pas les risques d'abus en matière de détachement ;
Constate que les conditions du détachement y sont insuffisamment détaillées ;
Souhaite que le texte modifié prévoie un allongement du délai entre deux détachements dans un autre État pour lutter contre les pratiques de prêt de main d'oeuvre ;
Estime que l'obligation d'affiliation au régime de sécurité sociale du pays d'envoi au moins un mois avant le détachement doit être assortie d'une obligation d'exercice d'une activité dans cette entreprise ;
Considère qu'il est nécessaire d'étendre l'obligation d'activité substantielle à l'entreprise qui recourt aux services de travailleurs détachés pour vérifier si, sans ces travailleurs, l'entreprise n'a pas qu'une activité administrative ;
Invite le gouvernement à soutenir ces orientations et les faire valoir dans les négociations en cours.