C. UNE PROGRESSION LENTE DE LA RECONNAISSANCE DE LA QUALITÉ DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR FRANÇAIS AU NIVEAU INTERNATIONAL
1. La France au 4e rang mondial des pays les plus attractifs
Avec 288 000 étudiants accueillis en 2011-2012, chiffre en augmentation de 10 % en quatre ans, la France continue d'être une destination privilégiée par les étudiants étrangers, au 4 e rang mondial, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni et l'Australie . Notre pays s'illustre également par sa seconde position au niveau européen en termes de mobilité sortante avec 77 600 étudiants français étudiant à l'étranger en 2010 selon l'OCDE.
Le bilan des actions conduites par les universités peut être réalisé à l'aune des deux missions confiées par la loi LRU aux universités dans le domaine de l'action internationale :
- la construction de l'Espace européen de l'enseignement supérieur et de la recherche avec une forte présence française dans les programmes ERASMUS et une mise en oeuvre du processus de Bologne ;
- l'offre de formation et de coopération facilitant et/ou encourageant des parcours internationaux en s'appuyant à la fois sur des formations et diplômes conjoints mais aussi sur la reconnaissance mutuelle de diplômes facilitant la lisibilité des diplômes français et étrangers.
Il est nécessaire cependant de prendre en considération les dispositifs propres que les universités mettent en place pour accueillir dans les meilleures conditions les étudiants étrangers, et pour lesquels l'établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) Campus France doit dorénavant leur venir en appui, notamment s'agissant de l'accueil.
Ce dernier point est d'ailleurs souligné par le rapporteur des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche, M. Vincent Berger, qui insiste sur l'intérêt de valoriser les établissements qui développent l'apprentissage du français mais aussi ceux qui proposent des cursus en anglais, complétés par des cours de « français langue étrangère » (FLE) et de culture française.
La ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche a rappelé aux établissements, à l'occasion du Forum Campus France qui s'est tenu le 18 décembre 2012, que l'internationalisation doit passer par une présence ciblée et efficace au niveau des domaines dans lesquels les universités excellent. Cette exigence s'inscrit nécessairement dans une démarche de coordination qui reste encore largement à construire . Ce forum, prévu par le décret du 30 décembre 2011 33 ( * ) , vise à associer les 269 adhérents à l'EPIC (76 universités, 10 PRES, 17 écoles supérieures et instituts, 43 écoles de commerce et 77 écoles d'ingénieur) aux orientations qu'il met en oeuvre à travers les recommandations qu'il délivre au conseil d'administration. Dans ce cadre, sept commissions, auxquelles les établissements participeront, pourraient faire émerger courant 2013 des pistes de réflexion de nature à renforcer l'attractivité du système français d'enseignement supérieur.
Par ailleurs, les ministres de tutelle ont confié à M. Jean-Pierre Gesson la création d'une commission sur « l'accueil des étudiants étrangers en France et l'attractivité internationale du système français d'enseignement supérieur ». Dans ce cadre, et dans un contexte relativement critique à l'égard des modalités d'action actuelles de l'opérateur, il est demandé à M. Gesson de communiquer aux deux ministres, au printemps prochain, des propositions d'orientation concernant le futur de l'intervention de Campus France. Sur cette base, les autorités de tutelle devront prendre les décisions de nature à assurer l' efficacité de la mission de valorisation de l'enseignement supérieur français à l'étranger , déterminante dans notre politique d'influence culturelle et intellectuelle, et qui reste à développer.
L'évaluation de nos établissements et leur reconnaissance au niveau mondial est sanctionnée par des classements internationaux , dont le classement dit de « Shanghai » (classement académique des universités mondiales effectué par l'université Jiao Tong). D'inspiration anglo-saxonne, comme ses concurrents ( Times Higher Education World University Rankings ), ce classement, en raison de critères qui accordent une large place aux reconnaissances internationales prestigieuses obtenues dans le domaine de la recherche, rend mal compte de l'ouverture à l'international des établissements français, de la qualité des formations dispensées et du niveau des étudiants.
Dans ces conditions, la France soutient l' initiative européenne du classement U-Multirank , soutenue par la Commission européenne. Les universités européennes et françaises devraient voir, à travers cet outil, la qualité de leurs activités mieux reconnue au plan international dès lors que des critères tels que la qualité de l'enseignement et de l'apprentissage, trop mis à l'écart dans les classements actuels, seront pris en compte dans les évaluations.
2. L'attractivité universitaire de la France : une politique en manque de repères
Votre rapporteure, Mme Dominique Gillot, estime, à titre personnel, que l'attractivité universitaire de la France, malgré des instruments de mobilité encore puissants, a souffert de la politique d'immigration développée au cours de ces dernières années, notamment à l'occasion de la publication de la circulaire du 31 mai 2011 relative à la maîtrise de l'immigration professionnelle, dite « circulaire Guéant ». L'erreur commise a été, selon elle, d'assimiler les candidats aux études en France à des candidats potentiels à l'immigration. Dans ces conditions, de nombreuses familles étrangères ont préféré orienter leurs enfants vers d'autres pays francophones où les tracasseries administratives n'existent pas.
L'université d'Angers a développé des formations délocalisées en Chine, en particulier dans le domaine du tourisme. Dans ces conditions, une part significative de ses étudiants étrangers diplômés sont chinois, bien que ceux-ci demeurent majoritairement en Chine. Alors qu'elle accueille, en présentiel sur son site d'Angers, près de 1 700 étudiants étrangers, elle en scolarise également 450 dans des sites de formation délocalisés à l'étranger. L'université a plus que quadruplé le nombre de ses doubles diplômes, passant de 4 à 17, dont cinq licences, avec un indicateur cible de 20 inscrit dans le contrat d'établissement. En sus de sa participation au programme « ERASMUS Mundus » en doctorat de santé, elle entend développer entre 70 et 80 cotutelles de doctorat à l'heure actuelle.
Notre politique d'attractivité souffre également de la barrière de la langue. De nombreux étudiants n'ont pas l'expérience de la francophonie, bien qu'étant francophiles, et sont en proie à de sérieuses difficultés dans les enseignements dispensés en français quand ils ne maîtrisent pas la langue. Le rapporteur du comité de pilotage des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche a rappelé ainsi, à vos rapporteurs, que notre système universitaire comptait, en 2007, 11 masters en anglais. Ce nombre s'est établi à 346 masters en 2012. Le développement des partenariats et conventions conclus par nos universités avec les pays développés et émergents d'Asie est freiné, en grande partie, par l'incapacité de nos établissements à garantir des cursus en anglais aux étudiants chinois, coréens, japonais... Les cursus dispensés en langue étrangère, complétés par des unités d'enseignement attestant de la maîtrise de la langue française en tant que langue étrangère et de l'apprentissage de la culture française, constituent pourtant des éléments forts de l'attractivité de nos établissements d'enseignement supérieur auprès des élites francophiles mais non encore francophones.
Des établissements, dans leur attention particulière pour faciliter l'insertion des étudiants étrangers non francophones, ont développé des cursus en langue étrangère, avec un risque juridique avéré pour non-respect de la législation française concernant le monopole du français comme langue de l'enseignement.
Dans l'annexe III du présent rapport, votre rapporteure, Dominique Gillot, analyse la politique française à l'égard des conditions d'entrée et de séjour des étudiants étrangers en France.
* 33 Article 2 du décret n° 2011-2048 du 30 décembre 2011 relatif à Campus France.