Annexe 5 - Résolution 1919 (2013) - Développements récents au Mali et en Algérie et menace pour la sécurité et les droits de l'homme dans la région méditerranéenne
1. L'Assemblée parlementaire est profondément préoccupée par la situation relative à la sécurité et aux droits de l'homme au Mali et la récente crise en Algérie, pays situé dans le voisinage immédiat du Conseil de l'Europe où, le 16 janvier 2013, des centaines de ressortissants algériens et étrangers ont été pris en otage par des groupes terroristes radicaux.
2. L'Assemblée note que la récente intervention militaire française au Mali, en réponse à une demande spécifique du Gouvernement du Mali, approuvée par le Conseil de sécurité des Nations Unies, vise à stopper les groupes armés liés à Al-Qaida qui avançaient rapidement vers la capitale en commettant de graves violations des droits de l'homme, et qui menaçaient la stabilité de toute la région et de l'ensemble du continent africain. Ces groupes, équipés d'armes lourdes provenant en partie de la guerre en Libye, ont progressivement pris le contrôle du nord du Mali suite aux combats qui ont opposé, dans cette région, des troupes gouvernementales maliennes à des rebelles touaregs en janvier 2012, et au coup d'État militaire qui s'est produit dans la capitale en mars 2012, rendant la situation politique encore plus instable.
3. L'Assemblée demande l'application rapide de la Résolution 2085 sur le Mali adoptée par le Conseil de sécurité des Nations Unies en décembre 2012, qui prévoit le déploiement d'une mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine en coordination avec d'autres partenaires, notamment une mission de formation de l'Union européenne limitée dans le temps.
4. Il est nécessaire que d'autres États européens et africains, l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique renforcent leur engagement et leur solidarité à l'égard des forces maliennes et françaises sur le terrain afin de mettre un terme à la mise en place d'un régime fondé sur le terrorisme, la prise d'otages et le trafic de drogues et d'armes au Sahel - avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir pour la région méditerranéenne, l'Europe dans son ensemble et la communauté internationale - et de restaurer l'ordre constitutionnel et l'intégrité territoriale du Mali.
5. L'Assemblée reconnaît la complexité de la situation locale et des politiques et contextes divers des groupes touareg, qui tirent souvent leur origine d'une négligence de longue date dont a été victime le nord depuis l'époque des colonies. Elle note que la population touareg, traditionnellement nomade, aspire à l'indépendance depuis des décennies dans le nord du Mali. Cependant, leur nouvelle rébellion de janvier 2012 peut être considérée comme un effet domino de la guerre qui a récemment eu lieu en Libye, car les Touaregs, installés en Libye ou recrutés comme mercenaires par Kadhafi, sont retournés au Mali après la défaite de celui-ci, armés et formés militairement.
6. A cet égard, l'Assemblée, rappelant l'importance de la pleine mise en oeuvre de la Résolution 2017 du Conseil de sécurité des Nations Unies, engage les autorités libyennes à prendre toutes les mesures voulues pour empêcher la prolifération de tous types d'armes et de matériel connexe, en particulier de missiles sol-air portables, assurer leur bonne garde, et honorer les obligations qui incombent à la Libye en vertu du droit international en matière de maîtrise des armements, de désarmement et de non-prolifération, en appliquant dans leur intégralité les plans qu'elles ont élaborés à cet égard.
7. L'Assemblée se félicite du fait que les rebelles touaregs aient récemment renoncé à leurs aspirations d'indépendance en échange d'une autonomie politique au sein du Mali, en déclarant qu'ils seraient prêts à aider leurs anciens opposants dans la lutte contre les terroristes. A cet égard, l'Assemblée estime que la décision des rebelles touareg constitue une dynamique constructive à encourager pour la résolution pacifique et politique des conflits régionaux.
8. Par ailleurs, l'Assemblée est préoccupée par le fait que les cellules terroristes qui ont infiltré le Mali au cours de ces derniers mois viennent apparemment du monde entier.
9. L'Assemblée est également préoccupée de voir qu'en l'absence de toute solution internationale efficace, qui devrait se fonder sur le communiqué de Genève concernant la Syrie, l'aggravation de la guerre civile en Syrie crée une situation critique et dangereuse de plus.
10. L'Assemblée condamne l'attaque terroriste du complexe gazier algérien à In Amenas en janvier 2013 et déplore la mort de dizaines d'otages, notamment des ressortissants d'États membres et observateurs du Conseil de l'Europe, ainsi que les États dont les parlements bénéficient du statut de partenaire pour la démocratie. Cette tragédie rappelle à la communauté internationale les menaces que pose en permanence le fléau du terrorisme, et la nécessité de les contrer en apportant une réponse internationale efficace, notamment en supprimant les sources du financement des groupes terroristes.
11. L'Assemblée reconnaît que pendant de nombreuses années, les autorités et le peuple algérien ont souffert sur leur territoire d'attentats fort violents fomentés par des terroristes qui avaient des visées idéologiques absolutistes; en conséquence, elle comprend bien pourquoi dans la situation d'urgence créée dans la raffinerie de gaz, les autorités ont opposé une réaction musclée aux terroristes avec lesquels il n'y avait aucune perspective de négociations sérieuses.
12. L'Assemblée reconnaît les activités anti-terroristes des forces de sécurité algériennes et la menace perpétuelle que représente Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et les groupes qui lui sont associés. Les gouvernements européens devraient continuer d'aider les autorités algériennes à combattre les menaces terroristes dans la région.
13. L'Assemblée rappelle que le Conseil de l'Europe a élaboré un ensemble complet d'instruments juridiques pouvant être utilisés dans la lutte contre le terrorisme et son financement, en particulier la Convention européenne révisée pour la répression du terrorisme (STE n° 90 telle que révisée par STE n° 190), la Convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme (STCE n° 196), la Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme (STCE n° 198), ainsi que les Lignes directrices sur les droits de l'homme et la lutte contre le terrorisme et les Lignes directrices sur les victimes d'actes terroristes. Elle appelle les États membres et observateurs du Conseil de l'Europe à utiliser pleinement ces instruments lorsqu'ils coordonnent leurs actions contre le terrorisme.
14. L'Assemblée condamne fermement les violations continues et choquantes des droits de l'homme commises par les rebelles islamistes radicaux dans le nord du Mali, notamment les exécutions extrajudiciaires, les tortures, les viols, les amputations, les détentions arbitraires, les disparitions forcées et le recrutement d'enfants soldats. Elle note que des violations des droits de l'homme ont aussi été commises dans des régions contrôlées par le gouvernement et demande instamment à l'armée malienne et à ses alliés de s'abstenir de toutes représailles violentes lorsqu'ils commenceront à reprendre le contrôle du nord du pays.
15. Elle note qu'un rapport récemment publié par le Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH) souligne que les femmes et les jeunes filles ont en particulier subi des traitements dégradants dans le nord, notamment des harcèlements, des abus et des violences sexuelles commis par des rebelles islamistes radicaux, souvent en présence des membres de la famille, parce qu'elles étaient accusées de ne pas être voilées ou habillées correctement.
16. L'Assemblée se félicite de la décision récente du Procureur de la Cour pénale internationale d'ouvrir officiellement une enquête sur les crimes présumés commis sur le territoire du Mali - notamment les meurtres, les viols et les tortures -, en particulier dans le nord du pays, après être parvenue à la conclusion que certains de ces actes de brutalité et de destruction pourraient constituer des crimes de guerre. Au terme d'une enquête approfondie et impartiale, les auteurs devront être traduits en justice et tenus pour responsables des crimes qu'ils ont commis.
17. L'Assemblée est également préoccupée par les conséquences humanitaires du conflit au Mali: des centaines de milliers de civils ont fui le Mali et se sont réfugiés dans les pays voisins ou ont été déplacés sur le territoire malien en 2012. D'autres déplacements ont eu lieu en janvier 2013. L'Assemblée appelle les États membres et observateurs du Conseil de l'Europe à apporter un soutien concret aux opérations de secours déployées par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) au Mali et dans les pays voisins. Elle leur demande également de participer activement à la conférence des donateurs pour la défense du Mali qui se tiendra à Addis Abeba, le 29 janvier 2013.
18. Notant que le conflit s'est intensifié après un coup d'État militaire et l'effondrement des institutions démocratiques, l'Assemblée se joint au Conseil de sécurité des Nations Unies pour appeler les autorités provisoires du Mali à finaliser la feuille de route de transition, dans le cadre d'un dialogue politique ouvert, afin de restaurer l'ordre constitutionnel et l'unité nationale du pays, notamment en organisant des élections législatives et présidentielle pacifiques, crédibles et sans exclusive, dès que cela est réalisable sur le plan technique. L'Assemblée estime que seul un processus de réconciliation permettra de fournir, à terme, les réponses non seulement aux enjeux actuels que représentent la sécurité, la crise humanitaire et les droits de l'homme, mais aussi aux problèmes de longue date qui ne sont toujours pas résolus dans la région. L'Assemblée appelle à cet effet les pays du voisinage à apporter leur soutien au processus politique et à continuer à s'engager activement pour la préservation de la sécurité et de l'intégrité territoriale du Mali.
19. Enfin, l'Assemblée note que les attaques terroristes au Mali et en Algérie font partie d'une vague de terrorisme islamiste plus vaste, dans le Sahel, qui s'étend jusqu'au Nigéria, avec les atrocités commises par Boko Haram dans le nord du Nigeria. Bien que les caractéristiques en soient différentes, les motivations profondes sont les mêmes dans toute la région. Les États membres et observateurs du Conseil de l'Europe, ainsi que les États dont les parlements bénéficient du statut de partenaire pour la démocratie, si sollicités, devraient être prêts à venir en aide aux pays de la région afin de combattre ce fléau. Une telle aide peut impliquer une intervention militaire autorisée par le Conseil de sécurité des Nations Unies, notamment la mise à disposition d'unités militaires et d'une formation militaire et la poursuite de l'aide au développement, mais en définitive, la stabilité durable ne pourra être atteinte que grâce à des lignes directrices politiques aboutissant à la reconstruction nationale, la consolidation de la démocratie et au respect des droits de l'homme.