B. MIEUX COORDONNER LES INITIATIVES LOCALES
1. Pour un renforcement des SDTAN
En l'état, l'initiative décentralisée peut se déployer soit indépendamment de toute coordination, soit dans le cadre des schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique (SDTAN) créés par la « loi Pintat » de 2009.
Ces schémas sont un levier de planification territoriale au statut un peu « existentiel ». Leur principale force provient des termes de la conditionnalité de l'aide du fonds d'aménagement numérique du territoire (le FANT) qui prévoient que les projets de RIP venant au guichet doivent s'inscrire dans le cadre d'un SDTAN.
Pour le reste, ni leur adoption, ni leur contenu, ni leur portée ne font l'objet d'une normalisation.
Cette situation n'a pas empêché que les SDTAN se développent puisqu'à ce jour, la grande majorité du territoire est engagée dans un processus d'élaboration des SDTAN.
98 collectivités seraient concernées selon l'ARCEP, seuls 3 départements (les Bouches-du-Rhône, les Hauts-de-Seine et Paris), aux caractéristiques particulières d'un point de vue géographique et de la conception économique des réseaux numériques, ayant décidé de ne pas s'engager dans une telle voie.
En particulier, 76 départements et 10 régions (l'Alsace, l'Auvergne, la Corse, le Limousin, le Languedoc-Roussillon, le Nord-Pas-de-Calais et les DOM) portent des SDTAN dont 54 ont été achevés (une quarantaine depuis le début 2012).
LES SDTAN SELON L'ARCEP Une analyse de 50 SDTAN fait ressortir plusieurs tendances.
Toutes les collectivités engagées dans un schéma directeur prévoient, à court terme, des déploiements en fibre à l'abonné et 80 % d'entre elles envisagent également, en parallèle, de recourir à la montée en débit. Les collectivités territoriales programment ainsi le déploiement de 2 millions de prise FttH sous 5 ans, pour un objectif de couverture moyen de 52 % des logements (déploiements privés des opérateurs compris). Ces ambitions vont jusqu'à 90 % des logements en moyenne d'ici 2025 et jusqu'à 94 % d'ici 2030-2032.
Pour tenir ces ambitions, le montant des investissements prévus sur 20 ans s'établit à près de 10 milliards d'euros, toutes technologies confondues, dont 3 milliards d'euros sur les cinq prochaines années. Le coût des projets de montée en débit représente, quant à lui, environ 340 millions d'euros .
La quasi-totalité des SDTAN prévoie une intervention publique d'aménagement numérique hors des zones pour lesquelles les opérateurs ont manifesté leur intention d'investir (zone AMII). Néanmoins, un grand nombre envisage l'intervention de la puissance publique en cas de défaillance de l'initiative privée ou de la non-tenue des engagements des opérateurs. La priorité d'une majorité de collectivités territoriales est de desservir en premier lieu les entreprises et les sites publics (établissements scolaires, universités, hôpitaux, services publics). |
L'ARCEP évoque un certain nombre de points de vigilance. Elle relève en particulier que :
« - La qualité des schémas directeurs demeure encore inégale. La révision des premiers schémas achevés démontre néanmoins qu'un important chemin a déjà été parcouru et que la qualité globale des schémas va en s'améliorant. Les projets de RIP pouvant résulter de ces schémas directeurs restent néanmoins souvent, à ce stade, en phase de pré-projet, le véhicule juridique et le « mix » technologique devant encore être choisis. Par conséquent, les montants d'investissements nécessaires pour les prochaines années ne sont pas encore fixés. Aussi, les hypothèses prises par les collectivités territoriales et les ambitions annoncées pour le très haut débit dans les SDTAN doivent être envisagées avec prudence. Ce sont les premières offres faites par les candidats « opérateurs » aux RIP très haut débit qui amèneront les collectivités à redéfinir leurs projets et à améliorer, le cas échéant, leur SDTAN.
• Les collectivités sont par ailleurs
tenues à une certaine transparence et à la bonne information des
parties prenantes sur leur intervention, que ce soit par la publication des
schémas directeurs sur le site de l'ARCEP, la transmission à
l'Autorité des projets de RIP ou par la réalisation des
consultations obligatoires préalables, par exemple, à la
réalisation d'un projet de montée en débit ; ces
obligations, qui ne sont pas toujours respectées, visent non seulement
à assurer une articulation public/privé, mais également
à garantir la cohérence des projets publics entre
eux ;
- l'articulation des RIP de première et deuxième générations, dont les porteurs peuvent être différents et, plus largement, l'articulation, sur un même territoire, des projets portés par différentes collectivités, va représenter un enjeu central pour la réussite des déploiements et la bonne articulation du court terme (montée en débit) et du long terme (FttH) ;
- le conventionnement, instrument de prévisibilité pour l'ensemble des acteurs, a vocation à être généralisé ; il permet aux collectivités territoriales de faire état aux opérateurs privés des priorités locales de déploiement. »
Ces observations rejoignent un certain nombre de celles adoptées par votre commission des Affaires économiques dans son rapport du 6 juillet 2011.
Le rapport mentionnait en particulier :
- l'hypothèse de situations bloquées et la nécessité d'une procédure permettant de les surmonter ;
- l'opportunité d'une normalisation des schémas comportant notamment un choix de priorités ;
- la nécessité de prévoir un régime d'opposabilité des SDTAN tant aux autres schémas qu' aux personnes physiques et morales souhaitant intervenir dans le déploiement du réseau numérique ;
- l'élargissement des SDTAN à tous les équipements numériques, terrestres mais aussi mobiles.
Le projet de feuille de route en discussion s'inspire des mêmes principes mais moyennant des procédures de mise en oeuvre différentes sur certains points.
Les schémas directeurs territoriaux d'aménagement numérique (SDTAN) seraient plus formalisés. Ils devraient comporter des mentions obligatoires, être mis à jour chaque année et résulter d'un processus reposant sur une coordination renforcée.
Un « comité local d'aménagement numérique » (CLAN) serait créé à cet effet regroupant, sur la base du volontariat, les collectivités de la zone géographique concernée par les SDTAN. Cette structure exécutive des SDTAN pourrait notamment donner un avis sur les projets de RIP.
L'échelon régional serait privilégié, mais sans être obligatoire. Toutefois, à ce niveau, une « commission consultative régionale d'aménagement numérique du territoire » (CCRANT) serait réunie pour favoriser un dialogue entre les porteurs de SDTAN afin notamment d'identifier les opportunités de mutualisation.
En bref, le projet de feuille de route privilégie la concertation par rapport à l'obligation.
L'appréciation portée sur les mérites de chacune de ces deux méthodes peut être légitimement plurielle.
On doit cependant considérer que la planification impérative peut heurter des principes et des processus concrets qu'une démarche plus indicative et concertative peut sans doute mieux concilier avec la nécessité de coordonner les initiatives des différents investisseurs .
Il reste que la contrainte peut s'avérer nécessaire car utile. Si les processus de contractualisation renforcée ne devaient pas être efficaces, il conviendrait d'en tirer toutes les conséquences.