E. METTRE LE FINANCEMENT AU SERVICE D'UNE COUVERTURE ÉGALITAIRE DES TERRITOIRES PAR LE VRAI TRÈS HAUT DÉBIT
1. Pour une doctrine d'intervention ambitieuse, pragmatique, et efficace
Le soutien aux investissements des collectivités territoriales doit être défini sur la base d'une doctrine d'intervention qui, sous réserve que son inscription dans le long terme garantisse sa cohérence avec l'objectif de la fibre pour tous, peut admettre des priorités et des nuances.
Une remarque liminaire s'impose : il faut veiller à ce que les décisions des régulateurs soient cohérentes entre elles.
Une situation dans laquelle l'ARCEP adopterait un système d'incitations propices au déploiement d'infrastructures concurrentes de celles que, de son côté, l'État soutiendrait par ses incitations financières serait tout à fait inacceptable.
Or, vos rapporteurs ont pu montrer qu'elle n'était pas exclue.
Ils en appellent ainsi à une mise en cohérence résolue des incitations adressées par les différents acteurs de la régulation.
Le projet de feuille de route en cours de discussion prétend s'inspirer d'une telle démarche. Il énumère ce qu'il présente comme plusieurs priorités : le soutien aux réseaux en fibre optique de collecte des points réseaux, qui pourrait s'étendre au fibrage des points hauts dans les zones où le recours à la voie hertzienne représenterait la solution la plus pratique, le soutien aux réseaux de desserte FttH en fibre optique, le soutien aux réseaux de fibre dédiés à la couverture des zones d'activité et des sites de service public, le soutien aux réseaux de fibre optique déployés dans le cadre de la montée en débit (FttN) correspondant au segment entre les NRA et les NRA-MED, un « sentier financier subsidiaire » sur les solutions satellitaires.
Comme c'est souvent le cas, l'énumération d'une série de priorités vient nuancer la portée de l'annonce... d'une sélection de priorités . En particulier, le choix affiché de soutenir la desserte FttH en fibre optique englobe presque tous les investissements du programme THD. Si l'on y ajoute l'option de soutenir les réseaux de collecte - qui nuance l'idée présentée par ailleurs que ceux-ci devraient être à la charge des opérateurs (notamment de l'opérateur historique) - c'est quasiment l'ensemble des investissements que suppose l'ambition de déployer la nouvelle infrastructure qui sont susceptibles d'être soutenus.
On ne peut pas le regretter mais il faut convenir que l'affichage des autres priorités perd alors quelque peu de sa signification, du moins comme guide pour une action séquentielle.
C'est d'autant plus le cas que la doctrine de soutien présentée ressort comme très largement inclusive.
A cet égard, il faut encore relever deux de ses caractéristiques .
- En premier lieu, elle englobe des structures qui ne sont pas a priori cohérentes avec un objectif d'atteinte de la frontière technologique (autrement dit, du déploiement de la fibre optique). Le panachage technologique pourrait être aidé, de même que les investissements nécessaires à la montée en débit sur le fil de cuivre ou les solutions satellitaires.
Ces choix élargissent les conditions de l'aide par rapport à leur définition actuelle puisque des aides financières pourraient être accordées à des investissements non filaires - ce qui excède la logique générale de soutien du FANT.
Ce choix ne doit pas être récusé a priori . Il a pour lui un certain réalisme.
A cet égard, on peut mentionner que lors de leur déplacement en Haute Savoie et à travers leur rencontre avec les responsables de l'Association nationale des élus de montagne (ANEM), vos rapporteurs ont été rendus sensibles aux singularités des problématiques de déploiement du THD dans les territoires où le satellite peut rendre des services.
La contribution adressée par Eutelsat mentionne de son côté les apports de la solution KA-SAT dont un bilan systématique devrait être dressé (d'autant que le P.I.A. soutient la R&D réalisée en ce domaine).
Pour autant, il convient de s'assurer que l'adéquation entre le choix de priorité technologique (qui doit consacrer la prééminence de la fibre) et les conditions du soutien financier soit totale. A cet égard, les doutes ne sont pas levés dans le projet de feuille de route.
Ils le sont d'autant moins que, malgré un rappel à l'exigence de prudence, le texte du projet prévoit, sans beaucoup de précisions, d'englober dans le champ du soutien les investissements (partiellement réutilisables il est vrai) nécessaires aux solutions de montée en débit sur le fil de cuivre.
Il faudra veiller à ce que l'extension de ce chef de soutien financier soit compatible avec le maintien d'une priorité effective donnée à la fibre. Cette condition réclame que la vision technologique du territoire soit très précise.
Une dernière observation s'impose.
Tel qu'il a été présenté, le projet de feuille de route exclut que le déploiement de solutions très haut débit à partir de l'infrastructure du câble puisse être soutenu.
Cette option négative est justifiée dans une note de bas de page ainsi rédigée :
« La modernisation des réseaux câblés qui correspond à une forme de FttN (déploiement d'un réseau de fibre optique jusqu'à un point bas dans le réseau et conservation de la terminaison du réseau en câble coaxial) ne semble pas pouvoir être considérée comme répondant à la définition de « réseaux ouverts et accessibles ». Or, l'article 24 de la loi 2009-1572 du 1 er décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique dispose que « les aides du fonds d'aménagement numérique des territoires ne peuvent être attribuées qu'à la réalisation d'infrastructures et de réseaux accessibles et ouverts, dans des conditions précisées par l'ARCEP ». Dans son avis n° 2010-1314 en date du 14 décembre 2010, l'ARCEP avait notamment indiqué qu'un réseau est ouvert « s'il fait l'objet d'une offre d'accès passif effectif ». A ce jour, les réseaux câblés n'offrent pas d'accès passif aux opérateurs tiers et ne répondent donc pas à la définition de « réseaux ouverts et accessibles ».
Ce choix a été vigoureusement contesté par l'opérateur du câble comme reposant sur une analyse infondée.
Vos rapporteurs ont eu l'occasion de mentionner l'hypothèse qu'une exploitation des capacités de ce réseau puisse présenter un moyen d'optimiser financièrement l'ambition du déploiement du THD.
Il faut évaluer au plus vite cette perspective ainsi que procéder à une étude approfondie des moyens d'optimiser le soutien public en n'excluant pas un réseau qui, au demeurant, constitue en partie un bien de retour pour les collectivités territoriales et serait assez largement ouvert si l'on en croit le catalogue des offres de l'opérateur.