4. Les dispositifs de régulation à l'installation de certaines professions de santé
Les pouvoirs publics ont tenté de traiter à la racine le problème des inégalités de répartition territoriale de l'offre de soins en mettant en place des dispositifs de régulation à l'installation pour certaines professions de santé .
En premier, il convient de mentionner le plus ancien de ces dispositifs, qui concerne les pharmaciens , dont l'installation est entièrement réglementée depuis 1943. L'article L. 5125-3 du code de la santé publique dispose que les créations, les transferts et les regroupements d'officines de pharmacie « doivent permettre de répondre de façon optimale aux besoins en médicaments de la population résidant dans les quartiers d'accueil de ces officines ».
L'article L. 5125-4 du code précité prévoit que toute création d'une nouvelle officine, tout transfert et tout regroupement d'officines sont subordonnés à l'octroi d'une licence délivrée par le directeur général de l'agence régionale de santé, après avis du représentant de l'État dans le département, des syndicats représentatifs de la profession et du conseil régional de l'ordre des pharmaciens.
L'article L. 5125-11 du code précité dispose que l'ouverture d'une officine dans une commune qui en est dépourvue peut être autorisée par voie de transfert lorsque le nombre d'habitants recensés dans la commune est au moins égal à 2 500. L'ouverture d'une nouvelle officine dans une commune de plus de 2 500 habitants où au moins une licence a déjà été accordée peut être autorisée par voie de transfert à raison d'une autorisation par tranche supplémentaire de 4 500 habitants recensés dans la commune.
Ce système de réglementation a permis au cours des dernières décennies de développer un maillage étroit de l'ensemble du territoire en officines de pharmacie. Toutefois, les pharmaciens sont dépendants, à hauteur de 80 % en moyenne de leur chiffre d'affaires, des médecins prescripteurs. De ce fait, la raréfaction des médecins dans les zones fragiles est susceptible d'entraîner assez rapidement un délitement du réseau des pharmacies. Ainsi, on observe dans la période récente une tendance beaucoup plus forte à la fermeture d'officines.
Plus récemment, ce principe d'une régulation par les pouvoirs publics a été étendu à certaines professions de santé qui bénéficiaient jusqu'à présent d'une liberté totale d'installation.
L'accord conventionnel signé en septembre 2008 par l'assurance maladie avec l'ensemble des syndicats d' infirmiers libéraux (avenant n° 1 à la convention nationale de 2007), entré en vigueur en avril 2009, est articulé autour de trois axes :
- un zonage du territoire adapté aux besoins des patients : dans chaque région, cinq catégories de zones sont distinguées : « très sous dotée », « sous dotée », « à densité intermédiaire », « très dotée » et « sur dotée » ;
- un dispositif d'aide à l'installation et au maintien d'infirmiers libéraux dans les zones « très sous dotées » : aide à l'équipement et prise en charge par l'assurance maladie des cotisations d'allocations familiales ;
- une régulation des conventionnements dans les zones « sur dotées » : toute nouvelle demande de conventionnement est conditionnée au départ d'un infirmier de la zone.
Expérimenté d'abord sur une durée de trois ans, ce dispositif a répondu aux objectifs visés. On a pu observer une progression de 33,5 % des infirmiers libéraux dans les zones « très sous dotées » (354 infirmiers supplémentaires) entre 2008 et 2011, et une diminution de 3 % des effectifs dans les zones « sur dotées » (283 infirmiers de moins), alors que ces zones avaient encore enregistré une progression des effectifs de 8,5 % sur la période 2006-2008. Au total, 25 départements dont la densité était inférieure à 100 infirmiers libéraux pour 100 000 habitants ont connu une amélioration de leur densité.
L'expérimentation parvenue à son terme, le dispositif a été pérennisé et renforcé par l'avenant n° 3, signé en septembre 2011, qui prévoit un doublement du nombre des zones « très sous dotées » et « sur dotées », ainsi qu'une actualisation du zonage sur la base des données récentes.
Les projections réalisées à partir des évolutions constatées sur la période 2008-2011 permettent d'espérer une réduction des écarts de densité entre zones à l'horizon 2015 : la densité dans les zones « très sous dotées » passerait de 85 infirmiers pour 100 000 habitants actuellement à 115 infirmiers pour 100 000 habitants ; la densité des zones « sur dotées » passerait de 192 actuellement à 171 en 2015.
Les organisations représentatives des infirmiers qui ont signé ces accords conventionnels s'en disent très satisfaites. Ce bilan positif a encouragé l'extension de ce mécanisme du conventionnement sélectif à d'autres professions de santé : les masseurs-kinésithérapeutes (avenant n° 3 à la convention nationale signé en novembre 2011), les sages-femmes (avenant n° 1 signé en janvier 2012), et les chirurgiens dentistes (avenant n° 2 signé en avril 2012). Pour chacune de ces professions, un accord adapté à ses spécificités a mis en place un dispositif de régulation analogue à celui des infirmiers libéraux :
- un zonage adapté aux besoins des patients (par exemple, besoins de sages-femmes là où se trouvent les populations de femmes jeunes) ;
- une incitation à l'installation et au maintien en libéral dans les zones « sous dotées » et « très sous dotées » : aide à l'équipement du cabinet et prise en charge des cotisations d'allocations familiales en contrepartie d'un engagement d'exercice dans la zone pendant une durée minimale ;
- une régulation de l'activité dans les zones « sur dotées » .
Dernièrement, la profession des orthophonistes est entrée à son tour, à titre expérimental, dans un dispositif analogue (avenant n° 13 à la convention nationale signé en mai 2012).
La régulation démographique basée sur le conventionnement sélectif est, sans aucun doute, l'une des mesures les plus prometteuses pour améliorer la répartition territoriale des professionnels de santé. Toutefois, elle souffre d'une lacune importante : celle de ne pas s'appliquer aux médecins.