Capitaine de Vaisseau Christophe Pipolo, Chef du Bureau Asie-Pacifique, Amérique latine, état-major des armées, ministère de la Défense
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Monsieur le Secrétaire Général,
Messieurs les Officiers Généraux,
Mesdames et Messieurs, Chers Collègues,
Compte tenu des caractéristiques de la géographie et de l'environnement du Pacifique Sud, les États insulaires de cet espace maritime sont confrontés à des phénomènes naturels dont les conséquences sur les populations et leurs habitats prennent le plus souvent une dimension catastrophique.
Qu'il s'agisse de cyclones, tremblements de terre, tsunamis, éruptions volcaniques, tempêtes tropicales, inondations ou encore des conséquences de grandes sécheresses, au-delà d'un certain seuil aucun des pays de cette région du monde n'est en mesure de faire face seul au secours qu'il convient d'apporter en urgence aux populations. Comme l'a indiqué M. Gilbert David, la montée du niveau des océans (plus d'un mètre d'ici la fin du siècle), la salinisation des nappes phréatiques induite et l'accès à l'eau potable constituent également des risques à prendre en compte.
Dans le domaine de la climatologie, les experts conviennent d'une tendance à la stabilité du nombre de cyclones à la surface du globe, évalué entre 85 à 90 par an. Le Pacifique dans sa globalité est la région du monde la plus exposée, qu'il s'agissent de phénomènes baptisés tempêtes tropicales (vents supérieurs à 63 km/h) ou encore de cyclones (vents supérieurs à 119 km/h).
En ce qui concerne le réseau d'alerte aux tsunamis, le Service Hydrographique et Océanique de la Marine (SHOM) est présent par un réseau d'observation du niveau de la mer composé actuellement de 14 marégraphes opéré en partenariat avec le Secrétariat Permanent du Pacifique (MAEE/MOM), la Délégation Générale de l'Outre-mer (DéGéOM), le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie et l'Université de Polynésie Française. De même, le réseau des sismomètres du Commissariat à l'Énergie Atomique (CEA) alimente le centre d'alerte aux tsunamis opéré par les États-Unis de manière centralisée sur l'ensemble du Pacifique.
Par solidarité et afin de porter assistance aux États plus démunis dans de telles circonstances, la France, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont signé il y a vingt ans exactement, le 22 décembre 1992, une « Déclaration conjointe sur la coopération d'urgence en cas de catastrophe naturelle dans le Pacifique Sud », plus connue sous le nom d'accord FRANZ (M. Louis Le Pensec Ministre de l'outre-Mer signait pour le Gouvernement français).
Cette déclaration, très courte, instaure une coordination des opérations de secours afin d'optimiser l'emploi des moyens opérationnels disponibles ; promeut la coopération entre les différents centres de prévisions météorologiques, satellitaires et d'alerte ; établit des réunions techniques régulières des représentants des États FRANZ pour améliorer comme nécessaire cette coopération opérationnelle en consultation étroite avec les autres pays de la région.
La présidence des réunions et du forum FRANZ change tous les deux ans. La Nouvelle-Zélande assurera la présidence pour 2013 et 2014. Elle prendra la suite de l'Australie qui était aux affaires lors du récent passage du cyclone tropical Evan successivement à Samoa (13 décembre), à Wallis (15 décembre) et à Fidji (17 décembre). M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer, effectuait un déplacement à Wallis dès le 18 décembre, pour prendre la mesure de la catastrophe.
Bilan du passage du cyclone Evan relevé par la presse à la levée de l'alerte cyclonique :
- Samoa : 14 victimes et 9 disparus. Plus de 5 500 personnes placées en centre d'hébergement. Destruction de la principale centrale électrique du pays (à Tanugamanono), importantes inondations dans la capitale Apia (absence d'électricité pendant environ 2 semaines).
- Wallis : 2 blessés, importants dégâts matériels ; 290 habitations et 15 bâtiments publics endommagés ; de nombreux arbres arrachés ; réseau routier difficilement praticable ; réseaux téléphonique et électrique quasiment hors service.
- Fidji : le 17 décembre 2012, les rafales du cyclone atteignant 270 km/h sont à l'origine d'inondations, de glissements de terrain, de maisons détruites, d'arbres arrachés, de coupures d'électricité, d'avions et de bateaux endommagés ainsi que de l'évacuation de plus de 8 000 personnes.
Le Haut-Commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, en accord avec le Gouvernement de Nouvelle-Calédonie et le Ministère des Affaires étrangères, a demandé le concours des Forces Armées Françaises de Nouvelle-Calédonie (FANC), dans le cadre de l'accord FRANZ, pour participer aux opérations d'aide humanitaire aux côtés de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande.
Ainsi, une opération a été conduite par l'État français (Haut-Commissariat en Nouvelle-Calédonie, Ambassade de France à Fidji, Forces Armées relevant du ministère de la Défense), avec la contribution des provinces de Nouvelle-Calédonie et de la Croix Rouge française en application d'une décision prise par le Comité d'Aide d'Urgence Régionale qui s'était réuni le vendredi 21 décembre 2012, sous la Présidence du Haut-Commissaire de la République.
Un avion transporteur CASA CN-235 des forces armées françaises, basé à Nouméa, est arrivé à Fidji le 22 décembre avec à son bord des équipes et du matériel d'urgence composés :
• d'une équipe de la direction de la
Sécurité Civile ;
• d'une équipe de la plateforme
régionale de la Croix Rouge basée en
Nouvelle-Calédonie ;
• d'une équipe de la Sécurité
Civile ;
• d'une unité de traitement de l'eau d'une
capacité de traitement pour 5000 personnes par jour ;
• de 3 tonnes de matériels : groupes
électrogènes, pompes à eau, bâches, tentes...
Le CASA 235 de l'armée de l'Air a effectué une rotation sur Labasa situé au nord de Fidji, afin d'y acheminer le matériel français ainsi qu'un chargement de la Croix-Rouge Fidjienne. La mission s'est conclue le 23 décembre par un vol de reconnaissance à basse altitude sur les îles les plus touchées afin d'aider le gouvernement fidjien à préciser son évaluation des dégâts.
Il convient également de signaler l'aide étrangère apportée au cours des différentes missions de secours aux populations sinistrées :
- la Nouvelle-Zélande : un gros porteur Hercule C-130 a fait plusieurs rotations dans la région pour acheminer du matériel et des équipes de la sécurité civile et de gestion des catastrophes naturelles ; déblocage de plus de cinq millions de dollars NZ au titre de fonds d'urgence ;
- l'Australie a consacré des moyens et des sommes d'un volume similaire ;
- les États-Unis ont remis un chèque de 50 000 dollars US pour permettre à la Croix Rouge de reconstituer les stocks de matériel d'urgence (couvertures, kits sanitaires, tablettes de purification d'eau) pré-positionnés et mobilisés en faveur des populations ;
- le Royaume-Uni a débloqué 80 000 dollars US en solidarité avec Samoa, de même que pour Fidji.
Ci-dessous figure le communiqué des FANC publié à l'issu de l'opération :
Après une première vague d'aide régionale acheminée directement sur Nadi (île principale) par gros avions porteurs militaires australien et néo-zélandais (Hercules, Orion ou C-17 Globemaster), le CASA 235, de plus petite taille et capable de se poser sur des pistes plus courtes, a eu pour mission de déployer son chargement vers des zones moins directement accessibles de Fidji. « Cela a été fait sous le chapeau FRANZ », déclarait le Colonel Arnaud Bouyssou, attaché de défense non-résident pour Fidji qui a pris part à la mission. « Le CASA est le seul appareil à pouvoir se poser sur de petites pistes, c'est son atout » a-t-il ajouté, en soulignant que cet appareil de l'armée de l'Air française, dans le cadre des accords FRANZ, venait utilement « combler un trou capacitaire ».
En conclusion, il convient de rappeler que les moyens militaires utilisables dans le cadre de l'action d'urgence de l'État en soutien aux populations victimes de catastrophes naturelles comme au titre d'une contribution à l'action de l'État en mer sont définis par le pouvoir politique. Alors qu'un nouveau Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale doit être publié prochainement, ce document devrait permettre d'identifier les moyens militaires susceptibles d'être assignés à la protection et à la sécurité des citoyens français d'outre-mer qui seraient également utilisables dans un indispensable esprit de solidarité avec les îles voisines du Pacifique.