C. MOBILITÉS : INFRASTRUCTURES ET TRANSPORTS

Le désenclavement des campagnes est nécessaire à leur développement qui, pour autant, ne doit pas être hypothéqué par une dépendance excessive au prix de l'énergie.

1. Entretenir et améliorer les infrastructures

Essentiels au désenclavement et à la préservation de l' « éventail des possibles », le développement des transports est largement corrélé au dynamisme d'un territoire . En particulier, l'entretien, sinon l'amélioration des infrastructures routières et ferroviaires, la desserte par autocar ou par le train des villes intermédiaires qui maillent le territoire rural, constituent des enjeux primordiaux. L'attractivité des campagnes en dépend largement, aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises.

La réflexion prospective doit intégrer le problème général de l'architecture des transports, via la coordination des offres proposées par les autorités organisatrices de transports (AOT) 73 ( * ) , qui laisse parfois à désirer, et via la combinaison des ces offres dans le cadre d'un transport « multimodal » 74 ( * ) , articulant moyens de transport publics et privés, dont le développement devrait s'accélérer.

Ce point est particulièrement sensible dans les campagnes reculées, à propos desquelles Christophe Saintillan, directeur des infrastructures de transport à la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, estime que « la réponse aux besoins de déplacements mérite sans doute de combiner les infrastructures pour tenir compte à la fois des soucis d'aménagement du territoire et d'irrigation fine du territoire. Et au-delà de la question des infrastructures, il faut sans doute s'interroger sur les services de transport à y développer (bus, car, voire services à la demande) ».

Certes, la mobilité favorise aussi certaines formes de polarisation. D'après André Torre, directeur de recherche à l'INRA, « il est constant que l'amélioration des infrastructures de transport favorise la concentration, même si c'est contre-intuitif ; la distance parcourue pour se rendre à son travail a doublé depuis les années 1970, et doublera d'ici 2040 (même si cette augmentation ne se reporte pas, à due proportion, dans les temps de transport, en raison même du développement des infrastructures)... Grâce aux infrastructures de transport, on peut habiter de plus en plus loin de son lieu de travail ». Mais ce raisonnement peut être retourné, car si les moyens d'accéder à une zone de faible densité s'améliorent, il devient plus facile d'y travailler ou d'y habiter. Les infrastructures de transport favorisent ainsi la spécialisation des espaces mais, dans les campagnes les plus fragiles, une spécialisation, même résidentielle, est toujours bonne à prendre...

Christophe Saintillan relève cependant que « le lien entre les infrastructures et le développement économique est une question difficile et controversée. Le bilan LOTI 75 ( * ) de l'autoroute A 84 s'inscrit dans le constat que les autoroutes accélèrent les tendances, soit elles encouragent le développement existant, soit elles accentuent la tendance au repli. L'autoroute élargit la zone de chalandise des infrastructures, elle met les entreprises existantes en concurrence, ce qui peut avoir un effet brutal sur elles ou être un facteur d'accélération de leur croissance. Pour les habitants, l'infrastructure rend possible l'accès à plus d'emplois et de services. Ainsi une infrastructure de transports favorise l'attractivité des territoires en facilitant les échanges, mais avec un effet d'accélération des tendances. C'est la conclusion du bilan LOTI de l'A 84 ».

Un accès satisfaisant aux réseaux physiques de transport dans les campagnes est donc nécessaire à leur croissance, mais si d'autres facteurs de développement local ne sont pas réunis, la proximité de très grands axes comporte aussi des risques.

En somme, ces réseaux apparaissent comme une condition nécessaire, même si elle n'est jamais suffisante, au développement des campagnes. La considération du rôle structurant, dans les campagnes, des villes moyennes et des bourgs-centres ne peut qu'appeler l'attention sur la qualité de leur desserte.

L'effort financier nécessaire est bien entendu substantiel, surtout si l'on rappelle que le simple entretien des réseaux routiers et ferrés devient problématique. Christophe Saintillan souligne ainsi, concernant les chemins de fer, « l'ampleur du travail de remise à niveau qu'il convient de réaliser après près de trois décennies de sous investissement sur notre réseau ». C'est ainsi qu' aucune piste d'économie, à service comparable sinon amélioré, ne doit être exclue , notamment celle consistant à remplacer certaines liaisons ferroviaires par des lignes d' autocar , ni celle du covoiturage , ni celle d'une intermodalité - facilitée par les TIC 76 ( * ) - entres tous types de transport, aussi bien collectifs qu'individuels ( infra ).

Se pourrait-il qu'à l'horizon d'une vingtaine d'années, la généralisation du très haut débit rende certaines entreprises et de nombreux particuliers (toujours plus à l'aise pour la fréquentation privée et professionnelle des réseaux électroniques) moins sensibles à la qualité des dessertes routières et ferroviaires ? De multiples opérations pourront, en effet, être réalisées à partir des réseaux électroniques.

Se pourrait-il, en outre, que les temps de transports, à la faveur d'innovations tenant à la connexion permanente des voyageurs et à l'automatisation de nombreuses fonctions liées à la conduite, puissent être considérés comme des temps utiles ?

Pour l'instant, le député Pierre Morel-A-L'Huissier, sur la base des nombreux entretiens qu'il a sollicités dans le cadre de son rapport précité sur la simplification des normes au service du développement des territoires ruraux, identifie formellement deux conditions sine qua non du développement des campagnes : la proximité d'une autoroute et l'accès aux réseaux numériques ; « si une zone d'activité répond à ces exigences, tout en offrant des bâtiments préfabriqués et la proximité d'un lotissement agréable, les entreprises s'installent ».

Dès lors, Yannick Imbert, directeur des mutations et du développement économique à la DATAR, souligne à juste titre qu'en matière de transports, « il ne faut pas renoncer à certains projets à la seule aune de considérations budgétaires court-termistes ».


* 73 Une AOT est une des collectivités territoriales auxquelles la loi d'orientation pour les transports intérieurs n° 82-1153 du 30 décembre 1982, LOTI, a confié la mission d'organiser les transports.

* 74 Voir le rapport d'information d'Yves Krattinger intitulé « Les transports publics locaux en France : mettre les collectivités territoriales sur la bonne voie », fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat, n° 319 (2011-2012) - 31 janvier 2012.

* 75 La loi n° 82-1153 d'orientation des transports intérieurs du 30 décembre 1982 prévoit la production de bilans socio-économiques et environnementaux trois à cinq ans après la mise en service des grandes infrastructures de transport.

* 76 Technologies de l'information et de la communication.

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