INTRODUCTION
En dépit de la prédominance économique des villes, la France demeure un espace essentiellement rural , maillé par près de 30 000 « communes rurales » au sens de l'INSEE, qui représentent 78 % du territoire métropolitain et 22 % de la population.
Par delà la diversité des campagnes françaises et des configurations locales, les multiples dynamiques à l'oeuvre dans les aires rurales et urbaines ont fini par inverser les flux de population. Après plus d'un siècle d'exode rural, le solde migratoire dans les campagnes est devenu positif à la fin des années soixante-dix. Il en va de même, depuis 2000, du solde naturel - c'est-à-dire, des naissances moins les décès.
C'est là, sans doute, un motif de satisfaction pour qui redoutait, il y a quelques décennies encore, une tendance irrésistible à la désertification d'une portion majeure de notre territoire.
Mais aujourd'hui, la crise et son cortège de fermetures d'entreprises posent la question cruciale de la résilience des économies rurales. Sur le terrain, interrogations et difficultés tendent à se multiplier, avec de nouvelles fractures sociales et générationnelles, même si les réalités sont toujours très contrastées d'un territoire à l'autre.
Le contexte général apparaît plus mouvant et incertain que jamais. A y regarder de près, les opportunités - telles que le très haut débit - sont bien plus rares que les menaces : ajustement accéléré des finances publiques, étiolement du premier pilier de la PAC, renforcement de la contrainte énergétique, périurbanisation rampante et besoins croissants de mobilité, exigences environnementales accrues, devenir incertain des villes moyennes et de l'accès qu'elles procurent à une gamme étendue de services...
Devant pareil inventaire, il convient de ne pas céder au découragement, ni davantage à une quelconque rêverie d'inspiration technicienne ou rousseauiste. Il faut, avec lucidité, identifier les leviers structurels qui conditionneront l'essor économique, social et culturel des campagnes. Que faire pour leur donner les moyens de s'inscrire, au cours des trois prochaines décennies, dans un scénario de développement optimal ?
Répondre à cette question, posée à un terme éloigné, doit nous aider à prendre les bonnes décisions, aujourd'hui et demain. Non tant pour planifier le futur, au risque de le stériliser, qu'afin d'en préserver l'« éventail des possibles » dans le cadre d'une croissance équilibrée des territoires.
Par exemple, préserver ce potentiel implique de s'interroger sans tarder sur les voies et moyens de satisfaire, dans un contexte de raréfaction des crédits et de rationalisation des services, les besoins des populations rurales, qui sont de plus en plus proches de ceux des citadins...
Mais la capacité de projection, l'imagination et la créativité des acteurs territoriaux, dont nous sommes témoins, n'en seront pas moins fondamentales pour saisir de nouvelles opportunités et identifier de nouveaux leviers de développement pour les territoires ruraux.
Notre conviction est qu'en dépit des progrès de la métropolisation, ces nouveaux leviers sauveront un jour notre pays de la panne de croissance et de la démoralisation dans lesquelles il s'enferre.
Comprenons bien que les campagnes, dans leur diversité, ne sont pas une charge, mais une chance pour la France.
Voyez ces vastes espaces, cette nature fragile mais généreuse, la variété de ces paysages et de ces cultures, uniques au monde. Voyez encore ces hommes, bien décidés à innover et à se battre pour faire vivre leurs territoires en y exerçant les activités les plus variées, traditionnelles ou avant-gardistes...
Notre potentiel de croissance est en gestation dans le creuset de nos campagnes. Protégeons ce laboratoire où s'invente la modernité de demain !
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Pour instruire ce rapport, nous avons rencontré de nombreux acteurs et observateurs de la ruralité, quelquefois à la faveur de déplacements in situ , dont la disponibilité n'a eu d'égale que la richesse du propos et la force de l'engagement. Un atelier de prospective, organisé par la suite, n'a pas manqué de susciter des échanges d'une exceptionnelle qualité.
Par delà les doutes ou les inquiétudes, dont l'expression paraît bien légitime dans le contexte actuel, que d'énergie communicative, que d'expériences offertes en partage, enfin, que de compétences insondables !
Nous exprimons ici, à l'attention des personnes qui nous ont généreusement consacré de leur temps, notre profonde gratitude. C'est avec profit qu'on se reportera aux comptes rendus de l'ensemble de nos entretiens et de l'atelier de prospective, qui figurent en annexe. Parmi ces personnes, il nous est difficile de ne pas citer tout particulièrement Édith Heurgon, prospectiviste, pour l'attention qu'elle a bien voulu porter à nos travaux, pour son approche éclairée du sujet et son animation, brillante, de l'atelier de prospective, ainsi qu'Olivier Mora, ingénieur agronome, dont les conseils judicieux et les réflexions profondes nous ont guidés et accompagnés jusque dans les territoires.