(2) Vers une baisse des capacités globales d'observation ?

La compréhension de ces mécanismes de fonctionnement du système terrestre impose la surveillance permanente d'un nombre important de variables. Pour ce qui concerne le changement climatique, on parle de variables climatiques essentielles (VCE). Elles relèvent de l'observation terrestre, océanique et atmosphérique. Les outils spatiaux sont particulièrement propices au suivi de ces variables. Sur une quarantaine de VCE, une trentaine peut faire l'objet d'un suivi satellitaire.

Or en raison de contraintes budgétaires, et parfois d'un manque de cohérence entre programmes nationaux, notre capacité de suivi de ces variables pourrait être menacée. Perdre ne serait-ce qu'une variable peut menacer tout un modèle.

Les difficultés budgétaires de la NASA et de la NOAA ne sont pas sans conséquences, d'autant que certaines missions sont menées dans le cadre d'une coopération transatlantique. Comme cela a été précédemment évoqué, Jason 3 a, par exemple, paru à un moment menacée.

Missions d'observation de la Terre actuellement en orbite ou planifiée 71 ( * )
NASA/NOAA

Source : Thalès Alenia Space

Le mode de fonctionnement des agences, dont la vocation est d'innover et non d'assurer la continuité de l'existant, n'est pas forcément propice à la poursuite de missions consistant non pas à innover, mais à prolonger, tout en optimisant les coûts.

Ainsi, par exemple, la pérennisation de missions telles que Cryosat (lancée en 2010 après un échec au lancement en 2005) ou SMOS est incertaine.

Il est essentiel d'assurer la continuité de la production de données d'observation notamment dans les domaines de la météorologie et de la climatologie, et ce dès la conception initiale des missions.

Pour l'avenir, la surveillance des émissions naturelles et anthropiques de gaz à effet de serre deviendra un enjeu international majeur et les moyens de mesure seront un atout important pour ceux qui les maîtriseront. Les États-Unis mettent notamment en oeuvre un programme appelé Orbiting carbon observatory (OCO-2), destiné à l'étude du CO 2 atmosphérique. Après un échec au lancement en 2009, ce programme doit être relancé en 2014. L'un des objectifs, à peine dissimulé, de cette mission est de mesurer les émissions chinoises, dont des études scientifiques suggèrent qu'elles pourraient être actuellement sous-estimées d'au moins 20 %.

En Europe, le CNES mène conjointement avec l'agence spatiale allemande (DLR) une mission dite Merlin dont l'objectif est de mesurer depuis l'espace le méthane contenu dans l'atmosphère. En effet, la connaissance des flux et des concentrations de carbone dans l'atmosphère est essentielle, qu'il s'agisse du dioxyde de carbone (CO 2 ) ou du méthane (CH 4 ), celui-ci provoquant un effet de serre beaucoup plus puissant que celui-là. Le CNES, maître d'oeuvre du satellite, fournit la plateforme Myriade Evolutions - financée par le programme d'investissement d'avenir - et le DLR réalise le Lidar (instrument de télédétection par laser). Le lancement de cette mission est prévu en 2016.

Un autre enjeu d'avenir est l'amélioration de la surveillance des émissions diffuses, à échelle très fine, qui nécessite des développements technologiques car on ne sait actuellement mesurer les émissions que sur des surfaces de 500 km x 500 km. La mesure des émissions de méthane provoquées par l'exploitation des gaz de schiste pourrait être envisagée dans ce cadre. Des études 72 ( * ) suggèrent en effet que l'exploitation du gaz de schiste pourrait avoir des effets dommageables sur le climat en conséquence des émissions et fuites de méthane induites.

La vérification des émissions est une étape incontournable de la lutte contre l'effet de serre, avec des enjeux internationaux majeurs, notamment pour les relations entre les deux principaux émetteurs que sont les États-Unis et la Chine. L'Europe - et notamment la France - a le potentiel de jouer un rôle important dans l'établissement d'un dispositif de contrôle des émissions, tant grâce à ses laboratoires que grâce à son industrie. Un financement dans le cadre de la mise aux enchères des quotas d'émission de carbone pourrait être envisagé.

Enfin, l'Europe ne peut évidemment jouer un rôle moteur dans la surveillance de l'environnement et du climat sans réaliser pleinement le programme GMES, dont le financement pour l'avenir est actuellement suspendu aux décisions qui seront prises pour le prochain cadre financier pluriannuel de l'Union européenne.

L'encadré ci-après résume l'apport des infrastructures spatiales de ce programme.

LES SATELLITES SENTINEL DE GMES

Les services de l'initiative GMES sont basés sur des données de surveillance de la Terre recueillies dans l'espace (satellites), l'atmosphère (instruments aéroportés, ballons stratosphériques, etc.), l'eau (flotteurs, instruments embarqués sur des navires, etc.) ou sur terre (stations de mesure, sismographes, etc.).

Les infrastructures spatiales sont constituées par les satellites Sentinel dont le développement a été confié à l'ESA. Chaque mission Sentinel est fondée sur une constellation de deux satellites afin de procurer des données robustes en termes de couverture et de délais de revisite.

Sentinel 1 est une mission d'observation radar (donc fonctionnant jour et nuit, quelle que soit la météo) de la terre et de l'océan, en orbite polaire (premier lancement en 2013) ;

Sentinel 2 est une mission d'imagerie haute résolution multi-spectrale, en orbite polaire, qui fournira des données sur la végétation, les sols et l'eau, et délivrera des informations en situation d'urgence (premier lancement en 2014) ;

Sentinel 3 , également en orbite polaire, est une mission multi-instruments qui mesurera des variables relatives à la topographie océanique, la température de l'eau et du sol, la couleur de l'océan et du sol (premier lancement prévu en 2014) ;

Sentinel 4 est une charge utile embarquée sur un satellite Meteosat de troisième génération en orbite géostationnaire. Il est dédié à la surveillance atmosphérique (lancement prévu en 2019).

Sentinel 5 est une charge utile embarquée sur un satellite de météorologie en orbite polaire MetOp de deuxième génération. Il est également dédié à la surveillance atmosphérique (lancement prévu en 2020). Un Sentinel 5 « précurseur » doit être lancé en 2015 afin de réduire la durée de l'interruption de fourniture de données après l'arrêt d'Envisat.

Les satellites Sentinel 4 et 5 fourniront de l'information sur la chimie atmosphérique : qualité de l'air, radiations solaires, données de surveillance du climat. Les gaz étudiés seront : O 3 (ozone), NO 2 (dioxyde d'azote), SO 2 (dioxyde de soufre), HCHO (formaldéhyde), CO (monoxyde de carbone), aérosols.


* 71 Nombre de missions opérationnelles (2000-2011) ou planifiée (2012-2020) de la NASA et de la NOAA, dans le domaine de l'observation de la Terre (en fonction de leurs durées de vie telles qu'estimées par la NASA).

* 72 Journal of geophysical Research vol 117 (2012)

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