(b) Un lanceur plus puissant et plus « versatile »

Ariane 5ME est dérivée de la version actuelle en remplaçant l'étage supérieur doté du moteur HM7B par un nouvel étage rallumable équipé du moteur Vinci en cours de développement. L'augmentation de performances serait de l'ordre de 2 tonnes (soit 20 %) en orbite de transfert géostationnaire, pour un coût du lanceur identique au coût actuel. Il permettrait donc une réduction du coût par kg de charge utile qui peut se traduire par une augmentation des recettes d'Arianespace (toutes choses égales par ailleurs - notamment la parité €/$), permettant de réduire voire d'annuler la subvention d'exploitation au lanceur.

LA SUBVENTION D'EXPLOITATION

Les États membres de l'ESA ont confirmé en mars et décembre 2011 la résolution adoptée en 2010, visant à soutenir les lanceurs européens en garantissant une exploitation équilibrée d'Ariane 5, c'est-à-dire qu'ils ont décidé de continuer à garantir l'autonomie d'accès de l'Europe à l'espace, comme ils l'avaient fait au cours de la période 2004-2010 au moyen du programme de soutien à l'exploitation EGAS 50 ( * ) .

Cette subvention d'exploitation s'élève actuellement à 120 M€ par an, soit, si l'on se base sur 6 tirs d'Ariane par an, 10 % du coût de production du lanceur.

Les partisans d'Ariane 5 ME, comme ceux d'un passage immédiat à Ariane 6, jugent que la solution qu'ils proposent est susceptible de réduire considérablement voire d'annuler la subvention d'exploitation au lanceur.

La capacité d'emport d'Ariane 5ME est estimée entre 10,8 tonnes et 12 tonnes, selon que l'on prend ou non en compte le poids du système de lancement double, celui du carburant nécessaire à la désorbitation de l'étage supérieur... En tout état de cause, l'objectif est qu'Ariane 5ME puisse lancer deux « gros » satellites (5 à 6 tonnes) tandis qu'Ariane 5ECA doit aujourd'hui apparier ce type de satellite avec un satellite de taille moyenne.

Le moteur rallumable est une nécessité, d'une part car Ariane 5ECA, qui n'en possède pas, est aujourd'hui un lanceur inadapté pour réaliser certains types de mission, en particulier pour placer en orbite des satellites à propulsion électrique ; d'autre part, car les règles internationales d'usage de l'espace et, plus particulièrement, en France, la loi sur les opérations spatiales, rendent progressivement obligatoire la désorbitation des étages supérieurs, afin de limiter la prolifération des débris spatiaux. Ariane 5 ECA est aujourd'hui le seul lanceur commercial qui ne permet pas ce type d'opération.

Les partisans d'Ariane 5ME estiment qu'il faut concentrer l'effort en vue d'une mise en service aussi rapide que possible (2017) de ce nouveau lanceur, en préservant pour plus tard la possibilité de développer une « Ariane 6 » qui bénéficierait des acquis du programme Ariane 5ME. Le lanceur de nouvelle génération tirerait alors parti d'une durée de développement rendant possible de véritables ruptures dans le domaine des technologies et de la réorganisation industrielle.

Les partisans d'Ariane 5ME estiment aussi que ce programme, étant le seul en cours de développement, sa poursuite en 2012 et au-delà est l'unique moyen de maintenir dans les prochaines années les compétences des bureaux d'études des industriels. A l'inverse, le passage immédiat à une nouvelle génération de lanceurs ne susciterait aucune activité industrielle significative avant 2015-2016. Il engendrerait des risques de pertes de compétence, ainsi que des risques sur le plan de la technologie, de la fiabilité et des coûts, le projet « Ariane 6 » demeurant à ce stade insuffisamment détaillé.

Enfin, Ariane 5ME est un complément à la dissuasion française ; son développement par les bureaux d'étude est complémentaire de celui du missile M51.3. Son abandon nécessiterait donc, en compensation, un investissement supplémentaire du Ministère de la Défense.

Les arguments en faveur d'Ariane 5ME ne valent toutefois que si l'une des deux hypothèses suivantes est vérifiée :

- soit ce lanceur répond aux besoins du marché ;

- soit les États, qui assument le risque, sont prêts à financer durablement un déficit d'exploitation éventuellement croissant.

Or il est possible que ce lanceur ne réponde pas aux évolutions du marché ; et il est probable que les États européens ne soient pas prêts à financer un déficit d'exploitation de leur lanceur qui irait croissant. Dans ces conditions, ce serait l'indépendance d'accès de l'Europe à l'espace qui serait remise en cause.


* 50 European guaranteed access to space.

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