E. LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES SOUS-TRAITANTES DE LA POLITIQUE DE PRÉVENTION
Le troisième non-dit, c'est que la prévention, cousine pauvre de la politique française de lutte contre l'inondation, pour sa partie active est sous-traitée aux collectivités territoriales, essentiellement le bloc communal et les départements.
Les engagements financiers de l'État comme ses préoccupations prioritaires, comme on l'a vu, vont à la gestion de crise - prévision, alerte, conduite des secours -, même si chaque catastrophe est l'occasion de célébrer les mérites de la prévention et de la « culture du risque », aussi difficile à définir qu'à diffuser. Les chiffres parlent d'eux-mêmes.
En matière de prévention, l'action de l'État n'est qu'indirecte, passant quasi exclusivement par l'édiction de contraintes et de servitudes d'urbanisme (PPRI essentiellement) ou de règles (DICRIM, PCS etc.), et par le contrôle des autorisations d'urbanisme.
L'entretien des cours d'eau non domaniaux qui, en théorie, incombe aux propriétaires riverains, ainsi que les investissements de protection sont de fait laissés à la charge et au bon vouloir des collectivités territoriales, sans aide budgétaire de l'État. « Je tiens à honneur qu'en France les fleuves rentrent dans leur lit » déclarait, impérial, Napoléon III devant la chambre ! Depuis, s'il est toujours question qu'ils rentrent dans leur lit, c'est avec un coût minimum pour l'État.
Reste la question essentielle : pourquoi, à quelques exceptions près, la politique prévention de l'inondation peine-t-elle tant à s'inscrire dans les faits ?
L'expliquer seulement par la mauvaise volonté politique des acteurs est non seulement un peu court mais demanderait aussi à être éclairci. Pourquoi, en effet, un objectif aussi consensuel que la protection des populations et des biens estil aussi peu mobilisateur ? Nous pensons que c'est parce que le système français de prévention de l'inondation est autobloquant, autrement dit qu'il génère des réactions, des effets pervers qui le paralysent.