3. La disponibilité des moyens
a) Les moyens aériens décisifs en cas de crise grave

Les événements de juin 2010 et novembre 2011 ont montré l'importance des moyens d'intervention aériens en cas de crise majeure et de rupture des communications.

L'engagement de ces moyens relève du préfet de la zone qui peut demander le concours des armées via l'état-major interministériel des armées de la zone de défense. En juin 2010, cependant, l'engagement des moyens aériens a été directement sollicité par le préfet de département et validé ensuite par la zone qui les avait mis préventivement en alerte dès les premiers messages préoccupants de Météo-France.

Ceci dit, les catastrophes naturelles de l'année 2010 (Xynthia et la Dracénie) ont aussi montré un réel besoin de coordination des moyens de la « troisième dimension » mobilisés en urgence afin d'assurer à la fois la sécurité des vols 109 ( * ) et l'emploi optimal des vecteurs. Suite à ce constat, la DGSCGC a indiqué qu'un groupe de travail interministériel a été constitué en vu de l'élaboration d'un protocole d'alerte et de pré-positionnement d'une cellule 3D de l'armée de l'air en situation d'alerte hydrométéorologique rouge 110 ( * ) . Quand la catastrophe dépasse les frontières administratives, il apparaît raisonnable que la sécurité et la coordination des moyens aériens soient confiées à un seul des préfets de la ou des zones concernées.

- Renforcer la coordination des moyens aériens en cas de crise

b) L'importance des renforts nationaux

Ces renforts peuvent être nationaux ou prélevés sur d'autres départements, ce qui suppose une gestion optimale de ces allocations.

S'il a été démontré que le pré-positionnement des moyens pouvait en cas de submersion rapide être déterminant en termes d'efficacité du secours aux personnes, encore faut-il que ceux-ci soient disponibles. Se trouve ainsi posée la question du niveau de ces moyens et de la rapidité de leur allocation D'où la nécessité du renforcement du suivi de crise au niveau de la zone et au niveau national 111 ( * ) .

- Améliorer la gestion des moyens de renforcement pour anticiper leur mise en alerte, voire leur pré-positionnement

c) Les réserves communales de sécurité civile

Le retour d'expériences du Var et d'Italie (voir plus loin) a montré l'importance des volontaires, notamment les membres des comités communaux feux de forêts (CCFF). Leur mobilisation, leur connaissance du terrain et leur habitude de travailler en équipe en situation dangereuse, comme nous l'avons dit, « fut sans aucun doute un élément déterminant de relais de l'alerte dans de nombreuses communes : par leur connaissance des éléments des PCS, par leur réactivité et leur soutien des populations, ils ont à la fois relayé les informations vers les populations, guidé les évacuations, pris des initiatives heureuses parce qu'encadrées dans des dispositifs préétabli. » 112 ( * ) Les moyens de leur développement seront proposés un peu plus loin (Titre VI).

d) La formation

Les auditions de MM. Patrick Lagadec et Thierry Libaert ont conforté l'idée que la crise résultait d'une combinaison d'événements plus ou moins prévisibles, mais dont l'enchaînement et l'ampleur surprennent, et de facteurs venant perturber la programmation du déploiement du dispositif de secours, par construction, insensible à l'imprévu. Il est donc important que les exercices prévus par l'ORSEC envisagent plus fréquemment les cumuls de phénomènes naturels ou technologiques, prennent en compte la défaillance des réseaux de communication et la possibilité d'une indisponibilité des moyens, afin de forcer les acteurs à imaginer des solutions inédites, à se projeter dans l'inconnu. Leurs capacités d'adaptation s'en trouveront renforcées et les superviseurs pourront en tirer matière à optimisation du dispositif. Dans le même esprit, il y aurait tout intérêt à ce que les exercices mobilisent l'ensemble des acteurs et pas seulement les services de secours : fonctionnaires de l'État, collectivités locales (élus et personnel), volontaires, voire population, s'agissant des secteurs les plus à risques.

Surtout, comme le souligne M. Patrick Lagadec, il est impératif que la formation ne se limite pas à vouloir faire passer des consignes dont on a de fortes chances qu'elles seront oubliées plus vite qu'elles seront mémorisées. « En formation , » dit-il « je prends le contre-pied de la logique habituelle. Je laisse les gens définir en petits groupes des scénarios, au lieu de mesurer la différence entre les mesures prévues et l'application. J'ai assisté à tant de réunions où les services de l'État se contentaient de présenter des powerpoint ... Certes, il faut parfois être directif mais sans anéantir l'énergie créatrice . L'assurance que tout se règle dans un bureau à Paris dérègle tout. Il faut faire confiance à tous les niveaux. »

Il conviendrait enfin que la gestion de la post-crise ne soit pas oubliée, le relâchement de la tension à ce moment-là étant souvent aussi celui du relâchement de l'effort en direction de la population, population alors en plein désarroi.

- Mettre en oeuvre plus systématiquement des exercices dans les zones à risque inondation

- Impliquer plus largement les acteurs locaux dans ces exercices

- Former davantage les élus et les cadres locaux à la gestion du risque inondation

- Ne pas limiter la formation à la transmission de consignes mais placer les acteurs en situations créatives

e) Faire preuve de bon sens

On a un peu honte de rappeler :

- qu'il vaut mieux éviter d'installer des centres de secours en zone inondable ou, si le mal est fait, de les aménager pour que leurs moyens ne soient pas paralysés en cas de crise. En tout état de cause, un relevé de la situation de chaque centre de secours s'impose avant de procéder soit à leur déplacement, soit aux restructurations qui leur permettraient de continuer à remplir leur rôle, par d'autres moyens, en cas de submersion ;

- qu'il y a tout intérêt à améliorer la polyvalence des équipements. Par exemple, armer des hélicoptères prévus essentiellement pour la lutte contre les incendies de forêts, comme c'est le cas dans le Var, avec des dispositifs d'hélitreuillage, serait d'une grande utilité en cas d'inondation, comme on a pu le voir ;

- que l'intégration anticipée des moyens locaux est un gage d'efficacité en cas de crise majeure et de rupture des communications.

- Recenser les SDIS et CSP en zones inondables

- En cas d'impossibilité d'implantation ailleurs, les restructurer et mettre en oeuvre des dispositifs de redéploiement des moyens en cas d'alerte

- Envisager un usage multifonction des moyens


* 109 Voir sur ce point le rapport de la Cour des comptes « Les enseignements des inondations de 2010 sur le littoral atlantique (Xynthia) et dans le Var »- juillet 2012, p. 44 et 45.

* 110 En outre, un exercice (Durance) a permis en mars 2012 d'évaluer la capacité des centres opérationnels à assurer le contrôle opérationnel ou tactique des moyens militaires engagés. L'armée de l'air a mis en oeuvre un E3F (AWACS) employé comme point d'information en vol pendant la première phase d'engagement.

* 111 Les divers acteurs de la crise ont désormais accès au portail Synergie, qui fournit une information en temps réel des divers incidents ponctuant les crises. Ce système n'en rencontre pas moins certaines limites : ainsi, selon M. Charles Guisti, sous-directeur de la planification et de la gestion des crises à la DGSCGC, le COGIC ne peut pas disposer d'une information parfaite quand aux crises en cours. Dans bien des circonstances, il accorde aux préfets les renforts sollicités sur une base déclarative et n'est pas toujours en mesure, selon le contexte, de procéder à un ajustement des moyens demandés à l'échelle locale, en vue d'améliorer l'efficacité des forces d'intervention. L'enjeu pour le COGIC est de croiser les informations communiquées par les divers services départementaux d'incendie et secours sur le terrain. Il a donc un axe de progression à poursuivre en ce domaine.

* 112 CGEDD-IGA « Retour d'expériences des inondations survenues dans le département du Var les 15 et 16 juin 2010 » - Octobre 2010, p. 27.

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