TITRE III - À L'ÉPREUVE DES FAITS
I. RETOUR D'EXPÉRIENCE SUR LES INONDATIONS VAROISES
« À l'heure actuelle, la plaine [de Draguignan] est couverte par les maisons... et des installations industrielles. Qu'arriverait-il si une inondation comparable à celle de 1827 survenait ? » 86 ( * ) .
A. LE RISQUE INONDATION OCCULTÉ PAR LE RISQUE FEUX DE FORÊTS
Le Var est bien un territoire soumis au risque inondation, la liste des sinistres établie plus haut (p. 36) le montre sans contestation possible.
Cependant, s'il s'agit d'épisodes traumatisants pour ceux qui les subissent, ils restent ponctuels, n'affectant gravement que quelques communes en même temps et n'entraînant, jusqu'à 2010 et pour la période récente, aucune perte de vies humaines. Les dégâts sont, en général, réparés rapidement et des mesures prises localement pour en limiter les effets. On peut citer à cet égard, parce qu'elle se rapproche, sur une superficie plus réduite et avec des dommages moindres, de l'épisode de juin 2010, la crue du Préconil qui toucha Sainte-Maxime les 18 et 19 septembre 2009, commune du littoral située dans l'arrondissement de Draguignan 87 ( * ) .
Il faut remonter loin dans le temps pour retrouver des épisodes meurtriers : la crue de la Nartuby en 1827 (6 morts) et celle du Gapeau en 1651 (44 morts). En outre, les inondations affectent à l'époque des territoires ruraux, adaptés à ce risque. Les dommages s'en trouvent réduits et surtout leur impact sur les esprits est différent.
Enfin, le risque inondation ne constitue pas dans l'esprit de la population, des élus et des fonctionnaires le risque majeur. Les feux de forêt constituent la principale menace. Au cours de l'été 2003 par exemple, avec les dramatiques incendies qui ont ravagé le grand sud-est (Provence-Alpes-Côte d'Azur et Corse), près de 40 000 ha sont partis en fumée. Ces incendies - les pires depuis l'année 1973 - firent une dizaine de victimes dont 3 pompiers. En Provence-Alpes-Côte d'Azur, 24 000 ha de forêts furent brûlés. « À lui seul, le Var, frappé les 17 et 28 juillet par les incendies spectaculaires et répétitifs des Maures, a vu 18 000 ha se calciner » 88 ( * ) . De 1986 à 2006, les superficies brûlées s'élèvent à plus de 85 000 ha au total pour 7 400 départs de feu, avec de fortes variations annuelles. Plusieurs de ces incendies ont fait blessés et victimes parmi les pompiers ou la population. Bilan de la période : 27 personnes, dont 17 sapeurs-pompiers et 7 pompiers du ciel, ont perdu la vie dans le Var.
Il est donc naturel que ce soit le risque feux de forêts qui occupe les esprits.
Si le risque d'inondation est pris en compte dans le schéma départemental d'analyse et de couverture des risques de novembre 2007, si le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) a même créé une unité spécialisée systématiquement engagée lors des inondations, c'est plus par acquis de conscience qu'autre chose.
Les retours d'expériences après la catastrophe de juin 2010 notent que le contenu des plans communaux de sauvegarde, lorsque ceux-ci existent, s'attache plutôt au risque de feu de forêt qu'au risque d'inondation : « la plupart des PCS ont été élaborés dans la perspective de survenance de feux de forêts, risque considéré comme majeur dans toutes ces communes, du moins depuis quelques années. De fait, le recensement des moyens d'intervention et d'aide, ainsi que des lieux d'accueil, n'a pas examiné leur fragilité face à l'inondation, fut-elle moins importante que celle de juin 2010. Ce recensement n'a pas non plus pris en compte systématiquement les besoins de ce genre d'événement. 89 ( * ) » Autrement dit, si un certain nombre de moyens d'intervention et de lieux d'accueil y ont été situés en zones inondables, c'est généralement par facilité mais parfois aussi parce qu'elles présentaient le maximum de sécurité en cas de feu de forêts !
Nombre de communes ont mis en place des comités communaux feux de forêt (CCFF), c'est dire l'omniprésence de ce risque qui fait l'objet de travaux de protection et de prévention : obligation de débroussaillage, aménagement de coupe-feu et de réservoirs, patrouilles et guets, etc. La mise en place, là aussi dans la douleur, des plans de prévention du risque d'incendie de forêt (PPRIF) a beaucoup plus mobilisé fonctionnaires et élus que celle des PPRI.
Dans le Var, le risque incendie a clairement occulté les autres risques, empêchant une juste évaluation des signaux qui laissaient entrevoir une autre menace : les inondations rapides .
* 86 M. Michel Bellenfant, Une inondation catastrophique en 1827 , Bulletin de la société d'études de Draguignan, 1983.
* 87 Conseil général de l'environnement et du développement durable - Mission sur les inondations Sainte-Maxime 18-19 septembre 2009 - octobre 2009. Ce rapport est intéressant parce qu'il fait état d'une situation assez comparable à celle de juin 2010 dans le déroulement de l'inondation et dans la combinaison des causes.
* 88 L'impact fut d'autant plus retentissant que les incendies menacèrent un littoral au maximum de sa fréquentation touristique estivale. Campings évacués à la hâte, maisons défendues au jet d'eau, hébergement dans des centres de secours improvisés, les images restent dans les mémoires.
1989 : 12 900 ha ; 1990 : 26 000 ha ; 2003 : 18 800 ha dont 14 000 dans le Massif des Maures (17 et 28 juillet, 31 août) ; 2005 : 1 800 ha dans la région de Fréjus (5 juillet), évacuation de milliers de vacanciers, 6 campings touchés, 800 ha ravagés - communes de Carqueiranne et du Pradet (5 août), 700 personnes évacuées, 170 ha brûlés.
* 89 Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) - Inspection générale de l'administration (IGA), Retour d'expériences des inondations survenues dans le département du Var les 15 et 16 juin 2010 - octobre 2010 p.26.