3. Des services de secours partiellement neutralisés

Au plus fort de la crise, le Service départemental d'incendie et de secours départemental (SDIS) et le Centre de secours principal (CSP) de Draguignan, construits en zones inondables, se sont retrouvés neutralisés.

Le transformateur électrique du SDIS, installé au rez-de-chaussée, est noyé, 160 véhicules, soit 10 % de sa flotte, hors d'état de fonctionnement. Le PC mobile est rendu indisponible et 200 postes Antares, récemment livrés, sont perdus.

Ajoutée à la défaillance des moyens de communication, cette neutralisation des moyens d'intervention, en principe mobilisables en priorité, n'a pas facilité la tâche des responsables.

4. Des responsables qui prennent leurs responsabilités

Privé d'une partie des moyens classiques d'intervention, gêné par l'absence quasi-totale de liaisons téléphoniques, le dispositif de gestion de crise s'est trouvé éclaté. Il a donc fallu improviser . Dans l'urgence et face au danger, chaque autorité - maires, préfecture et sous-préfecture, armée, administration pénitentiaire, conseil général -, à son niveau et avec les moyens dont elle disposait, a fait face à la crise, limitant ainsi la catastrophe.

Sur place, la sous-préfète de Draguignan prend sur le terrain la direction des opérations de secours. « Les contacts étaient rompus. Les pompiers ont reconstitué leur mode opératoire acquis pour les feux de forêts, parce qu'il n'y avait pas d'autre choix ; chaque officier a pris le commandement des hommes qui étaient à disposition. »

Initialement installée au CSP de Draguignan, la cellule de crise se replie d'abord dans un supermarché proche en zone non inondable, puis à l'école d'application de l'artillerie de Draguignan.

Le rapport du CGEDD et de l'IGA note la réactivité du commandement qui a ordonné :

- les déplacements successifs du poste de commandement opérationnel ;

- le basculement des appels d'urgence du Centre opérationnel départemental d'incendie et de secours (CODIS) vers les centres de gestion des interventions du Luc et de Fréjus.

Le préfet et son état-major de crise, isolés du théâtre d'opération en raison des communications défectueuses et de l'impossibilité d'effectuer un suivi précis de la situation pendant les heures cruciales, a fait la seule chose en son pouvoir : mobiliser des renforts et surtout les moyens de secours aériens dès 16 h 30. Il en effectuera directement la demande auprès des responsables opérationnels, demande validée par la zone de défense qui, consciente du danger, avait mis préventivement ses moyens en alerte 7 ( * ) .

Selon le Centre d'études techniques de l'équipement Méditerranée (CETE), l' intervention massive et rapide (le premier hélitreuillage aura lieu à 16 h 38) des hélicoptères a largement contribué à limiter le nombre des victimes : 1 350 personnes évacuées par hélicoptères. 26 appareils de la sécurité civile, de la gendarmerie, de l'armée de terre, de la marine nationale et des douanes ont participé au sauvetage, de jour comme de nuit. Ils ont ainsi totalisé chacun 10 heures de vol pendant la seule journée du 16 juin.

Il ressort de témoignages de plusieurs maires de Dracénie, rencontrés lors du déplacement de la mission, privés pendant plusieurs heures du secours de la sécurité civile, qu'ils ont dû gérer l'urgence avec leurs seuls moyens 8 ( * ) . Dans ce cadre, les CCFF, très actifs dans le département du Var, et dont les volontaires ont été en première ligne dès le début de l'inondation, ont joué un rôle essentiel.

En outre, dans la journée du 15 juin, avant même d'en avoir reçu l'ordre, l'administration pénitentiaire et le parquet, qui s'est rendu sur place, font préventivement évacuer les étages inférieurs de la prison de Draguignan , évitant ainsi un drame majeur.

Enfin, dès le matin du 16 juin, les autorités militaires de la place ont mobilisé hommes et moyens. Ils resteront présents sur le terrain tant que nécessaire, aux côtés des services techniques des communes avoisinantes et du conseil général. Les CCFF, des équipes de la sécurité civile ou de volontaires venues, pour certaines, d'autres départements (Alpes-Maritimes notamment), seront aussi à pied d'oeuvre pour nettoyer, restaurer et remettre en service ce qui pouvait l'être.

Une fois les problèmes de première urgence touchant aux personnes réglés, la principale préoccupation sera l'évacuation des carcasses de voitures, embâcles et déchets divers avec les problèmes de stockage que cela suppose. Il en coûtera 2 millions d'euros à la seule communauté d'agglomération dracénoise (CAD).

À cela il faut ajouter, comme toujours heureusement dans ce genre de situation, les initiatives courageuses de sauveteurs improvisés restés pour beaucoup anonymes.

Ainsi, dans l'adversité, alors même que l'organisation planifiée des secours était inopérante, grâce à l'initiative et à la mobilisation d'un grand nombre d'acteurs, une organisation inédite s'est mise en place pour éviter le pire.


* 7 Lors de son audition devant la mission, le Général Chavancy, chef de la division emploi de l'État-major des armées, a indiqué qu'au vu de l'alerte orange de Météo-France, les armées avaient pris les précautions nécessaires dès le matin du 15 juin pour vérifier la disponibilité des moyens susceptibles d'être déployés à première demande des autorités civiles. Ceci explique, avec la proximité géographique de leurs lieux de stationnement habituel, que ces moyens aient pu intervenir dans des délais aussi courts.

* 8 La vision du préfet du Var en juin 2010, Hugues Parant, est sensiblement différente, ainsi qu'il ressort de son audition : « Les crues de 2010 ont frappé par leur ampleur soudaine, mais les maires ont été alertés la veille même des événements. Le lendemain, une nouvelle alerte a été lancée. À 10 h, je réunissais le COD. À midi, l'inondation nous contraignait à fermer l'aéroport d'Hyères, seule commune alors inondée. Je lance une nouvelle alerte aux maires... La préparation de l'État était donc plus élaborée que l'on a bien voulu le dire, ce qui nous a beaucoup servi. »

Le rapport du CGEDD et de l'IGA retiendra, lui, « l'effort particulier de préparation à la crise que la préfecture du Var a engagé à la suite de la tempête Xynthia en février 2010 ». Il note, par ailleurs, la réactivité du commandement des secours : « les moyens engagés ont permis de sauver 2 450 personnes, dont 1 100 sauvetages au sol... »

Stendhal nous avait déjà prévenus, sur l'exemple de Waterloo : les combattants ne sont pas les mieux placés pour comprendre ce qui se passe vraiment dans une bataille.

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