C. L'ASSURANCE ET LES RÉPARATIONS

Après la catastrophe, assurer la remise en état, veiller au versement des indemnisations et prévenir les conséquences d'une reproduction du drame sont d'évidentes priorités.

Dans le but louable de mieux répondre à chaque problème spécifique, de multiples dispositifs ont donc été créés, donnant à ce système complexe l'allure d'une « usine à gaz » .

Côté positif, l'existence de ces différents régimes d'indemnisation permet aux sinistrés de bénéficier d'un « filet assurantiel » dont les mailles sont assez fines pour limiter les cas de non indemnisation totale.

Le tableau ci-dessous donne une vue synthétique de cette multiplicité de cas de figure et les dispositifs qui leur répondent, dispositifs détaillés dans les paragraphes suivants.

La couverture des risques naturels en France

Dommages

Types de biens

Assurables

(couverts par le droit commun des assurances)

Non couverts

(dits « non assurables)

Biens

Assurés

Non assurés

Particuliers et entreprises (non agricoles)

Assurances
(garantie Tempête,
contractuelle)

Solidarité

Régime

« catnat »

Exploitations agricoles

Subventions
publiques
(collectivités territoriales et/ou État)
circonstancielles

Calamités agricoles

Collectivités

Programme 122

Menace sur les personnes

FPNRM (fonds « Barnier »)

Source : mission commune d'information d'après une synthèse communiquée par M. Yann Boaretto, médiateur des assurances

1. L'indemnisation par les sociétés d'assurances

D'après les derniers chiffres communiqués par les fédérations de sociétés d'assurance, les inondations de novembre 2011 représentent un total d'environ 78 000 sinistres pour un coût global estimé à 400 millions d'euros .

Pour mémoire et à titre de comparaison, les inondations, plus violentes mais moins diffuses, des 15 et 16 juin 2010 ont concerné 35 700 sinistres seulement mais pour un coût de l'ordre de 615 millions d'euros. Sur ce total, les inondations du Var représentent plus du tiers des indemnités versées par le régime des catastrophes naturelles.

Pour le marché de l'assurance, le coût des inondations en moyenne annuelle sur la période 1990-2010 ressort à 530 millions d'euros 64 ( * ) .

Si les assureurs se déclarent spontanément mobilisés 65 ( * ) , comme la mission a pu le constater lors de différentes auditions ou de ses déplacements, les pouvoirs publics ont également veillé à mettre en place un cadre facilitant la gestion des sinistres 66 ( * ) . À noter, cependant, que tous les sinistrés ne partagent pas cette vision un peu irénique des choses, parfois par méconnaissance des subtilités assurantielles, mais pas toujours.

À chaque fois, en tous cas, les arrêtés portant reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, condition préalable à l'ouverture du régime « catnat » ont été pris rapidement.

Tous les dommages causés aux biens ne sont toutefois pas indemnisés par le biais de ce régime « catnat » et il convient de distinguer risques assurables et risques non assurables , notions, en plus, qui n'ont pas le même sens s'agissant des particuliers et des collectivités territoriales

D'un point de vue juridique, les catastrophes naturelles sont des « risques non assurables », les risques assurables étant ceux couverts par le droit commun des assurances , donc hors du régime « catnat » comme le passage d'une tempête, la grêle, le gel ou le poids de la neige. Ces risques relèvent des garanties contractuelles de droit commun et non du régime « catnat ».

Certains dommages causés par la pluie ou les effets du vent relèvent ainsi de la garantie « tempêtes », dont la mise en jeu ne nécessite pas la reconnaissance d'un état de « catastrophe naturelle ». Le détenteur du contrat se trouve indemnisé pour les dommages matériels subis , par exemple du fait du vent mais pas du fait de l'inondation qui l'accompagne. Sont couverts par la garantie « tempêtes » les dommages matériels causés aux biens par l'action directe du vent ou du choc d'un corps renversé ou projeté par le vent ainsi que les dommages de mouille causés par la pluie lorsque celle-ci a pénétré à l'intérieur des bâtiments mais seulement dans les jours qui suivent la tempête.

Le régime « catnat », garantie obligatoire dans les contrats d'assurances, permet quant à lui la prise en charge des risques non assurables , à l'instar des inondations. Comme il a été vu, il se singularise entre autres par l'existence d'une réassurance publique avec garantie de l'État .

En réalité, le régime « catnat » fait jouer un rôle essentiel à la Caisse centrale de réassurance (CCR), dont les assureurs seraient les courtiers et agents sur le terrain. Pour M. Paul-Henri Bourrelier, il s'agit ainsi « d'un régime hybride utilisant les assureurs comme exécutants d'un dispositif sous fort contrôle étatique ». On en arrive donc à se demander si ce dispositif, qui a le parfum et l'apparence d'un système assurantiel, ne serait pas en fait une procédure d'indemnisation publique financée par les assurés avec garantie d'État. D'où la question : plutôt que d'asseoir son financement sur une « surprime », pourquoi ne pas l'asseoir sur une taxe, ce qui aurait l'avantage de bien faire ressortir le versant « solidarité » du système ?

La CCR, qui bénéficie de la garantie de l'État mais auprès de laquelle les assureurs ne sont cependant pas obligés de se réassurer, constitue des provisions et des réserves grâce aux primes perçues au titre du régime « catnat ». Notons que ce dernier a toujours été en équilibre, voire excédentaire depuis sa mise en place, la garantie de l'État n'ayant été appelée qu'une seule fois, en 1999. La perspective d'une catastrophe de très grande ampleur, comme un séisme sur la Côte d'Azur ou des inondations à Paris qui inquiète les assureurs, le mettrait cependant en difficulté, l'État n'intervenant qu'au-delà d'un certain niveau, pour environ 3 milliards d'euros aujourd'hui. Un sinistre à Nice ou à Paris coûterait entre 5 et 15 milliards d'euros. On mesure à ce type de problème l'ambiguïté du système.

Autre problème, le niveau des franchises, exprimé en pourcentage dans le régime « catnat », peut représenter, en valeur absolue, des sommes considérables pour les entreprises utilisant un matériel coûteux, une charge pouvant les empêcher de redémarrer leur activité après un sinistre, surtout dans les communes sans PPRN.

Ces franchises, qui ne sont pas indexées, ont été fixées par l'arrêté du 10 août 1982 et ont, par la suite, fait l'objet de plusieurs révisions 67 ( * ) . Depuis le 1 er janvier 2002, elles s'établissent comme suit :

- 380 euros pour les particuliers 68 ( * ) ;

- pour les biens à usage professionnel, 10 % du montant des dommages , d'une part, et trois jours ouvrés , d'autre part, pour les seules pertes d'exploitation 69 ( * ) . Toutefois, si une franchise plus élevée est prévue dans la garantie de base, c'est cette dernière qui sera appliquée.

Enfin, depuis le 1 er janvier 2001, une modulation de ces franchises est appliquée dans deux cas : lorsque les communes victimes d'une catastrophe naturelle ne disposent pas d'un PPRN ou lorsque, pour ces communes, un PPRN a été prescrit mais non approuvé dans un délai de 4 ans. Un coefficient multiplicateur y est appliqué en fonction du nombre de reconnaissances de l'état de catastrophe naturelle pour le même type de péril au cours des 5 années précédentes :

- 1 à 2 constatations : application normale des franchises ;

- 3 constatations : doublement des franchises ;

- 4 constatations : triplement des franchises ;

- 5 constatations ou plus : quadruplement des franchises.

Curieux mécanisme qui pénalise gravement des personnes qui ne sont responsables ni de l'importance des dégâts subis, ni de l'absence de PPRN approuvé dans leur commune.


* 64 Voir le tableau inséré p. 198 et 199. Il s'agit de des indemnités versées au titre du régime « catnat ». La CCR estime à 5 % de ce montant, les dommages indemnisés en dehors du régime « catnat » : dommages survenus sur des communes non reconnues en état de catastrophes naturelles (intensité limitée), frais non couverts par la garantie « catnat » (frais de relogement notamment).

* 65 Les deux fédérations de sociétés d'assurance en ont témoigné, lors de leur audition au Sénat par la mission. Elles ont notamment souligné leur recours massif à des experts extérieurs aux départements sinistrés, signe d'une volonté de procéder à des indemnisations dans des délais rapides de manière favorable aux victimes. De même, les sociétés d'assurance ont versé des avances sur indemnisation selon les besoins et les circonstances, avec une attention particulière pour les personnes en grande difficulté du fait des conséquences des inondations.

* 66 Outre la mise en place d'un médiateur par les pouvoirs publics et d'un conciliateur par les sociétés d'assurance elles-mêmes, les victimes ont bénéficié de facilités en matière fiscale et sociale, telles que des remises, sur demande du contribuable, de cotisations de taxe d'habitation et de taxe foncière, ou encore un examen avec bienveillance, par les services fiscaux et les Urssaf, des demandes de délais de paiement et de remise de majoration et de pénalités pour le paiement des impôts et des cotisations sociales. Le coût direct de l'ensemble de ces mesures fiscales est estimé, pour les seules inondations du Var de 2010, à 4 millions d'euros.

* 67 Arrêtés des 7 et 19 septembre 1983 et arrêtés du 5 septembre 2000.

* 68 La franchise de 380 euros des particuliers s'applique aux biens à usage d'habitation, véhicules terrestres à moteur et autres biens à usage non professionnel. Pour les dommages imputables aux mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et/ou à la réhydratation des sols (subsidence), son montant est de 1 520 euros. Des modalités spécifiques peuvent de plus figurer dans les contrats d'assurances des particuliers et la franchise prévue par le contrat peut être supérieure à la franchise légale.

* 69 Il s'agit plus précisément de 10 % du montant des dommages matériels directs par établissement et par événement avec un minimum de 1 140 euros (sauf en ce qui concerne les dommages imputables aux mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et/ou à la réhydratation des sols pour lesquels le montant est de 3 050 euros) et, pour les pertes d'exploitation, 3 jours ouvrés avec un minimum de 114 euros.

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