CONCLUSION : S'ORGANISER ET SE PROTÉGER POUR MIEUX HABITER LES TERRITOIRES INONDABLES

Au terme de ce retour sur la tragédie varoise de 2010 et les inondations qui, en 2011, ont touché une grande partie du sud-est français et la Ligurie italienne, éclairé par les analyses des catastrophes survenues antérieurement dans le même secteur géographique ou ailleurs et par les réponses qui ont pu leur être apportées, une conviction s'est imposée à nous : le moment est venu de reconsidérer notre manière d'appréhender le risque inondation et d'y répondre, ce qui ne serait qu'une nouvelle étape d'une histoire déjà longue.

Pour apporter une réponse réellement efficace à l'attente de nos concitoyens et de leurs élus, on ne peut pas se contenter de perfectionner les dispositifs techniques de prévision, d'alerte et d'intervention, même s'il faut évidemment le faire, le nombre de nos préconisations en témoignent. Fonder l'essentiel de la prévention sur la réglementation, sur le bon vouloir ou la mauvaise conscience des élus après une catastrophe, sans l'engagement de faire, c'est se condamner sinon à l'échec, du moins à la langueur. Même si, que ce soit clair, les zones, qui auront été classées dangereuses au terme d'une procédure transparente, doivent rester inconstructibles.

Mais, comme on l'a vu, réglementation rigoureuse, même en matière d'urbanisme, est loin de rimer avec prévention efficace. Plutôt que de se contenter de déplorer et de condamner aussi régulièrement qu'inutilement les manquements à cette réglementation, la résistance des habitants des zones inondables à quitter les lieux, l'acharnement des élus à développer leur commune, il serait plus efficace d'intégrer cette donnée pour en faire un moteur de la prévention contre l'inondation. Plus efficace de faire comprendre qu'on n'habite pas un territoire à risque sans un minimum de contraintes et d'efforts, individuels et collectifs

L'incertitude quant à l'évolution climatique, rend plus nécessaire que jamais la remise à plat de notre approche de l'inondation, la population et les intérêts concernés ne pouvant qu'augmenter.

Notre conviction est qu'il faut passer d'une logique de protection pour elle-même, de territoires inondables qui par parenthèse représentent plus de la moitié des communes et produisent une part essentielle de la richesse nationale, à une logique d'aménagement de ces territoires pour permettre de continuer à y vivre. Plus exactement, il s'agit d'intégrer la logique de la protection dans une problématique plus large, celle de l'aménagement et du développement. Même si la France n'est pas les Pays-Bas, il est impensable d'en déménager la moitié sous le saint prétexte de la mettre hors d'eau. Autrement dit, il s'agit de mieux protéger pour mieux habiter les territoires inondables. Cela est possible puisque cela existe, à l'étranger et aussi en France, comme le montre l'exemple de Sommières. Cela existe mais au prix d'un engagement et d'efforts, sur la durée, des élus et de la population

Dès lors qu'on admet qu'aucune protection n'est absolue, qu'on ne protège jamais que contre un aléa d'un certain niveau, contre des inondations d'une certaine occurrence (10 ans, 30 ans, 100 ans, 1 250 ans, 10 000 ans comme les Hollandais), il devient évident que ce qu'il est possible de faire dans une zone dépend du niveau de l'aléa accepté comme référence, des travaux effectués pour le contenir dans les limites choisies, de l'attitude et des capacités de réaction de la population concernée. Dans cette affaire, c'est la dimension humaine qui devient essentielle.

Il ne s'agit pas de généraliser un quelconque marchandage de droits à construire contre des risques pour la population, ce qui serait aussi stupide qu'odieux, mais de faire en sorte que le projet de développement territorial non seulement intègre le risque et donc la protection contre celui-ci, mais fasse d'un handicap un atout.

Cela suppose l'association de la population à ce projet et donc transparence et moyens, cela suppose la mobilisation des élus et de l'État.

Nous pensons que c'est seulement à partir du moment où elles s'intègrent dans un projet global et équitable de développement territorial que les nécessaires interdictions de construire et de résider, les contraintes environnementales ou de toute autre nature auront une chance d'être acceptées, autrement dit de n'être pas oubliées, ou contournées comme c'est largement le cas aujourd'hui. Quand réalisera-t-on que, même en matière de sécurité, le prêchiprêcha et les mouvements de menton ne sauraient remplacer analyse lucide et action résolue, avec les engagements financiers qui vont avec.

Autrement dit, il s'agit de faire de l'inondation le problème de tout le monde et de se donner les moyens de ses ambitions.

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