N° 717

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2011-2012

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 juillet 2012

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la Bulgarie et la Roumanie : la transition inachevée ,

Par MM. Simon SUTOUR, Michel BILLOUT, Mme Bernadette BOURZAI, M. Jean-François HUMBERT et Mme Catherine MORIN-DESAILLY,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Simon Sutour , président ; MM. Michel Billout, Jean Bizet, Mme Bernadette Bourzai, M. Jean-Paul Emorine, Mme Fabienne Keller, M. Philippe Leroy, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Georges Patient, Roland Ries , vice-présidents ; MM. Christophe Béchu, André Gattolin, Richard Yung , secrétaires ; MM. Nicolas Alfonsi, Dominique Bailly, Pierre Bernard-Reymond, Alain Bertrand, Éric Bocquet, Gérard César, Mme Karine Claireaux, MM. Robert del Picchia, Michel Delebarre, Yann Gaillard, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Jean-François Humbert, Mlle Sophie Joissains, MM. Jean-René Lecerf, Jean-Louis Lorrain, Jean-Jacques Lozach, François Marc, Mme Colette Mélot, MM. Aymeri de Montesquiou, Bernard Piras, Alain Richard, Mme Catherine Tasca.

INTRODUCTION

1. Bulgarie et Roumanie : retour sur un élargissement historique

Le traité d'adhésion à l'Union européenne de la Roumanie et de la Bulgarie a été signé à Luxembourg, le 25 avril 2005. Ces deux pays étaient alors les deux derniers pays de l'Est à retourner dans le sein de l'Europe. C'est ainsi qu'était tenue enfin une promesse, vieille de treize ans, par laquelle l'« Europe libre » annonçait à l'« Europe libérée » que ceux qui, en Europe centrale et orientale, le désiraient pourraient entrer dans l'Union européenne. On sous-entendait qu'il s'agissait d'un retour à un ordre normal et on attendait des pays candidats qu'ils adoptent les valeurs de l'Union et consentent à des efforts très importants pour rattraper le temps perdu et répondre aux critères économiques et démocratiques exigeants dont l'Union européenne se fait le porte-drapeau.

C'est ce qui fut fait et, de surcroît, à un rythme très soutenu tant était grand alors le désir de rejoindre le club des démocraties relativement riches et stables. Toutefois, si la Roumanie et la Bulgarie ont prouvé, depuis l'accord d'association de février 1995 jusqu'à leur adhésion en 2007, qu'elles étaient capables d'un vigoureux élan vers la réforme, et si l'Union européenne était prête à considérer que leur entrée avait aussi une valeur politique qui compensait largement leurs retards économiques et institutionnels, il est très vite apparu que l'adhésion se ferait sans que le niveau de préparation de la Roumanie et de la Bulgarie soit parfait à la date définitive de leur entrée, notamment sans que l'État de droit soit parachevé.

En effet, en 2005, le rapport de suivi de la Commission indiquait que 16 domaines pour la Bulgarie, 14 pour la Roumanie s'avéraient « très préoccupants ». En 2006, il ne restait plus que 6 secteurs pour la Bulgarie comme le contrôle des fonds agricoles, la mise en place d'installations agricoles plus salubres, la lutte contre les réseaux de criminalité organisée, la lutte contre la fraude et la corruption, la lutte contre le blanchiment des capitaux, et enfin la consolidation du contrôle financier en vue de l'utilisation alors à venir des fonds structurels et de cohésion. En 2006, pour la Roumanie, la Commission relevait 4 secteurs préoccupants : le contrôle des fonds agricoles, la mise en place d'installations agricoles plus salubres, la nécessité d'installer des systèmes informatiques compatibles avec ceux de l'Union européenne pour la gestion des paiements directs de la PAC et la perception de la TVA. La route s'annonçait longue, mais chacun en convenait.

On rappellera aussi que le traité de Luxembourg comprenait trois clauses de sauvegarde classiques (on les trouvait déjà dans le traité d'Athènes) qui sont relatives à l'économie en général, au marché intérieur et au domaine dit « Justice et affaires intérieures ». Ces clauses devraient permettre à la Commission de prendre, de sa propre initiative ou à la demande d'un Etat membre, des mesures pour remédier aux carences qui seraient constatées après l'adhésion.

Cependant, deux clauses spécifiques à la Roumanie et à la Bulgarie ont été ajoutées dans le traité de Luxembourg : l'idée était de pouvoir reporter la date d'adhésion en cas de nécessité. La première clause permettait au Conseil de décider à l'unanimité, sur la base d'une recommandation de la Commission, de reporter l'adhésion d'un an si l'un des deux pays se montrait manifestement incapable de remplir ses engagements dans plusieurs domaines importants.

La seconde clause ne concernait que la Roumanie : elle permettait aussi le report de l'adhésion si la Roumanie ne respectait pas certains engagements pris au titre du chapitre « Justice et affaires intérieures » et de celui de la concurrence.

A la satisfaction de tous, aucune de ces deux clauses ne se révéla utile. Toutefois, elles trahissaient un climat de prudence qui avait des explications tant subjectives , car l'enthousiasme de l'élargissement était passé et les « non » français et néerlandais avaient rendu incertaine la poursuite des réformes institutionnelles, qu' objectives , car les négociateurs avaient découvert des pays nettement plus en retard que ceux de l'élargissement précédent.

En 2006, il était admis que la Bulgarie et la Roumanie, au prix d'une activité législative intense et d'efforts politiques exemplaires, avaient atteint un « degré élevé d'alignement sur l'acquis communautaire », mais on constatait aussi qu'un grand nombre de domaines continuaient à poser de vrais problèmes. La Commission signalait dans son rapport que pour la Bulgarie, des efforts supplémentaires étaient nécessaires en matière de justice et de lutte contre la corruption ; elle déplorait que le fisc, les douanes, l'administration des transports, l'inspection vétérinaire et les collectivités locales restent exposés à la corruption. Enfin, elle notait des insuffisances dans le domaine de la sécurité aérienne.

Pour les Roumains, en 2006, la Commission demandait également une intensification de la lutte contre la corruption et elle relevait que la protection des minorités n'avait pas encore enregistré des progrès véritablement tangibles.

A la veille d'un élargissement historique dont la force politique et symbolique n'échappait à personne, il semblait nécessaire pourtant de rester lucide et de mettre toutes les chances du côté des deux nouveaux entrants en balisant le chemin de leur progression. Pour ce faire, fut créé le Mécanisme de coopération et de vérification (MCV), garant des conditions requises pour fonder un véritable État de droit.

RÉCAPITULATIF DES OBJECTIFS DE RÉFÉRENCE
DÉFINIS PAR LA COMMISSION EN 2006

Pour la Bulgarie :

1. Adopter des modifications de la constitution supprimant toute ambiguïté au sujet de l'indépendance et de la responsabilisation du système judiciaire.

2. Garantir un processus judiciaire plus transparent et plus efficace en adoptant et en mettant en oeuvre une nouvelle loi sur le système judiciaire et le nouveau code de procédure civile. Rendre compte de l'incidence de ces deux nouvelles lois, ainsi que des codes de procédure pénale et administrative, notamment au cours de la phase d'instruction.

3. Poursuivre la réforme du système judiciaire, de manière à renforcer le professionnalisme, la responsabilisation et l'efficacité. Évaluer les effets de cette réforme et en publier les résultats chaque année.

4. Mener des enquêtes professionnelles et non partisanes sur les allégations de corruption de haut niveau et en rendre compte. Établir des rapports sur les inspections internes d'institutions publiques et sur la publication des biens personnels détenus par les hauts fonctionnaires.

5. Prendre des mesures supplémentaires pour prévenir et combattre la corruption, notamment aux frontières et au sein de l'administration locale.

6. Mettre en oeuvre une stratégie destinée à lutter contre la criminalité organisée, particulièrement axée sur les délits graves, le blanchiment de capitaux et la confiscation systématique des biens des délinquants. Rendre compte des enquêtes, mises en cause et condamnations nouvelles et en cours dans ce domaine.

Pour la Roumanie :

1. Garantir un processus judiciaire à la fois plus transparent et plus efficace, notamment en renforçant les capacités et la responsabilisation du Conseil supérieur de la magistrature. Rendre compte de l'incidence des nouveaux codes de procédure civile et administrative et l'évaluer.

2. Constituer, comme prévu, une agence pour l'intégrité dotée de responsabilités en matière de vérification de patrimoine, d'incompatibilités et de conflits d'intérêts potentiels, mais aussi de la capacité d'arrêter des décisions impératives pouvant donner lieu à la prise de sanctions dissuasives.

3. Continuer, en se basant sur les progrès déjà accomplis, à mener des enquêtes professionnelles et non partisanes sur les allégations de corruption de haut niveau.

4. Prendre des mesures supplémentaires pour prévenir et combattre la corruption, en particulier au sein de l'administration locale.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page