II. L'AVENIR DES FORCES NUCLÉAIRES FRANÇAISES
Le Président de la République a confirmé à plusieurs reprises le maintien de la stratégie de dissuasion nucléaire. L'analyse des menaces faite dans le rapport sur le format et l'emploi des forces montre que le risque d'un conflit symétrique de type conventionnel ou nucléaire contre notre pays est extrêmement faible. Il n'est pas nul et personne n'est capable de dire ce qu'il en sera demain ou après-demain.
Cette stratégie de dissuasion nucléaire donne en outre à la France un outil politique de grande valeur pour peser sur la scène internationale et conserver son siège au Conseil de sécurité des Nations unies.
La France a toujours cherché à maintenir son arsenal au niveau le plus faible. Le principe de stricte suffisance est central dans la doctrine française.
Le coût des forces nucléaire est de l'ordre de 3,5 milliards d'euros par an (11 % du budget annuel de défense et 1,2 % du total des dépenses du budget de l'État pour 2012 et 0,125 % du PIB). Il s'agit d'une garantie solide de protection pour un coût assez modique, même s'il est évident qu'il y a, du fait de la sanctuarisation, un certain effet sur les dépenses conventionnelles.
La force de dissuasion existe. L'un des arguments les plus pertinents consiste à faire remarquer que l'abandonner puis la reconstruire serait très difficile, très long et très coûteux, voire impossible. Dès lors, sa modernisation s'impose pour maintenir, dans la durée, sa crédibilité opérationnelle et nos capacités de recherche et de développement.
Il peut-être tentant de redimensionner les forces nucléaires, mais il est indéniable que le fait de disposer de deux composantes donne au Président de la République une plus large palette d'options militaires et met nos armées à l'abri des surprises stratégiques. Qui sait si demain, un saut technologique ne pourrait réduire les capacités de l'une ou l'autre des composantes ?
Au surplus, forces stratégiques et forces conventionnelles forment un continuum étroitement imbriqué (certaines capacités des forces aériennes stratégiques peuvent se voir confier d'autres missions) et les retombées, dans le domaine civil, de la recherche et des process industriels mis en oeuvre pour la dissuasion nucléaire sont nombreuses (missile balistique M51 et fusée Ariane V reposent sur un socle industriel commun pour ne citer qu'un exemple).
Si ce n'est la modernisation de la flotte de ravitailleurs en vol qui a pris un retard très préoccupant, les programmes de renouvellement des deux composantes de la dissuasion ont été réalisés. L'effort d'investissement sur cette génération est derrière nous. Mais c'est dans le quinquennat qui s'ouvre que les décisions de lancer les programmes d'études pour la prochaine génération d'armes devront être prises ou non.
L'un des points importants de la lettre de mission de la commission du Livre blanc est de faire porter la réflexion sur la façon d'assurer une meilleure articulation entre la stratégie de dissuasion et les autres volets de la politique générale de défense. Il me semble en effet évident que la qualité de nos forces conventionnelles participe et renforce la dissuasion. C'est là où réside l'un des dangers de l'exercice puisque, selon moi, les recherches d'économies pourraient porter, au-delà de ce qu'il sera possible de faire sur le fonctionnement, sur le conventionnel. Il nous faudra être très vigilants.