III. LES CAPACITÉS INDUSTRIELLES MILITAIRES CRITIQUES
Maintenir notre autonomie stratégique, c'est-à-dire l'autonomie d'appréciation, de décision et d'action, c'est assurer la protection des capacités industrielles sachant qu'elles dépendent très largement de la forme que l'Etat souhaite donner à son outil de défense.
Ces décisions seront en conséquence fonction de l'analyse à laquelle est conviée la commission du Livre blanc qui consiste dans un premier temps à confronter les ambitions de défense, résultat des exercices de prospective stratégique et opérationnelle, aux moyens et ressources, pour en déduire le format des armées en tenant compte des apports en termes de partage capacitaire et de partage opérationnel que peuvent nous apporter nos alliances.
La commission du Livre blanc devra esquisser ou déterminer une méthode pour dresser la liste de ces capacités. Il est important qu'outre les capacités industrielles à protéger, l'État poursuive ses efforts pour surveiller les matériaux critiques et notre capacité d'approvisionnement. Je renvoie au rapport de Jacques Blanc sur ce sujet que nous avons publié en 2011.
Nous avons obtenu - quand je dis nous je pense au ministre, à l'Etat-major et à notre commission - le respect de la séquence Livre blanc - LPM - budget. Le budget de la défense pour 2013 sera un budget d'attente. Nous veillerons à ce qu'il le soit bien. Ma préoccupation vient du fait que la programmation triennale sera néanmoins faite et votée avant le budget pour 2014. Il faudra mettre tout notre poids politique pour que cette programmation ne préempte pas de facto les orientations que nous donnerons dans le Livre blanc et qui seront transcrites dans la LPM. J'ai l'intention avec nos deux représentants au sein de la commission du Livre blanc de proposer une sorte de règle d'or du budget consacré à la défense qui, selon moi, doit être compris entre un minimum de 1,5 et un maximum de 2 % du PIB hors pensions.
Ce rapport et d'autres, notamment celui sur le format, ont souligné qu'en matière d'équipements, la hausse des prix n'est pas une fatalité. L'État ne doit pas renoncer à obtenir le meilleur prix des industriels, cela suppose de faire converger plusieurs types d'actions comme le réexamen des doctrines d'emploi pour déterminer les domaines où il est possible d'acquérir des équipements moins gourmands en technologie, l'utilisation de la concurrence et des appels d'offres pour acquérir certains équipements non critiques, la coopération au niveau européen sur la base d'une plus grande intégration pour la rendre plus économique... Cela suppose d'élaborer et de rendre publique une stratégie d'acquisition des équipements militaires, recommandation du Livre blanc de 2008 qui n'a pas été mise en oeuvre.
L'un des enjeux sera également de déterminer une stratégie industrielle de défense qui a pour but de maintenir la base industrielle et de technologie de défense. Cette stratégie est distincte de la stratégie d'acquisition des équipements, car elle englobe d'autres questions telles que l'emploi industriel, le maintien des bureaux d'étude, l'efficacité économique de la dépense de défense ou encore l'importance de l'industrie de défense dans la compétition technologique grâce à des technologies duales.
La stratégie d'acquisition et la stratégie industrielle doivent être conciliées, il est important que la commission du Livre blanc propose des modalités d'arbitrage entre les deux visions.
L'industrie de défense est un pôle d'excellence de l'industrie française. Au moment où l'on prône la réindustrialisation de notre pays, ce secteur doit être pris en considération. Il représente des emplois, de l'ordre de 250 000, un solde positif en termes de balance commerciale de 2,7 milliards d'euros et des retombées positives pour le budget de l'État et les comptes sociaux. Son avenir passe-t-il par la constitution de monopoles nationaux qui laissent l'État acheteur en situation de faiblesse, ou ne faut-il pas favoriser la constitution de groupes européens d'une taille critique suffisante pour concurrencer leurs compétiteurs sur les marchés mondiaux (en forte expansion) et offrir aux armées européennes des équipements performants mais moins chers ?
Quelle action mener sur les règles d'acquisition pour permettre l'émergence d'un marché européen de la défense ? Comment éviter que nos concurrents américains, protégés par le « buy american act », se trouvent en situation d'égalité avec nos industriels européens ? C'est le débat que nous avions lancé sur la préférence communautaire.
Comment faire émerger des programmes de coopération européens en matière d'armement qui puissent dans une approche plus intégrée, peut-être au prix de l'abandon du principe du juste retour et de sur-spécifications, réduire les coûts grâce à l'allongement des séries ?
Jusqu'où aller en matière de partage capacitaire avec nos alliés européens ?
Comment faire évoluer notre stratégie industrielle de défense de concert avec nos alliés européens alors que les tentatives ont jusqu'à présent été décevantes ?
Cela passe d'abord par le partage sur la vision stratégique d'ensemble avec deux, trois ou plusieurs partenaires européens.
Il est très positif à cet égard que nos alliés les plus proches, l'Allemagne et la Grande-Bretagne, soient associés à la commission du Livre blanc.